Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 III 123



127 III 123

21. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 21 décembre 2000 dans la
cause André & Cie S.A. contre CMB Transport NV (recours en réforme) Regeste

    Art. 117 IPRG; internationales Privatrecht; Anknüpfung des
Frachtvertrages.

    Haben die Vertragsparteien keine abweichende Rechtswahl getroffen,
untersteht der Frachtvertrag nach schweizerischem internationalen
Privatrecht dem Recht des Staates, in dem der Frachtführer seinen
gewöhnlichen Aufenthalt hat (E. 2).

Sachverhalt

    A.- CMB Transport NV (ci-après: CMB), à Anvers (Belgique), s'est
engagée à transporter par bateau du Havre (France) à Luanda (Angola),
moyennant rémunération, vingt-quatre containers de viande congelée. Deux
connaissements ont été émis à ce sujet le 19 octobre 1992. Le 3 novembre
1992, le navire est arrivé devant le port de Luanda qui était fermé
pour une durée indéterminée à cause d'une guerre civile qui frappait
l'Angola. Comme l'évolution du conflit était totalement imprévisible durant
les quatre premiers jours du mois de novembre 1992 et que la cargaison
transportée était périssable, le transporteur a décidé de dérouter le
navire sur Pointe-Noire (République du Congo), où la marchandise a été
entreposée.

    Déclarant représenter les "intérêts marchandises", André & Cie S.A. a
reproché au transporteur d'avoir pris une décision jugée hâtive. Le
port de Luanda ayant été rouvert le 6 novembre 1992, CMB, par télex du 9
novembre 1992, a fait savoir qu'un transport entre Pointe-Noire et Luanda
n'interviendrait que sur une nouvelle base contractuelle. Le 27 novembre
1992, André & Cie S.A. a écrit à CMB ce qui suit: "Nous garantissons que
le paiement du transport sera fait dès que le cas de force majeure que
vous invoquez s'avérera justifié".

    Le navire du transporteur est arrivé à Luanda le 30 novembre 1992.

    B.- Le 16 mars 1995, CMB a actionné André & Cie S.A., réclamant à
cette dernière les frais d'entrepôt à Pointe-Noire et le prix du transport
entre cette ville et Luanda.

    Par jugement du 13 septembre 1999, le Tribunal civil du district de
Lausanne a rejeté la demande.

    Statuant sur recours de la demanderesse par arrêt du 15 mars 2000,
la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a au contraire admis
la demande, considérant que la guerre civile en Angola constituait un
cas de force majeure selon le droit interne suisse.

    C.- André & Cie S.A. exerce un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Reprochant principalement à la cour cantonale de ne pas avoir
appliqué la loi étrangère désignée par le droit international privé suisse,
elle conclut à l'annulation de l'arrêt précité, la cause étant retournée
à la Chambre des recours.

    Le Tribunal fédéral admet le recours, annule l'arrêt attaqué et
renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) L'intimée réclame en premier lieu à la recourante le paiement
des frais d'entreposage à Pointe-Noire.

    Il ne résulte pas des constatations cantonales - qui lient le
Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ) - que la
défenderesse aurait demandé au transporteur d'entreposer la marchandise. Il
faut donc exclure que la créance invoquée tire son fondement d'un rapport
contractuel spécial, par exemple un mandat.

    La prétention déduite en justice repose entièrement sur l'exécution
du contrat de transport entre Le Havre et Luanda. La question est de
savoir si le transporteur était en droit de dérouter le navire et de
mettre la marchandise en lieu sûr aux frais de son cocontractant. Ces
questions dépendent des règles qui gouvernent le contrat de transport.

    b) L'intimée réclame également à la recourante le paiement du transport
de Pointe-Noire à Luanda.

    Sur ce point, la cour cantonale a retenu souverainement que la
recourante s'est obligée directement à l'égard de l'intimée à payer les
frais en question. Il n'est pas nécessaire de s'interroger ici sur la
qualification juridique de cet engagement; il suffit de constater qu'il
est clairement conditionné au fait que l'intimée puisse établir qu'elle
était en droit de dérouter le navire. Partant, il n'est pas possible de
statuer séparément sur cet engagement, sans examiner préalablement la
question de la bonne exécution du contrat dont l'objet était le transport
de la marchandise entre Le Havre et Luanda.

    c) Il sied donc de déterminer quel est le droit applicable au contrat
précité.

    Selon les constatations cantonales, l'intimée s'est obligée, moyennant
rémunération, à transporter de la marchandise d'un lieu à un autre. Selon
la loi du for, la convention conclue par l'intimée doit être qualifiée
de contrat de transport (art. 440 al. 1 CO).

    Il ne résulte pas de l'état de fait déterminant qu'une élection de
droit a été convenue (art. 116 LDIP; RS 291).

    En pareille situation, le contrat est régi par le droit de l'Etat avec
lequel il présente les liens les plus étroits (art. 117 al. 1 LDIP). Ces
liens sont réputés exister avec l'Etat dans lequel la partie qui doit
fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ou, si
le contrat est conclu dans l'exercice d'une activité professionnelle ou
commerciale, son établissement (art. 117 al. 2 LDIP). Comme le contrat
de transport a pour objet un service, il faut considérer que ce service
constitue la prestation caractéristique (art. 117 al. 3 let. c LDIP). En
conséquence, le contrat de transport, en droit international privé suisse,
est régi, en l'absence d'élection, par le droit de l'Etat dans lequel
le transporteur a sa résidence habituelle (KELLER/KREN KOSTKIEWICZ,
IPRG Kommentar, n. 80 ad art. 117 LDIP; BERNARD DUTOIT, Commentaire de
la loi fédérale du 18 décembre 1987, 2ème éd., n. 27 ad art. 117 LDIP;
PATOCCHI/GEISINGER, Code de droit international privé annoté, n. 13 ad
art. 117 LDIP; ERNST STAEHELIN, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 12 ad
art. 440 CO; déjà sous l'ancien droit: ATF 74 II 81 consid. 1).

    Du moment que l'intimée a conclu le contrat dans l'exercice de son
activité professionnelle ou commerciale, c'est le lieu de son établissement
qui est déterminant (art. 117 al. 2 LDIP). L'établissement d'une société
se trouve dans l'Etat dans lequel elle a son siège ou une succursale
(art. 21 al. 3 LDIP).

    In casu, il n'a pas été retenu que le contrat aurait été passé
avec une succursale. Le rattachement dépend ainsi du siège social de
l'intimée, lequel se situe à Anvers. Cette ville se trouve en Belgique,
et nullement - comme cela apparaît sur la couverture de l'arrêt cantonal -
aux Pays-Bas. Le nom "Antwerpen" figurant à la page 2 de l'arrêt déféré
n'est que la désignation de cette même ville en langue flamande.

    Il s'ensuit que le contrat de transport entre Le Havre et Luanda est
régi par le droit belge.

    d) Il appartenait à l'autorité cantonale d'établir le contenu du droit
étranger et de l'appliquer (art. 16 al. 1 LDIP). Elle devait examiner les
clauses du contrat à la lumière d'éventuelles dispositions impératives du
droit belge. A défaut de clauses contractuelles, elle devait appliquer les
règles de droit dispositif en vigueur en Belgique. La Chambre des recours
devait également tenir compte des traités internationaux applicables dans
ce pays.

    Il est vrai que les notions en cette matière ont été largement unifiées
par la Convention internationale pour l'unification de certaines règles
en matière de connaissement (RS 0.747.354.11) conclue le 25 août 1924. Ce
traité international ne peut cependant être pris en considération qu'en
tant qu'il est applicable en Belgique (cf. ATF 99 II 99 consid. 2),
avec les éventuelles réserves émises par ce pays. Même si la Belgique,
par l'effet d'un accord international, a adopté les mêmes normes que la
Suisse, cela n'a pas pour conséquence de transformer le droit belge en
droit suisse.

    Quand le droit international privé suisse désigne une loi étrangère,
cette désignation s'étend en principe à toutes les dispositions applicables
à la cause (art. 13 LDIP). En particulier, la loi étrangère désignée règle
aussi bien la naissance que les effets de l'obligation; elle régit donc
également les conséquences d'une inexécution ou d'une mauvaise exécution
(ATF 125 III 443 consid. 3c).

    e) En l'espèce, la cour cantonale a examiné la question de la force
majeure en se référant, sans aucune explication, à la jurisprudence et
à la doctrine du droit interne suisse, alors que ce droit n'était pas
applicable. Sans conteste, la cour cantonale a transgressé l'art. 117 LDIP,
norme de droit fédéral qui lui imposait de rechercher et d'appliquer le
droit belge. Lorsque - comme c'est le cas en l'occurrence - l'autorité
cantonale méconnaît les règles fédérales régissant la détermination du
droit applicable, il s'agit d'une violation du droit fédéral qui peut
être invoquée dans un recours en réforme (cf. ATF 121 III 246 consid. 3d,
436 consid. 4b/bb).

    f) Dès l'instant où l'autorité cantonale n'a pas appliqué du tout
le droit étranger désigné par le droit international privé suisse,
le Tribunal fédéral ne peut - contrairement à l'opinion de l'intimée -
qu'annuler l'arrêt entrepris et renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale
pour nouvelle décision (ATF 121 III 246 consid. 3d). Il n'appartient
pas à la juridiction fédérale d'appliquer le droit étranger en première
et dernière instance; cette solution s'impose d'autant plus que si la
cour cantonale avait jugé selon le droit belge, le recours en réforme
n'aurait pas été ouvert pour se plaindre d'une violation du droit étranger
(cf. art. 43a al. 2 OJ a contrario; ATF 125 III 443 consid. 3b).

    g) A toutes fins utiles, il faut observer que la recourante a
soutenu dans la procédure que les circonstances commandaient d'attendre
quelques jours pour que la situation se clarifie; la cour cantonale n'a
manifestement pas répondu à cet argument en se bornant à observer que la
guerre civile est un cas de force majeure en droit suisse.

    Si l'on peut comprendre que la défenderesse puisse être tenue sur
la base de son engagement conditionnel de payer les frais du transport
de Pointe-Noire à Luanda, on ne parvient pas à saisir sur quelles
bases juridiques elle serait tenue de payer les frais d'entreposage
à Pointe-Noire. Sur ce point, la cour cantonale donne des explications
obscures, affirmant que la recourante avait acquis la marchandise (p. 3 de
l'arrêt déféré) et que celle-ci avait été assurée par son intermédiaire
(p. 4 du même arrêt). A supposer que la Chambre des recours considère
que la recourante est l'expéditeur dans le contrat qui avait trait au
transport de la marchandise entre Le Havre et Luanda, il lui incombe
d'exposer pourquoi le nom de cette dernière n'apparaît pas dans les
connaissements; d'après ces documents (sur la notion de connaissement:
STAEHELIN, op. cit., n. 21 à 23 ad art. 443 CO; PIERRE ENGEL, Contrats
de droit suisse, 2ème éd., p. 752), il semble que l'expéditeur soit
un tiers agissant en son propre nom, mais pour le compte d'autrui
(vraisemblablement la recourante). Si la cour cantonale pense que la
défenderesse a repris l'obligation de l'expéditeur (à titre privatif
ou cumulatif), elle doit indiquer quel est l'acte juridique qui fonde
cette situation. Bien entendu, la représentation ou la reprise de dette
doivent être examinées à la lumière de l'ordre juridique désigné par le
droit international privé suisse.