Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 III 118



127 III 118

20. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 5 janvier 2001 dans la
cause Al Bank Al Saudi Al Hollandi contre Ibrahim Abdullatif Al-Issa
(recours en réforme) Regeste

    Art. 4, 5 und 9 Abs. 1 IPRG; Arrestprosequierungsklage;
Gerichtsstandsvereinbarung und Rechtshängigkeit.

    Wenn trotz einer Gerichtsstandsvereinbarung zu Gunsten ausländischer
Gerichte am schweizerischen Arrestort geklagt wird, so hat der
schweizerische Richter, wenn ihn bekannte Tatsachen erkennen lassen,
dass ein Verfahren am gewählten Gerichtsstand hängig ist, von Amtes wegen
zu prüfen, ob Rechtshängigkeit im Sinne von Art. 9 Abs. 1 IPRG vorliegt.
Trifft dies zu, so hat er grundsätzlich das Verfahren auszusetzen (E. 3).

Sachverhalt

    En 1989, Ibrahim Abdullatif Al-Issa s'est engagé à couvrir les dettes
d'une société en faveur de la banque "Al Bank Al Saudi Al Hollandi"
(ci-après: la Banque), en Arabie Saoudite. Cet acte contenait une clause
de prorogation de for en faveur des tribunaux d'Arabie Saoudite.

    Le 21 novembre 1995, la Banque a introduit une demande auprès du
Comité pour le règlement des litiges bancaires d'Arabie Saoudite tendant
à obtenir le remboursement par Ibrahim Abdullatif Al-Issa des fonds prêtés.

    En 1997, la Banque a obtenu le séquestre de biens immobiliers situés
à Rolle et appartenant à Ibrahim Abdullatif Al-Issa. Elle a ouvert une
action en validation de séquestre auprès du Tribunal cantonal vaudois,
en requérant la constatation qu'Ibrahim Abdullatif Al-Issa lui devait
l'équivalent du montant réclamé en Arabie Saoudite.

    Ibrahim Abdullatif Al-Issa, qui contestait la compétence des autorités
judiciaires vaudoises, a formé une requête incidente en déclinatoire. Par
jugement incident du 7 juillet 1999, le juge instructeur a rejeté la
requête du défendeur; il a en revanche donné suite à la demande subsidiaire
de la Banque et il a suspendu la cause jusqu'à droit connu sur la procédure
pendante en Arabie Saoudite.

    Par arrêt du 29 mars 2000, la Chambre des recours du Tribunal cantonal
a admis le recours formé par Ibrahim Abdullatif Al-Issa à l'encontre du
jugement incident du 7 juillet 1999; elle a considéré que la requête en
déclinatoire de compétence formée par celui-ci était bien-fondée et a
déclaré la Banque éconduite d'instance.

    Contre cet arrêt, la Banque a interjeté un recours en réforme au
Tribunal fédéral qui a été admis.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- La demanderesse reproche à la cour cantonale d'avoir violé le droit
fédéral en refusant d'entrer en matière sur l'exception de litispendance
découlant de l'art. 9 al. 1 LDIP (RS 291) qu'elle avait invoquée.

    a) Il ressort de l'art. 1 de cette loi que, sous réserve des traités
internationaux, la compétence des autorités judiciaires suisses en matière
internationale est régie par la LDIP.

    Dès lors qu'aucun traité international n'est applicable à la présente
cause, il convient d'examiner la compétence des autorités cantonales
saisies sous l'angle de la LDIP exclusivement.

    b) Selon l'art. 4 LDIP, lorsque la loi ne prévoit aucun autre for
en Suisse, l'action en validation de séquestre peut être introduite
au for suisse du séquestre. Le for suisse du séquestre n'est cependant
pas exclusif. Une élection de for, au sens de l'art. 5 LDIP, est donc
admissible (ATF 119 II 66 consid. 2a), à la condition toutefois que le
jugement rendu au for élu puisse être reconnu en Suisse (ATF 118 II 188
consid. 3a et les références citées). L'art. 5 al. 1 in fine LDIP prévoit
que, sauf stipulation contraire, l'élection de for est exclusive, ce qui
signifie que le tribunal suisse saisi malgré une clause de prorogation
de for désignant une autre autorité doit en principe se dessaisir, à
moins que la partie défenderesse procède au fond sans formuler de réserve
(art. 6 LDIP; FRANÇOIS KNOEPFLER/PHILIPPE SCHWEIZER, Droit international
privé suisse, 2e éd., Berne 1995, no 614). Cette exclusivité n'empêche
cependant pas le juge suisse de suspendre la procédure si les conditions
de l'art. 9 al. 1 LDIP sont réunies (admis implicitement in: ATF 118 II
188 consid. 3b et c; cf. PAUL VOLKEN, IPRG Kommentar, Zurich 1993, art. 5
LDIP no 32; BERNARD DUTOIT, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre
1987, 2e éd., Bâle 1997, art. 5 LDIP no 9). Cette disposition prévoit
que, lorsqu'une action ayant le même objet est déjà pendante entre les
mêmes parties à l'étranger, le tribunal suisse suspend la cause s'il est
à prévoir que la juridiction étrangère rendra, dans un délai convenable,
une décision pouvant être reconnue en Suisse.

    Il résulte des faits retenus, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral
en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que la garantie du 15 novembre
1989 signée par le défendeur en faveur de la demanderesse prévoyait une
prorogation de for en faveur de l'Arabie Saoudite, ce que les parties
ne contestent pas. Il est également établi qu'une procédure portant
sur la même créance que celle faisant l'objet de la procédure ouverte
en Suisse et opposant les mêmes parties a été introduite antérieurement
en Arabie Saoudite. La question litigieuse consiste donc à se demander
si l'autorité judiciaire cantonale pouvait, dans ces circonstances,
se contenter de mettre fin à l'instance en se déclarant incompétente en
vertu de l'art. 5 LDIP ou si elle devait se prononcer sur une éventuelle
suspension de la procédure au sens de l'art. 9 al. 1 LDIP.

    c) La cour cantonale a refusé d'entrer en matière sur la suspension
en indiquant en substance que c'est seulement si le juge se reconnaît
compétent qu'il doit examiner la litispendance. Or, comme la clause
de prorogation de for excluait sa compétence dans le cas d'espèce,
elle n'avait pas à appliquer l'art. 9 al. 1 LDIP. En outre, les juges
ont précisé qu'ils pouvaient s'écarter de l'ATF 118 II 188, puisque
cette jurisprudence visait le cas où l'exception de litispendance avait
été soulevée par le défendeur, alors qu'en l'espèce celui-ci n'avait
invoqué que le déclinatoire, l'exception de litispendance émanant de
la demanderesse.

    d) Dans l'arrêt cité par la cour cantonale, le Tribunal fédéral
s'est prononcé dans un contexte absolument identique au cas d'espèce, à
savoir celui où une action au for du séquestre a été ouverte en Suisse,
bien qu'une procédure soit déjà pendante à l'étranger, au for élu par
les parties. Il a tout d'abord rappelé qu'en matière de validation de
séquestre, la prompte sauvegarde de prétentions compromises est d'une
importance primordiale. Puis, examinant la portée de l'art. 9 LDIP, il a
relevé que la suspension de la cause en cas de litispendance, préconisée
par la doctrine, était désormais la règle et devait être ordonnée chaque
fois que l'on ne pouvait raisonnablement exclure que la procédure pendante
entre les mêmes parties à l'étranger débouche, dans un délai convenable,
sur une décision susceptible d'être reconnue en Suisse (cf. ATF 118 II 188
consid. 3b p. 191 et les références citées). La jurisprudence a récemment
précisé que, selon l'art. 9 al. 1 LDIP, les conséquences juridiques de la
litispendance consistent en premier lieu dans la suspension de la cause,
le tribunal suisse ne se dessaisissant pas de l'affaire. Il ne le fera
qu'ultérieurement, pour autant qu'une décision étrangère pouvant être
reconnue en Suisse lui soit présentée (art. 9 al. 3 LDIP) (ATF 126 III
327 consid. 1c p. 329 et les références citées).

    Contrairement à ce que soutient la cour cantonale, les règles
jurisprudentielles précitées s'appliquent, que l'exception de litispendance
émane du défendeur, du demandeur ou même qu'elle n'ait pas été soulevée
par les parties. En effet, lorsque les faits en sa possession laissent
apparaître qu'une procédure est pendante à l'étranger, le juge suisse
a l'obligation de vérifier d'office s'il y a litispendance au sens
de l'art. 9 al. 1 LDIP (en ce sens: IVO SCHWANDER, Einführung in das
internationale Privatrecht, vol. I: Allgemeiner Teil, 3e éd., St.-Gall
2000, p. 308 no 643; PAOLO M. PATOCCHI/ELLIOTT GEISINGER, Code DIP annoté,
Lausanne 1995, art. 9 LDIP no 2; MARTINA WITTIBSCHLAGER, Rechtshängigkeit
in internationalen Verhältnissen, thèse Bâle 1992, p. 133; OSCAR VOGEL,
Rechtshängigkeit und materielle Rechtskraft im internationalen Verhältnis,
RSJ 86/1990 p. 77 ss, 83; ANTON K. SCHNYDER, Das neue IPR-Gesetz, 2e
éd. Zurich 1990, p. 27). Le fait que seule la demanderesse se soit
prévalue de la suspension n'autorisait donc pas la cour cantonale à
refuser l'examen des conditions d'application de l'art. 9 al. 1 LDIP.
Cette exigence s'impose d'autant plus qu'en matière de séquestre,
l'importance attachée à la sauvegarde des prétentions suppose que le
juge saisi en Suisse d'une demande en validation soit particulièrement
attentif à la litispendance.

    En outre, comme le caractère exclusif de la prorogation de for prévu
à l'art. 5 al. 1 LDIP n'empêche pas l'application de l'art. 9 al. 1 LDIP
(cf. supra let. b), le juge ne peut se déclarer incompétent et mettre fin
à l'instance au motif qu'une clause de prorogation de for a été valablement
conclue en faveur d'un tribunal étranger, alors qu'il ressort des faits de
la cause qu'une procédure portant sur un objet à première vue identique est
pendante au for désigné par les parties. Il doit alors se demander s'il n'y
a pas lieu de suspendre la procédure conformément à l'art. 9 al. 1 LDIP.

    Enfin, la solution résultant de l'arrêt attaqué revient à exclure la
suspension de l'art. 9 al. 1 LDIP dès que l'on est en présence d'une clause
d'élection de for valablement conclue, ce qui fait perdre tout sens à cette
disposition, puisqu'elle vise justement à coordonner les compétences dans
des situations où plusieurs fors (alternatifs ou subsidiaires) coexistent
(cf. VOLKEN, op. cit., art. 9 LDIP no 2; DUTOIT, op. cit., art. 9 LDIP
no 1).

    En mettant fin à l'instance sans entrer en matière sur une éventuelle
suspension de la procédure selon l'art. 9 al. 1 LDIP, la cour cantonale a,
par conséquent, violé le droit fédéral.

    e) Dans ces circonstances, il convient d'annuler l'arrêt attaqué
et de renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale pour qu'elle complète
le dossier au besoin et qu'elle statue à nouveau (art. 64 al. 1 OJ). Il
lui appartiendra d'examiner si les conditions d'application de l'art. 9
al. 1 LDIP sont réunies, ce qui l'amènera à examiner si la procédure
auprès du Comité pour le règlement des litiges bancaires d'Arabie
Saoudite est toujours pendante. Si tel est le cas, la cour cantonale
devra encore rechercher si l'on peut exclure, avec une vraisemblance
confinant à la certitude, que la juridiction saisie puisse rendre,
dans un délai convenable, une décision susceptible d'être reconnue en
Suisse. S'il subsiste un doute légitime à ce propos, la cause devra
alors être suspendue en application de l'art. 9 al. 1 LDIP (cf. ATF 118
II 188 consid. 3c p. 193), comme l'avait du reste fait l'autorité de
première instance. Si un jugement a été entre temps rendu au for élu et
qu'il peut être reconnu en Suisse (cf. art. 25 ss LDIP), alors la cour
cantonale devra se dessaisir conformément à l'art. 9 al. 3 LDIP. Enfin,
s'il n'y a aucune chance pour que la juridiction étrangère rende dans un
délai convenable une décision susceptible d'être reconnue en Suisse, la
cour cantonale devra alors entrer en matière, l'élection de for dérogeant
au for suisse du séquestre ne pouvant, dans cette hypothèse, être admise
(cf. ATF 118 II 188 consid. 3a et la jurisprudence citée).