Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 III 91



125 III 91

17. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 11 février 1999 dans la
cause Rytz et Cie SA contre Rytz Industriebau AG (recours en réforme)
Regeste

    Markenrecht; Namensrecht und Firma.

    Über Kollisionen zwischen Namensrecht oder Firma und Markenrecht ist
nicht schematisch zu entscheiden, sondern durch Abwägen der gegenseitigen
Interessen, die einem möglichst gerechten Ausgleich entgegenzuführen sind
(Bestätigung der Rechtsprechung). Anwendung dieses Grundsatzes auf den
Fall, wo eine als Domänenname im Internet verwendete Firma einer jüngeren
Marke entgegen steht.

Sachverhalt

    Depuis 1974, l'ingénieur Kurt Rytz a utilisé le nom '«Rytz'« dans
le cadre de l'exploitation de son entreprise sous forme d'une raison de
commerce individuelle. Le 15 mars 1983, cette entreprise a été inscrite
au registre du commerce de Bâle-Campagne sous la désignation «Rytz
Industriebau AG».

    La société Rytz et Cie SA est inscrite sous cette dénomination au
registre du commerce de Nyon depuis le 16 décembre 1987. Elle a déposé la
marque «Rytz» auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle
en décembre 1995.

    S'étant aperçue que Rytz Industriebau AG utilisait le terme «RYTZ.CH»
comme nom de domaine sur le réseau Internet, Rytz et Cie SA a intenté une
action à Genève contre cette société, tendant en substance à l'empêcher
de faire usage de quelque manière que ce soit de la marque «Rytz» sur le
réseau Internet en Suisse. La Cour de justice genevoise ayant rejeté sa
demande, Rytz et Cie SA recourt en réforme au Tribunal fédéral.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.-  La demanderesse, qui se fonde exclusivement sur la Loi fédérale
du 28 août 1992 sur la protection des marques (RS 232.11; ci-après LPM),
invoque une violation des art. 3, 6, 13 et 14 de ladite loi. Elle reproche
en substance à la cour cantonale de n'avoir pas tenu compte de son droit
d'exclusivité sur l'usage de la marque '«Rytz'« pour faire interdire à
la défenderesse d'utiliser ce terme comme nom de domaine sur le réseau
Internet.

    a) On pourrait se demander si le fait d'ouvrir un site Internet
sous une désignation identique à une marque déposée tombe sous le coup
des activités que le titulaire du droit à la marque a la possibilité
d'interdire en vertu de l'art. 13 al. 2 LPM. Cette question n'a toutefois
pas à être tranchée dans le cas d'espèce pour les motifs indiqués ci-après.

    b) Selon l'art. 6 LPM, le droit à la marque appartient à celui
qui la dépose le premier. Ce droit confère au titulaire, en plus du
droit subjectif d'utiliser la marque en exclusivité, le droit notamment
d'interdire à des tiers l'usage de signes frappés d'un motif relatif
d'exclusion de protection (art. 3 al. 1 et 13 LPM); ce droit exclusif
souffre d'une exception en faveur du tiers qui utilisait un signe identique
ou similaire avant le dépôt et qui pourra en poursuivre l'usage dans la
même mesure que jusque là (art. 14 LPM; TROLLER, Manuel du droit suisse des
biens immatériels, Tome I, 2e éd. Bâle 1996, p. 141). Si l'on se place, à
l'instar de la demanderesse, sous l'angle de la LPM uniquement, celle-ci,
en tant que seule titulaire de la marque '«Rytz'«, serait légitimée à se
prévaloir des droits découlant de la LPM à l'encontre de la défenderesse
et le bien-fondé de ses prétentions devraient alors être analysées au
regard du droit des marques.

    Il ne faut toutefois pas perdre de vue que la marque enregistrée dans
le cas d'espèce est une désignation patronymique qui figure également
dans la raison de commerce des deux parties. La demanderesse l'a fait
inscrire au registre du commerce depuis le 16 décembre 1987, alors que
la défenderesse l'a enregistrée déjà le 15 mars 1983. Si l'on envisage
le litige exclusivement à la lumière du droit des raisons de commerce,
ce n'est pas la demanderesse, mais la défenderesse, soit la société la
plus ancienne, qui pourrait se prévaloir de la protection conférée par
l'art. 956 CO (cf. ATF 122 III 369 consid. 1).

    Il y a donc conflit entre le droit découlant de la marque et celui
issu de la raison de commerce.

    c) Dans de telles hypothèses, le législateur n'a pas introduit de
règle de prééminence lorsque des lois protégeant des signes de nature
différente se chevauchent, car tous ces droits sont de même valeur (ROLF
H. WEBER, Schutz von Domänennamen im Internet, RSJ 1996 p. 405 ss, 406;
PATRICK TROLLER, Kollisionen zwischen Firmen, Handelsnamen und Marken,
thèse Berne 1979 p. 212). Ce n'est donc pas parce que la demanderesse
possède un droit d'exclusivité conféré par la LPM que celui-ci prime tous
les autres droits de nature à entrer en conflit avec la marque déposée.

    Selon la jurisprudence, les collisions entre droit au nom (ou à la
raison de commerce) d'une part et droit des marques et de la concurrence
déloyale d'autre part ne peuvent être résolues de façon schématique au
moyen de règles uniformes. Il est nécessaire, dans chaque cas particulier,
de peser les intérêts en présence, afin de parvenir à la solution la
plus équitable possible (ATF du 4 juin 1997 dans la cause 4C.516/1996
consid. 3b publié in sic - Revue du droit de la propriété intellectuelle,
de l'information et de la concurrence - 1997/5 p. 493 ss; ATF 116 II 614
consid. 5d p. 619). Confirmant un arrêt antérieur, le Tribunal fédéral a
précisé qu'il ne faut pas accorder de prééminence de principe au droit au
nom; l'existence d'une marque célèbre antérieure justifie que l'on impose
au nouveau concurrent des restrictions quant à l'utilisation d'un homonyme
(ATF 116 II 614 consid. 5d p. 619 et l'arrêt cité).

    La marque «Rytz» détenue par la demanderesse ne peut être qualifiée
de marque célèbre, ce qui n'a du reste jamais été invoqué. Quant à
la défenderesse, elle n'apparaît pas comme un nouveau concurrent qui
chercherait, par l'ouverture d'un site sur le réseau Internet, à profiter
d'une marque antérieure. Au contraire, la défenderesse a utilisé la
dénomination «Rytz» comme qualificatif bien avant la demanderesse. En
effet, depuis le début de ses activités en 1974, elle a fait usage de ce
patronyme, tout d'abord dans sa raison individuelle, puis dans sa raison
de commerce à partir de 1983. Ce nom correspond d'ailleurs à celui de son
fondateur et exploitant, l'ingénieur Kurt Rytz. La dénomination «RYTZ.CH»
du site Internet de la défenderesse s'explique ainsi par le fait que
ce patronyme a toujours été utilisé pour désigner la société. Il ne
s'agit donc pas d'une qualification qui pourrait suggérer une volonté
d'appropriation de la marque de la demanderesse, mais d'une dénomination
fondée sur des raisons objectives, liées à l'existence d'une raison de
commerce bien antérieure au dépôt de la marque de la demanderesse. Dans
ces circonstances, il apparaît que l'intérêt de la défenderesse à utiliser
le patronyme '«RYTZ.CH'« pour désigner son site Internet l'emporte sur
l'intérêt de la demanderesse à se prévaloir de son droit à la marque.

    La cour cantonale n'a ainsi pas violé le droit fédéral en considérant
que la demanderesse ne pouvait invoquer la LPM à son profit.

    d) L'application de la LPM étant écartée, il n'y a pas lieu d'examiner
si la défenderesse pourrait se prévaloir de l'exception en faveur du tiers
utilisant un signe identique ou similaire avant le dépôt de la marque
(art. 14 LPM; cf. supra consid. 3b) ni de se demander si l'utilisation
de la dénomination du site Internet était en relation avec des produits
ou services identiques ou similaires à ceux du titulaire de la marque (cf.
art. 3 et 13 LPM).

    Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté et l'arrêt
attaqué confirmé.