Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 III 305



125 III 305

53. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 25 mai 1999 dans la cause
B. S.A., X. et Y. contre S. et D. Ltd en liquidation (recours en réforme)
Regeste

    Bürgschaft oder Garantievertrag?

    Bedeutung der Auslegung von Willenserklärungen zwecks Unterscheidung
der beiden Personalsicherheiten. Bei der Auslegung aufgrund des
Vertrauensprinzips ist dem Wortlaut der von den Parteien verwendeten
juristischen Begriffe keine entscheidende Bedeutung zuzumessen,
insbesondere wenn es sich um ausländische - natürliche oder juristische -
Personen handelt (E. 2).

Sachverhalt

    A.-  Par contrat du 19 juillet 1990, X. et Y, domiciliés à Londres,
ont vendu à D. Ltd (une société anglaise contrôlée par son administrateur
S. domicilié en Grande-Bretagne), pour le prix de 800'000 £, 75%
du capital-actions de M. S.A., société de Côte d'Ivoire active dans
l'électroménager et le matériel photographique. Le contrat a été soumis
au droit suisse, avec une prorogation de for en faveur des tribunaux
genevois et du Tribunal fédéral.

    Conformément aux souhaits des vendeurs, des billets à ordre,
destinés au paiement du prix de vente, ont été établis à l'ordre d'une
société panaméenne, B. S.A. Les clauses du contrat prévoyaient que D. Ltd
s'engageait à relever X. et Y. de tous les engagements personnels qu'ils
avaient pris à l'égard de tiers pour des dettes de M. S.A.; la vente ne
devait déployer ses effets qu'après l'exécution de cette obligation. Selon
l'art. 11 du contrat - qui emploie le terme de «porte-fort» -, S. s'est
engagé à titre personnel à garantir l'exécution de tous les engagements
pris par la société acheteuse et à indemniser les vendeurs ainsi que M.
S.A. pour tous les dommages qu'ils pourraient subir à raison d'engagements
pris pour la société par l'acheteuse avant le moment où la vente devait
produire ses effets. Avant de signer le contrat du 19 juillet 1990,
avec une annexe contenant son engagement personnel, S. avait soumis
ces documents à un avocat genevois, qui lui avait déconseillé de signer
l'engagement de porte-fort, ce que ses cocontractants savaient.

    D. Ltd n'a pas entièrement exécuté ses obligations: X. n'a pas
été complètement relevé de ses engagements et quatre billets à ordre,
représentant le solde du prix de vente, n'ont pas été honorés.

    Par lettre du 17 avril 1991, D. Ltd a sollicité en vain une
prolongation des délais de paiement, invoquant la situation économique
difficile en Côte d'Ivoire.

    Par courrier du 16 mai 1991, D. Ltd et S. ont déclaré invalider le
contrat du 19 juillet 1990, pour tromperie intentionnelle au sujet de
la valeur réelle des actions M. S.A. et, subsidiairement, pour erreur
essentielle sur les mêmes circonstances. Les 6 et 7 juin 1991, B. S.A. et
X. ont obtenu à Genève quatre séquestres au préjudice tantôt de D. Ltd,
tantôt de S., en invoquant, comme cause de l'obligation, «l'exécution
du contrat du 19 juillet 1990». Ces séquestres ont été validés par des
poursuites.

    B.-  Agissant en validation des séquestres, B. S.A., X. et Y. ont
déposé une demande en paiement dirigée contre S. et D. Ltd, tombée en
faillite entre-temps.

    Les mesures probatoires ont permis d'établir que la situation
financière et commerciale de M. S.A. était bonne avant la vente, que la
comptabilité de la société était à jour et que S. l'avait examinée et
s'était soigneusement renseigné.

    Par jugement du 10 septembre 1997, le Tribunal de première instance
a condamné à paiement la société D. Ltd en liquidation (défaillante). En
revanche, il a débouté les demandeurs de toutes leurs conclusions prises
contre S., considérant que l'engagement personnel que celui-ci avait
contracté le 19 juillet 1990 était un cautionnement, et non un porte-fort,
qui devait être déclaré nul pour vice de forme.

    Statuant sur appel des demandeurs par arrêt du 9 octobre 1998, la
Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement précité.

    C.-  Les demandeurs recourent en réforme au Tribunal fédéral. Soutenant
que l'engagement personnel de l'intimé devait être qualifié de porte-fort,
que tout au plus une nullité partielle aurait dû être retenue et qu'il
aurait fallu examiner la portée des avals donnés par le défendeur,
ils concluent à l'annulation de la décision attaquée, en tant qu'elle
libère l'intimé S., et prennent des conclusions sur le fond contre ce
dernier en paiement à X. de 1'125'000 fr. et à B. S.A. de 863'906 fr.,
plus intérêts à 17% du 19 avril 1991.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était
recevable et confirmé l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) La principale question litigieuse est de savoir si l'engagement
personnel pris par l'intimé le 19 juillet 1990 doit être qualifié de
porte-fort (art. 111 CO) ou de cautionnement (art. 492 CO). S'il s'agit
d'un cautionnement, il n'est pas contesté qu'il est nul pour vice de forme
(cf. art. 493 al. 2 CO).

    b) Celui qui se porte fort promet au stipulant le fait d'un tiers et
s'engage à lui payer des dommages-intérêts si ce tiers ne s'exécute pas
(art. 111 CO). Dans la promesse de porte-fort analogue au cautionnement,
le fait promis consiste en l'exécution d'une obligation du tiers envers
le stipulant (ATF 113 II 434 consid. 2a; CHRISTOPH PESTALOZZI, Commentaire
bâlois, n. 6 ad art. 111 CO; GEORGES SCYBOZ, Le contrat de garantie et le
cautionnement, Traité de droit privé suisse VII, 2, p. 14). Dans tous les
cas, celui qui se porte fort assume une obligation indépendante; celle-ci
peut exister même si le tiers n'est pas débiteur du bénéficiaire ou si son
obligation est nulle ou invalidée (PIERRE TERCIER, Les contrats spéciaux,
2e éd., n. 5314 p. 646 et 5325 p. 648).

    En cas de cautionnement, la caution s'engage envers le créancier à
garantir le paiement de la dette contractée par le débiteur (art. 492
al. 1 CO). Le cautionnement revêt un caractère accessoire en ce sens
qu'il ne peut exister que sur une obligation valable (art. 492 al. 2 CO).

    Le critère de distinction essentiel entre ces deux espèces de
garantie réside dans l'accessoriété, c'est-à-dire le lien de dépendance de
l'engagement de la caution à l'égard de l'obligation du débiteur principal
(ATF 113 II 434 consid. 2b; 111 II 276 consid. 2b). Dans le cautionnement
- contrat accessoire -, le garant assure la solvabilité du débiteur ou
l'exécution d'un contrat, alors que le porte-fort promet au stipulant une
prestation comme telle, indépendamment de l'obligation du tiers (ATF 113
II 434 consid. 2b; arrêt du 25 juillet 1988 dans la cause 4C.19/1988,
reproduit in SJ 1988, p. 552, consid. 1a). Contrairement à la caution,
le porte-fort doit exécuter sa prestation même si l'obligation à la
charge du tiers n'a pas pris naissance, est nulle ou frappée d'invalidité
(ATF 113 II 434 consid. 2a; TERCIER, op.cit., n. 5314 p. 646; PESTALOZZI,
op.cit., n. 6 ad art. 111 CO).

    Pour déterminer l'objet et le contenu d'un contrat, le juge doit
recourir en premier lieu à l'interprétation dite subjective, c'est-à-dire
rechercher la réelle et commune intention des parties, le cas échéant sur
la base d'indices (cf. art. 18 al. 1 CO). La priorité de l'interprétation
subjective est un principe dont la violation peut être invoquée dans un
recours en réforme (ATF 121 III 118 consid. 4b/aa). En l'espèce, la cour
cantonale s'est efforcée en premier lieu de déterminer la volonté réelle
des parties, de sorte que le principe n'a pas été violé.

    La Cour de justice est parvenue à la conclusion qu'il n'était pas
possible de déterminer la réelle et commune intention des parties. Il
s'agit là d'une question d'appréciation des preuves, qui ne peut être
remise en cause dans un recours en réforme (ATF 123 III 165 consid. 3a).

    Lorsque la volonté intime et concordante des parties ne peut pas être
établie, le juge doit rechercher leur volonté présumée en interprétant
leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance; cette
interprétation dite objective consiste à rechercher le sens que chacune
des parties pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations
de volonté de l'autre, en tenant compte des termes utilisés ainsi que du
contexte et de l'ensemble des circonstances dans lesquelles elles ont été
émises; il s'agit d'une question de droit qui peut être revue librement
dans un recours en réforme (ATF 123 III 165 consid. 3a; 122 III 106 consid.
5a, 420 consid. 3a; 121 III 118 consid. 4b/aa).

    Dans l'interprétation objective, la jurisprudence actuelle n'attache
plus une importance décisive au fait que les parties ont utilisé une
expression juridique précise (arrêt non publié du 9 juillet 1998 dans la
cause 4C.436/1997 consid. 2). En effet, la qualification juridique dépend
du sens et du but d'un contrat et l'art. 18 al. 1 CO prescrit clairement
qu'il ne faut pas s'arrêter aux dénominations peut-être inexactes que les
parties ont employées. La règle protectrice de l'art. 493 CO serait trop
facilement éludée s'il suffisait d'insérer le mot «porte-fort» dans la
formule soumise à la signature de la caution, alors que cette dernière
en ignore souvent le sens. Une interprétation littérale stricte ne se
justifie qu'à l'égard de personnes qui sont rompues à l'usage de ces
termes, par exemple des instituts bancaires suisses (arrêt non publié du
9 juillet 1998 précité, ibidem).

    La jurisprudence voit un indice en faveur du porte-fort lorsque
l'obligation du garant est définie de manière indépendante et que la
garantie est donnée à un moment où l'on sait que le débiteur principal
ne pourra probablement pas s'exécuter (arrêt du 25 juillet 1988 dans la
cause 4C.19/1988 consid. 1c/aa, publié in: SJ 1988 p. 553). Elle voit
plutôt un indice en faveur du cautionnement lorsque l'obligation du garant
correspond exactement à celle du débiteur principal et qu'elle est définie
entièrement par référence à celle-ci (ATF 113 II 434 consid. 3b et c).

    L'existence d'un intérêt personnel du garant, distinct de celui du
débiteur principal, est plutôt un indice en faveur du porte-fort, mais
il ne revêt pas de caractère déterminant (ATF 111 II 276 consid. 2b et
c). La renonciation à invoquer les exceptions du débiteur principal ou
à exercer un recours contre lui n'ont pas non plus un caractère décisif
(ATF 113 II 434 consid. 3d et e).

    c) En l'espèce, les parties, qui ont choisi d'appliquer le droit
suisse, ont employé le terme de «porte-fort». Il apparaît cependant, même
si elles sont rompues aux affaires, qu'il s'agit de personnes physiques
ou morales étrangères exerçant leur activité à l'étranger. On ne peut donc
s'en tenir à une interprétation littérale, en admettant d'emblée qu'elles
connaissaient la distinction faite, en droit suisse, entre le cautionnement
et le porte-fort. Que l'intimé ait consulté un avocat genevois avant de
conclure n'y change rien, puisqu'il n'a pas suivi les conseils de celui-ci
et que l'on ne sait pas si l'avocat lui a expliqué la distinction entre
les deux notions et, surtout, s'il les a comprises. Entre personnes
étrangères exerçant leur activité à l'étranger, on ne saurait retenir,
sans autre examen, qu'elles emploient les termes juridiques suisses dans
leur sens propre et qu'une erreur de dénomination est d'emblée exclue.

    Partant, il faut examiner le sens et le but de l'engagement pris
par l'intimé.

    Selon les constatations cantonales, il avait le contrôle de la
société acheteuse. Il aurait donc pu se porter acquéreur, à la place de
celle-ci. Il a cependant choisi de faire intervenir sa propre société
comme acheteuse, manifestant ainsi clairement la volonté de ne pas
être lui-même le cocontractant. Dès lors qu'il a voulu ainsi marquer la
distinction juridique entre lui-même et sa société, il est patent, dans
les circonstances relatées, qu'il ne s'est pas engagé comme codébiteur
solidaire.

    Lorsqu'une personne fait intervenir sa propre société comme
cocontractant, le risque existe pour l'autre partie que cette personne
morale se révèle insolvable. C'est manifestement pour cela qu'une garantie
personnelle de l'intimé a été exigée. La garantie est entièrement définie
en fonction des obligations de la société acheteuse: il s'agit en effet
de payer à sa place ou de verser des dommages-intérêts pour violation
du contrat à sa place. Les vendeurs ont manifestement voulu pouvoir
s'adresser directement à l'intimé si sa société se révélait défaillante.

    Dans une telle situation, on ne peut pas imaginer que l'intimé
ait voulu s'engager même si l'obligation de sa société était nulle ou
invalidée. Il ne s'agissait, de façon reconnaissable, que de garantir
la solvabilité de la société, l'intimé s'obligeant à exécuter toutes les
obligations de celle-ci dans l'hypothèse où elle serait défaillante. On ne
discerne en revanche aucune obligation indépendante, puisqu'il n'est pas
question de payer si la société n'y est pas tenue. Dès lors l'engagement
pris, nonobstant les termes utilisés, se caractérise comme une garantie
accessoire et la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
constatant qu'il s'agit d'un cautionnement (art. 492 al. 1 CO) et que
celui-ci est nul pour vice de forme (art. 493 al. 2 CO).

    C'est en vain que les recourants invoquent le fait que l'intimé avait
consulté un avocat genevois, puisqu'ils ne pouvaient pas en déduire avec
certitude que la distinction entre le cautionnement et le porte-fort avait
été expliquée à l'intimé et qu'il l'avait comprise. L'opinion ultérieure
d'un professeur de droit n'est d'ailleurs pas pertinente pour interpréter
les déclarations faites au moment de la conclusion du contrat. L'existence
ou l'inexistence d'un intérêt propre et direct à l'affaire ne joue pas de
rôle décisif; ce qui compte, c'est que l'intimé ait voulu faire apparaître
comme cocontractant sa société et qu'il n'ait pas voulu s'engager dans
l'hypothèse où celle-ci ne serait pas tenue. Dès lors que la volonté
présumée des parties peut être déduite du but de la convention, il n'y
a pas lieu de faire appel à une présomption subsidiaire, proposée par
la doctrine. L'aval est destiné à garantir le paiement des billets à
ordre; il se distingue donc de la garantie générale donnée par l'intimé
dans l'acte du 19 juillet 1990, qui seule fait l'objet du litige. Que la
garantie mentionnée dans le contrat ait été doublée d'un document distinct
et annexé ne joue pas un rôle déterminant dans l'interprétation. Comme
l'intimé s'est engagé à garantir toutes les obligations de la société,
il n'y a pas à faire de distinction entre l'exécution d'un contrat et des
dommages-intérêts pour inexécution, puisque la société était également
tenue de réparer les conséquences d'une éventuelle violation du contrat. Il
est sans pertinence que le professeur de droit cité par les recourants
ait parlé des «engagements personnels de garantie», puisque cette formule
s'applique aussi bien au cautionnement qu'au porte-fort; en effet, en se
portant caution, l'intimé a fourni une garantie et s'est engagé lui-même,
et non pas seulement sa société. Que l'intimé mérite ou non, en fonction
de son comportement ultérieur, la protection de l'art. 493 CO est sans
pertinence, les règles de forme devant être respectées indépendamment de
telles considérations.

    d) Comme l'engagement de l'intimé se caractérise dans son ensemble
comme un cautionnement, il ne saurait être considéré comme un porte-fort
partiel, de sorte que la question de la nullité partielle évoquée par
les recourants ne se pose pas.

    e) Les recourants voudraient maintenant agir contre l'intimé sur la
base des billets à ordre qu'il a avalisés.

    La cour cantonale a constaté que ce n'était pas l'objet du litige qui
lui était soumis selon les règles de procédure applicables. Le recours
en réforme n'est pas ouvert pour se plaindre de l'application des règles
de procédure cantonale (art. 55 al. 1 let. c OJ).

    Savoir quel était le contenu des écritures, des plaidoiries et des
conclusions devant les instances cantonales relève des constatations
de fait, qui ne peuvent être remises en cause dans un recours en réforme
(art. 55 al. 1 let. c OJ). Les recourants n'établissent d'ailleurs pas une
inadvertance manifeste en respectant les exigences de l'art. 55 al. 1 let.
d OJ.

    Il incombe en principe à la partie demanderesse de déterminer le
contenu et le fondement de sa demande. Elle délimite ainsi l'objet du
litige qu'elle soumet au juge. Le recours en réforme exige l'épuisement des
instances cantonales (art. 48 al. 1 OJ) et exclut des conclusions nouvelles
(art. 55 al. 1 let. b OJ). Il en résulte qu'une partie demanderesse ne
peut pas présenter pour la première fois devant le Tribunal fédéral une
action qui n'a pas été soumise aux juridictions cantonales et qui exigerait
l'établissement d'autres faits (cf. ATF 120 II 229 consid. 1c). Seule
serait admissible en réforme une nouvelle motivation juridique à propos du
même état de fait (cf. ATF 104 II 108 consid. 2); en l'espèce cependant,
il ne s'agit pas de qualifier différemment l'engagement du 19 juillet
1990, mais bien d'examiner d'autres faits, à savoir l'émission et l'aval
de billets à ordre. Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière sur cette
prétention cambiaire qui n'a pas été soumise aux autorités cantonales.