Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 III 108



125 III 108

21. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 23 décembre 1998 dans la
cause Sorelec SA contre Saleh Radwan (recours en réforme) Regeste

    Art. 1 Abs. 2 Ziff. 2 und Art. 17 Abs. 1 Lugano-Übereinkommen;
Ausschluss von Konkursen, Vergleichen und ähnlichen Verfahren; Gültigkeit
einer Gerichtsstandsvereinbarung.

    Gerichtsstandsvereinbarung und Ordre public des Staats, dessen
Zuständigkeit ausgeschlossen wurde (E. 3a).

    Geltung und Auslegung des Lugano-Übereinkommens, insbesondere des
Ausschlusses nach Art. 1 Abs. 2 Ziff. 2 LugÜ (E. 3b-3d).

    Anwendbarkeit von Art. 17 Abs. 1 LugÜ, sofern ein Bezug zu zwei
Mitgliedstaaten des Übereinkommens besteht (E. 3e).

Sachverhalt

    Par convention signée en 1992, Sorelec SA, société française qui avait
effectué des travaux de construction en Libye, s'est engagée à verser à
Saleh Radwan 15% des sommes dues par la Libye qui seraient effectivement
recouvrées. Cet accord prévoyait une prorogation de for en faveur des
tribunaux genevois.

    Sorelec SA a été soumise à une procédure de redressement judiciaire
en février 1993.

    Au mois d'octobre 1993, l'Etat libyen a payé la somme de 153'120'000 FF
à Sorelec SA. Grâce à ces fonds, celle-ci a été en mesure de désintéresser
ses créanciers et a pu continuer son existence.

    Saleh Radwan a déposé à Genève une demande en paiement de 22'968'000
FF à l'encontre de Sorelec SA, qui a excipé de l'incompétence ratione
loci des tribunaux genevois devant les autorités cantonales, puis devant
le Tribunal fédéral.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) La jurisprudence a posé récemment que le juge suisse n'a en
principe pas à se soucier d'une compétence exclusive étrangère; si les
conditions de prorogation énumérées dans la loi suisse sont réalisées, il
se déclarera compétent, quelles que soient les revendications de l'Etat du
for exclu. L'application de la Convention de Lugano ne conduit d'ailleurs
pas à un autre résultat. Certes, selon l'art. 27 ch. 1 CL (RS 0.275.11),
les décisions ne sont pas reconnues si la reconnaissance est contraire à
l'ordre public de l'Etat requis. Toutefois, outre que cette disposition
ne concerne pas la compétence directe du tribunal saisi, mais s'applique
uniquement en matière de reconnaissance et d'exequatur, l'art. 28 al. 4 in
fine CL précise que «les règles relatives à la compétence ne concernent
pas l'ordre public visé à l'art. 27, point 1» (ATF 124 III 134 consid.
2b/aa/ccc p. 142 et les références citées).

    Par conséquent, il importe peu que la décision en cause puisse être
contraire à l'ordre public français. Seule est déterminante la question
de savoir si celle-ci est conforme aux dispositions légales applicables.

    b) La Convention de Lugano appartient au droit fédéral et son
application peut faire l'objet d'un recours en réforme au Tribunal fédéral
(ATF 123 III 414 consid. 2b p. 418). En vigueur depuis le 1er janvier
1992 en Suisse et en France, elle est donc applicable ratione temporis,
puisque l'action a été introduite le 22 novembre 1995, soit postérieurement
à son entrée en vigueur dans l'Etat d'origine (art. 54 al. 1 CL; ATF
124 III 436 consid. 4a; 119 II 391 consid. 2 p. 393). En outre, lorsque
l'art. 17 CL, qui a trait à l'élection de for, confère une compétence aux
tribunaux d'un Etat contractant qui, telle la Suisse, n'est pas membre
de l'Union européenne, la convention s'applique en matière de compétence,
à l'exclusion de la Convention de Bruxelles. Peu importe que les parties
(en l'espèce la défenderesse) soient domiciliées sur le territoire d'un
Etat membre de l'Union européenne (art. 54ter ch. 2 let. a CL; ATF 124
III 134 consid. 2b/aa/bbb p. 139). Reste à déterminer si l'objet du
litige fait partie des matières régies par la convention.

    c) La Convention de Lugano de 1988 dépend étroitement de la Convention
de Bruxelles de 1968 qui lui a servi de modèle. Les décisions rendues par
la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après: CJCE) au sujet
des dispositions de la Convention de Bruxelles, reproduites en substance
dans la Convention de Lugano, peuvent donc être en principe utilisées dans
l'interprétation de cette dernière. Il convient toutefois de réserver les
cas où l'interprétation donnée par la CJCE à la Convention de Bruxelles
serait influencée par l'application conjointe du Traité CE et empêcherait
de ce fait une reprise de cette interprétation par les juridictions non
communautaires appelées à interpréter les concepts correspondant de la
Convention de Lugano (pour de plus amples développements, cf. ATF 124 III
382 consid. 6c et e p. 394 ss et les références citées; ATF 124 III 188
consid. 4b p. 191 s.; 123 III 414 consid. 4 p. 421; 121 III 336 consid. 5c
p. 338 s.). Rien n'indique que cette hypothèse soit réalisée en l'espèce.

    d) L'art. 1 al. 2 ch. 2 CL exclut de la convention les faillites,
les concordats et les autres procédures analogues. Se prononçant sur
le Traité de Bruxelles, la CJCE a indiqué qu'étaient visées par cette
exclusion les procédures fondées, selon les diverses législations des
parties contractantes, sur l'état de cessation de paiement, l'insolvabilité
ou l'ébranlement du crédit du débiteur impliquant une intervention de
l'autorité judiciaire aboutissant à une liquidation forcée et collective
des biens ou, à tout le moins, un contrôle de cette autorité (arrêt CJCE du
22 février 1979, Gourdain c. Nadler, aff. 133/78, Rec. 1979 p. 733 ss). La
procédure de redressement judiciaire du droit français dont a fait l'objet
la défenderesse tombe donc sous le coup de cette exclusion (cf. HÉLÈNE
GAUDEMET-TALLON, Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, Paris 1993,
no 35 p. 24 in fine). Il ne faut cependant pas perdre de vue que le présent
litige ne porte pas sur cette procédure, mais sur une demande en paiement.

    Or, s'agissant des multiples procédures annexes qui peuvent survenir
lors de la liquidation de la faillite, la CJCE a précisé que l'exclusion
ne produit d'effet que si l'action dérive directement de la faillite et
s'insère étroitement dans le cadre d'une procédure de liquidation des biens
ou de règlement judiciaire (arrêt CJCE op.cit., Rec. 1979 p. 744 ch. 4).
Tel n'est pas le cas des actions de droit commun exercées à l'occasion
d'une procédure collective, mais non substantiellement affectées par
celle-ci (YVES DONZALLAZ, La Convention de Lugano, vol. I, Berne 1996,
p. 374 no 954). Les procédures qui ne trouvent pas leur origine dans le
droit des poursuites et qui n'en sont pas une conséquence directe, mais
qui, au contraire, auraient vraisemblablement aussi été conduites sans
la faillite ne sont ainsi pas comprises dans l'exclusion (Jan Kropholler,
Europäisches Zivilprozessrecht, 6e éd., Heidelberg 1998, art. 1 no 36).

    En l'espèce, l'action introduite par le demandeur n'a aucun lien
avec la procédure de redressement judiciaire à laquelle a été soumise
la défenderesse. Elle trouve sa cause dans l'engagement de celle-ci de
verser un montant forfaitaire au demandeur au cas où les sommes dues par
la Libye pourraient être recouvrées. Comme l'a constaté la cour cantonale,
elle aurait été intentée selon toute vraisemblance même si la défenderesse
n'avait fait l'objet d'aucun redressement. Il convient en outre de relever
que le versement de l'Etat libyen, à l'origine de la créance litigieuse,
est intervenu postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement
judiciaire, ce qui démontre bien l'indépendance de ces deux procédures.

    L'action du demandeur ne tombe donc pas sous le coup de l'exception
prévue par l'art. 1 al. 2 ch. 2 CL. Pour les mêmes motifs, cette procédure
ne peut être assimilée à une modalité spéciale de la faillite, de sorte
qu'il ne saurait y avoir une atteinte au principe de l'unité de la faillite
(cf. ATF 115 III 148 consid. 3a p. 154).

    Par conséquent, on ne voit pas en quoi la cour cantonale aurait
violé le droit fédéral en considérant que la Convention de Lugano était
applicable au cas d'espèce.

    e) La Convention de Lugano prévoit que si les parties, dont l'une
au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat contractant, sont
convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat contractant pour
connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de
droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont seuls
compétents. Cette convention attributive de juridiction peut être conclue
notamment par écrit (art. 17 al. 1 let. a CL).

    La jurisprudence a évoqué l'existence d'une controverse au sujet
de l'application de l'art. 17 al. 1 CL lorsque seule une partie a
son domicile sur le territoire d'un Etat contractant (cf. ATF 119 II
391 consid. 2 p. 393). Cette question ne se pose toutefois que dans
les cas où un seul Etat contractant est concerné (LAURENT KILLIAS,
Die Gerichtsstandsvereinbarungen nach dem Lugano-Übereinkommen, Zurich
1993, p. 54; HANS REISER, Gerichtsstandsvereinbarungen nach IPR-Gesetz
und Lugano-Übereinkommen, Zurich 1995, p. 32 s.). Ce qui signifie que
l'application de l'art. 17 al. 1 CL n'est pas contestée lorsque, comme en
l'espèce, une seule partie est domiciliée dans un Etat contractant, mais
que le tribunal élu se situe également dans un autre Etat contractant,
puisqu'il existe alors un lien avec deux Etats parties à la convention
(CHRISTOPHE BERNASCONI/ALEXANDRA GERBER, Der räumlich-persönliche
Anwendungsbereich des Lugano-Übereinkommens, Revue suisse de droit
international et de droit européen 1993, p. 39 ss, 61; cf. KROPHOLLER,
op.cit.,

    art. 17 no 3 et 9). Il n'y a donc pas lieu de prendre position à
propos de la controverse précitée.

    La présente clause de prorogation de for remplit les conditions de
forme et la condition de fond (exigence d'un rapport de droit déterminé)
imposées par l'art. 17 CL (cf. ATF 124 III 134 consid. 2b/aa/bbb p. 139;
GAUDEMET-TALLON, op.cit., no 117 ss p. 80 ss). Il découle en effet des
constatations de fait de la cour cantonale que la défenderesse, domiciliée
en France, et le demandeur sont convenus, par écrit, d'une clause de
prorogation de for en faveur des tribunaux genevois. Cette clause figure
dans un accord signé les 29 janvier et 4 mars 1992 aux termes duquel la
défenderesse a pris des engagements envers le demandeur. Comme l'a reconnu
à juste titre la cour cantonale, cette clause doit en conséquence être
considérée comme valable au regard de la Convention de Lugano, de sorte
que la compétence des tribunaux genevois s'avère fondée.

    Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté et l'arrêt
attaqué confirmé.