Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 123 II 161



123 II 161

21. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 17 avril 1997 dans
la cause A., son épouse Z., ses enfants D. et N. et les sociétés B., J.,
R. et X. contre Chambre d'accusation du canton de Genève (recours de
droit administratif) Regeste

    Rechtshilfe an Russland.

    Die Beschwerdeführer sind nur soweit legitimiert (Art. 80h lit. b IRSG)
als sie sich der Sperrung und Auskunfterteilung bezüglich ihres eigenen
Bankkontos widersetzen; nicht angefochten werden können Massnahmen,
die andere Konten betreffen, wie auch die Beschlagnahme von Urkunden,
die sich in den Händen von Dritten befinden (E. 1d).

    Die ersuchende Behörde verfügt über Befugnisse, die denen einer
gewöhnlichen Strafverfolgungsbehörde entsprechen. Die Voraussetzungen
gemäss Art. 1 Abs. 3 IRSG sind erfüllt (E. 3a) und es besteht kein Grund
eine Zulässigkeitsbestätigung im Sinne von Art. 76 lit. c IRSG zu verlangen
(E. 3b).

    Unsicherheiten über die allgemeine Situation hinsichtlich der
Respektierung der Menschenrechte im ersuchenden Staat rechtfertigen
keine Verweigerung der Rechtshilfe. Hingegen sind vorgängige spezifische
Zusicherungen hinsichtlich Art. 6 EMRK und Art. 14 UNO-Pakt II zu fordern
(E. 6).

    Der Antrag auf Entsiegelung kann vorliegend gutgeheissen werden (E. 7).

Sachverhalt

    A.- Le 7 décembre 1996, Interpol Moscou a fait parvenir aux autorités
suisses une demande d'entraide judiciaire formée par le Procureur général
de la Fédération de Russie, "Moskauer Transportstaatsanwaltschaft" (selon
la traduction allemande de la demande), pour les besoins d'une procédure
pénale ouverte en décembre 1993 contre A., ancien Vice-ministre. Ce
dernier, alors en détention, est soupçonné d'exportations illicites
de matières premières et d'abus de fonction, pour avoir participé à
l'exportation de 200 tonnes de déchets de cuivre en violation de la
réglementation applicable, en particulier grâce à de faux documents
douaniers obtenus par corruption. Le produit de ces agissements aurait
pu être placé sur des comptes bancaires en Suisse, ou investi, au nom du
prévenu ou de son épouse, dans des immeubles ou des objets de valeur
(bijoux ou objets d'art). L'autorité requérante sollicite de très
nombreuses investigations. Elle produit notamment un mandat d'arrêt du
18 août 1995 et un décret de mise en accusation rendu le 25 août 1995.

    Le 8 décembre 1995, l'Office fédéral de la police (ci-après: OFP) a
transmis cette demande au Ministère public de la Confédération (ci-après:
le MPC), en invitant cette autorité à prendre les mesures provisoires
requises, notamment de blocage de comptes.

    Le 12 décembre 1995, le MPC a notifié à la Banque C., à Genève,
une décision l'invitant à vérifier l'existence d'avoirs déposés au nom
des membres de la famille A., à bloquer ces avoirs et à produire la
documentation bancaire.

    Le 13 décembre 1995, une ordonnance a été notifiée à la Banque Y.,
également à Genève, concernant les avoirs des époux A. La banque Y. s'est
exécutée en remettant au MPC, sous scellés, les documents relatifs à deux
comptes détenus par A. jusqu'en 1994.

    Le 1er novembre 1996, le MPC a rendu six ordonnances d'entrée en
matière, comportant les mesures suivantes:

    - le séquestre d'un compte/dépôt des époux A. et de deux comptes
sur lesquels dame A. dispose d'une procuration, auprès de la Banque C.;
la banque était invitée à produire les documents bancaires;

    - le séquestre et la production des documents concernant les achats
effectués par les époux A. auprès de bijoutiers de Genève et Zurich;

    - le séquestre et la production de tous les documents en rapport avec
la formation des enfants D. et N. auprès d'établissements scolaires.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif les époux
A. et leurs enfants, les sociétés B., J., R. et X. prennent notamment
les conclusions suivantes:

    - annuler les ordonnances d'entrée en matière, rejeter la demande
d'entraide, ordonner la levée immédiate des mesures des 12 et 13 décembre
1995, et le 1er novembre 1996, et ordonner la restitution des documents
saisis.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours au sens des considérants,
dans la mesure où il était recevable, et a admis une demande de levée
des scellés présentée par le MPC.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- d) L'art. 103 let. a OJ reconnaît la qualité pour agir par la voie
du recours de droit administratif à toute personne touchée par la décision
attaquée et disposant d'un intérêt digne de protection à sa modification ou
son annulation. Selon la règle spéciale du nouvel art. 80h let. a EIMP,
qui codifie la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (FF 1995 III
p. 31), le recourant doit en outre être personnellement et directement
touché par la mesure d'entraide. La personne visée par la procédure
pénale étrangère peut recourir au mêmes conditions (nouvel art. 21
al. 3 EIMP); la condition alternative de l'ancien art. 21 al. 3 EIMP,
selon laquelle était aussi admis à agir celui dont les droits de défense
dans la procédure pénale étrangère pouvaient être lésés, a été abrogée
(cf. FF 1995 III p. 19).

    aa) Pour être personnellement et directement touché par une mesure
d'entraide, l'intéressé doit se trouver dans un rapport suffisamment
étroit avec la décision attaquée. La jurisprudence reconnaît ainsi
la qualité pour recourir au titulaire d'un compte bancaire au sujet
duquel des renseignements sont demandés (ATF 118 Ib 547 consid. 1d et
les arrêts cités), à la personne qui doit se soumettre personnellement
à une perquisition ou une saisie (ATF 118 1b 442 consid. 2c - concernant
la saisie de documents en main d'une banque -, ATF 121 II 38 - remise du
dossier d'une procédure civile à laquelle l'intéressé est partie), ou au
témoin appelé à donner des renseignements le concernant personnellement
(ATF 121 II 459; cf. également le nouvel art. 9a OEIMP). Elle dénie en
revanche cette qualité au détenteur économique d'un compte bancaire visé
par la demande, ou à l'auteur de documents saisis en main d'un tiers
(ATF 116 Ib 106 consid. 2a), même si la transmission des renseignements
requis entraîne la révélation de son identité (ATF 114 Ib 156 consid. 2a
et les arrêts cités; pour un résumé de la jurisprudence relative à la
qualité pour recourir, cf. ATF 122 II 130).

    bb) La recevabilité du recours formé par les membres de la famille A.
apparaît en l'espèce douteuse à plusieurs égards. En effet, les décisions
attaquées impliquent le séquestre et la production de documents se
trouvant en main de tiers, soit deux écoles et des commerçants. Quand
bien même les renseignements contenus dans ces documents se rapportent
directement à l'activité des recourants, les mesures d'investigation
ordonnées à ce propos ne les frappent pas personnellement et directement,
au sens de l'art. 80h let. a EIMP. Par ailleurs, s'agissant des blocages
de comptes et de saisie de documents bancaires auprès de C., les époux
A. n'ont qualité pour agir qu'en tant qu'ils sont titulaires des comptes;
tel est le cas du compte/dépôt joint no xxxxx, mais non des autres comptes
sur lesquels dame A. ne semble disposer que d'une procuration. Enfin,
les quatre sociétés recourantes n'expliquent nullement à quel titre elles
interviennent; le Tribunal fédéral examine certes d'office la qualité pour
recourir, mais cela ne dispense pas les recourantes d'alléguer les faits
qui pourraient fonder cette qualité; en l'espèce, une telle indication
fait totalement défaut, et le Tribunal fédéral n'est pas en mesure d'y
remédier puisque les documents saisis ont été remis sous scellés au MPC et
ne sont, en l'état, pas accessibles car il n'appartient pas à la cour de
céans de procéder elle-même à leur ouverture à ce stade de la procédure
(cf. consid. 7 ci-dessous). Sur la base des données dont dispose le
Tribunal fédéral, et à défaut d'indications plus précises de la part des
recourants, la qualité pour recourir ne peut être reconnue qu'aux époux
A., en tant que leur compte commun auprès de C. fait l'objet de mesures
de blocage et d'investigation.

Erwägung 3

    3.- Les recourants soutiennent en premier lieu que l'entraide ne
peut être admise, faute d'une procédure pénale menée à l'étranger. Le
"Procureur des transports" de la ville de Moscou ne serait pas une
autorité judiciaire et on ignorerait si ses enquêtes peuvent mener
à l'ouverture d'une procédure pénale proprement dite. Par ailleurs,
l'autorité requérante devrait être invitée à produire une attestation de
licéité au sens de l'art. 76 let. c EIMP.

    a) Selon l'art. 1 al. 3 EIMP, la loi ne s'applique qu'aux affaires
pénales dans lesquelles le droit de l'Etat requérant permet de faire appel
au juge. Par procédure liée à une cause pénale, il faut entendre notamment
la poursuite d'infractions, au sens de l'art. 1er précité, les mesures
administratives à l'égard de l'auteur d'une infraction, ou l'exécution de
jugements pénaux (art. 63 al. 3 EIMP). Selon la jurisprudence, il n'est
pas nécessaire, pour que la Suisse prête son concours au sens de l'art. 1
EIMP, que l'Etat requérant ait ouvert une procédure judiciaire proprement
dite contre les personnes impliquées; l'entraide peut être accordée à
une autorité non judiciaire, voire à une autorité administrative, pour
autant que l'enquête soit susceptible d'aboutir au renvoi des personnes
poursuivies devant un tribunal compétent pour en connaître (ATF 118 Ib
457 consid. 4b et la jurisprudence citée). Tel est manifestement le cas
en l'espèce. Comme cela ressort de l'en-tête de la commission rogatoire,
la "Transportstaatsanwaltschaft" de Moscou fait partie des services du
Procureur général de la Fédération de Russie. Un des juges instructeurs
de ces services est chargé des enquêtes préliminaires relatives aux
délits de contrebande et d'abus de fonctions; il peut, dans ce cadre,
effectuer tous les actes d'enquête nécessaires, et requérir l'entraide
judiciaire à l'étranger, sous le contrôle du Ministère public. Il n'y a
pas de raison de douter de ces explications, d'ailleurs confirmées par la
présence, en annexe à la demande, d'une décision de mise en accusation
(inculpation) de l'"Oberuntersuchungsrichter" du 25 août 1995, et d'un
mandat d'arrêt émis le 18 août 1995 par la même autorité; cette dernière
dispose donc de pouvoirs analogues à ceux d'une autorité de poursuite
ordinaire. Les conditions de l'art. 1er al. 3 EIMP sont donc réalisées,
et il ne se justifie pas d'interpeller l'Etat requérant à ce propos.

    b) Il n'y pas lieu non plus d'exiger une attestation de licéité, au
sens de l'art. 76 let. c EIMP. Cette disposition a pour but d'empêcher
que l'Etat requérant obtienne, par la voie de l'entraide judiciaire,
des mesures de contraintes qu'il ne pourrait pas imposer sur son propre
territoire (ATF 118 Ib 457 consid. 5). Une attestation de licéité n'est
exigée qu'en cas de doutes sur la compétence de l'autorité requérante
pour ordonner les mesures requises. Or, les explications fournies par
l'autorité requérante dans sa demande permettent d'emblée d'écarter tout
doute à ce sujet, compte tenu des vastes pouvoirs d'investigation dont
il est fait état.

Erwägung 6

    6.- Les recourants évoquent enfin les défauts graves qui entacheraient,
selon eux, la procédure menée à l'étranger. Ils invoquent les art. 3, 5,
6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH, RS 0.101).
Placé en détention préventive le 16 août 1995, A. n'aurait obtenu un
contrôle judiciaire de cette mesure qu'en octobre 1996, contrairement à
ce qu'exige l'art. 5 par. 3 CEDH. La détention aurait été subie dans des
conditions inadmissibles; A. aurait été privé de ses lunettes malgré sa
myopie, et aurait dû être hospitalisé à sa sortie de prison. Les recourants
produisent divers rapports évoquant notamment les conditions de détention
dans les maisons d'arrêt en Russie.

    a) Selon l'art. 2 EIMP, la demande d'entraide judiciaire est
irrecevable s'il y a lieu d'admettre que la procédure à l'étranger [a]
n'est pas conforme aux principes de procédure fixés par la CEDH ou par
le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du 16
décembre 1966 (Pacte ONU II, RS 0.103.2), ou [d] présente d'autres défauts
graves. Cette disposition a pour but d'éviter que la Suisse ne prête son
concours, par le biais de l'entraide judiciaire ou de l'extradition,
à des procédures qui ne garantiraient pas à la personne poursuivie un
standard de protection minimal correspondant à celui offert par le droit
des Etats démocratiques, défini en particulier par les deux instruments
précités, ou qui se heurteraient à des normes reconnues comme appartenant
à l'ordre public international (ATF 122 II 140 consid. 5a et les arrêts
cités). La Suisse elle-même contreviendrait à ses engagements en accordant
délibérément l'entraide judiciaire ou l'extradition d'une personne à
un Etat dans lequel il existe des motifs sérieux de penser qu'un risque
de traitement contraire à la CEDH ou au Pacte ONU II menace l'intéressé
(ATF 121 II 296 consid. 3b et les arrêts cités; cf. l'art. 37 al. 2 et
3 EIMP concernant les garanties qui peuvent être exigées de la part d'un
Etat requérant, en matière d'extradition).

    b) Lorsqu'elle examine l'existence d'une cause d'irrecevabilité au sens
de l'art. 2 let. a EIMP, l'autorité suisse requise est appelée à évaluer
la situation de la personne poursuivie en fonction du système politique
et judiciaire en vigueur dans l'Etat requérant; elle doit ainsi porter
un jugement de valeur sur les affaires intérieures actuelles de cet Etat,
en particulier son régime politique, ses institutions, sa conception des
droits fondamentaux, la façon dont ces droits sont concrètement respectés,
et surtout l'indépendance et l'impartialité de son appareil judiciaire (ATF
111 Ib 138 consid. 4 p. 142 et les arrêts cités). Le juge de l'entraide
doit faire preuve à cet égard d'une prudence particulière. Par ailleurs, il
ne suffit pas que la personne poursuivie à l'étranger se prétende menacée
du fait d'une situation politico-juridique donnée; il lui appartient de
rendre vraisemblable l'existence d'un risque sérieux et objectif d'une
grave violation des droits de l'homme dans l'Etat requérant, susceptible
de la toucher de manière concrète (cf. ATF 122 II 373 consid 2a p. 376-377
et les arrêts cités).

    c) Statuant, en 1992, sur une demande d'extradition formée par
l'ancienne URSS, et confirmée par l'Etat requérant après sa création, le
Tribunal fédéral a considéré que si l'on ne pouvait présumer de l'évolution
de la situation politique, le nouvel Etat de Russie avait présenté des
garanties sur les points suivants: respect des droits des prévenus;
renonciation à la peine de mort; respect de l'intégrité corporelle du
prévenu; respect du principe de la spécialité; publicité des débats;
droit de la représentation suisse en Russie de rendre visite au détenu,
d'être renseignée sur le déroulement de la procédure, d'assister au procès
et de recevoir un exemplaire du jugement. Les violations des droits de
l'homme, constatées dans ce pays (comme dans de nombreux autres Etats),
ne devaient pas conduire à un refus pur et simple de l'extradition, l'Etat
requérant ayant manifesté son désir de respecter les garanties fournies
(arrêt non publié du 19 mars 1992 dans la cause L. consid. 5).

    d) Membre du Conseil de l'Europe depuis le 28 février 1996, la
Fédération de Russie a ratifié diverses conventions internationales
relatives à la protection des droits de l'homme. Elle a en particulier
ratifié le Pacte ONU II, en reconnaissant la compétence du Comité des
droits de l'homme, institué par les art. 28 ss du Pacte, de connaître des
communications présentées par un autre Etat (art. 41). Elle a également
ratifié la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (RS 0.105),
en reconnaissant la compétence du Comité contre la torture, institué
par les art. 17 ss de la Conven-tion, de connaître des communications
émanant d'un autre Etat partie (art. 21), ou de recevoir et d'examiner
des communications individuelles (art. 22).

    L'Etat requérant a en outre signé, le 28 février 1996, sans les
avoir encore ratifiés, la CEDH et ses protocoles additionnels, ainsi que
la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants, du 26 novembre 1987 (RS 0.106),
qui confère au Comité européen pour la prévention de la torture le pouvoir
d'effectuer des visites aux Etats parties afin d'examiner le traitement des
personnes privées de liberté et de renforcer leur protection (art. 1er).

    e) Les recourants produisent un rapport du 16 novembre 1994, soumis
par la Commission des droits de l'homme au Conseil Economique et Social
des Nations Unies (ci-après: le rapport de la commission) et un rapport
pour 1995 d'Amnesty International.

    aa) Le premier de ces documents émane du Rapporteur spécial chargé
par la Commission des droits de l'homme de l'ONU d'examiner les questions
relatives à la torture dans la Fédération de Russie, à l'issue d'une visite
effectuée dans cet Etat au mois de juillet 1994. Le rapporteur y expose en
premier lieu que la situation en matière de droits de l'homme a changé du
tout au tout par rapport à l'époque soviétique, par la reconnaissance de
la liberté d'expression, le multipartisme et la libéralisation économique.

    Examinant ensuite les régimes relatifs aux divers types de détention,
le rapporteur distingue plusieurs phases. La phase initiale de la
détention (garde à vue après l'arrestation du suspect par la police),
de trois heures au maximum, se prolonge toutefois fréquemment au-delà,
et les suspects, qui ont le droit de se faire assister par un avocat,
n'en sont fréquemment pas informés. Les brutalités policières -
passages à tabac et autres formes de mauvais traitements - sembleraient
fréquents. La phase de "détention préliminaire" (de 72 heures au
maximum), précède la décision d'ouvrir une procédure pénale; le droit à
l'assistance d'un avocat n'y paraît pas non plus assuré. Les conditions
de détention préventive proprement dite (après inculpation) sont celles
qui paraissaient le plus problématiques, les établissements destinés à
ce type de détention étant les pires de la Fédération de Russie. Le délai
légal maximum de 18 mois est fréquemment dépassé; l'inculpé peut recourir
devant un tribunal contre la décision de détention ou sa prolongation,
mais ces décisions sont presque automatiquement confirmées. La détention
préventive serait la règle, contrairement à ce que prévoit notamment
l'art. 9 par. 3 du Pacte ONU II; le droit d'être assisté d'un avocat est
en pratique limité, et le dossier n'est pas accessible. Les liens des
détenus avec les membres de leur famille se limite à la correspondance,
elle aussi restreinte. Le rapport fait état du surpeuplement grave de
ces établissements - parfois plus du double de leur capacité d'accueil -,
et des conditions d'hygiène déplorables, assimilables dans certains cas à
la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants. Les personnes
condamnées sont en général placées dans des colonies de travail, où les
conditions de détention sont meilleures. Le rapport préconise notamment
un recours plus large aux possibilités de libération sous caution, et
juge indispensables des travaux de construction et de modernisation des
établissements de détention.

    bb) Le rapport pour 1995 d'Amnesty International relate notamment de
nombreux cas de mauvais traitements commis lors de la détention, et de
brutalités dont les auteurs demeureraient impunis. Il est aussi fait état
du surpeuplement des centres de détention préventive, de leur insalubrité,
des carences du régime alimentaire et du manque de moyens médicaux. La
durée excessive de la détention préventive y est aussi évoquée.

    cc) Dans son rapport à l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe du 29 septembre 1994 sur la conformité de l'ordre juridique de
la Fédération de Russie avec les normes du Conseil de l'Europe, un groupe
d'experts mandaté à cet effet parvient, à l'issue d'une visite effectuée
en juin 1994, à des conclusions analogues (RUDH 1994 p. 325-375). En
résumé, il y est exposé que le cadre juridique formel relatif aux libertés
d'expression, de réunion et de conscience satisfait "dans l'ensemble"
aux exigences de la Convention, sous réserve toutefois "d'importantes
mesures à prendre, qu'il s'agisse de l'application des textes ou de la
pratique". La peine de mort est limitée à un nombre restreint de délits
graves (18 condamnations en 1992 et moins en 1993). Le rapport confirme les
problèmes évoqués ci-dessus à propos des mesures de détention préventive ou
de garde à vue (abus de la garde à vue, prolongation indue ou illégale de
la détention préventive, conditions d'incarcération jugées inhumaines et
dégradantes). En revanche, les conditions de vie dans les établissements
pénitentiaires réservés aux condamnés sont jugées acceptables, quoique
parfois sévères, à l'exception de certains quartiers spéciaux. Au regard
de l'art. 3 CEDH, aucune violation grave et persistante - telle qu'une
pratique systématique de la torture - n'a été constatée, pas plus que
des cas de détention pour des motifs politiques.

    Les garanties figurant à l'art. 5 CEDH ne paraissent pas non plus
respectées, en ce qui concerne notamment la condition de l'existence
de soupçons plausibles, le contrôle judiciaire de la détention et la
proportionnalité de la mesure.

    S'agissant du respect de l'art. 6 CEDH, le rapport relève en
particulier les points suivants. Rien ne permettrait de redouter une
ingérence des autorités exécutives ou administratives dans l'activité
des juges; l'indépendance du pouvoir judiciaire semble établie, le
problème principal résultant du manque d'effectifs et d'équipements. En
raison du rôle dominant accordé à l'accusation (instruction inquisitoire,
prépondérance des preuves recueillies durant l'enquête préliminaire, sans
participation de la défense), l'égalité des armes ne serait pas assurée,
pas plus que le droit d'être jugé dans un délai raisonnable. La présomption
d'innocence (art. 6 par. 2 CEDH), apparaîtrait comme un principe reconnu
en droit, mais pas forcément en pratique. L'accès au dossier ne serait
pas assuré durant l'instruction préparatoire. La publicité du procès
serait en principe satisfaite.

    Le rapport conclut que si la protection des droits de l'homme a connu
de réels progrès, des problèmes considérables ont été constatés, notamment
dans le domaine de l'administration de la justice. "Les conditions de
détention dans les maisons d'arrêt sont dégradantes, voire inhumaines. La
garantie de la liberté individuelle est loin de satisfaire aux exigences
de l'art. 5 de la Convention européenne. L'équité des procédures pénales
n'est pas effectivement garantie..." (RUDH 1994 p. 366).

    dd) Le rapport pour 1996 d'Amnesty international ne fait pas apparaître
de progrès sensibles quant à la protection des prévenus et des détenus
dans l'Etat requérant; il fait état de cas de décès dus aux mauvaises
conditions d'incarcération et à de nombreux cas de mauvais traitement,
notamment durant l'enquête policière. En octobre 1995, environ 275'000
personnes se trouvaient détenues dans les prisons et les centres de
détention préventive, alors que ces établissements ne sont conçus que
pour accueillir 174'000 personnes.

    f) Les constatations inquiétantes qui précèdent ne sauraient toutefois
conduire, dans le cas d'espèce, au refus pur et simple de l'entraide
judiciaire à l'Etat requérant.

    aa) En ratifiant le Pacte ONU II (qui constitue le pendant universel de
la CEDH) et la Convention de l'ONU de 1984 contre la torture d'une part, et
en signant la CEDH et la Convention européenne de 1987 pour la prévention
de la torture d'autre part, l'Etat requérant a démontré son souci réel de
mieux garantir les droits de l'homme. Dans le rapport précité de septembre
1994, le comité d'experts relève que la Constitution russe prévoit que
les conventions internationales font partie de l'ordre juridique interne
et prévalent notamment sur les lois ordinaires (RUDH 1994 p. 326). Ce
rapport insiste par ailleurs sur le fait qu'il existe actuellement en
Russie une prise de conscience accrue des exigences des droits de l'homme,
et que les décalages constatés découlent dans une mesure importante des
impératifs liés à l'urgence de la lutte contre la criminalité organisée
(RUDH 1994 p. 365). La ratification et la signature de divers instruments
internationaux relatifs à la protection des droits de l'homme permettent
de présumer que l'Etat requérant respectera les charges et conditions
dont pourra être assorti l'octroi de l'entraide judiciaire.

    bb) Point n'est besoin - ni d'ailleurs possible - de rechercher
dans quelle mesure exacte les carences relevées ci-dessus sont encore
d'actualité aujourd'hui. En effet, l'autorité suisse requise, qui n'a pas
à se livrer à un examen exhaustif du niveau de protection des droits de
l'homme dans l'Etat requérant, doit se concentrer sur l'évaluation des
incidences prévisibles de cette situation sur la position concrète des
personnes poursuivies (ATF 117 Ib 64 consid. 5f p. 91). Or, il apparaît
que si, d'une manière générale, la procédure pénale dans l'Etat requérant
ne satisfait pas aux exigences de protection des droits de l'homme, c'est
essentiellement en raison des conditions de détention que connaissent
les prévenus avant leur jugement. Le recourant relève avoir été lui-même
victime de mauvais traitements à ce stade, lors de son incarcération de
plus d'une année à la prison de Lefortovo: ses lunettes lui auraient été
confisquées, et il aurait dû être hospitalisé en raison d'une pneumonie
contractée en prison. A. a toutefois été libéré sous caution par décision
judiciaire du 1er octobre 1996, et il ne prétend pas être exposé à une
nouvelle mesure de détention préventive jusqu'à son jugement. Par ailleurs,
aucune pièce du dossier ne donne à penser que les infractions reprochées
au recourant seraient passibles de la peine de mort. A. ne le prétend
pas non plus. Il convient donc de renoncer à subordonner l'octroi de
l'entraide à la garantie expresse qu'aucune condamnation à mort ne sera
prononcée contre le recourant, cette garantie apparaissant en l'espèce
comme acquise, ce que vient encore confirmer la récente signature, par
l'Etat requérant, du Protocole additionnel no 6 de la CEDH concernant
l'abolition de la peine de mort.

    cc) Il n'en demeure pas moins que, compte tenu des incertitudes
qui subsistent quant au respect des garanties de procédure reconnues
au prévenu, et des difficultés objectives d'apprécier l'évolution de
la situation dans l'Etat requérant, l'octroi de l'entraide judiciaire
sollicitée sera subordonné à la fourniture préalable des garanties
suivantes par l'Etat requérant, conformément à l'art. 80p al. 1 EIMP:

    - la procédure pénale respectera les garanties de procédure figurant
dans la CEDH et dans le Pacte ONU II, soit en particulier:

    - le droit du prévenu de disposer du temps et des facilités nécessaires
à la préparation de sa défense (art. 6 par. 3 let. b CEDH, art. 14 par. 3
let. b Pacte ONU II) et de se faire assister et de communiquer avec le
conseil de son choix (art. 3 par. 3 let. c CEDH, art. 14 par. 3 let. b
Pacte ONU II);

    - le droit d'être jugé publiquement, dans un délai raisonnable, par
un tribunal indépendant et impartial (art. 6 par. 1 CEDH, art. 14 par. 1
et 14 par. 3 let. c Pacte ONU II);

    - le respect de la présomption d'innocence (art. 6 par. 2 CEDH,
art. 14 par. 2 Pacte ONU II);

    - la représentation diplomatique de la Suisse dans l'Etat requérant
pourra en tout temps s'enquérir de l'état d'avancement de la procédure
pénale, assister aux débats lors du jugement au fond et obtenir un
exemplaire de la décision mettant fin au procès; elle pourra rendre
visite, en tout temps et sans surveillance, à la personne concernée;
cette dernière pourra s'adresser à elle en tout temps, que ce soit au
stade de l'instruction ou lors de l'exécution d'une éventuelle peine
privative de liberté.

    dd) Il appartiendra à l'OFP de communiquer ces conditions selon
les modalités adéquates à l'Etat requérant en lui impartissant un délai
approprié pour déclarer s'il les accepte ou les refuse (art. 80p al. 2
EIMP). L'OFP décidera ensuite si la réponse de l'Etat requérant constitue
un engagement suffisant au regard de ces conditions (art. 80p al. 3
EIMP). Selon l'opinion exprimée dans le message relatif à la nouvelle
réglementation, la décision de l'OFP au sujet des garanties offertes par
l'Etat requérant doit en principe être rendue après le prononcé de la
clôture de la procédure d'entraide (art. 80p al. 2 in initio et al. 3
EIMP); elle ouvre la voie à un nouveau recours (art. 80p al. 4 EIMP).
Dans le cas d'espèce, dès lors que ces conditions sont exigées au stade
de l'entrée en matière, rien ne s'oppose, compte tenu de l'exigence de
célérité (art. 17a EIMP), à ce qu'elles soient communiquées immédiatement
à l'Etat requérant; la décision de l'OFP constatant, le cas échéant, le
respect de ces conditions, pourra, si elle intervient avant la décision
de clôture, être attaquée conjointement avec cette dernière (art. 80e
let. a EIMP).

Erwägung 7

    7.- Dans sa réponse au recours, le MPC demande la levée des scellés
apposés sur les documents remis par les banques et les établissements
scolaires. Saisie d'un recours de droit administratif en matière d'entraide
judiciaire, la cour de céans est compétente pour ordonner une telle mesure
(art. 69 al. 3 dernière phrase PPF, par renvoi de l'art. 9 EIMP). On ne
saurait exclure que les documents remis sous scellés contiennent certains
renseignements utiles à l'autorité requérante. Cela suffit pour rendre
la perquisition "admissible" (art. 69 al. 3 dernière phrase PPF), et
pour faire droit à la demande du MPC (art. 69 al. 2 PPF). Même si l'on
ignore encore si l'Etat requérant déclarera accepter les conditions
mentionnées ci-dessus, il n'y a pas lieu de surseoir à l'ouverture des
scellés. L'obligation de célérité posée à l'art. 17a EIMP commande en
effet que l'exécution de la demande suive son cours, pour autant que les
intéressés n'en subissent aucun préjudice irréparable. Or, s'il devait
apparaître ultérieurement que l'entraide doit être refusée sur le vu de
la réponse de l'Etat requérant, les personnes intéressées n'en subiraient
aucun préjudice et les documents saisis pourraient être restitués aux
ayants droit, aucune transmission ne pouvant avoir lieu avant que ne
soit rendue une décision de clôture relative à l'étendue de l'entraide
(art. 80d EIMP).