Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 123 II 134



123 II 134

18. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 1er avril 1997
dans la cause L. contre Chambre d'accusation du canton de Genève (recours
de droit administratif) Regeste

    Rechtshilfe; EUeR; Europaratsübereinkommen Nr. 141 von 1990 über
Geldwäscherei sowie Ermittlung, Beschlagnahme und Einziehung von Erträgen
aus Straftaten; Rückerstattung von Erträgen, die aus einer strafbaren
Handlung herrühren; Art. 5 und 74a IRSG.

    Zulässigkeit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde (E. 1).

    Im Ausland gestohlene und in der Schweiz verkaufte Sache. Recht,
das anwendbar ist, wenn eine Sache - im Hinblick auf deren Rückgabe -
an einen ausländischen Staat ausgehändigt werden soll (E. 5).

    Schutz des Käufers, der seinen guten Glauben glaubhaft macht (E. 6a
und b). Beweislast in dieser Frage (E. 6c). Im vorliegenden Fall hat
der Käufer seinen guten Glauben nicht glaubhaft gemacht (E. 6d).

    Bedingungen, unter welchen eine Sache an einen um Rechtshilfe
ersuchenden Staat ausgehändigt werden kann. Sowohl das Interesse des
internationalen Ordre public am Schutz der Kulturgüter wie auch die für den
Schutz der rechtmässigen Interessen des gutgläubigen Besitzers notwendigen
Verfahrensgarantien im ersuchenden Staat müssen berücksichtigt werden
(E. 7).

Sachverhalt

    Le 13 décembre 1994, le Juge d'instruction près le Tribunal de grande
instance de Grasse a adressé à l'Office fédéral de la police une demande
d'entraide judiciaire pour les besoins de l'enquête pénale ouverte en
France pour le vol de ce tableau. Le magistrat français a requis diverses
investigations, ainsi que la saisie du tableau.

    Le 13 juin 1996, le Juge d'instruction genevois a ordonné la remise du
tableau aux autorités françaises, ainsi que des procès-verbaux d'audition
des personnes interrogées dans le cadre de son enquête.

    Par ordonnance du 1er novembre 1996, la Chambre d'accusation du
canton de Genève a rejeté le recours formé par L. contre la décision
du 13 juin 1996. La Chambre d'accusation a considéré en bref, au regard
des art. 59 al. 1 let. b et 74 al. 3 EIMP dans leur teneur de l'époque
(aEIMP), que L. n'avait pas rendu vraisemblable qu'il avait acquis de
bonne foi le tableau volé.

    Agissant le 16 décembre 1996 par la voie du recours de droit
administratif, L. demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler
l'ordonnance du 1er novembre 1996 et de déclarer la demande d'entraide
"nulle et non avenue". A titre subsidiaire, il requiert que le tableau
litigieux ne soit pas remis à l'Etat requérant; à défaut, une garantie
devrait être fournie. Encore plus subsidiairement, L. demande à ce que la
cause soit renvoyée au Juge d'instruction pour nouvelle décision au sens
des considérants. Il invoque l'art. 4 Cst., ainsi que les art. 5, 59 al. 1
let. b aEIMP et 74 al. 3 et 74a EIMP dans leur teneur du 4 octobre 1996,
entrée en vigueur le 1er février 1997 (nEIMP). Il reproche en outre à la
Chambre d'accusation d'avoir constaté les faits de manière incomplète et
inexacte (art. 105 al. 2 OJ).

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) La Confédération suisse et la République française sont toutes
deux parties à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière
pénale (CEEJ; RS 0.351.1), conclue à Strasbourg le 20 avril 1959, entrée
en vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse et le 21 août 1967 pour la
France. Les dispositions de ce traité l'emportent sur le droit interne
qui régit la matière, soit la loi fédérale sur l'entraide internationale
en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP) et son ordonnance d'exécution
(OEIMP), qui sont applicables aux questions non réglées explicitement ou
implicitement par le droit conventionnel et lorsque le droit interne est
plus favorable à l'entraide que la Convention (cf. ATF 122 II 140 consid. 2
p. 142; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2a p. 191/192;
118 Ib 269 consid. 1a p. 271, et les arrêts cités). Dans la mesure où la
demande tend à la remise à l'Etat requérant du tableau volé, il convient
d'envisager aussi l'application au cas d'espèce de la Convention no 141 du
Conseil de l'Europe, relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie
et à la confiscation des produits du crime (ci-après: Convention no 141;
RS 0.311.53, conclue à Strasbourg le 8 novembre 1990, entrée en vigueur le
1er septembre 1993 pour la Suisse et le 1er février 1997 pour la France).

    b) La révision de l'EIMP du 4 octobre 1996 et de l'OEIMP du 9 décembre
1996 est entrée en vigueur le 1er février 1997 (RO 1997 p. 114 ss et 132
ss). Conformément à l'art. 110a nEIMP, ces modifications s'appliquent
à la présente procédure qui était - entre le prononcé de l'ordonnance
attaquée et celui du présent arrêt - pendante au moment de l'entrée en
vigueur de la novelle. Le recourant a eu l'occasion, dans sa réplique,
de se déterminer sur l'application du nouveau droit au cas d'espèce.

    c) Le recours, dirigé contre la décision de l'autorité cantonale de
dernière instance relative à la clôture de la procédure et à la remise du
tableau volé à l'Etat requérant, est recevable au regard de l'art. 80f
al. 1 EIMP, mis en relation avec l'art. 25 al. 1 de la même loi. Le
recourant, touché personnellement et directement par la mesure de saisie
et de remise à l'Etat requérant du tableau dont il se prétend acquéreur
de bonne foi, a qualité pour agir au sens de l'art. 80h let. b EIMP.

    d) Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les conclusions des parties
(art. 25 al. 6 EIMP). Il examine librement si les conditions pour
accorder l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la collaboration
internationale doit être prêtée (ATF 118 Ib 269 consid. 2e p. 275). Il
statue avec une cognition pleine sur les griefs soulevés sans être
toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de
vérifier d'office la conformité de la décision attaquée à l'ensemble des
dispositions applicables en la matière (ATF 119 Ib 56 consid. 1d p. 59).

    e) Lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée émane d'une
autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés
dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou
s'ils ont été établis au mépris des règles essentielles de la procédure
(art. 105 al. 2 OJ). Cette règle s'applique aussi dans le domaine
de l'entraide judiciaire (ATF 113 Ib 257 consid. 3d p. 266; 112 Ib 576
consid. 3 p. 585). En l'occurrence, tels qu'ils sont formulés, les griefs
de constatation arbitraire des faits se confondent avec ceux de violation
des dispositions légales régissant la remise des objets en vue de leur
restitution à l'ayant droit et la protection de l'acquéreur de bonne
foi. C'est dans ce cadre qu'ils doivent être examinés.

Erwägung 5

    5.- Avant d'examiner si le recourant peut opposer à l'ordonnance
attaquée sa qualité d'acquéreur de bonne foi, il convient de déterminer
les règles applicables en matière de remise du produit de l'infraction
dans le cadre de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale.

    a) La CEEJ ne régit pas la remise d'objets représentant le produit de
l'infraction (cf. art. 1 par. 2 et 3 par. 1 CEEJ; ATF 120 Ib 167 consid. 3b
p. 171/172; 115 Ib 517 consid. 6d p. 529; 112 Ib 576 consid. 12a p. 597).

    b) aa) La Convention no 141 est une convention spéciale complétant
la CEEJ au sens de l'art. 26 par. 2 et 3 CEEJ. La Convention no 141 a
notamment pour but d'améliorer la coopération internationale en matière
d'investigations, de séquestre et de confiscation de valeurs patrimoniales
d'origine délictueuse (art. 7). Au sens de la Convention, le terme "bien"
comprend un bien de toute nature, qu'il soit corporel ou incorporel,
meuble ou immeuble, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant
d'un titre ou d'un droit sur le bien (art. 1 let. b). Cette définition
n'exclut pas que des objets ou des valeurs puissent être saisis auprès
de tiers auxquels ils auraient été cédés (Message du 19 août 1992, FF
1992 VI p. 8 ss, 13). La confiscation désigne une peine ou une mesure
ordonnée par un tribunal à la suite d'une procédure portant sur une
ou des infractions pénales, peine ou mesure aboutissant à la privation
permanente du bien (art. 1 let. d). Il n'est pas indispensable que la
confiscation soit prononcée dans une procédure pénale principale; elle
peut aussi être ordonnée dans une décision de classement ou rendue au
terme d'une procédure de confiscation indépendante; dans tous les cas,
la procédure pénale doit répondre aux exigences de l'art. 6 par. 1 CEDH;
des décisions de confiscation purement administratives sont exclues du
champ d'application de la Convention (Message précité, p. 13). Selon
l'art. 13, l'Etat saisi d'une demande de confiscation de la part de
l'Etat requérant peut ou bien exécuter la décision de confiscation
émanant d'un tribunal de cet Etat (ch. 1 let. a), ou bien engager
une procédure indépendante de confiscation selon son droit interne,
en vue de la remise à l'Etat requérant (ch. 1 let. b et ch. 2). Les
procédures permettant d'obtenir et d'exécuter la confiscation au sens
de cette disposition, sont régies par le droit de l'Etat requis (art. 14
ch. 1; cf. aussi l'art. 15). L'art. 18 de la Convention no 141 énumère,
de façon détaillée et exhaustive, les motifs de refus de la coopération,
liés à l'ordre public, à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts
prépondérants de l'Etat requis; cette disposition prévoit aussi les
exceptions tirées de la double incrimination, du principe ne bis in idem,
du caractère politique ou fiscal de l'infraction, de la proportionnalité,
de la prescription, du défaut et du respect des droits de la défense. Ce
catalogue recouvre les motifs de refus de l'entraide prévus par l'EIMP
(Message précité, p. 26). La coopération peut être ajournée pour les
besoins d'investigations ou de procédures ouvertes dans l'Etat requis
(art. 19). Celui-ci peut admettre partiellement la demande ou assortir
son exécution de conditions (art. 20). S'agissant des droits des tiers,
l'art. 22 prévoit qu'en principe, l'Etat requis reconnaît toute décision
judiciaire rendue dans l'Etat requérant à ce propos (ch. 1). Toutefois,
selon le ch. 2 de cette disposition, la reconnaissance du jugement étranger
peut être refusée si des tiers n'ont pas eu une possibilité suffisante de
faire valoir leurs droits (let. a); si la décision est incompatible avec
une décision rendue dans l'Etat requis sur la même question (let. b);
si elle est incompatible avec l'ordre public de l'Etat requis (let. c);
si la décision a été rendue contrairement aux dispositions en matière de
compétence exclusive prévues par le droit de l'Etat requis (let. d). Cette
norme laisse ainsi la possibilité à l'Etat requis, en cas de doute,
de statuer lui-même sur les droits revendiqués par des tiers (Message,
précité, p. 29). S'agissant de la procédure, la Convention prévoit la
désignation, par les parties, d'une autorité centrale (art. 23) soit,
pour la Suisse, l'Office fédéral (Message précité, p. 30). L'art. 24
régit la correspondance directe entre autorités centrales, les art.
25 et 26 la forme et la langue des demandes, les art. 27 et 28 le contenu
de celles-ci. L'art. 29 règle le concours de demandes.

    Dans l'arrêté fédéral du 2 mars 1993 relatif à l'approbation de
la Convention no 141, la Suisse a formulé à celle-ci quatre réserves:
la première, portant sur l'art. 6 ch. 1, limite l'application de la
Convention aux cas où l'infraction principale est qualifiée de crime
selon l'art. 9 al. 1 CP; la deuxième, portant sur l'art. 21 ch. 2,
exige que la notification en Suisse d'actes judiciaires se fasse par
l'entremise de l'Office fédéral; la troisième, portant sur l'art. 25
ch. 3, exige l'apport d'une traduction de la demande dans l'une des
langues nationales; la quatrième réserve, conformément à l'art. 32,
le principe de la spécialité (RO 1993 p. 2384).

    bb) Il convient de déterminer dans quelle mesure la Convention
no 141 est applicable en l'espèce, compte tenu des dates auxquelles
cet instrument est entré en vigueur pour la Suisse et pour la France,
respectivement les 1er septembre 1993 et 1er février 1997.

    Par la force des choses, la demande du 13 décembre 1994 n'a pu
satisfaire aux conditions de l'art. 27 ch. 3 let. a de la Convention qui
exige, pour l'application de l'art. 13 ch. 1 let. a, que l'Etat requérant
complète les formalités requises pour la présentation d'une demande de
coopération (art. 27 ch. 1) en joignant à celle-ci l'attestation qu'une
décision de confiscation a été rendue par une autorité judiciaire de
l'Etat requérant (art. 27 ch. 3 let. a ).

    Cette circonstance ne saurait cependant, à elle seule, exclure toute
application de la Convention au cas d'espèce. S'agissant des aspects
formels de la demande d'entraide, il suffit de constater que celle-ci
respecte les conditions posées par la CEEJ et l'EIMP, qui recoupent
celles de l'art. 27 ch. 1 let. a de la Convention no 141. Par ailleurs,
pour exécuter une demande tendant à la confiscation, sur le territoire
de l'Etat requis, du produit d'une infraction (art. 13 ch. 1 let. b) -
seule hypothèse entrant en ligne de compte en l'occurrence - il suffit que
l'Etat requis soit compétent pour engager une procédure de confiscation
selon son droit interne (art. 13 ch. 2).

    c) Qu'elle soit ou non applicable au cas d'espèce, la Convention
n'empêche pas la Suisse d'accorder l'entraide requise sur la base
des dispositions éventuellement plus favorables de son droit interne
(consid. 1a ci-dessus). Or, selon l'EIMP revisée, applicable à la présente
procédure (cf. consid. 1b ci-dessus) et interprétée dans le respect de
la primauté du droit international de l'entraide sur le droit interne
(ATF 122 II 140 consid. 2 p. 141), les actes d'entraide comprennent aussi
la remise d'objets ou de valeurs en vue de confiscation ou de restitution
à l'ayant droit (art. 63 al. 2 let. d nEIMP). Cette matière est réglée
désormais par le nouvel art. 74a EIMP, relatif à la remise en vue de
confiscation ou de restitution, dont la teneur est la suivante:

    "1. Sur demande de l'autorité étrangère compétente, les objets
ou valeurs
   saisis à titre conservatoire peuvent lui être remis au terme de
   la procédure d'entraide (art. 80d), en vue de confiscation ou de
   restitution à l'ayant droit.

    2. Les objets visés au 1er alinéa comprennent:

    a. Les instruments ayant servi à commettre l'infraction;

    b. Le produit ou le résultat de l'infraction, la valeur de remplacement
   et l'avantage illicite;

    c. Les dons ou autres avantages ayant servi ou qui devaient servir à
   décider ou à récompenser l'auteur de l'infraction, ainsi que la valeur
   de remplacement.

    3. La remise peut intervenir à tous les stades de la procédure
étrangère,
   en règle générale sur décision définitive et exécutoire de l'Etat
   requérant.

    4. Les objets ou valeurs peuvent cependant être retenus en Suisse:

    a. Si le lésé a sa résidence habituelle en Suisse et qu'ils doivent lui
   être restitués;

    b. Si une autorité fait valoir des droits sur eux;

    c. Si une personne étrangère à l'infraction et dont les prétentions ne
   sont pas garanties par l'Etat requérant rend vraisemblable qu'elle a
   acquis de bonne foi en Suisse des droits sur ces objets ou valeurs ou
   si, résidant habituellement en Suisse, elle rend vraisemblable qu'elle
   a acquis de bonne foi des droits sur eux à l'étranger, ou

    d. Si les objets ou valeurs sont nécessaires à une procédure pénale
   pendante en Suisse ou sont susceptibles d'être confisqués en Suisse.

    5. Les prétentions élevées par un ayant droit sur des objets ou valeurs
   au sens du 4ème alinéa entraînent la suspension de leur remise à l'Etat
   requérant jusqu'à droit connu. Les objets ou valeurs litigieux ne sont
   délivrés à l'ayant droit que:

    a. Si l'Etat requérant y consent;

    b. Si, dans le cas du 4ème alinéa, lettre b, l'autorité y consent ou

    c. Si le bien-fondé de la prétention est reconnu par une autorité

    judiciaire suisse.

    6. Les droits de gage au profit du fisc sont réglés par l'article 60."

    Cette disposition correspond pour l'essentiel au projet du Conseil
fédéral (cf. son Message concernant la révision de l'EIMP, du 29 mars 1995,
FF 1995 III p. 1 ss, 52/53). Le Conseil fédéral a rejeté la proposition,
évoquée dans la procédure de consultation, de soumettre la décision
étrangère visée à l'art. 74a al. 3 à une procédure d'exequatur. Il
a en effet estimé que la réglementation proposée s'écarterait de la
jurisprudence du Tribunal fédéral et qu'il suffisait que l'autorité
d'exécution procède à une vérification sommaire de la décision étrangère,
après s'être assurée que l'Etat requérant est un Etat fondé sur le droit
et que les principes fondamentaux liés à l'ordre public suisse et la
CEDH soient respectés (id. p. 13-15 et 26). Lors du débat parlementaire,
le Conseil national a adopté sans discussion l'art. 74a proposé (BOCN
1995 p. 2642). Le Conseil des Etats a accepté la proposition tendant à
introduire, à l'al. 3, les mots "en règle générale"; le Conseil des Etats
a en revanche renoncé à modifier cette disposition en vue de subordonner
dans tous les cas la remise du produit de l'infraction à l'existence
d'un jugement définitif et exécutoire dans l'Etat requérant (BOCE 1996
p. 229-233, 243). Le Conseil national s'est rallié à cette solution
(BOCN 1996 p. 747).

    d) En conclusion, seul entre en ligne de compte l'art. 74a EIMP,
envisagé dans la perspective d'une application par analogie de l'art. 13
ch. 1 let. b de la Convention no 141. Il est constant que le tableau
litigieux est bien celui appartenant à W., dérobé dans la nuit du 24 au
25 août 1994 dans le château de Clavary. Cet objet constitue le produit
de l'infraction visé à l'art. 74a al. 2 let. b EIMP. Le défaut d'une
décision de confiscation rendue par une autorité judiciaire de l'Etat
requérant n'est pas décisif: l'art. 74a al. 3 EIMP permet précisément
de déroger à une telle exigence. Sur ce point, le droit interne, plus
favorable à l'entraide que la Convention no 141, s'applique (cf. consid.
1a ci-dessus). Il reste donc à examiner s'il existe des motifs de refus
de l'entraide, au sens de l'art. 74a al. 4 EIMP, mis en relation avec
l'art. 18 de la Convention no 141; s'il convient d'ajourner l'exécution de
la mesure selon les art. 74a al. 5 EIMP et 19 de la Convention; ou encore
s'il convient de n'admettre que partiellement la demande d'entraide,
en l'assortissant le cas échéant des réserves nécessaires (art. 20 de
la Convention).

Erwägung 6

    6.- Pour la Chambre d'accusation, le recourant n'aurait pas rendu
vraisemblable la thèse selon laquelle il aurait acquis de bonne foi le
tableau litigieux. Elle a considéré qu'au moment de l'achat, le recourant,
homme rompu aux affaires et connaisseur d'art, ne s'était soucié ni de
l'authenticité, ni de la provenance du tableau; en outre, le recourant
avait pris le risque de traiter avec des inconnus et ne s'était assuré de
la régularité de l'importation du tableau en Suisse que le 19 décembre
1994, soit après la conclusion de la transaction et le versement du
prix convenu.

    a) Selon l'art. 74a al. 4 let. c EIMP, l'objet peut être retenu
en Suisse notamment si une personne étrangère à l'infraction, dont les
prétentions ne sont pas garanties par l'Etat requérant, rend vraisemblable
qu'elle a acquis de bonne foi en Suisse des droits sur cet objet.

    b) S'il semble établi que le recourant est étranger à l'infraction
commise en France, il faut par ailleurs présumer, s'agissant d'un Etat lié
par l'art. 6 par. 1 CEDH et soumis au contrôle subsidiaire des organes
de Strasbourg, que le recourant bénéficiera dans l'Etat requérant d'une
protection adéquate de ses prétentions, dans le cadre de la procédure
pénale en cours ou, le cas échéant, dans une procédure, civile ou pénale,
qui lui permettrait d'opposer à W., propriétaire du tableau volé, ses
droits découlant d'une acquisition ultérieure de bonne foi, selon les
modalités prévues par le droit français. Cette condition d'application
de l'art. 74a al. 4 let. c EIMP faisant apparemment défaut, on peut se
demander si le recourant peut invoquer cette disposition. La question
peut cependant rester indécise, eu égard à l'issue de la cause.

    c) Au regard de l'art. 74a al. 4 let. c EIMP, il appartient à
l'acquéreur de rendre vraisemblable sa bonne foi. C'est sur lui qui pèse
le fardeau de la preuve de son droit. L'autorité chargée de l'exécution
de la mesure d'entraide, appelée à décider de la remise d'un objet en
vue de sa restitution dans l'Etat requérant, se borne à examiner si les
allégations de l'acquéreur sont suffisamment précises et étayées pour
admettre la vraisemblance de ses prétentions. Ces principes valent aussi
pour l'autorité cantonale de recours et pour le Tribunal fédéral saisi
d'un recours de droit administratif pour violation de l'art. 74a al. 4
let. c EIMP. Cette disposition n'exige pas de l'autorité et du juge de
l'entraide de déterminer si l'acquéreur est effectivement de bonne foi
comme le ferait le juge civil saisi au fond. En particulier, contrairement
à ce que prétend le recourant, il n'incombe pas à l'autorité d'examiner
en détail l'application au cas d'espèce des art. 3 al. 2, 933 et 934
al. 2 CC qu'il invoque.

    d) (Sur le vu de l'ensemble des circonstances de la cause, la Chambre
d'accusation pouvait admettre que le recourant n'avait pas rapporté la
preuve requise par l'art. 74a al. 4 let. c EIMP. Le recourant n'a pas rendu
vraisemblable, au sens de l'art. 74a al. 4 let. c EIMP, qu'il aurait pris,
avant la transaction, les précautions élémentaires dont doit s'entourer
la personne prudence qui acquiert une oeuvre d'art de grande valeur. En
particulier, il n'a pas démontré avoir fait à temps toutes les démarches
nécessaires pour s'assurer de l'origine du tableau et de la régularité de
son importation en Suisse; il n'a pas fait examiner l'oeuvre par un expert
qui aurait pu en certifier la provenance, ni pris les mesures idoines pour
vérifier que l'oeuvre n'était ni volée ni perdue. En outre, les conditions
concrètes de la transaction, ainsi que le prix de vente - très inférieur
à la valeur du tableau - n'accréditent pas la thèse du recourant).

Erwägung 7

    7.- a) L'entraide devant être accordée, il reste à déterminer à quel
titre le tableau volé sera remis à l'Etat requérant. Selon le nouvel
art. 74a al. 3 EIMP, la remise de l'objet saisi à titre conservatoire
par l'Etat requis peut intervenir à tous les stades de la procédure
étrangère, en règle générale sur décision définitive et exécutoire de
l'Etat requérant. Cette disposition confère un large pouvoir d'appréciation
à l'autorité d'exécution, laquelle pourra exceptionnellement remettre
l'objet en l'absence d'une décision définitive et exécutoire lorsque,
comme en l'espèce, la demande tend directement à la restitution de l'objet
à son ayant droit, au sens de l'art. 74a al. 1 in fine EIMP. W. étant
le propriétaire légitime du tableau volé, rien ne commande d'attendre
l'issue de la procédure pénale ouverte dans l'Etat requérant pour procéder
à une restitution à l'ayant droit. Une telle solution est au demeurant
conforme au voeu du législateur d'accélérer la procédure d'entraide;
elle s'inscrit de surcroît dans l'esprit et le système de la Convention
no 141 (cf. notamment ses art. 8, 9, 11 à 15; ainsi que ses art. 18 et 19,
a contrario).

    b) De même, il n'y a pas lieu de subordonner l'exécution de la demande
à des conditions particulières (art. 20 de la Convention no 141). Le
recourant a bénéficié en Suisse, pour ce qui concerne le séquestre du
tableau volé, des garanties procédurales offertes par l'art. 6 par. 1
CEDH. S'agissant des prétentions civiles qu'il pourrait faire valoir,
le cas échéant, contre l'un ou l'autre des intermédiaires impliqués dans
la vente successive du tableau, tant en Suisse, en France, en Italie
qu'au Royaume-Uni, tous parties à la Convention no 141, le recourant
peut, devant les tribunaux de ces Etats, se prévaloir du droit, garanti
par l'art. 5 de cet instrument, de disposer des "recours juridiques
effectifs pour préserver (ses) droits", conformément aussi aux art.
6 et 13 CEDH. Aucun motif lié à la protection des droits fondamentaux ne
s'oppose ainsi à la restitution du tableau à l'ayant droit dans le cadre
de la procédure d'entraide, en application de l'art. 74a al. 1 in fine
EIMP, considéré à la lumière des normes du droit international pertinent
(cf. art. 1a et 2 let. a EIMP; art. 5, 18 ch. 1 let. a et b, 19, 20,
22 ch. 2 let a et c de la Convention no 141).

    c) Enfin, il n'incombe pas au juge de l'entraide de procéder à
un examen approfondi des prescriptions du droit étranger supposées
applicables. Lorsque, comme en l'espèce, la demande porte sur la
restitution d'un bien culturel, le juge de l'entraide doit veiller à
prendre en compte l'intérêt public international, commun à la Suisse et
à la France, lié à la protection de ces biens (voir, outre la Convention
no 141 précitée, pour la France: les art. 1 let. g, 2, 3, 13 et 15 de
la Convention de l'Unesco du 14 novembre 1970 concernant les mesures
à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le
transfert de propriété illicite de biens culturels, ratifiée par elle le 7
janvier 1997; pour la France et la Suisse, les art. 3 al. 1, 4, 5 al. 1,
6, 8 et 9 de la Convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou
illicitement exportés, du 24 juin 1995, signée par la France et l'Italie
à Rome, à cette date, et par la Suisse le 26 juin 1996). Ces normes,
qui relèvent d'une commune inspiration, constituent autant d'expressions
d'un ordre public international en vigueur ou en formation (art. 1a EIMP;
cf. MARTIN PHILIPP WYSS, "Rückgabeansprüche für illegal ausgeführte
Kulturgüter. Überlegungen zu einem kulturpolitischen Ordre public",
in: Tübinger Schriften zum internationalen und europäischen Recht,
Band 37, Berlin, 1996 p. 201 ss, 206-208, 214 et 220 ss; cf. également
PIERRE LALIVE, La Convention d'UNIDROIT sur les biens culturels volés
ou illicitement exportés (du 24 juin 1995), RSDIE 7/1997 p. 13 ss,
spécialement p. 32/33 et 35-40, qui met notamment l'accent sur la parenté
d'inspiration de cet instrument avec le droit et la pratique suisses
en la matière; art. 3 al. 2 et 934 CC; ATF 122 III 1). Ces normes, qui
concrétisent l'impératif d'une lutte internationale efficace contre
le trafic de biens culturels, permettent en outre de sauvegarder les
garanties procédurales nécessaires à la protection des intérêts légitimes
du possesseur de bonne foi (cf. consid. 5 et 6 ci-dessus).