Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IV 282



120 IV 282

47. Extrait de l'arrêt de la Chambre d'accusation du 3 octobre 1994 en
la cause A. c. Procureur général du canton de Genève et Procureur général
du canton de Berne Regeste

    Art. 346 ff. StGB und Art. 8 OHG; Beteiligung des Opfers am Verfahren
um Bestimmung des Gerichtsstandes.

    Art. 8 OHG verleiht dem Opfer keinen Anspruch darauf, sich zum Gesuch
des Beschuldigten um Bestimmung des Gerichtsstandes vernehmen zu lassen
(E. 1).

    Art. 346 ff. StGB.

    Ein Zeuge ist nicht Partei im Strafverfahren. Er kann daher den
Gerichtsstand nicht bestreiten (E. 2).

    Umstände, die ein Abweichen vom gesetzlichen Gerichtsstand
rechtfertigen, insbesondere wenn dieser durch Vereinbarung unter den
Kantonen anerkannt worden ist (E. 3).

Sachverhalt

    A.- En 1992, plusieurs hémophiles atteints du SIDA ont déposé plainte,
à Genève, contre inconnu pour lésions corporelles graves (art. 122 CP)
car ils auraient été contaminés par des produits émanant du Laboratoire
central du service de transfusion de la Croix-Rouge, à Berne (ci-après:
le Laboratoire central). Les plaignants habitent à Genève et en Suisse
romande. Ils se sont constitués partie civile.

    Le Juge d'instruction genevois a entendu comme témoin A., domicilié
dans le canton de Berne, qui fut directeur général du Laboratoire central,
de 1955 à 1986, date à laquelle il a pris sa retraite. L'instruction
s'est poursuivie et A. a été inculpé le 4 mai 1994 pour infraction à
l'art. 122 CP. En bref, il lui est reproché d'avoir, en 1985 et 1986, en
sa qualité de directeur du Laboratoire central, fait fabriquer et vendre,
en Suisse et notamment à Genève, des cryoprécipités et des concentrés de
facteur VIII à des patients hémophiles, produits qu'il savait contaminés
par le virus du SIDA.

    B.- A. a mandaté un avocat. Après avoir pris connaissance du volumineux
dossier, celui-ci a contesté le for genevois. Le Procureur général a
justifié la compétence locale des autorités genevoises par des motifs
d'opportunité.

    A. saisit la Chambre d'accusation d'une plainte au sujet du for. Il
affirme qu'il n'a pas commis de faute et que le lieu où il aurait agi, au
sens de l'art. 346 al. 1 1ère phrase CP, se situe à Berne où se trouvent
aussi d'autres organisations que les plaignants mettent en cause. Il
mentionne une autre plainte déposée à Berne. Il demande que le for soit
fixé dans le canton de Berne.

    C.- L'un des avocats des plaignants, parties à la procédure genevoise,
a demandé de pouvoir prendre position sur la plainte au sujet du for,
en application de l'art. 8 LAVI (RS 312.5).

    D.- Dans ses observations, le Procureur du canton de Berne fait valoir
qu'un accord au sujet du for est intervenu entre les cantons de Genève,
Berne et Zurich (où une plainte semblable à celle déposée à Berne avait été
présentée, par la même organisation). Il précise que cette organisation
avait demandé aux autorités bernoises et zurichoises de se dessaisir du
dossier en faveur des autorités genevoises. Selon lui, le for légal se
trouve dans le canton de Berne (art. 346 al. 1 CP), mais aucune raison
impérieuse n'impose de modifier le for genevois qui résulte d'un accord
intercantonal nullement abusif. De plus, l'instruction prendrait plus de
temps à Berne.

    E.- Le Procureur général du canton de Genève explique notamment qu'il
serait faux de croire que l'enquête doive se concentrer uniquement sur
A.; en effet, plusieurs institutions ou personnes établies à Genève,
ou dans d'autres cantons romands (hôpitaux, médecins traitants) ont
distribué des produits en cause, ce qui pourrait conduire à d'autres
inculpations. Il fait grief à A. de n'avoir pas contesté le for plus tôt,
avant son inculpation. Il admet que le for légal pourrait ne pas se trouver
à Genève (suivant la qualification donnée aux "acteurs" genevois ayant
participé aux infractions reprochées: coauteurs, complices, instruments)
mais que des motifs de célérité, dans un cas où la mort des victimes
constitue une perspective malheureusement proche, imposent le maintien
du for à Genève. Il conclut au rejet de la plainte.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Les plaignants et parties civiles demandent à pouvoir prendre
position sur la question du for. Ils se fondent sur l'art. 8 LAVI. Cette
disposition a notamment pour but de permettre aux victimes de faire valoir
leurs prétentions civiles par la voie pénale (ATF 120 IV 44 consid. 4 p.
51). Elle s'applique sur tout le territoire de la Confédération, si bien
que l'on ne discerne pas quel intérêt juridiquement protégé une victime
aurait à ce que la poursuite pénale se déroule dans un canton plutôt que
dans un autre. On ne saurait donc admettre que la détermination du for
touche les prétentions civiles ou puisse avoir des effets sur le jugement
de ces dernières, au sens de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI.

    Dès lors, les victimes ne seront pas autorisées à se déterminer sur
la plainte au sujet du for présentée par l'inculpé.

Erwägung 2

    2.- D'après le Procureur général du canton de Genève, A.  aurait dû
contester le for genevois plus tôt, alors qu'il était entendu comme témoin;
le risque d'être inculpé serait suffisant pour exiger une protestation
au sujet du for.

    Cette argumentation doit être rejetée. Hormis les autorités, seules
les parties ont une possibilité de saisir la Chambre d'accusation
du Tribunal fédéral d'une contestation relative au for intercantonal
(SCHWERI, Interkantonale Gerichtsstandsbestimmung in Strafsachen, Berne
1987 p. 171 ch. 3, n. 539 ss). Or, un témoin n'est pas une partie.

    En l'espèce, A. a été entendu comme témoin, donc sans avocat (sans
interprète non plus), les 25 septembre 1992 et 18 février 1994. Il a
été inculpé le 4 mai 1994. Il a mandaté un avocat qui a contesté le for
(après avoir pris connaissance du volumineux dossier) le 6 juin 1994 en
s'adressant au Juge d'instruction. On ne saurait dès lors lui reprocher -
sous l'angle de la bonne foi - d'avoir laissé la procédure se dérouler
à Genève puis de contester aujourd'hui seulement ce for.

Erwägung 3

    3.- a) Selon l'art. 346 al. 1 première phrase CP, le for de la
poursuite et du jugement d'une infraction se trouve là où l'auteur a agi.

    L'auteur médiat, qui se sert d'une personne comme d'un instrument
pour commettre une infraction, est réputé avoir agi non seulement là où
il a donné ses ordres mais encore à l'endroit où ils ont été exécutés;
en pareil cas, le for sera fixé au lieu où la première instruction a
été ouverte (ATF 85 IV 203; SCHWERI, op.cit., p. 48 n. 88 et 89 où est
citée l'opinion de WALDER, pour qui seul l'acte de l'auteur médiat, non
pas celui de l'instrument, doit être pris en considération aux fins de
déterminer le lieu de commission).

    D'après les art. 262 et 263 PPF, la Chambre d'accusation peut
déroger aux règles des art. 349 et 350 CP (pluralité de coauteurs,
concours d'infractions). Cette faculté s'étend à d'autres cas (SCHWERI,
op.cit. p. 235 n. 395 ss en particulier 401).

    L'inculpé n'a pas un droit illimité d'exiger d'être jugé par les
autorités du canton où il a agi (ATF 71 IV 60 p. 62). Le transfert du for
de la poursuite pénale, après que les cantons se sont mis d'accord à son
sujet, est admissible uniquement en présence de motifs déterminants (ATF
107 IV 158 consid. 1 et jurisprudence citée). La Chambre de céans a déjà
jugé que sont déterminantes les raisons qui imposent une modification
du for afin de respecter le principe de l'économie de procédure ou de
garantir d'autres intérêts découlant de faits nouveaux (ATF 72 IV 39
consid. 1). Le transfert du for doit demeurer l'exception. Le but premier
est de sauvegarder la rapidité et l'efficacité des poursuites pénales
(voir SCHWERI, op.cit., p. 63 n. 161, voir p. 153 n. 478).

    La tendance actuelle de la jurisprudence est de modifier le for
uniquement lorsque des motifs d'économie de procédure le commandent
instamment (SCHWERI, op.cit., p. 154 n. 481). L'inculpé ne peut obtenir le
transfert du for reposant sur un accord intercantonal que si cet accord
résulte d'un abus du pouvoir d'appréciation laissé aux cantons, abus
qui constitue une violation du droit fédéral (ATF 117 IV 90 consid. 4a,
avec la jurisprudence et la doctrine citées).

    b) En l'espèce, si l'on s'en tient au fait que le requérant est le
seul inculpé et qu'il a agi - par action et par omission - à Berne, le
for légal se trouve dans ce canton en application de l'art. 346 al. 1
1ère phrase CP. Ce point ne paraît pas contesté.

    Cependant, un accord intercantonal a été conclu, certes récemment, et
les trois cantons concernés ont accepté que le for soit fixé à Genève. Or,
on ne saurait soutenir que cette dérogation au for légal soit le fruit
d'un abus du pouvoir d'appréciation. En effet, les points de rattachement
situés dans le canton de Genève sont nombreux. Si l'on considère que le
Laboratoire central (représenté par son directeur) est un auteur médiat,
ayant agi par l'intermédiaire notamment de l'Hôpital cantonal de Genève
et des médecins établis dans ce canton, la jurisprudence permettrait de
fixer même le for légal dans ce canton, où la première instruction a été
ouverte. Si l'on considère qu'il s'agit de coauteurs, le résultat serait
le même. Le Procureur général du canton de Genève admet que l'enquête
n'est pas concentrée sur le seul requérant, ce qui pourrait conduire à
d'autres inculpations. Au demeurant, plusieurs des plaignants habitent
le canton de Genève et ceux qui ont saisi les autorités bernoises et
zurichoises sont d'accord d'admettre le for genevois.

    Dans ces circonstances, on ne discerne aucun motif déterminant imposant
le transfert du for dans le canton de Berne. De plus, le principe de la
célérité de la procédure réclame une attention particulière dans ce cas où
la maladie des victimes est mortelle et où les faits sont déjà anciens. Le
Procureur général du canton de Berne estime également que l'instruction
pourra se dérouler plus rapidement à Genève que dans son canton.

    Ainsi, l'accord intercantonal ne résulte pas d'un abus du pouvoir
d'appréciation laissé aux cantons. La plainte au sujet du for doit être
rejetée.