Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IV 17



120 IV 17

5. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 2 février 1994
en la cause B. c. Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste

    Art. 181 StGB; Nötigung, Täterschaft.

    Wer jemandem ohne ernsthaften Grund mit einer Strafanzeige droht,
damit das Opfer sich in einer bestimmten Weise verhalte, was es ohne
Drohung nicht tun würde, begeht eine versuchte Nötigung (E. 2a u. b);
Eventualvorsatz genügt (E. 2c).

    Begriff des Täters, mittelbaren Täters und Mittäters (E. 2d).

Sachverhalt

    A.- B. a repris en 1978 la direction effective d'une société
zurichoise spécialisée dans le recouvrement des créances. Il a changé
les pratiques de la société dans le sens d'une efficacité plus grande et
il a décidé notamment de manifester une fermeté particulière à l'égard
des débiteurs romands et tessinois. Il dirigeait étroitement la marche
de sa société et en déterminait les méthodes de travail, connaissant le
contenu et l'utilisation des formules stéréotypées mises à disposition
des collaborateurs.

    Le 14 mai 1986, la société de B. a adressé à J. une lettre dont le
texte était préimprimé et dans laquelle la société, s'étonnant que des
actes de défaut de biens aient été dressés contre le débiteur, ajoutait:

    "Etant donné que vous avez aggravé votre situation financière en
achetant
   de la marchandise chez notre clientèle, tout en sachant que vous ne
   seriez pas capable d'assumer vos obligations, nous sommes forcés de
   porter une plainte pénale contre vous, au sens d'art. 165 CP (décadence
   de fortune).

    Notre plainte concernant un délit poursuivi d'office ne peut être
   retirée; un retrait n'empêcherait nullement la poursuite de
   l'information pénale.

    Si vous désirez empêcher cette mesure, nous vous accordons une dernière
   occasion de régler cette affaire à l'amiable."

    Le débiteur était invité à prendre contact avec la société dans un
certain délai, faute de quoi la plainte serait automatiquement déposée. Au
bas de la page, il était ajouté le texte dactylographié suivant:

    Copie au Procureur général:

    "Veuillez prendre immédiatement les mesures définitives et exécutoires
si
   le débiteur ne donnera pas suite à nos propositions."

    Le 15 janvier 1990, la société de B. a adressé la même formule à P., en
sa qualité de curateur de M.; la mention de la copie au Procureur général
était devenue préimprimée. Le 16 août 1990, la société a également envoyé
la même formule à Z.

    Alors même que B. se savait renvoyé devant le Tribunal du district
de Lausanne pour ces faits, la même formule a encore été envoyée, le 25
février 1991, à G. et, le 6 mai 1991, à Z.

    La société de B. ne disposait en réalité d'aucun élément concret
lui permettant sérieusement de fonder une plainte pour infraction
à l'art. 165 CP. D'autre part, contrairement à ce qui apparaissait,
aucune copie de ces lettres n'était envoyée au Procureur général.

    B.- Par jugement du 4 février 1993, le Tribunal correctionnel du
district de Lausanne a condamné B., pour délit manqué de contrainte,
à la peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans,
mettant à sa charge une partie des frais de la procédure et statuant
partiellement sur des conclusions civiles.

    Par arrêt du 7 juin 1993, la Cour de cassation cantonale a rejeté le
recours formé par le Ministère public et a admis partiellement le recours
de B., qualifiant l'infraction de tentative de contrainte et supprimant
la condamnation sur les conclusions civiles.

    C.- B. se pourvoit en nullité à la Cour de cassation du Tribunal
fédéral contre cet arrêt.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Reconnu coupable de tentative de contrainte, le recourant
conteste tout d'abord que le procédé utilisé puisse réaliser les éléments
constitutifs de cette infraction.

    Selon l'art. 181 CP, se rend coupable de contrainte "celui qui, en
usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage
sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté
d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire
un acte".

    En l'espèce, il résulte des faits retenus que les lettres litigieuses
avaient pour but, sous la menace d'une plainte pénale pour infraction à
l'art. 165 CP, d'amener les destinataires à faire un acte, à savoir de
payer leur dette. Il s'agissait donc bien d'exercer une influence sur
leur liberté d'action en les poussant, par la perspective d'un dommage
sérieux, à adopter un comportement qu'ils n'auraient vraisemblablement
pas eu sans cela (ATF 96 IV 58 consid. 1, 81 IV 101 consid. 1).

    Pour qu'il y ait menace d'un dommage sérieux, au sens de l'art. 181
CP, il faut d'une part que le dommage apparaisse sérieux (ATF 115 IV 207
consid. 2a, 106 IV 125 consid. 2a, 101 IV 47 consid. 2, 96 IV 58 consid. 3)
et d'autre part que la contrainte soit illicite (ATF 115 IV 207 consid. 2b,
106 IV 125 consid. 3a, 101 IV 47 consid. 2b, 96 IV 58 consid. 1, 87 IV
13 consid. 1).

    aa) Il y a menace d'un dommage sérieux lorsqu'il apparaît, selon la
déclaration faite, que la survenance de l'inconvénient dépend de l'auteur
et que cette perspective est telle qu'elle est de nature à entraver le
destinataire dans sa liberté de décision (ATF 106 IV 125 consid. 2a, 96
IV 58 consid. 3). La question doit être tranchée en fonction de critères
objectifs, et non pas d'après les réactions du destinataire d'espèce
(ATF 106 IV 125 consid. 2b, 101 IV 47 consid. 2a, 96 IV 58 consid. 3,
81 IV 101 consid. 3). La menace de déposer une plainte pénale doit être
considérée comme la menace d'un dommage sérieux; en effet, un tel acte,
dépendant de la volonté de l'auteur, provoque l'ouverture d'une procédure
pénale qui est, pour la personne visée, une source de tourments et un poids
psychologique considérable, de sorte que cette perspective est propre,
pour un destinataire raisonnable, à l'amener à adopter un comportement
qu'il n'aurait pas eu s'il avait eu toute sa liberté de décision (cf. ATF
96 IV 58 consid. 3).

    En menaçant les destinataires des lettres litigieuses de déposer
contre eux une plainte pénale pour infraction à l'art. 165 CP, l'entreprise
dirigée par le recourant proférait à leur encontre une menace d'un dommage
sérieux, puisqu'une telle plainte, vu la complexité des faits à élucider,
est de nature à provoquer de sérieux tourments et à inciter la personne
menacée à céder.

    bb) Il reste à déterminer si la contrainte, dans les circonstances
d'espèce, était illicite.

    Selon la jurisprudence, une contrainte est illicite lorsque le moyen
ou le but est contraire au droit ou lorsque le moyen est disproportionné
pour atteindre le but visé ou encore lorsqu'un moyen de contrainte
conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue,
au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux
moeurs; cette dernière hypothèse est en particulier réalisée lorsqu'il
n'y a pas de rapport entre l'objet de la menace et l'exigence formulée
(ATF 106 IV 125 consid. 3a, 105 IV 120 consid. 2b, 101 IV 47 consid. 2b
et les arrêts cités). Réclamer le paiement d'une créance ou menacer de
déposer une plainte pénale (lorsque l'on est victime d'une infraction)
constituent en principe des actes licites; celui qui, étant victime
d'une infraction, menace de déposer une plainte pénale afin d'obtenir
la réparation du préjudice subi ne commet pas une contrainte au sens
de l'art. 181 CP; l'illicéité n'apparaît que si le moyen utilisé n'est
pas dans un rapport raisonnable avec le but visé et constitue un moyen de
pression abusif; tel est le cas en particulier si l'objet de la plainte
pénale est sans rapport avec la prestation demandée ou si la menace doit
permettre d'obtenir un avantage indu (cf. ATF 115 IV 207 consid. 2b/cc,
101 IV 47 consid. 2b, 96 IV 58 consid. 1, 87 IV 13 consid. 1).

    En l'espèce, il a été retenu en fait - d'une manière qui lie la Cour
de cassation (art. 277bis PPF [RS 312.0]) - que les employés avaient
reçu pour instruction, dès réception d'un acte de défaut de biens d'une
certaine couleur, d'envoyer la formule préimprimée comprenant la menace
de la plainte pénale. Or, la seule délivrance d'un acte de défaut de
biens ne permet nullement d'étayer un soupçon d'infraction à l'art. 165
CP. Dans la mesure où le recourant affirme qu'il y avait un tri préalable,
au siège de l'entreprise, il s'écarte des constatations cantonales, ce qui
n'est pas admissible dans le cadre d'un pourvoi en nullité (art. 273 al. 1
let. b PPF; ATF 115 IV 38 consid. 3a, 106 IV 338 consid. 1). Au demeurant,
il n'a jamais été en mesure d'apporter le moindre indice sérieux d'une
telle infraction à l'encontre de l'un ou l'autre des destinataires en
cause. Il s'agissait donc de menaces qui étaient systématiquement proférées
à la légère. En cela, le procédé était abusif, puisqu'il consistait à
menacer, sans raison sérieuse, le destinataire de tourments importants,
afin de l'amener à payer sa dette, même en empiétant, le cas échéant,
sur le minimum vital. Menacer d'une plainte pour une infraction que
rien ne permet sérieusement de soupçonner constitue un moyen en soi
inadmissible. Le moyen utilisé étant dans ces circonstances abusif et
sans rapport raisonnable avec le but visé, la contrainte était illicite.

    C'est donc à juste titre que l'autorité cantonale a retenu la
qualification de contrainte au sens de l'art. 181 CP.

    b) Contrairement à ce que semble soutenir le recourant, les
trois éléments analysés par l'autorité cantonale ne constituent pas
des contraintes distinctes qui entreraient en concours; il s'agit en
réalité de procéder à une appréciation globale de la lettre, pour dire
s'il y a usage d'un moyen de pression abusif, donc illicite. Les trois
éléments s'éclairent donc l'un l'autre et la lettre doit être comprise
comme un tout; il importe donc peu que l'un ou l'autre de ces éléments,
pris isolément, n'aurait pas suffi pour justifier la qualification de
contrainte.

    Lorsque le recourant sous-entend qu'il aurait eu des soupçons
plausibles à l'encontre des personnes visées, il s'écarte des constatations
de fait cantonales, ce qui n'est pas admissible. Il n'indique d'ailleurs
même pas en quoi consistaient ces soupçons.

    Comme les lettres litigieuses mentionnaient expressément l'art. 165
CP et employaient les termes "aggravé sa situation" figurant dans cette
disposition, l'autorité cantonale a admis que cette disposition avait été
lue et que l'on savait donc que l'infraction à l'art. 165 CP, contrairement
à ce qui était affirmé dans les lettres, n'était pas toujours un délit
poursuivable d'office. Elle a également retenu qu'il s'agissait, par
cette imprécision, de mettre le destinataire sous pression en lui faisant
croire que s'il ne payait pas immédiatement un processus irréversible
serait enclenché. Sur la base d'un tel état de fait - qui ne peut pas
être réexaminé dans le cadre d'un pourvoi en nullité (art. 277bis PPF) -,
il était juste d'observer qu'il s'agissait d'une affirmation trompeuse,
donc déloyale, destinée à accroître la pression psychologique.

    L'indication qu'une copie était adressée au Procureur général avait
manifestement pour but de montrer que la situation était déjà sous le
contrôle de cette autorité et qu'il fallait redouter son intervention
en cas de non-paiement. Comme aucune copie n'était envoyée au Procureur
général, il y avait ici également une tromperie, qui confirme le caractère
abusif du procédé, même si cet aspect, pris isolément, n'aurait pas suffi
pour justifier la qualification de contrainte. Il faut d'ailleurs relever
que l'autre lettre, citée par le recourant, ne comportait aucune référence
à une infraction pénale, de sorte que la mention d'une copie au Procureur
général n'avait pas la même portée, en l'absence de tout allégué dont il
aurait pu se saisir. Le fait qu'aucune copie n'était envoyée au Procureur
général confirme que l'on avait conscience de ce qu'une plainte ne peut
pas être déposée à la légère et que l'on ne disposait pas d'éléments
suffisants.

    c) Pour qu'il y ait tentative de contrainte, il faut que l'auteur
ait agi avec conscience et volonté, soit au moins qu'il ait accepté
l'éventualité que le procédé illicite employé entrave le destinataire
dans sa liberté de décision (ATF 101 IV 42 consid. 4, 96 IV 58 consid. 5,
87 IV 13 consid. 2).

    Contrairement à ce que suggère le recourant, il ne ressort nullement
de l'arrêt attaqué que l'autorité cantonale aurait méconnu le caractère
intentionnel de l'infraction.

    Selon les faits retenus, qui ne peuvent être réexaminés dans le
cadre d'un pourvoi, le recourant dirigeait de près son entreprise, il
avait déterminé la manière de procéder et faisait donner aux employés
les instructions nécessaires avec le jeu des formules utilisées; il
connaissait la formule litigieuse et son utilisation. Il résulte de
façon suffisamment claire de l'arrêt entrepris que l'autorité cantonale a
retenu qu'il avait voulu cette manière de procéder (sans instaurer aucun
contrôle préalable des soupçons d'infraction à l'art. 165 CP, ni aucun
tri suivant que l'infraction soit poursuivable d'office ou sur plainte)
et qu'il a fait en sorte qu'elle soit appliquée par ses subordonnés.
Le but de la lettre étant clair, le recourant avait nécessairement
accepté d'exercer, par la menace d'une plainte pénale, une pression sur la
volonté des débiteurs, pour les amener à effectuer des versements qu'ils
n'étaient vraisemblablement pas disposés à faire sans cela; le caractère
illicite du procédé consistant à menacer d'une plainte pénale, sans que
celle-ci ait un fondement sérieux, ne pouvait lui échapper; la situation
se distingue à l'évidence des avertissements figurant sur les formules
des offices de poursuites pour le cas où le destinataire commettrait à
l'avenir une infraction; d'ailleurs, aucune erreur du recourant n'a été
constatée en fait.

    d) Le recourant conteste que les faits retenus permettent de le
qualifier d'auteur de la tentative de contrainte.

    Les juges de première instance l'avaient considéré comme auteur médiat,
mais la cour cantonale, dont la décision fait seule l'objet du pourvoi,
a laissé cette question ouverte, estimant qu'il suffisait de constater
qu'il avait agi en qualité d'auteur.

    L'auteur médiat est celui qui se sert d'une autre personne comme d'un
instrument dénué de volonté ou du moins agissant sans intention coupable,
afin de lui faire exécuter l'infraction projetée (ATF 77 IV 88 consid. 1,
71 IV 132 consid. 3). L'auteur médiat est punissable comme s'il avait
accompli lui-même les actes qu'il a fait exécuter par le tiers agissant
comme instrument (ATF 87 I 451 consid. 5 p. 457, 85 IV 203).

    Le coauteur est celui qui collabore intentionnellement et de manière
déterminante avec d'autres personnes dans la décision de commettre une
infraction, dans son organisation ou son exécution, au point d'apparaître
comme l'un des participants principaux (ATF 118 IV 397 consid. 2b,
115 IV 161 consid. 2, 108 IV 88 consid. 2a). La coactivité suppose une
décision commune, mais qui n'est pas nécessairement expresse; elle peut
aussi résulter d'actes concluants et le dol éventuel quant au résultat
suffit (ATF 118 IV 397 consid. 2b, 115 IV 161 consid. 2). Il n'est pas
nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet, il peut y
adhérer ultérieurement (ATF 118 IV 397 consid. 2b; TRECHSEL, Kurzkommentar
StGB, vor Art. 24 Nr. 12). Il n'est d'ailleurs pas nécessaire que l'acte
soit prémédité, le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution
(ATF 108 IV 88 consid. 2a). Le contenu de la volonté doit permettre de
distinguer le coauteur du participant accessoire (ATF 115 IV 161, 108 IV
88 consid. 2a): il faut que l'auteur s'associe à la décision dont est issu
le délit (mais sans accomplir nécessairement des actes d'exécution) ou à
la réalisation de ce dernier, dans des conditions ou dans une mesure qui
le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal
(ATF 69 IV 97 s.). La seule volonté ne suffit cependant pas pour admettre
la coactivité, il faut encore que le coauteur participe effectivement à la
prise de la décision, à l'organisation ou à la réalisation de l'infraction
(ATF 108 IV 88 consid. 2a); la jurisprudence la plus récente, se référant
à la doctrine, exige même que le coauteur ait une certaine maîtrise des
opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (ATF 118 IV 397
consid. 2b; cf. STRATENWERTH, Allg. Teil I, par. 13 no 55; NOLL/TRECHSEL,
Allg. Teil I, 3ème éd. p. 159 s.; BERNHARD PETER, Zur Mittäterschaft nach
schweizerischem Strafrecht, Zürich 1984 p. 38 ss, 53 s.). Dès lors que
l'infraction apparaît comme l'expression d'une volonté commune, chacun
des coauteurs est pénalement tenu pour le tout (ATF 109 IV 161 consid. 4b
et les arrêts cités). Cette construction juridique tend en particulier à
la répression de ceux qui ont planifié une infraction, mais sans prendre
part à son exécution proprement dite (ATF 108 IV 88 consid. 2a).

    Les concepts d'auteur médiat et de coauteur montrent qu'une personne
peut être considérée comme auteur d'une infraction, même si elle n'en est
pas l'auteur direct, c'est-à-dire si elle n'a pas accompli elle-même tous
les actes décrits dans la disposition pénale; cela résulte naturellement
du fait qu'une infraction, comme toute entreprise humaine, n'est pas
nécessairement réalisée par une personne isolée, mais peut procéder d'une
action commune avec une répartition des tâches (cf. PHILIPPE GRAVEN,
L'infraction pénale punissable, Berne 1993 p. 272 ss).

    La distinction entre l'auteur médiat et le coauteur, invoquée par le
recourant, ne lui est d'aucun secours. En effet, elle n'a d'importance
dans le cas d'espèce que pour examiner si les subordonnés qui envoyaient
les formules avaient ou non l'intention délictueuse et, en conséquence
étaient ou non punissables. Or, l'accusé n'a qualité pour se pourvoir en
nullité (art. 270 al. 1 PPF) que dans la mesure où le jugement touche
à ses intérêts personnels; il ne peut pas se plaindre par cette voie de
la manière dont d'autres personnes ont été traitées (CORBOZ, Le pourvoi
en nullité, SJ 1991 p. 71). Il n'est donc pas nécessaire de trancher
cette question et il suffit d'examiner, sur la base des faits retenus
(art. 277bis al. 1 PPF), si le recourant peut être considéré comme auteur
de la tentative de contrainte.

    Il a été retenu que le recourant, qui dirigeait l'entreprise, avait
voulu durcir la procédure à l'égard des débiteurs, en particulier ceux de
Suisse romande et du Tessin. Suivant de près la marche de l'entreprise,
il déterminait les manières de procéder. Il donnait ou faisait donner
aux employés de l'entreprise des instructions précises, les amenant à
procéder de manière stéréotypée, en fonction d'un jeu de formules. C'est
manifestement pour satisfaire sa volonté de durcissement que la formule
litigieuse a été établie, même si les circonstances exactes de son
élaboration n'ont pas pu être élucidées. Il connaissait l'existence, le
contenu et l'utilisation qui devait être faite de cette formule. Il avait
la maîtrise totale de la situation, puisqu'il aurait pu, dès l'origine et à
tout moment, en interdire l'usage. Comme les subordonnés ne faisaient que
suivre ses ordres, il en résulte de façon suffisante qu'il a voulu l'emploi
de cette formule et que sa volonté exerçait une influence déterminante
sur son utilisation effective. Admettre en pareilles circonstances qu'il
a agi comme auteur, sous la forme de l'auteur médiat ou du coauteur,
ne viole en rien le droit fédéral. Pour la qualification d'auteur médiat
ou de coauteur, il est sans pertinence qu'il n'ait pas accompli lui-même
les actes d'exécution proprement dits.