Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 II 352



120 II 352

64. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour civile du 1er décembre 1994 dans
la cause R. SA contre I. SA (recours en réforme) Regeste

    Art. 697h Abs. 2 OR; derogatorische Kraft des Bundesrechts,
summarisches kantonales Verfahren und Endentscheid im Sinne von Art. 48 OG.

    Wenn ein im summarischen Verfahren gefällter kantonaler Entscheid
kraft Bundesrechts materielle Rechtskraft hat - wie der Entscheid über
das Einsichtsrecht gemäss Art. 697h Abs. 2 OR -, hat der Richter eine
umfassende Prüfung in rechtlicher und tatsächlicher Hinsicht vorzunehmen
(E. 2).

    Ein summarischer Entscheid, in dem in Missachtung des Grundsatzes
der derogatorischen Kraft des Bundesrechts und des Art. 8 ZGB über einen
Anspruch des Bundesrechts aufgrund blosser Glaubhaftmachung, nach einer
beschränkten Beweisabnahme endgültig befunden wird, ist ein Endentscheid
im Sinne von Art. 48 Abs. 1 OG (E. 1 u. 3).

Sachverhalt

    A.- Le 13 décembre 1993, la société R. SA a déposé contre la société
I. SA une requête en consultation des comptes selon l'art. 697h al. 2
CO. Statuant en procédure sommaire conformément à l'art. 8 let. b
ch. 5 LACC/GE, le Tribunal de première instance de Genève a autorisé
la requérante à consulter les comptes annuels, les comptes de groupe et
les rapports des réviseurs de l'année 1992 au siège de la défenderesse
et ordonné à celle-ci de mettre ces documents à disposition, sous les
peines de droit prévues par l'art. 292 CP.

    Saisie d'un appel de la défenderesse, la Cour de justice civile du
canton de Genève a, par arrêt du 14 avril 1994, annulé le jugement attaqué
et débouté la demanderesse de toutes ses conclusions.

    B.- La demanderesse interjette un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Elle y reprend les conclusions de sa demande. La défenderesse
conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement,
au rejet de celui-ci.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 117 Ia 336 consid. 1,
116 Ia 177 consid. 2 et les arrêts cités).

    a) Les art. 43 ss OJ ne prévoient pas expressément de recours contre
la décision rendue en application de l'art. 697h al. 2 CO. Le recours
en réforme n'est donc recevable que si la décision revêt le caractère
de contestation civile au sens des art. 44 à 46 OJ. Par contestation
civile, il faut entendre une procédure contradictoire visant à provoquer
une décision définitive sur des rapports de droit civil, et cela quelle
qu'ait été la procédure, contentieuse ou gracieuse, suivie par l'autorité
cantonale, pourvu que les parties au litige se prétendent titulaires
de droits privés (ATF 112 II 145 consid. 1, 110 II 8 consid. 1b et les
arrêts cités).

    Tant l'ancien droit que le nouveau droit des sociétés anonymes
garantissent aux créanciers de sociétés qui ne sont pas tenues de publier
leur compte de profits et pertes et leur bilan un droit de regard dans
ces documents, à condition de justifier d'un intérêt digne de protection
(art. 704 aCO et 697h al. 2 CO). Ce droit à la consultation des comptes
annuels, des comptes de groupe et des rapports des réviseurs est une
prétention de droit privé qui peut faire l'objet d'une action en justice
(ATF 119 II 46 consid. 1b). Le présent recours porte donc bien sur une
contestation civile au sens de l'art. 46 OJ. En l'espèce, la valeur
litigieuse est supérieure à 8'000 fr.

    b) Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, le recours en réforme
n'est recevable que contre des décisions finales au sens de l'art. 48
al. 1 OJ.

    La notion de décision finale relève du droit fédéral. Selon la
jurisprudence, est finale toute décision par laquelle le juge statue
sur le fond d'une prétention ou s'y refuse pour un motif qui empêche
définitivement que la même prétention soit exercée à nouveau entre les
mêmes parties (ATF 119 II 241 consid. 2, 116 II 381 consid. 2a, 116 II 21
consid. 1c, 111 II 463 consid. 1a et les arrêts cités). En particulier,
un jugement est donc final lorsqu'il statue sur le droit litigieux avec
l'autorité de la chose jugée ("res iudicata"; ATF 119 II 241 consid. 2;
SANDOZ/POUDRET, Ordonnance de séparation de biens de l'art. 176 al. 1
ch. 3 CC et décision finale de l'art. 48 OJ, in JdT 1990 I, p. 324).

    Le caractère final ou non d'une décision se détermine donc
exclusivement en fonction de l'effet de celle-ci sur le droit déduit en
justice, indépendamment de la procédure suivie (POUDRET, COJ, n. 1.1.5 ad
art. 48 OJ p. 277; SANDOZ/POUDRET, op.cit., p. 329). Que la décision ait
été prise en procédure sommaire ne fait pas obstacle au recours en réforme,
pourvu qu'elle statue définitivement sur une prétention issue du droit
fédéral; tel est en principe le cas si la décision a été rendue à l'issue
d'une procédure probatoire complète, non limitée à la vraisemblance des
faits allégués et qu'elle se fonde sur une motivation exhaustive en droit
(ATF 119 II 241 consid. 2, 116 II 381 consid. 2a).

Erwägung 2

    2.- En l'espèce, la décision attaquée est un arrêt de la Cour
de justice du canton de Genève refusant à la demanderesse le droit de
consulter les comptes annuels, les comptes de groupe et les rapports des
réviseurs de l'année 1992 de la société défenderesse (art. 697h al. 2
CO). Conformément à l'art. 8 let. b ch. 5 LACC/GE, elle a été prise en
procédure sommaire (art. 347 ss LPC/GE). Le Tribunal fédéral vérifie
d'office la conformité du droit cantonal avec le droit fédéral (ATF 120
II 28 consid. 3).

    a) Bien que le droit de procédure demeure dans la compétence
des cantons (art. 64 al. 3 Cst.), il ne saurait empêcher ou entraver
l'application du droit civil de la Confédération (ATF 119 II 89 consid. 2c
et les arrêts cités).

    Les cantons sont, en principe, libres d'attacher ou non l'effet
de l'autorité de la chose jugée à la décision rendue en procédure
sommaire. Cependant, dans les cas où le droit cantonal soumet une
prétention de droit fédéral exclusivement à la procédure sommaire (dans la
mesure admissible au regard du droit fédéral, ATF 94 II 105 consid. 1b),
ainsi que dans les cas où le droit fédéral prescrit une attraction de
compétence qui entraîne l'application d'une procédure sommaire cantonale
(ATF 119 II 241 consid. 2), la décision rendue en procédure sommaire jouit
de l'autorité de la chose jugée en vertu du droit fédéral (ATF 119 II
89 consid. 2c). Elle suppose donc un examen exhaustif du fondement de la
cause, en fait comme en droit. Le juge ne peut, en effet, se contenter de
vraisemblances quant aux faits et s'accommoder de restrictions quant aux
moyens de preuve que pour une décision qui ne jouirait pas de l'autorité
de la chose jugée (ATF 117 II 554 consid. 2d). La décision prise en
procédure sommaire et revêtue de l'autorité de la chose jugée en vertu
du droit fédéral doit donc être qualifiée de finale au sens de l'art.
48 al. 1 OJ puisqu'il n'est plus possible de saisir un juge ordinaire de
la même question.

    b) Le droit de consulter les comptes de l'art. 697h al. 2 CO
est un droit privé qui appartient aux créanciers (ATF 119 II 46
consid. 1b). Ceux-ci doivent s'adresser directement à la société et, en
cas de litige, faire trancher la question par le juge. Le droit fédéral
ne prescrit aucune autre règle de procédure.

    La condamnation à présenter les comptes prononcée en application
de l'art. 697h al. 2 CO n'appelle pas, de par sa nature, de
validation. La décision rendue règle définitivement le sort du droit à
la consultation. Nonobstant le caractère sommaire de la procédure qui
y conduit, la décision n'est pas destinée à n'offrir qu'une protection
provisoire au créancier, mais exclut une procédure ultérieure portant sur
le même objet. Elle met un terme à la procédure considérée. En effet,
une fois que les comptes de l'année 1992 ont été consultés, il n'y a
plus place pour une procédure ordinaire sur ce même objet. Le droit à la
consultation des comptes de l'art. 697h al. 2 CO est donc une prétention
de droit fédéral que le droit cantonal genevois, par l'art. 8 let. b
ch. 5 LACC/GE, soumet exclusivement à la procédure sommaire et qui,
par conséquent, est revêtue de l'autorité de la chose jugée en vertu du
droit fédéral. La décision sur ce droit doit donc être soumise aux règles
applicables aux jugements jouissant de l'autorité de la chose jugée sur une
prétention relevant du droit fédéral (ATF 117 II 554 consid. 2d). Le juge
doit exiger le degré de la preuve applicable au droit de fond (art. 8 CC)
et statuer après une administration des preuves complète (et non pas sur
la base de la simple vraisemblance suite à une administration limitée
des preuves comme en procédure de mesures provisionnelles). Partant,
la décision ainsi prise en procédure sommaire est finale au sens de
l'art. 48 al. 1 OJ.

    Selon la jurisprudence, le droit similaire de l'actionnaire à la
consultation des comptes de l'art. 697 al. 4 CO, qui, en droit genevois,
doit être exercé en procédure sommaire (art. 8 let. b ch. 1 LACC/GE),
doit pouvoir faire l'objet d'un recours en réforme. Lorsqu'il se prononce
sur l'existence et l'étendue de ce droit de l'actionnaire à l'obtention
de renseignements, le juge rend en effet une décision définitive dans une
contestation civile (ATF 112 II 145 consid. 2b, 109 II 47 consid. 2; dans
ce sens également, POUDRET, COJ, n. 1.2.69 ad Titre II, p. 23; OR-WEBER,
n. 23 ad art. 697 CO).

Erwägung 3

    3.- En l'espèce, l'arrêt de la Cour de justice a été rendu en
procédure sommaire sur la base de la vraisemblance des faits et après une
administration limitée des moyens de preuve. Force est donc de constater
que c'est sur la base d'un examen sommaire et provisoire que la cour
cantonale a admis la qualité de créancière de la demanderesse, mais a
refusé de reconnaître à celle-ci un intérêt digne de protection.

    a) Bien qu'elle ait, à tort, restreint son examen à la vraisemblance
et procédé à une administration des preuves limitée, l'autorité cantonale
n'en a pas moins rendu une décision qui ne peut être revue en procédure
ordinaire puisqu'elle est revêtue de l'autorité de la chose jugée en
vertu du droit fédéral. Contrairement à ce que soutient la défenderesse,
le créancier ne pourrait pas former une nouvelle requête ultérieurement
pour les comptes de l'année 1992 s'il démontrait sa qualité de créancier et
prouvait un intérêt digne de protection, à moins qu'il ne puisse apporter
la preuve de la survenance de faits nouveaux.

    Par conséquent, en statuant définitivement sur une prétention
relevant du droit fédéral sur la base de la simple vraisemblance après
une administration des preuves limitée, la cour cantonale a violé le
principe de la force dérogatoire du droit fédéral et l'art. 8 CC, qui
fixe le degré de la preuve nécessaire pour l'admission du droit de fond.

    b) L'application erronée d'une procédure sommaire limitant le degré
de la preuve et l'administration des moyens de preuve ne saurait toutefois
priver le justiciable de la voie du recours en réforme. En effet, ce serait
renverser la hiérarchie des normes que de dénier le caractère final à
une décision jouissant pourtant de l'autorité de la chose jugée, au motif
que la procédure suivie devant la juridiction cantonale ne respecterait
pas le droit à la preuve imposé par le droit fédéral (SANDOZ/POUDRET,
op.cit. p. 329). Partant, la décision doit être qualifiée de finale au
sens de l'art. 48 OJ.