Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 II 296



120 II 296

57. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 15 novembre 1994 dans la
cause K. contre H. (recours en réforme) Regeste

    Bürgerlicher Kauf - Nichterfüllung (Art. 107 Abs. 2 OR, Art.  191 OR,
Art. 42 Abs. 2 OR).

    Ist der Schadenersatzanspruch des Käufers zu berechnen, verstösst es
nicht gegen Bundesrecht, wenn auf die Differenz zwischen dem bei einem
Weiterverkauf erzielbaren Preis der Sache, bestimmt nach Ermessen mit
Rücksicht auf den gewöhnlichen Lauf der Dinge, und dem zwischen den
Parteien vereinbarten Preis abgestellt wird. Unerheblich ist, ob der
Käufer beabsichtigt hat, die Sache weiterzuverkaufen oder nicht (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Par contrat du 23 juillet 1987, Z., garagiste et agent de la marque
Ferrari, a vendu à K. une Ferrari F40 pour le prix de 400'000 fr. Le 23
mars 1988, K. a vendu la F40 - qui n'était pas encore en sa possession -
à H. pour le prix de 520'000 fr. Selon le contrat, la remise du véhicule -
prévue probablement pour fin 1988 - aurait lieu environ quatre semaines
après la livraison au garagiste Z. H. a versé un acompte de 60'000
fr. De fin mars à fin septembre 1989, l'acheteur a invité le vendeur
à plusieurs reprises, en vain, à lui communiquer la date de livraison
de la voiture. Par lettre du 17 octobre 1989, le mandataire de H. a mis
K. en demeure de livrer la Ferrari jusqu'au 3 janvier 1990; le courrier
précisait qu'en cas d'inexécution à cette date, l'acheteur renoncerait
à la prestation et réclamerait des dommages-intérêts compensatoires.

    K. n'a jamais répondu. En réalité, il avait reçu la F40 le 18 mai
1989. Le même jour, il l'a vendue à son frère qui l'a lui-même revendue
à Z. six jours plus tard pour le prix de 600'000 fr. A son tour, Z. a
revendu le véhicule en juillet 1989 à un amateur dont l'identité est
ignorée; le prix était de 700'000 fr.

    B.- Par mémoire-demande du 10 avril 1990, H. a assigné K. en
paiement de 980'000 fr., plus intérêts à 5% dès le 4 janvier 1990. En
cours de procédure, le défendeur a remboursé au demandeur une partie de
l'acompte, soit 41'740 fr. 20. H. a alors réduit d'autant ses conclusions
en paiement.

    Par jugement du 7 décembre 1993, la Cour civile II du Tribunal cantonal
du canton du Valais a admis la demande en dommages-intérêts à concurrence
de 138'259 fr. 80, avec intérêts à 5% sur 180'000 fr. du 4 janvier au 30
juillet 1990 et sur 138'259 fr. 80 dès le 31 juillet 1990.

    C.- Le Tribunal fédéral a rejeté dans la mesure où il était recevable
le recours en réforme déposé par le défendeur et a confirmé le jugement
attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Pour calculer le dommage subi par l'acheteur, la cour cantonale
est partie de la valeur marchande d'une Ferrari F40 à l'époque des faits,
soit entre mai 1989 et janvier 1990. Ecartant le prix-catalogue et les
prix manifestement spéculatifs, elle a estimé cette valeur à 700'000 fr.,
ce qui correspond en particulier au prix auquel Z. a revendu à un tiers,
en juillet 1989, le véhicule destiné au demandeur. De ce montant, les juges
précédents ont déduit le prix convenu entre les parties, soit 520'000 fr.,
ainsi que la somme de 41'740 fr. 20 déjà remboursée par le défendeur,
ce qui donne un dommage total de 138'259 fr. 80.

    a) Le défendeur critique la manière dont les juges cantonaux ont
calculé le dommage. A son avis, l'art. 191 al. 2 et 3 CO n'est pas
applicable, même par analogie, dans le cas particulier, car la vente en
cause ne présente pas un caractère commercial. Au demeurant, faute de prix
de marché au sens de l'art. 191 al. 3 CO, il n'y a pas lieu de prendre
en compte un dommage abstrait. De plus, un dommage concret n'a pas été
démontré puisque le demandeur a toujours affirmé qu'il n'entendait pas
revendre la F40. A titre subsidiaire, le défendeur reproche à la cour
cantonale d'avoir violé l'art. 42 al. 2 CO en admettant que le montant
exact du dommage ne pouvait être établi et en le déterminant en équité.

    b) La fixation du dommage ressortit en principe au juge du fait. Saisi
d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral n'intervient que si l'autorité
cantonale a méconnu la notion juridique du dommage ou s'est laissé guider
par des critères erronés (ATF 116 II 441 consid. 3a, 113 II 345 consid. 1
et les arrêts cités).

    Le dommage réside dans la diminution involontaire de la fortune
nette. Il peut consister en une réduction de l'actif, en une augmentation
du passif ou dans un gain manqué; il correspond à la différence entre le
montant actuel du patrimoine et le montant que celui-ci aurait atteint
si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 116 II 441
consid. 3a/aa, 104 II 198 consid. a et les arrêts cités).

    Le vendeur qui n'exécute pas son obligation répond du dommage causé
de ce chef à l'acheteur (art. 191 al. 1 CO). Cette disposition n'est
qu'un rappel des règles générales sur l'inexécution des obligations
contractuelles (art. 97 ss CO; ATF 105 II 87 consid. 2, 104 II 198
consid. b; SCHÖNLE, n. 3 et 8 ad art. 191 CO), et spécialement de
l'art. 107 al. 2 CO: l'acheteur renonce à l'exécution et réclame des
dommages-intérêts positifs (ou compensatoires), représentant l'intérêt -
positif - qu'il aurait eu à recevoir la chose (TERCIER, La partie spéciale
du Code des obligations, n. 217, p. 29). En principe, l'acheteur doit
établir les éléments concrets de son dommage (art. 42 al. 1 CO applicable
par renvoi de l'art. 99 al. 3 CO); il sera ainsi amené à démontrer, par
exemple, qu'il a dû acquérir la marchandise ailleurs à des conditions moins
favorables, ou qu'il a été privé du bénéfice que la revente lui aurait
procuré, ou encore qu'il a dû indemniser à son tour son propre acheteur
(STANISLAS, Le droit de résolution dans le contrat de vente, p. 40 - 41;
CAVIN, La vente - L'échange - La donation, in Traité de droit privé suisse,
vol. VII, tome I, 1, p. 49).

    L'art. 191 CO distingue deux modes de calcul qui facilitent à
l'acheteur la preuve de son préjudice, en lui permettant de réclamer,
à titre de réparation de l'intérêt positif, soit la différence entre le
prix de vente et le prix effectivement payé de bonne foi pour un achat de
couverture (calcul concret; al. 2) soit, pour les marchandises cotées en
bourse ou ayant un prix courant, la différence entre le prix de vente et
le cours du jour au terme fixé pour la livraison (calcul abstrait; al. 3)
(ATF 105 II 87 consid. 2; SCHÖNLE, n. 22 ad art. 191 CO; CAVIN, op.cit.,
p. 49).

    Ces méthodes s'appliquent en tout cas à la vente commerciale,
c'est-à-dire à la vente d'une marchandise à un acheteur qui entend la
revendre avec un bénéfice (ATF 65 II 171 consid. 2 p. 173; OR-KOLLER,
n. 15 ad art. 191 CO; cf. également SCHÖNLE, n. 19 ad art. 190 CO). En
revanche, il y a controverse sur le point de savoir si l'art. 191 al. 2
ou 3 CO peut également servir, en tant que tel, à déterminer le dommage
dans la vente civile (OR-KOLLER, n. 15 ad art. 191 CO; KELLER/LÖRTSCHER,
Kaufrecht - Eine systematische Darstellung, 2e éd., p. 35; GIGER, n. 19 ss
ad art. 191 CO et les références). Sans trancher véritablement la question,
le Tribunal fédéral a eu l'occasion d'observer que le juge pouvait se
fonder sur des critères analogues à ceux de l'art. 191 al. 2 et 3 CO
également dans le cas d'une vente civile (ATF 104 II 198 consid. b). En
particulier, le droit fédéral ne prohibe pas tout calcul abstrait du
dommage en-dehors des cas d'application de l'art. 191 al. 3 CO; ainsi,
le préjudice peut être calculé par compensation ("échange") entre le prix
convenu entre les parties et le prix - hypothétique - auquel l'acheteur
aurait pu revendre la marchandise, évalué selon le cours ordinaire
des choses, par application analogique de l'art. 42 al. 2 CO (ATF 105
II 87 consid. 3). A cet égard, il importe peu de savoir si l'acheteur
aurait revendu ou conservé la chose (SCHENKER, Die Voraussetzungen und
die Folgen des Schuldnerverzugs im schweizerischen Obligationenrecht,
thèse Fribourg 1987, Fribourg 1988, n. 658, p. 242; GIGER, n. 43 ad
art. 191 CO; cf. également OSER/SCHÖNENBERGER, n. 4 ad art. 191 CO). En
effet, indépendamment d'une éventuelle revente, la prestation promise a
une valeur pour l'acheteur (SCHENKER, op.cit., n. 658 et 659, p. 242 -
243). En d'autres termes, le dommage - défini comme la différence entre
deux états du patrimoine à deux moments donnés - existe dès l'instant où
la valeur de la chose vendue au moment décisif pour le calcul du dommage
excède le prix de vente convenu entre les parties; la réparation du
préjudice porte alors sur la plus-value perdue (ATF 104 II 198 consid. c).

    La valeur de la chose vendue s'apprécie en principe au moment où
l'acheteur renonce à la prestation (ATF 45 II 274 consid. 2 p. 278;
GAUCH/SCHLUEP, Schweizerisches Obligationenrecht - Allgemeiner Teil,
tome II, 5e éd., n. 3054, p. 172; SCHENKER, op.cit., n. 661, p. 243;
selon BUCHER, le créancier peut choisir entre le début de la demeure et le
moment de la renonciation à l'exécution [Schweizerisches Obligationenrecht
- Allgemeiner Teil, 2e éd., p. 345]). Dans la vente commerciale, c'est
le terme fixé pour la livraison qui est déterminant (art. 191 al. 3 CO).

    c) En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat du 23 mars 1988
n'est pas une vente commerciale. Néanmoins, la question de l'application
directe de l'art. 191 al. 2 ou 3 CO à la vente civile peut demeurer
indécise. En effet, contrairement à ce que le défendeur prétend, la cour
cantonale n'a pas calculé le dommage sur la base de cette disposition;
d'une part, elle n'a pas pris en compte un éventuel achat de couverture
auquel le demandeur aurait procédé, d'autre part, elle ne s'est référée ni
à un cours boursier ni à un prix courant. En réalité, les juges précédents
ont recherché l'intérêt positif de l'acheteur en appliquant les règles
générales en matière d'inexécution des obligations: ils ont déduit le
prix contractuel du prix auquel le demandeur aurait pu revendre la F40,
estimé selon le cours ordinaire des choses. Conforme aux principes
rappelés ci-dessus, la méthode adoptée par la Cour civile II ne viole
pas le droit fédéral.

    La cour cantonale a évalué à 700'000 fr. le prix hypothétique d'une
F40 pour l'époque allant de la fin du premier semestre de 1989 au début
1990. Selon la jurisprudence rendue à propos de l'art. 42 al. 2 CO, le juge
peut recourir à l'évaluation équitable du dommage pour autant que la partie
qui supporte le fardeau de la preuve lui ait fourni tous les éléments de
fait à cette fin (ATF 105 II 87 consid. 3, 98 II 34 consid. 2, 97 II 216
consid. 1). En l'occurrence, les juges cantonaux disposaient de nombreux
éléments pour procéder à l'estimation de la valeur de la Ferrari (offres
de F40 parues dans la presse suisse, offres du 30 novembre 1990 de P. au
défendeur et du 4 décembre 1990 du défendeur au demandeur, témoignages de
Z. et d'amateurs de Ferrari, avis de deux experts). Ils ont écarté à la
fois le prix-catalogue, pratiqué par les concessionnaires Ferrari (environ
400'000 fr.) et les prix manifestement spéculatifs (1'000'000 fr. et plus),
pour s'en tenir au prix auquel la voiture achetée par le demandeur avait
été revendue par Z. en juillet 1989, soit 700'000 fr.; cette conclusion
s'est trouvée confortée en outre par l'offre du défendeur du 4 décembre
1990, soit 680'000 fr., intervenue alors que le prix des modèles F40 avait
déjà commencé de baisser. Ce faisant, la cour cantonale s'est fondée sur
des éléments raisonnables de sorte que son appréciation ex aequo et bono
de la valeur de la Ferrari ne prête pas le flanc à la critique.

    Par ailleurs, il n'était pas nécessaire de fixer plus précisément le
moment déterminant pour le calcul de la valeur du véhicule (août 1989,
octobre 1989 ou janvier 1990); en effet, il ressort de l'état de fait
que le prix des F40 n'a fléchi qu'à partir du second semestre de 1990.

    d) La prétention exercée par le demandeur ne porte pas sur des
dommages-intérêts pour cause de retard au sens de l'art. 107 al. 2 CO et,
du reste, la cour cantonale n'a pas examiné la cause sous cet angle-là.

    Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur les
arguments du défendeur tendant à établir l'absence de dommage en raison
du retard dans la livraison.