Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IA 377



120 Ia 377

52. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 22 décembre 1994 dans la
cause Huyton Inc. contre Etat de Genève et Cour de justice du canton de
Genève (recours de droit public) Regeste

    Art. 57 Abs. 5 OG, Art. 5 und 6 SchKG; Grundsatz der vorgängigen
Behandlung der staatsrechtlichen Beschwerde, Verantwortlichkeit für den
durch Betreibungsbeamte verursachten Schaden.

    Im Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde ist vorweg die Frage
zu entscheiden, ob sich die Verantwortlichkeit der Betreibungsbeamten
nach kantonalem Recht oder Bundesrecht richtet (E. 1).

    Wenn der Kanton für den von einem Betreibungsbeamten verursachten
Schaden eine primäre Staatshaftung vorsieht, richtet sich die
Schadenersatzklage ausschliesslich nach kantonalem öffentlichem Recht,
so dass die Berufung nicht zulässig ist (E. 2).

Sachverhalt

    A.- Statuant, le 8 novembre 1990, sur la requête de la société Huyton
Inc., le Tribunal de première instance de Genève a accordé l'exequatur à
une sentence arbitrale du 28 juin 1990 et levé définitivement l'opposition
au commandement de payer formée par Sudan Oil Seeds Co. Ltd. à concurrence
de 25'289 fr. 06. Requis de continuer la poursuite, l'Office des poursuites
de Genève a exécuté, le 18 mars 1991, une saisie définitive pour ce montant
sur une créance de la débitrice qui avait été séquestrée le 25 janvier
1989 auprès du Crédit Lyonnais. Sur l'invitation de l'office, la Caisse
d'Epargne de Genève - en main de laquelle les fonds séquestrés avaient
été placés - a versé 20'049,10 US$ à la poursuivante et le solde, à savoir
1'642'830,48 US$, sur le compte de l'avocat genevois de la poursuivie. Par
requête du 1er novembre 1991, Huyton Inc. a demandé l'exequatur de trois
nouvelles sentences arbitrales ainsi que la mainlevée définitive; le
jour précédent, elle s'était enquise du montant encore bloqué auprès de
la Caisse d'Epargne. L'office l'informa alors que les avoirs séquestrés
avaient été libérés; il invita, mais en vain, le conseil de la débitrice
à restituer les fonds versés à tort.

    B.- Par demande déposée en conciliation le 18 juin 1992, Huyton Inc. a
assigné l'Etat de Genève en paiement de 1'677'532,84 US$ plus intérêts
à 10% dès le 13 mars 1992, à titre de réparation du dommage causé par le
fonctionnaire de l'office des poursuites.

    Le 25 juin 1993, le Tribunal de première instance de Genève a condamné
le défendeur à payer à la demanderesse la somme de 1'583'114,65 US$ avec
intérêts à 5% dès le 15 juin 1992. Statuant le 22 avril 1994 sur l'appel
du défendeur, la Cour de justice civile a réduit l'indemnité à 633'245,85
US$ en capital.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal
fédéral, Huyton Inc. demande l'annulation de cet arrêt.

    La demanderesse a également interjeté un recours en réforme, en
concluant à ce que le défendeur soit condamné à lui payer la somme de
1'583'114,65 US$ avec intérêts à 5% dès le 15 juin 1992.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à
l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours
de droit public. Cette disposition est justifiée du fait que, si le
Tribunal fédéral devait d'abord examiner le recours en réforme, son arrêt
se substituerait à la décision cantonale, rendant ainsi sans objet le
recours de droit public, faute de décision susceptible d'être attaquée
par cette voie (ATF 118 II 521 consid. 1a p. 523, 117 II 630 consid. 1
p. 630/631). La jurisprudence déroge toutefois à ce principe lorsque la
décision sur le recours de droit public n'a aucune influence sur le sort
du recours en réforme (ATF 118 II 521 consid. 1b p. 523), ou lorsque ce
dernier paraît devoir être admis même sur la base des constatations de
fait de l'autorité cantonale, critiquées dans le recours de droit public
(ATF 117 II 630 consid. 1a p. 631).

    a) En l'espèce, la demanderesse reproche à la Cour de justice d'avoir
appliqué le droit fédéral (art. 5 ss LP et 41 ss CO) à titre de droit
cantonal supplétif; elle fait donc valoir que le droit cantonal a été
appliqué au lieu du droit fédéral déterminant, grief qui est justiciable du
recours en réforme (POUDRET, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, vol. II, Berne 1990, n. 1.6.1 ad art. 43 OJ et la jurisprudence
citée). Elle se plaint en outre d'une application arbitraire de la loi
genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février
1989 (LREC), ce qui relève du recours de droit public (art. 43 al. 1 et
84 al. 1 let. a OJ).

    b) Il paraît judicieux, en l'occurrence, de trancher préjudiciellement
dans le recours de droit public la question du droit applicable. Les
moyens soulevés dans le recours en réforme et le recours joint ne sont,
en effet, recevables que si la présente cause appelle l'application du
droit fédéral (ATF 119 II 89 consid. 2c p. 92 et 297 consid. 2b p. 299). Si
la prétention en dommages-intérêts de la demanderesse est, en revanche,
exclusivement soumise au droit cantonal, c'est dans le recours de droit
public qu'il y aura lieu d'examiner si la cour cantonale a appliqué ce
droit de manière arbitraire.

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 5 LP, les préposés et les fonctionnaires de
l'office des faillites sont responsables du dommage causé par leur faute ou
par celle de l'employé qu'ils ont nommé. En vertu de l'art. 6 al. 1 LP, le
canton répond du préjudice que les fonctionnaires ou employés responsables
ou leurs cautions ne sont pas en mesure de réparer. Les cantons sont
cependant libres de prévoir une responsabilité primaire à l'égard du
lésé, avec la possibilité d'exercer un recours contre le responsable
(FRITZSCHE/WALDER, Schuldbetreibung und Konkurs nach schweizerischem
Recht, vol. I, 3e éd., Zurich 1984, p. 45 ch. 12 et n. 18; FAVRE, Droit
des poursuites, 3e éd., Fribourg 1974, p. 42 let. e; GILLIÉRON, Poursuite
pour dettes, faillite et concordat, 3e éd., Lausanne 1993, p. 50).

    a) Le canton de Genève a institué une responsabilité directe de
l'Etat et des communes pour le dommage causé aux tiers par les actes
illicites commis soit intentionnellement soit par négligence par leurs
fonctionnaires ou agents dans l'accomplissement de leur travail (art. 2
LREC). L'Etat ou la commune disposent d'une action récursoire contre
celui qui a causé le dommage intentionnellement ou par négligence grave
(art. 3 LREC). La loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes est
aussi applicable pour le dommage causé par les fonctionnaires de l'office
des poursuites et des faillites (art. 3 al. 1 LALP gen.).

    b) En l'espèce, la Cour de justice s'est fondée sur la loi précitée,
dont l'art. 6 prévoit que ses dispositions sont soumises aux règles
générales du code civil appliquées à titre de droit cantonal supplétif. La
demanderesse critique sur ce point l'arrêt attaqué, mais avant tout dans
l'optique de la recevabilité du recours en réforme. Son argumentation
est toutefois en contradiction avec les principes de la loi cantonale,
qui institue une responsabilité exclusive de la collectivité publique,
et améliore ainsi la position du lésé par rapport à la réglementation -
responsabilité uniquement subsidiaire du canton - prévue par le droit
fédéral (sur ce point, cf. FRITZSCHE, Responsabilité des préposés aux
offices de poursuites et de faillites, FJS no 976 p. 2 ch. III/2 et p. 4
ch. V). Il s'ensuit que la présente cause ressortit au droit public
cantonal, et non au droit fédéral, de sorte que le recours en réforme
n'est pas ouvert (arrêt non publié de la IIe Cour civile dans la cause
Gemeinde E. c. Nachlass von F.J. B. du 5 août 1987, consid. 1c et d;
cf. WURZBURGER, La violation du droit fédéral dans le recours en réforme,
RDS 1975 II p. 86 ch. 8 in fine et les arrêts cités). C'est dès lors dans
le cadre du recours de droit public qu'il y a lieu d'examiner la manière
dont la Cour de justice a appliqué la loi cantonale sur la responsabilité
de l'Etat et les normes du droit fédéral valables à titre de droit cantonal
supplétif (ATF 119 II 297 consid. 3c p. 302 et les arrêts cités, 118 II
213 consid. 4 p. 220).