Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IA 299



120 Ia 299

44. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 25 novembre 1994
dans la cause Association Suisse des Banques de Crédit et Etablissements
de Financement et consorts contre Grand Conseil et Conseil d'Etat du
canton de Neuchâtel (recours de droit public) Regeste

    Art. 2 ÜbBest. BV und Art. 31 BV; Gesetz vom 30. September 1991
des Kantons Neuenburg über die Handelspolizei und entsprechendes
Ausführungsreglement vom 4. November 1992.

    Bei den angefochtenen neuenburgischen Bestimmungen handelt
es sich nicht um zivilrechtliche Normen, sondern um Beschränkungen
öffentlichrechtlicher Art im Sinne von Art. 6 ZGB. Die Bundesgesetzgebung
über das Konsumkreditwesen ist nicht abschliessend, weshalb die Kantone
gestützt auf Art. 31 Abs. 2 BV in diesem Bereich öffentlichrechtliche
Vorschriften gewerbepolizeilicher und sozialpolitischer Art erlassen können
(E. 2).

    Öffentliches Interesse an öffentlichrechtlichen Schutzvorschriften
gegen eine Überschuldung der Kreditnehmer; Begriff der Überschuldung;
Verfassungsmässigkeit des Verbots, den Kredit zu erneuern oder einen neuen
zu gewähren, solange der Erstkredit nicht vollständig zurückbezahlt ist
(E. 3).

    Verfassungsmässigkeit des Erfordernisses einer kantonalen Bewilligung
für die gewerbsmässige Gewährung oder Vermittlung von Konsumkrediten
(E. 4).

    Verfassungsmässigkeit der Vorschrift, wonach in der Werbung auf das
kantonale Überschuldungsverbot hinzuweisen ist (E. 5).

Sachverhalt

    A.- Le 30 septembre 1991, le Grand Conseil du canton de Neuchâtel
a adopté une loi sur la police du commerce (ci-après: LPC). Dans ses
articles 67 à 70, cette loi contient des dispositions sur le crédit à la
consommation, dont la teneur est la suivante:

    "Crédit à la consommation

    a) définition:

    Art. 67

    On entend par crédit à la consommation, au sens de la présente loi,
tout
   prêt d'argent ou toute autre forme de crédit destiné à permettre
   l'acquisition de biens ou de services de consommation.

    b) interdiction en cas de surendettement:

    Art. 68

    1 Le crédit à la consommation est interdit lorsqu'il a pour effet de
   provoquer le surendettement de l'emprunteur.

    2 Il y a surendettement lorsque les engagements pris par l'emprunteur
   excèdent la part saisissable de ses revenus et de sa fortune.

    c) limitation en matière de renouvellement:

    Art. 69

    Il est interdit au prêteur d'inciter l'emprunteur, directement ou
   indirectement, à solliciter le renouvellement du crédit, ou de l'octroi
   d'un nouveau crédit, tant que le crédit initial n'est pas entièrement
   remboursé, en capital, intérêts et frais.

    d) autres dispositions applicables:

    Art. 70

    1 Le crédit à la consommation est soumis aux dispositions du concordat
   intercantonal réprimant les abus en matière d'intérêts conventionnels,
   du

    8 octobre 1957.

    2 Lorsqu'il est pratiqué professionnellement, il est en outre soumis au
   régime de l'autorisation, conformément à l'art. 28, lettre g, de la
   présente loi.

    3 Le Conseil d'Etat arrête pour le surplus les mesures de contrôle
et de
   surveillance nécessaires."

    L'art. 28 lettre g LPC soumet à autorisation les activités consistant
à procurer un crédit destiné à la consommation ou à s'entremettre en vue
de la conclusion de tels contrats.

    Le 4 novembre 1992, le Conseil d'Etat neuchâtelois a édicté un
règlement d'exécution de la loi sur la police du commerce (ci-après:
RLPC) dont l'art. 12 dispose:

    "Crédit à la consommation:

    Art. 12

    1 La publicité pour le crédit à la consommation est soumise à
   l'obligation de la clarté et de la véracité.

    2 Elle doit notamment indiquer en détail:

    a) le taux de l'intérêt et les autres prestations exigées de
l'emprunteur;

    b) les conditions de remboursement du crédit.

    3 Elle doit également rappeler que le crédit à la consommation est
   interdit lorsqu'il a pour effet de provoquer le surendettement de
   l'emprunteur."

    Par un même acte, l'Association Suisse des Banques de Crédit et
Etablissements de Financement et douze consorts forment un recours de droit
public contre la loi neuchâteloise sur la police du commerce et contre son
règlement d'exécution. Ils demandent au Tribunal fédéral d'annuler les
art. 68, 69, 70 al. 2 et 28 lettre g LPC ainsi que l'art. 12 al. 2 (en
réalité al. 3) RLPC. Ils invoquent les art. 2 Disp. trans. Cst. (force
dérogatoire du droit fédéral) et 31 Cst. (liberté du commerce et de
l'industrie).

    Le Tribunal fédéral rejette le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Les recourants se réclament tout d'abord du principe de la force
dérogatoire du droit fédéral (art. 2 Disp. trans. Cst.). Les dispositions
cantonales attaquées seraient matériellement des normes de droit civil que
les cantons n'ont pas la compétence d'édicter en l'absence d'habilitation
expresse (art. 5 al. 1 CC en relation avec l'art. 64 Cst.). Même si on
reconnaissait que ces dispositions ont un caractère de droit public,
elles n'en violeraient pas moins le droit civil fédéral. La liberté du
commerce et de l'industrie (art. 31 Cst.) serait également atteinte du
fait que les prescriptions entreprises ne respecteraient pas le principe
de la proportionnalité.

    b) Le Tribunal fédéral vérifie avec un libre pouvoir d'examen
si une réglementation cantonale est compatible avec l'art. 2
Disp. trans. Cst. (ATF 120 Ia 89 consid. 2b p. 90 et la jurisprudence
citée). Appelé à procéder au contrôle abstrait de la constitutionnalité
de prescriptions légales ou réglementaires cantonales, le Tribunal fédéral
recherche s'il est possible, selon les principes d'interprétation reconnus,
de donner à la norme entreprise une portée qui la fasse apparaître comme
conforme à la Constitution. Il n'annule la disposition attaquée que si
elle ne se prête à aucune interprétation compatible avec la Constitution;
il ne le fait pas si une de ces interprétations peut être admise de
façon soutenable (ATF 120 Ia 89 consid. 3a p. 92/93 et la jurisprudence
citée). Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable
au regard de la Constitution, dans des situations normales, telles que
le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas,
elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier
une intervention du juge constitutionnel au stade du contrôle abstrait
des normes; les intéressés gardent la possibilité de faire valoir une
inconstitutionnalité de la réglementation lors de son application dans
un cas particulier (ATF 118 Ia 305 consid. 1f p. 309 et la jurisprudence
citée).

    c) aa) D'après le principe de la force dérogatoire du droit fédéral
contenu dans l'art. 2 Disp. trans. Cst., les cantons ne peuvent pas
édicter de règle contraire au droit fédéral. Ils ne sont pas habilités
à légiférer dans les domaines réglés exclusivement dans la législation
fédérale (ATF 120 Ia 89 consid. 2b p. 91; 119 Ia 59 consid. 2a p. 61,
197 consid. 3b p. 203 et 453 consid. 2b p. 456).

    Selon l'art. 64 Cst., il appartient à la Confédération de légiférer
dans le domaine du droit civil. Les cantons ne peuvent édicter des
dispositions de droit civil que dans la mesure où le droit fédéral réserve
expressément ou implicitement la validité du droit cantonal (ATF 119 Ia
59 consid. 2b p. 61 et la jurisprudence citée). En revanche, l'art. 6
CC prévoit que les compétences de droit public des cantons ne sont pas
limitées par le droit civil fédéral. Les cantons peuvent, dans l'intérêt
public, édicter des prescriptions qui complètent les règles de droit
civil. On ne peut définir de manière générale jusqu'où s'étend le droit
public et quelles prescriptions de droit civil forment une réglementation
exhaustive qui exclut toute disposition de droit public cantonal. D'après
la jurisprudence, l'adoption de normes cantonales de droit public dans
un domaine réglé par le droit civil fédéral est admissible en vertu
de l'art. 6 CC, pour autant que les trois conditions suivantes soient
remplies: le législateur fédéral n'a pas entendu réglementer la matière
de façon exhaustive, les règles cantonales sont justifiées par un intérêt
public pertinent et enfin lesdites règles n'éludent pas le droit civil
fédéral, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (ATF 120 Ia 89 consid. 2b
p. 90; 119 Ia 59 consid. 2b p. 61 et la jurisprudence citée).

    Le législateur neuchâtelois n'a pas prétendu compléter ou modifier
les prescriptions du droit civil fédéral sur le prêt de consommation
(art. 312 ss CO) par du droit privé cantonal; il n'y aurait manifestement
pas été habilité, à défaut de compétence en la matière. Au contraire,
les dispositions cantonales attaquées, comme le montre déjà leur forme,
c'est-à-dire leur insertion dans une réglementation sur la police du
commerce, posent des limites de droit public au sens de l'art. 6 CC. C'est
pourquoi il faut vérifier si les conditions mentionnées ci-dessus sont
remplies.

    bb) Le 1er avril 1994 (c'est-à-dire durant la présente procédure
de recours) est entrée en vigueur la loi fédérale sur le crédit à la
consommation du 8 octobre 1993 (LCC; RO 1994 p. 367). La constitutionnalité
d'un acte cantonal se juge en principe sur la base des circonstances
de fait et de droit existant au moment où il a été édicté. Mais en cas
de contrôle abstrait des normes, notamment en cas d'examen d'une loi
cantonale, le Tribunal fédéral peut aussi tenir compte d'une modification
ultérieure de la situation juridique et, en particulier, prendre en
considération le droit supérieur nouvellement entré en vigueur (ATF
119 Ia 460 consid. 4d p. 473 et la jurisprudence citée; cf. également
ATF 120 Ia 126 consid. 3b p. 130 concernant l'interdiction zurichoise
des appareils automatiques servant au jeu d'adresse avec mise d'argent,
où la norme supérieure - constitutionnelle -, édictée ultérieurement,
n'était pas encore en vigueur lors du jugement du Tribunal fédéral). Comme
les recourants ainsi que le canton de Neuchâtel ont pu s'exprimer sur la
portée et l'application de la loi fédérale nouvellement entrée en vigueur,
cette dernière doit être prise en considération lors du présent contrôle
des normes.

    Au cours des délibérations parlementaires relatives à la loi
fédérale sur le crédit à la consommation, la question de savoir
si et dans quelle mesure les cantons pouvaient continuer à édicter
leurs propres prescriptions de droit public a donné lieu à discussion
(cf. SCHÖBI, Das Bundesgesetz vom 8. Oktober 1993 über den Konsumkredit
- Entstehungsgeschichte sowie Verhältnis zum Obligationenrecht und
zur kantonalen Gesetzgebung, in Das neue Konsumkreditgesetz, Berner
Bankrechtstag, Berne 1994, vol. I, p. 25, 29 ss, et les références aux
travaux préparatoires). Finalement, une section 7 "Relation avec le droit
cantonal" a été introduite dans la loi avec la disposition suivante:

    "Art. 19

    1 La Confédération règle les contrats à la consommation de manière
   exhaustive.

    2 L'article 73, 2e alinéa du code des obligations et le droit public
   cantonal sont réservés."

    Cette réglementation confirme les règles de compétence qui existaient
déjà dans le domaine du crédit à la consommation (SCHÖBI, op.cit.,
p. 32; cf. également ATF 119 Ia 59 consid. 5f p. 67). Le fait que le
droit public cantonal reste réservé expressément et de façon générale
dans l'art. 19 al. 2 LCC - indépendamment de la référence à l'art. 73
al. 2 CO (possibilité d'édicter des prescriptions de droit public contre
les abus en matière d'intérêt conventionnel) - clarifie en quelque sorte
la situation juridique. La réserve peut être comprise en ce sens que le
législateur fédéral lui-même n'a pas réglementé le crédit à la consommation
de façon exclusive à tous égards, mais a laissé ouverte la possibilité
de limitations ultérieures (sortant du cadre de l'art. 73 al. 2 CO) par
le droit public cantonal. En réalité, la loi fédérale sur le crédit à
la consommation se borne pour l'essentiel à établir des obligations en
matière d'information et elle ne contient ni taux d'intérêt maximum ni
disposition protectrice matérielle visant à empêcher un surendettement de
l'emprunteur; dans cette mesure, la réglementation fédérale (partielle)
du crédit à la consommation semble nécessiter ou en tout cas admettre
un complément (STAUDER, Konsumkreditrecht - Das Bundesgesetz über den
Konsumkredit vom 8. Oktober 1993, in AJP/PJA 1994, p. 675, p. 689; SCHÖBI,
op.cit., p. 32). Le législateur fédéral en était conscient. Pendant les
délibérations relatives à la loi fédérale sur le crédit à la consommation,
le Parlement a encore donné suite à une initiative du canton de Lucerne,
qui demandait aux Chambres fédérales d'autres dispositions pour protéger
les emprunteurs et empêcher les abus, en particulier l'établissement d'un
taux d'intérêt maximum, d'une durée maximum et d'un droit de révocation
(BO 1993 CE 204/205, 396/397, CN 792/793, 2358). Le Conseil national et le
Conseil des Etats ont également donné suite, respectivement le 14 décembre
1993 et le 3 mars 1994, à une initiative semblable déposée un peu plus
tard par le canton de Soleure - taux d'intérêt annuel maximum de 15%,
indication du taux d'intérêt maximum dans la publicité, durée maximum de
24 mois - (BO 1993 CN 2359/2360; BO 1994 CE 85/86). Une motion Affolter
du 14 juin 1989 à laquelle il avait déjà été donné suite antérieurement
allait dans le même sens (BO 1990 CE 258). De son côté, le Conseil fédéral
a manifesté l'intention d'élaborer dès que possible un projet de loi
visant à une réglementation fédérale globale (BO 1993 CE 395, 703).

    Dans ces conditions, on ne peut pas dire que la législation fédérale
existant en matière de prêt de consommation (art. 312 ss CO ainsi que
LCC) ne laisse aucune place à des dispositions cantonales de droit
public comme celles qui sont ici en question. Le législateur fédéral
lui-même a considéré au contraire, comme le montre la suite donnée
aux propositions susmentionnées, que sa réglementation avait besoin de
compléments, notamment quant à la protection de l'emprunteur contre le
surendettement. Cependant, tant qu'il ne fait pas usage de ses compétences
législatives, fondées sur les art. 31sexies ou 64 Cst. et qu'il n'existe
aucune réglementation fédérale topique exclusive, les cantons peuvent, pour
leur part, conformément à l'art. 31 al. 2 Cst., édicter des dispositions
de droit public répondant à des buts de police du commerce et de politique
sociale; dans cette mesure, il existe une compétence concurrente de la
Confédération et des cantons (RHINOW, Commentaire de la Constitution
fédérale de la Confédération suisse, n. 35 ss ad art. 31sexies).

    cc) Pour savoir quelle place le droit fédéral laisse à une
réglementation cantonale telle que celle qui est en cause ici, chaque
disposition doit faire l'objet d'un examen particulier. En même temps,
il convient de vérifier si la restriction en question est compatible
avec la liberté du commerce et de l'industrie également invoquée (art. 31
Cst.). Les limites apportées à ce droit fondamental doivent reposer sur
une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant et
respecter les principes de la proportionnalité et de l'égalité devant la
loi (ATF 119 Ia 59 consid. 6a p. 68; 118 Ia 175 consid. 1 p. 177).

Erwägung 3

    3.- a) D'après l'art. 68 al. 1 LPC, le crédit à la consommation
est interdit lorsqu'il a pour effet de provoquer le surendettement de
l'emprunteur. Il y a surendettement lorsque les engagements pris par
l'emprunteur excèdent la part saisissable de ses revenus et de sa fortune
(art. 68 al. 2 LPC).

    b) Dans la mesure où les recourants attaquent l'interdiction du
surendettement comme telle, en prétendant que le soi-disant risque de
surendettement serait minime, leur argumentation n'est pas pertinente. Il
n'est pas contesté que le commerce du crédit à la consommation est lié
à des risques importants pour les emprunteurs insouciants et socialement
faibles. Il est conforme à un intérêt public reconnu de politique sociale
de s'opposer à ce qu'un large cercle de la population s'endette de manière
exorbitante par des crédits à la consommation excédant sa capacité
économique (ATF 119 Ia 59 consid. 5f p. 67 et consid. 6b p. 68). Un
tel objectif est compatible aussi bien avec l'art. 31 Cst. qu'avec les
réglementations fédérales spécifiques (cf. consid. 2c/bb).

    Que les prêteurs eux-mêmes aient intérêt à ne pas octroyer de crédits
qui ne peuvent être recouvrés, vu le surendettement, et qu'ils s'y
efforcent ne remet pas en question l'intérêt public de prescriptions
protectrices de droit public à ce sujet. Il en va de même du fait
qu'apparemment presque tous les établissements de crédit sont reliés à
une centrale d'information en matière de crédit, auprès de laquelle sont
enregistrés les opérations de crédit effectuées par les établissements
raccordés et, le cas échéant, les incidents négatifs s'y rapportant. Même
si, sur la base des indications des recourants, on admettait que seule une
petite partie des emprunteurs (environ 0,5%) donne lieu à des poursuites
pour le remboursement de leur crédit, l'expérience montre cependant que
beaucoup d'individus et de familles sont excessivement chargés par des
crédits à la consommation; par conséquent, ils ne peuvent plus remplir
leurs obligations, sinon à l'égard des établissements de crédit, du moins
dans d'autres domaines comme les impôts, les primes de caisse-maladie, les
loyers; ils doivent alors réduire leurs dépenses d'entretien au minimum
vital pendant tout un temps pour assainir leur situation financière. De
telles situations menacent aussi là où des crédits à la consommation
peuvent être contractés pour rembourser d'autres dettes déjà existantes. Le
fait que l'emprunteur potentiel surévalue souvent ses possibilités
financières ressort déjà du pourcentage élevé des refus de crédits soit
60% (pour la nouvelle clientèle), respectivement 34% (pour l'ensemble
de la clientèle), mentionnés par les recourants eux-mêmes. Ensuite, on
ne saurait partir de l'idée que tous les établissements de crédit font
toujours preuve, lors de l'octroi de crédits à la consommation, d'une
prudence et d'une retenue pareilles à celles que le recours dépeint comme
habituelles dans la profession.

    Le but du législateur neuchâtelois visant à lutter par des
prescriptions de droit public contre le surendettement des emprunteurs
n'est contestable ni sous l'angle de l'art. 2 Disp. trans. Cst. ni sous
celui de l'art. 31 Cst.

    c) Il reste à examiner si l'art. 68 al. 2 LPC donne du surendettement
une définition admissible au regard du droit constitutionnel. D'après
cette disposition, les engagements pris par l'emprunteur ne peuvent pas
excéder la part saisissable de ses revenus et de sa fortune.

    aa) Les recourants qualifient cette réglementation de
"fonctionnellement impropre" à empêcher un surendettement. Pour pouvoir
déterminer la part saisissable des revenus et de la fortune d'un
emprunteur potentiel, les établissements de crédit devraient pouvoir
effectuer le calcul du minimum vital comme un office de poursuites dans
la procédure de saisie et établir exactement l'ensemble des actifs et
des passifs. Cela obligerait à soumettre les éventuels emprunteurs à un
questionnaire précis en particulier sur les passifs; comme le raccordement
à la centrale d'information en matière de crédit n'est pas obligatoire,
ceux-ci ne pourraient pas tous être connus à coup sûr, même en ce qui
concerne les dettes existantes. Aucun consommateur n'accepterait, lors
de la demande d'un petit crédit, un tel "interrogatoire" qui irait bien
au-delà des renseignements habituellement obtenus aujourd'hui. En outre,
contrairement aux fonctionnaires des offices de poursuites (cf. art. 91
LP), les établissements de crédit n'auraient aucun moyen juridique
d'obliger le débiteur à donner des informations véridiques sur l'état
de ses revenus et de sa fortune. Ils en seraient réduits à vérifier les
informations obtenues de l'emprunteur potentiel.

    En plus, la définition du surendettement figurant à l'art. 68 al. 2
LPC serait objectivement absurde. En effet, la demande de crédit à la
consommation est provoquée par le manque de liquidités, indispensables
pour faire face à certains engagements ou satisfaire certains besoins
courants; il s'agit en quelque sorte d'utiliser par anticipation les
revenus futurs. De toute façon, pour le bailleur de fonds, le crédit
et sa garantie ne se fondent pas sur les actifs actuels du débiteur,
mais sur ses revenus à venir. Par conséquent, l'octroi d'un crédit à la
consommation - pour autant que l'on prenne en considération l'endettement
global et non seulement les arrérages mensuels - impliquerait, par
définition, un surendettement, car l'endettement résultant de l'ensemble
des crédits dépasse évidemment les actifs existants et les revenus du mois
courant. Mais, la situation comptable apparaît différente si les revenus
futurs du débiteur sont pris en considération. La réglementation légale
de l'art. 68 al. 2 LPC serait tout à fait obscure sur ce point. Elle
exigerait des établissements de crédit quelque chose d'impossible, en ce
sens qu'on ne pourrait pas déterminer sur la base du texte de loi ce que
lesdits établissements devraient faire pour empêcher un surendettement.

    bb) Le Conseil d'Etat neuchâtelois ne s'est pas autrement exprimé sur
ces critiques. Il faut accorder aux recourants qu'il serait souhaitable
que l'application détaillée de la norme de l'art. 68 al. 2 LPC soit réglée
par une ordonnance pour en supprimer les éventuelles obscurités. Cette
disposition est en effet assez vague. On peut cependant lui donner une
interprétation plausible, que les recourants eux-mêmes considèrent en
principe comme applicable: les engagements mensuels résultant d'un contrat
de crédit à la consommation doivent ne pas empiéter sur le minimum vital
au sens du droit de la poursuite, c'est-à-dire ne pas dépasser la part
saisissable des revenus et de la fortune. Les établissements de crédit
peuvent normalement calculer le minimum vital de l'emprunteur potentiel,
car il dépend de facteurs schématiques qui peuvent être déterminés,
respectivement vérifiés, à moindres frais (Conférence des préposés aux
poursuites et faillites de Suisse in BlSchK 51/1987 p. 232 ss et 57/1993
p. 239/240). Plus les revenus de l'emprunteur potentiel sont élevés,
plus le montant disponible, et par conséquent les possibilités d'obtenir
du crédit, sont ordinairement grands. Il semble en principe juste de
limiter les possibilités de crédit en fonction des disponibilités futures
de l'emprunteur. Il n'est contraire ni aux réglementations qui existent
dans ce domaine en droit fédéral ni au principe de proportionnalité,
contenu dans celui de la liberté du commerce et de l'industrie, de
devoir tenir compte du minimum vital du droit des poursuites (comme vu
ci-dessus), en établissant un crédit à la consommation, c'est-à-dire en
fixant l'engagement mensuel en résultant.

    Que seul le minimum vital de l'emprunteur - et non ses dettes déjà
existantes ou éventuelles - soit compris dans le calcul de l'étendue du
crédit autorisé (cf. à ce sujet AMONN, Grundriss des Schuldbetreibungs-
und Konkursrechts, Berne 1993, 5e éd., p. 185 ss), bien qu'il puisse en
résulter un surendettement, peut apparaître comme une lacune; elle ne
saurait cependant remettre en question la constitutionnalité de cette
réglementation. Pour autant que les passifs consistent en crédits de
consommation déjà existants, l'interdiction d'un deuxième crédit figurant
à l'art. 69 LPC trouve application. Le fait de négliger éventuellement
certains passifs favorise au surplus la liberté contractuelle,
en permettant des crédits plus élevés que ne l'aurait autorisé une
estimation selon le but de la loi. C'est aux établissements de crédit de
tirer parti, dans leur pratique de crédit, de cette "lacune" de la loi,
dans leur intérêt bien compris. A vrai dire, il serait souhaitable que
l'autorité compétente édicte une réglementation d'exécution concrétisant le
principe de l'art. 68 LPC, qui prenne en considération la situation et les
possibilités pratiques des établissements de crédit pour la détermination
du minimum vital. L'absence d'une telle réglementation ne fait cependant
pas apparaître comme inconstitutionnelle la prescription de l'art. 68
LPC. Ce qui est déterminant pour la présente procédure de contrôle des
normes, c'est que la disposition légale en cause puisse être interprétée
d'une manière conforme à la Constitution et directement appliquée -
même si c'est avec une certaine insécurité.

    Sur ce point, le recours de droit public n'apparaît pas fondé car,
malgré son indétermination, la prescription attaquée n'est pas contraire
aux art. 1 CP et 4 Cst.

    cc) Dans leur argumentation, les recourants considèrent que les
dispositions de la loi sur la police du commerce en matière de crédit
à la consommation seraient aussi valables, de manière générale, pour
le découvert des comptes salaire. Le Conseil d'Etat neuchâtelois n'a
apparemment pas pris position sur ce point. La définition du crédit à
la consommation figurant à l'art. 67 LPC est certes large, mais il n'en
résulte pas impérativement que le simple découvert toléré de comptes
salaire tombe sous le coup de la loi. Toutefois, dans la mesure où
l'ouverture d'un compte doit seulement permettre à son titulaire de se voir
accorder des crédits à quelques fins que ce soit, on ne peut pas exclure
d'emblée que des limitations de droit public au crédit à la consommation
ne puissent s'appliquer (cf. à ce sujet les réglementations différentes
des art. 6 al. 2 et 10 LCC et STAUDER, op.cit., p. 679 ss). Au surplus,
la lettre des dispositions litigieuses, prévues normalement pour des
contrats de crédit à la consommation, ne permet pas de savoir si et dans
quelle mesure elles pourraient aussi s'appliquer à des rapports de crédit
en dehors de ce domaine. Sur ce point également, il n'y a aucune raison
d'intervenir dans le cadre du contrôle abstrait des normes, d'autant
plus que le recours se réfère avant tout au cas du découvert toléré de
comptes salaire qui, a priori, ne devrait pas tomber sous le coup de la
loi en question.

    d) Selon l'art. 69 LPC, il est interdit au prêteur d'inciter
l'emprunteur, directement ou indirectement, à solliciter le renouvellement
du crédit, ou l'octroi d'un nouveau crédit, tant que le crédit initial
n'est pas entièrement remboursé en capital, intérêts et frais.

    Les recourants font tout d'abord valoir que la portée de l'interdiction
d'inciter l'emprunteur "directement ou indirectement" à renouveler son
crédit ou à s'en faire octroyer un nouveau serait obscure. Une norme
prohibitive de ce genre ne serait pas applicable. De toute façon,
les interdictions de renouveler un crédit ou d'en obtenir un deuxième
ne répondraient pas à un intérêt public. Elles auraient plutôt des
conséquences négatives pour les consommateurs; l'emprunteur serait
en effet amené à demander par pure précaution un crédit plus élevé que
strictement nécessaire, du fait que la conclusion ultérieure d'un deuxième
crédit serait empêchée par la loi. En outre, ce ne serait pas le nombre des
crédits mais le montant de l'endettement global qui serait déterminant pour
l'existence d'un surendettement. Limiter la possibilité de renouveler un
crédit ou d'octroyer un deuxième crédit au client d'une banque remplissant
correctement ses obligations pour ses autres engagements en matière de
crédit empiéterait de façon tout à fait inappropriée et par conséquent
inadmissible sur la liberté contractuelle.

    L'interdiction de contracter, pendant la durée d'un contrat de
crédit à la consommation déjà conclu, d'autres engagements de ce genre en
matière de crédit apparaît en principe comme un moyen propre à parer au
surendettement. L'obligation de rembourser le crédit à la consommation
existant avant de conclure un nouveau crédit empêche efficacement la
conclusion téméraire de nouveaux engagements. Cette réglementation aide en
outre à appliquer la limitation du montant du crédit figurant à l'art. 68
LPC, qui pose des problèmes en cas de coexistence de plusieurs contrats
de crédit à la consommation se chevauchant dans le temps. Le fait que la
réglementation contestée puisse parfois amener à demander par précaution
un crédit plus élevé que strictement nécessaire, pour ne pas entrer en
conflit avec l'interdiction du deuxième crédit, ne remet pas en question
sa constitutionnalité. Même la relative indétermination de l'interdiction
de solliciter "directement ou indirectement" le renouvellement du crédit
ou l'octroi d'un nouveau crédit n'apparaît pas contraire à la Constitution.

Erwägung 4

    4.- a) D'après les art. 70 al. 2 et 28 lettre g LPC, le fait d'octroyer
professionnellement des crédits à la consommation ou de s'entremettre
en vue de la conclusion de tels contrats nécessite une autorisation
cantonale qui n'est délivrée qu'à une personne physique (art. 29 LPC)
et doit être périodiquement renouvelée (art. 30 LPC).

    b) Les recourants voient là-dedans une mesure tracassière et inutile
qu'aucun besoin de police ne justifierait et qui irait à l'encontre du
principe de la proportionnalité et par là-même de l'art. 31 Cst.

    En général, le législateur cantonal apprécie librement s'il convient
de soumettre à autorisation des activités industrielles qui sont associées
à certains risques pour le public, respectivement les cocontractants. La
réglementation en question ici intervient dans le cadre des limites fixées
par l'art. 31 Cst.

    Le fait que les établissements de crédit recourants disposent d'une
autorisation d'exploitation en vertu de l'art. 3 de la loi fédérale sur
les banques et les caisses d'épargne du 8 novembre 1934 (LB; RS 952.0)
ne s'oppose pas à ce qu'ils soient soumis à l'obligation d'obtenir une
autorisation cantonale supplémentaire. Le contrôle fédéral exercé sur les
banques vise avant tout à protéger les créanciers bancaires (CHRISTOPH
MÜLLER, Die Bewilligung zum Geschäftsbetrieb einer nach schweizerischem
Recht organisierten Bank, thèse Zurich 1977, p. 49). La réglementation
cantonale ici en cause tend au contraire à protéger les intérêts des
emprunteurs et à les préserver du surendettement.

    Quand les cantons sont autorisés à édicter des normes autonomes de
ce genre - poursuivant un autre but que les prescriptions fédérales -,
ils doivent aussi pouvoir en principe prévoir les mesures de contrôle et
de protection jugées nécessaires à leur exécution, comme l'obligation
d'avoir une autorisation. En imposant une telle obligation, l'autorité
cantonale compétente peut agir plus efficacement contre les établissements
de crédit à la consommation (respectivement contre les personnes physiques
juridiquement concernées par l'autorisation) qui ne respecteraient pas les
limites fixées, qu'elle ne pourrait le faire grâce au seul recours aux
organes de poursuite pénale. Par ailleurs, la réglementation attaquée
du canton de Neuchâtel n'apparaît pas inconstitutionnelle du simple
fait que d'autres cantons connaissent des régimes plus libéraux. Ce qui
est déterminant, en fin de compte, pour juger du respect du principe de
la proportionnalité, ce sont les conditions auxquelles l'autorisation
nécessaire peut être accordée et retirée. A ce sujet, le recours de droit
public ne contient pas d'arguments pertinents. Il n'est pas démontré
en particulier que l'autorisation requise serait subordonnée à des
conditions strictes dénuées de pertinence ou disproportionnées de toute
autre manière. Le recours de droit public doit être rejeté à cet égard.

Erwägung 5

    5.- a) L'art. 12 al. 3 RLPC exige que la publicité faite pour le crédit
à la consommation rappelle qu'un tel crédit est interdit lorsqu'il a pour
effet de provoquer le surendettement de l'emprunteur.

    b) Les recourants y voient une limitation, disproportionnée et
discriminatoire pour leur branche, apportée à la liberté du commerce et
de l'industrie. Dans leur premier mémoire complémentaire, ils font valoir
en outre que la matière en cause serait réglée exclusivement par la loi
fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986 (LCD; RS 241;
modification du 18 juin 1993, RO 1994 p. 375).

    c) D'après l'art. 3 lettre l LCD, agit de façon déloyale celui qui
"omet, dans des annonces publiques en matière de crédit à la consommation,
de désigner clairement sa raison de commerce ou de donner des indications
claires sur le montant net du crédit, le coût total du crédit et le
taux annuel effectif global". Cette réglementation institue, sur le
plan fédéral, une obligation de déclaration minimum lors d'annonces
publiques de petits crédits; elle n'exclut pas des exigences supérieures
du droit cantonal ou concordataire (STREULI-YOUSSEF, Unlautere Werbe-
und Verkaufsmethoden (Art. 3 UWG), in Schweizerisches Immaterialgüter-
und Wettbewerbsrecht, publié sous la direction de Von Büren et David,
Bâle 1994, vol. V/1, Lauterkeitsrecht, p. 77, p. 111/112). La révision
de cette disposition, adoptée le 18 juin 1993 dans le cadre du projet
Swisslex, a permis d'adapter ces normes minimums aux directives du droit
européen (cf. Message I sur l'adaptation du droit fédéral au droit de
l'EEE du 27 mai 1992 in FF 1992 V 1, 180), sans cependant supprimer la
possibilité d'édicter des dispositions cantonales allant plus loin.

    d) Dès lors, il faut seulement vérifier si la prescription cantonale
contestée viole l'art. 31 Cst. Les recourants ne font pas valoir qu'elle
manquerait de la base légale nécessaire. Reste à examiner si l'obligation
de rappeler dans la publicité l'interdiction de surendettement du
droit cantonal répond à un intérêt public et respecte le principe de la
proportionnalité. Tel ne serait pas le cas si, même dans une publicité
par voie d'affiches qui se réfère simplement par la raison sociale ou
le logo à l'existence d'un établissement de crédit à la consommation
déterminé, on devait faire une référence écrite à l'interdiction de
surendettement en vigueur dans le canton de Neuchâtel. La réglementation
entreprise peut cependant donner lieu à une interprétation défendable, à
savoir que la référence litigieuse n'est obligatoire que si la publicité
en cause contient une déclaration écrite détaillée sur le crédit à la
consommation offert. Si tel est le cas, il ne semble pas déraisonnable ni
disproportionné d'exiger des entreprises de crédit concernées qu'elles
rappellent aux intéressés potentiels les limites du commerce du crédit
à la consommation existant dans le canton de Neuchâtel.

    L'exécution d'une telle obligation pourrait, il est vrai, se heurter à
des difficultés, vu que la portée des médias utilisés pour la publicité
peut dépasser les frontières cantonales. Mais cela ne suffit pas à
remettre en question la constitutionnalité d'une telle disposition. Ce
sont d'ailleurs des problèmes semblables que rencontre l'application
de restrictions matérielles de droit public apportées au commerce du
crédit à la consommation, que quelques cantons ont édictées en toute
légalité et dont les possibilités d'exécution sont limitées en raison
de l'exiguïté de leur territoire et de la mobilité des cocontractants
(cf. au sujet du soi-disant "tourisme de l'emprunt" KÖNDGEN, Zur neuen
Konsumkreditgesetzgebung, in Aktuelle Rechtsprobleme des Finanz- und
Börsenplatzes Schweiz, publié sous la direction de Nobel, Berne 1994,
p. 31, p. 36 et 46/47). On doit admettre le morcellement juridique
(regrettable) existant aujourd'hui dans ce domaine, vu la législation
fédérale en vigueur.

    Ainsi, le recours de droit public n'apparaît pas non plus fondé dans
la mesure où il s'en prend à l'art. 12 al. 3 RLPC.