Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IA 190



120 Ia 190

28. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 18 juillet 1994
dans la cause E. Z. et consorts contre Tribunal administratif du canton
du Valais (recours de droit public) Regeste

    Meinungsäusserungsfreiheit und Informationsfreiheit bei Filmzensur
(ungeschriebenes verfassungsmässiges Recht und Art. 10 EMRK); Art. 4 BV:
Beschwerdelegitimation im Kanton.

    Ist die öffentliche Aufführung eines Films von einer kantonalen Behörde
untersagt worden, so können sich die als Zuschauer des Films in Betracht
fallenden Personen auf die (in der Meinungsäusserungsfreiheit enthaltene)
Informationsfreiheit berufen, welche insbesondere das Recht garantiert,
ohne behördliche Kontrolle Nachrichten oder Ideen zu empfangen und
sich eine Meinung zu bilden. Insofern sind sie auf kantonaler Ebene zur
Beschwerdeführung gegen den Entscheid der Zensurbehörde berechtigt (E. 2).

Sachverhalt

    A.- Le 2 novembre 1988, la société United International Pictures
(Schweiz) GMBH, à Zurich, distributrice d'un film de Martin Scorsese
intitulé "La dernière tentation du Christ", a demandé au Département de
la justice, de la police et des affaires militaires du canton du Valais
(ci-après: le Département cantonal) de faire visionner ce film par
la Commission cantonale de censure, afin que celle-ci accorde le visa
autorisant sa représentation publique en Valais.

    E. Z. exploite à Sierre la salle de cinéma Casino, où elle entendait
projeter le film susmentionné. La prénommée n'est pas intervenue devant
la Commission de censure.

    Le 22 décembre 1988, la Commission cantonale de censure a interdit
la projection publique du film en question sur tout le territoire
valaisan. Cette décision a été notifiée uniquement à United International
Pictures (Schweiz) GMBH, qui n'a pas recouru.

    Le 25 janvier 1989, E. Z., ainsi que douze consorts, soit des
spectateurs potentiels du film, ont recouru au Département cantonal
contre la décision de la Commission cantonale de censure, en dénonçant
une atteinte à leur liberté d'expression.

    Par décision du 6 mars 1990, le Département cantonal a rejeté les
recours, après les avoir jugés entièrement recevables.

    Par arrêt du 15 octobre 1992, le Tribunal administratif du canton
du Valais a rejeté le recours formé contre la décision du Département
cantonal par E. Z. et consorts. Le Tribunal administratif a estimé que
l'autorité intimée avait violé les règles de procédure cantonale en
déclarant recevables les recours dont elle était saisie. S'agissant des
spectateurs potentiels du film, l'atteinte à leur liberté d'expression
devait être relativisée, car la décision de la Commission cantonale
de censure ne concernait que la projection publique d'un film dans les
salles de cinéma mais non sa projection privée, en particulier au moyen de
vidéocassettes, que les intéressés pouvaient légalement et sans difficulté
obtenir et utiliser. C'était donc à tort que le Département cantonal avait
admis leur qualité pour recourir sur un objet qui ne touchait ainsi ni
directement, ni spécialement leurs intérêts au sens de l'art. 44 al. 1 de
la loi valaisanne du 6 octobre 1976 sur la procédure et la juridiction
administratives [ci-après: LPJA]. Le Tribunal administratif a rejeté
le recours pour ces motifs, sans examiner les griefs formulés contre le
principe même de la censure et son application dans le cas particulier.

    Agissant par la voie du recours de droit public, E. Z. et onze
consorts concluent à l'annulation de l'arrêt rendu le 15 octobre 1992
par le Tribunal administratif et à ce qu'ordre soit donné à l'autorité
cantonale de délivrer à E. Z. l'autorisation de projeter le film "La
dernière tentation du Christ" de Martin Scorsese. Ils se plaignent d'une
application arbitraire du droit cantonal, notamment de l'art. 44 LPJA,
mais allèguent surtout une atteinte à la liberté d'expression.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours des spectateurs potentiels du
film en cause.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Les recourants autres qu'E. Z. font valoir comme spectateurs
potentiels du film incriminé une atteinte à leur liberté d'expression,
garantie par le droit constitutionnel fédéral non écrit et par l'art. 10
CEDH. La liberté d'expression protège la communication entre les personnes
(J.-P. MULLER, Commentaire de la Constitution, n. 3 ad liberté d'expression
avant art. 55 Cst.) et le cinéma est un mode d'expression. Par ailleurs, la
liberté d'expression garantit à chacun le droit de se former une opinion,
celui d'avoir sa propre opinion et celui de la communiquer à autrui par
tous les moyens licites (J.-P. MULLER, op.cit., n. 15 ibidem). La liberté
d'information, comprise dans la liberté d'expression, garantit aussi le
droit de recevoir des nouvelles et des opinions sans contrôle des autorités
et de se renseigner aux sources généralement accessibles ou disponibles
(cf. ATF 105 Ia 181 consid. 2a p. 182; 104 Ia 88 ss). Celui qui désire
voir un film comme spectateur peut donc en principe se prévaloir de cette
liberté (cf. art. 10 par. 1 CEDH qui mentionne expressément la liberté
de recevoir des informations ou des idées: à ce sujet MARK E. VILLIGER,
Handbuch der europäischen Menschenrechtskonvention, Zurich 1993, n. 599,
p. 353; sur la censure et les droits fondamentaux, cf. aussi MARCO BORGHI,
Commentaire de la Constitution fédérale, n. 42 ss ad art. 27ter).

    b) En l'occurrence, l'autorité intimée voudrait relativiser la
liberté d'expression; plus exactement, le spectateur potentiel valaisan
souhaitant voir le film n'aurait pas d'intérêt digne de protection,
puisqu'il pourrait facilement réaliser son désir en se procurant une
vidéocassette. Ce raisonnement est insoutenable et partant arbitraire. En
effet, indépendamment du fait que tous les spectateurs potentiels ne
disposent pas nécessairement des appareils permettant de voir chez eux
une vidéocassette et que la location pourrait cas échéant être plus
onéreuse qu'un billet de cinéma, le visionnement d'une vidéocassette, en
principe sur un écran de télévision, ne saurait remplacer le spectacle
du film sur grand écran dans un cinéma. Les installations d'un cinéma
font de la projection du film un spectacle que ne remplace pas la vision
privée envisagée par l'autorité intimée (grandeur de l'écran, qualité
de l'image et du son ...). L'interdiction du film met en cause ici
la liberté d'expression des spectateurs sous l'angle de leur droit de
recevoir et de se former une opinion; c'est donc de manière contraire à
l'art. 4 Cst. que le Tribunal administratif a estimé que le Département
cantonal n'aurait pas dû entrer en matière sur le recours faute d'intérêt
digne de protection et qu'il l'a en conséquence rejeté. Autrement dit, les
recourants, en tant que destinataires du film en cause, étaient habilités
à recourir contre la mesure prise par la Commission cantonale de censure.

    L'arrêt du Tribunal administratif doit dès lors être annulé en tant
qu'il dénie aux recourants la qualité pour agir devant le Département
cantonal. Faute d'épuisement des instances cantonales (art. 86 al. 1 et
87 OJ), les griefs de nature matérielle soulevés par les recourants n'ont
toutefois pas à être examinés dans la présente procédure.