Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 II 50



115 II 50

9. Arrêt de la Ire Cour civile du 14 mars 1989 dans la cause Commune de A.
contre B. (recours en réforme) Regeste

    Werkvertrag, Verzug des Unternehmers.

    Qualifikation eines Vertrags über die Schaffung eines Kunstwerks
(Ausführung eines Mosaiks auf einer Gebäudewand). Anwendbarkeit des
Werkvertragsrechts (E. 1).

    Art. 366 Abs. 1, 107 und 109 Abs. 1 OR.

    Erfüllt der in Verzug befindliche Unternehmer auch innert der Nachfrist
des Art. 107 Abs. 1 OR das Werk nicht, kann der Besteller ohne Ersatz der
dem Unternehmer entstandenen Kosten vom Vertrag zurücktreten; vorbehalten
bleiben Entschädigungsansprüche, die ausdrücklich bereits für den Entwurf
des Werks vereinbart worden sind (E. 2 und 3).

Sachverhalt

    A.- La commune de A. désirait orner la façade nord d'un bâtiment
scolaire, achevé en 1976, d'une décoration murale de l'artiste-peintre
B., domicilié dans la localité. A fin 1978 - début 1979, elle entra en
rapport avec B., qui lui adressa le 10 janvier 1979 un devis de 32'000
francs pour une mosaïque en pierre du pays, prévoyant comme conditions
de paiement 1/3 à la commande pour études et maquettes, 1/3 au "carton
grandeur nature" et 1/3 à l'achèvement de l'oeuvre. B. envisageait la
pose de la mosaïque par application directe contre la façade du bâtiment.

    Après avoir établi un devis plus détaillé et des esquisses, B. fut
avisé le 11 juin 1979 de la décision du conseil communal de lui attribuer
les travaux de décoration pour le prix de 27'000 francs, selon le thème
prévu. En automne 1979, il présenta aux autorités communales des études et
maquettes, ainsi qu'un carton en grandeur nature. A sa requête, et selon
la convention passée entre les parties, la commune lui versa 9'000 francs
le 6 septembre 1979 et 9'000 francs le 6 novembre 1979. L'exécution et la
pose de la mosaïque étaient alors prévues pour le courant de l'année 1980.

    La constatation, en été 1980, de défauts du bâtiment scolaire,
soit de fissures importantes notamment sur la façade nord, paraît avoir
retardé l'exécution et la pose de la mosaïque. Alors que des discussions
étaient en cours entre la commune et les constructeurs sur la façon de
remédier à ces défauts, B. communiqua à la commune, en septembre 1981,
une offre pour une mosaïque plus grande. La commune refusa cette offre,
mais sollicita l'étude d'un nouveau projet de façade ouest.

    Après l'examen de ses projets par la commune, B. lui en communiqua
le prix le 10 août 1983. La réalisation de chaque variante était devisée
à 55'000 francs, le montant de 9'000 francs étant facturé tant pour le
projet II que pour le projet III. B. exposa clairement son intention de
demander le paiement de tous ses projets si rien n'était réalisé.

    Le 24 février 1984, la commune informa B. qu'elle renonçait à
l'exécution des projets II et III; elle demandait l'exécution du projet
réalisé en 1979 pour le 15 août 1984, délai fixé pour tenir compte des
travaux de réfection de la façade qui devaient se terminer le 15 mai 1984;
elle déclarait s'en tenir au prix convenu de 27'000 francs et formulait
certaines exigences quant au système de pose. Ayant décidé de rémunérer
B. pour les projets II et III qu'elle lui avait commandés, la commune fit
estimer par l'architecte cantonal la valeur des travaux accomplis. Ces
travaux furent évalués à 5'000 francs pour le projet II et à 2'600 francs
pour le projet III.

    Par lettre du 8 août 1984, la commune avisa B. de l'achèvement des
travaux de réfection de la façade nord et le pria de procéder sans tarder,
soit pour le 5 septembre 1984, à la mise en place des plaques de béton
supportant la décoration murale en mosaïque. B. n'ayant donné aucune suite
à cette lettre, la commune lui impartit le 29 mars 1985 un ultime délai
de trois mois, échéant le 30 juin 1985, pour exécuter l'oeuvre d'art,
en confirmant qu'elle s'en tenait au premier projet. Elle déclara à cette
occasion, puis confirma à plusieurs reprises par la suite que le contrat
serait résilié s'il n'était pas exécuté dans ce délai.

    B. n'ayant pris aucune mesure en vue de l'exécution, la commune résilia
le contrat. Le 1er juillet 1985, elle réclama à B. la restitution des
avances qu'elle lui avait versées, prétention qu'elle réduisit de 7'600
francs le 4 juillet 1985.

    B.- La commune a ouvert action contre B. en paiement de 18'000 francs,
sous déduction de 7'600 francs.

    Le défendeur a conclu au rejet de l'action et, reconventionnellement,
au paiement de 7'600 francs.

    Par jugement des 1er et 6 juillet 1987, le Tribunal cantonal du
canton du Valais a condamné le défendeur à payer à la demanderesse la
somme de 1'400 francs avec intérêt à 5% dès le 1er juillet 1985, compte
tenu d'un montant de 9'000 francs alloué au défendeur pour l'activité
déployée jusqu'à la résiliation du contrat.

    C.- La demanderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral en reprenant
les conclusions qu'elle avait prises en instance cantonale.

    Le Tribunal fédéral admet le recours et réforme le jugement attaqué
en ce sens que le défendeur versera à la demanderesse la somme de 10'400
francs avec intérêt à 5% dès le 1er juillet 1985.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) A propos de la qualification du contrat - mandat ou contrat
d'entreprise -, la cour cantonale se réfère tout d'abord au critère
de distinction entre l'obligation de moyen, caractérisant le mandat,
et l'obligation de résultat, caractérisant le contrat d'entreprise. Elle
souligne ensuite l'importance, dans le mandat, de la confiance réciproque
entre les parties et de la prise en considération des qualités réelles ou
supposées du mandataire, pour conclure que les dispositions sur le mandat
s'appliquent aux prestations hautement personnalisées. S'agissant plus
particulièrement des oeuvres artistiques, littéraires ou scientifiques,
elle se rallie à l'opinion de DESSEMONTET (in RDS 106/1987 II p. 130
s., 203-207), ainsi qu'à la doctrine citée par cet auteur (PEDRAZZINI,
Schweiz. Privatrecht VII/ 1, p. 506; HOFSTETTER, Schweiz. Privatrecht
VII/2, p. 21; GAUTSCHI, n. 63d ad art. 394 CO; ABRAVANEL, in Le droit de
l'architecte, édité par Gauch/Tercier, p. 37 s.; REHBINDER/GROSSENBACHER,
Schweiz. Urhebervertragsrecht, p. 24 s.; cf. aussi LEUENBERGER, in
RDS 106/1987 II p. 21 s.), selon laquelle il convient d'appliquer les
règles du mandat, même si dans ce domaine celui qui fournit des services
accepte en général une obligation de résultat. La cour cantonale relève
encore qu'en l'espèce le contrat ne portait pas - strictement parlant -
sur l'exécution d'une oeuvre artistique, mais sur une création, aucune
exigence n'ayant d'ailleurs été fixée pour déterminer s'il devait s'agir
d'une fresque, d'un bas-relief, d'une sculpture ou d'une mosaïque par
exemple; l'aspect créatif dominait donc largement l'activité de l'artiste,
et les relations entre les parties ont été nouées sur la base de relations
de confiance particulières, supposant que chacune d'elles ait la faculté
de mettre fin au contrat en tout temps.

    b) Selon les définitions légales des deux contrats en cause, le
contrat d'entreprise se caractérise par le fait que l'entrepreneur promet
un ouvrage, soit le résultat d'une activité (art. 363 CO), tandis que le
mandataire s'engage à gérer une affaire ou à rendre des services en vue
d'un résultat qui n'est pas garanti (art. 394 CO).

    Dans l'arrêt ATF 109 II 37 s. consid. 3b, le Tribunal fédéral, revenant
à sa jurisprudence antérieure (momentanément abandonnée in ATF 98 II 305
ss), a jugé que l'ouvrage, au sens des art. 363 ss CO, peut revêtir une
forme aussi bien matérielle qu'immatérielle et qu'il peut s'appliquer,
par exemple, à la fourniture d'un spectacle par un organisateur, d'une
production artistique par un artiste ou un orchestre, d'une représentation
cinématographique. Il a confirmé ce point de vue depuis lors (ATF 112 II
46; arrêt 115 II 59 consid. 1b).

    Le présent contrat porte sur l'exécution d'une mosaïque sur la paroi
d'un immeuble. Le devis adressé le 10 janvier 1979 par le défendeur à la
demanderesse concerne l'"intégration sur façade nord" du groupe scolaire
de A. de la décoration murale commandée, dont le thème est indiqué,
et la prestation de l'artiste comporte deux opérations préliminaires
justifiant chacune le paiement d'un tiers du prix, soit des "études et
maquettes" et l'exécution d'un "carton grandeur nature". Le contrat ainsi
défini a manifestement pour objet la promesse du résultat d'une activité
et présente les caractères essentiels du contrat d'entreprise.

    L'objection de DESSEMONTET (RDS 106/1987 II 131, 204 s.) selon laquelle
une oeuvre qui se distingue par son individualité échappe forcément à
tout jugement sur sa conformité, la conformité de l'oeuvre aux prévisions
des parties ne pouvant ainsi être appréciée, n'est pas déterminante. Un
maître d'ouvrage peut très bien commander une oeuvre à un artiste en lui
laissant carte blanche, le cas échéant dans certaines limites plus ou
moins étroites. Il n'en reste pas moins que l'on a affaire à une commande
d'ouvrage et à une promesse de résultat. Il est vrai que plus la liberté
laissée à l'entrepreneur est grande, plus le contrôle du maître quant à
la conformité de l'ouvrage avec ce qu'il en attendait est réduit. Les
droits du maître fondés sur une exécution défectueuse ou non conforme
peuvent s'en trouver très limités, mais cela ne suffit pas à modifier
la qualification du contrat. S'agissant, comme en l'espèce, d'un ouvrage
matériel à exécuter selon des étapes et à l'aide d'un matériau préétablis,
mais dont la conception et l'aspect résultent d'une activité intellectuelle
créatrice, il ne se justifie pas d'écarter l'application des règles sur le
contrat d'entreprise, mieux adaptées à la situation que celles du mandat.

    Le fait que le contrat portant sur la création d'une oeuvre artistique
suppose une relation de confiance particulière, fondée sur les qualités
réelles ou supposées de l'artiste, est tout à fait compatible avec la
nature du contrat d'entreprise. Il n'est pas rare que la commande d'un
ouvrage soit déterminée par les qualités personnelles de l'exécutant et
repose sur l'existence d'un rapport de confiance entre les parties, ce
qui justifie l'obligation de l'exécution personnelle prévue par l'art. 364
al. 2 CO (cf. GAUCH, in Le droit de l'architecte, p. 11 n. 38).

    Contrairement à la solution adoptée par le Tribunal cantonal, il y
a dès lors lieu de qualifier de contrat d'entreprise le contrat conclu
par les parties. Cette qualification correspond d'ailleurs à l'opinion
exprimée par de nombreux auteurs à propos de contrats de ce type (contrat
d'entreprise intellectuel, Geist-Werkvertrag; cf. JÄGGI, in RSJ 69/1973
p. 302 ss; GAUCH, Der Werkvertrag, 3e éd., p. 10; TERCIER, La partie
spéciale du Code des obligations, n. 2399 à 2401, 2905; BECKER, n. 4 ad
art. 363 CO; OSER/SCHÖNENBERGER, n. 1 à 4 ad art. 363 CO; CHERPILLOD,
Le droit d'auteur en Suisse, p. 84 s.; KLAUSER, Die werkvertragliche
Mängelhaftung und ihr Verhältnis zu den allgemeinen Nichterfüllungsfolgen,
thèse Zurich 1973, p. 5 s.).

Erwägung 2

    2.- a) Sur la base des règles du contrat d'entreprise, les montants
réclamés par la commune défenderesse en remboursement des avances qu'elle
a faites au défendeur doivent lui être alloués. L'art. 366 al. 1 CO, qui
est un cas d'application des art. 107 à 109 CO, permet en effet au maître
de l'ouvrage de se départir du contrat si l'entrepreneur ne commence pas
l'ouvrage ou en diffère l'exécution. Après avoir fixé à l'entrepreneur
un délai d'exécution (art. 107 al. 1 CO), le maître de l'ouvrage peut se
départir du contrat s'il en fait la déclaration immédiate (ATF 98 II 115
consid. 2).

    Ces conditions sont réunies en l'espèce: la demanderesse a imparti le
29 mars 1985 au défendeur un dernier délai de trois mois pour exécuter
l'ouvrage. L'exécution n'étant pas intervenue après l'expiration de
ce délai, en dépit de nouvelles mises en demeure, elle a résilié le
contrat. Elle pouvait dès lors, selon l'art. 109 al. 1 CO, refuser sa
prestation et répéter ce qu'elle avait déjà payé. Ce système ne permet
pas à l'entrepreneur d'exiger le paiement des frais relatifs aux travaux
préparatoires qu'il a déjà assumés, ces frais étant compris dans le prix
qui ne lui est plus dû.

    Le système légal ainsi consacré correspond à la nature du contrat
ayant pour objet l'exécution et la livraison d'un ouvrage.

    Celui qui ne livre pas l'ouvrage et n'exécute ainsi pas sa prestation
ne peut qu'être soumis aux conséquences ordinaires de l'inexécution des
contrats (cf. JÄGGI, in RDS 69/1973, p. 304). L'application des règles
du mandat, et plus particulièrement des art. 402 et 404 CO, ne convient
pas à ce genre de situations (cf. dans le même sens ZIMMERMANN, Der
Geist-Werkvertrag, p. 123, qui propose, dans le cadre d'un contrat innomé,
d'appliquer à l'"entrepreneur" les règles ordinaires sur l'inexécution
des contrats). Si l'entrepreneur-artiste entend conserver la liberté
de ne pas exécuter l'ouvrage promis, tout en étant défrayé de ses frais
de préparation à l'exécution, il lui incombe de le stipuler clairement,
en prévoyant par exemple que l'exécution d'un projet constitue déjà un
ouvrage rémunéré spécialement, ainsi que le défendeur l'a fait pour les
projets II et III.

    b) On peut certes envisager des circonstances permettant à
l'entrepreneur de refuser sa prestation, telles que l'inexécution
d'obligations incombant au maître de l'ouvrage ou le refus par celui-ci de
propositions nouvelles fondées sur la clausula rebus sic stantibus. Mais
rien de semblable ne ressort des faits retenus par la cour cantonale, qui
constate seulement que le défendeur n'a pas réagi aux mises en demeure et
n'a pris aucune mesure en vue de l'exécution, en manifestant simplement
sa volonté d'attendre le résultat d'une estimation des projets II et
III. Dans sa réponse au recours, le défendeur se borne à faire état du
retard de quatre ans qui s'est produit avant que la commune ne l'invite à
exécuter l'ouvrage; mais il n'indique pas quelles déclarations il a faites
à la commune à ce propos, ni quelles conséquences il a tirées de ce retard
ou quelles propositions nouvelles il a formulées de ce fait. Le défendeur
invoque en outre une offre qu'il aurait présentée en décembre 1986. Mais
cette offre ne ressort pas des faits constatés par le jugement attaqué,
et elle ne saurait d'ailleurs avoir d'effet sur la résiliation du contrat
signifiée au défendeur le 1er juillet 1985.

Erwägung 3

    3.- Contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal cantonal, l'application
des règles du mandat ne permettrait pas non plus d'accorder au défendeur
une rémunération pour son activité antérieure à la résiliation
du contrat. Cette résiliation n'est pas intervenue sur la base de
l'art. 404 al. 1 CO, mais elle a été dictée à la demanderesse par le
défaut d'exécution de la part du défendeur, en dépit de plusieurs mises
en demeure et de la fixation d'un dernier délai pour l'exécution. Une
telle situation exclut tout droit du mandataire de réclamer une
rémunération pour son activité antérieure à la résiliation, conformément
aux principes généraux (art. 107, 109 CO), également applicables à la
révocation du mandat. L'argument du jugement attaqué selon lequel il serait
contradictoire, de la part de la demanderesse, d'admettre le principe de la
rémunération des projets II et III, tout en le contestant pour le projet
I, n'est pas fondé. Les parties sont en effet convenues de rétribuer les
projets II et III, comme tels, soit indépendamment de la réalisation de
l'oeuvre projetée, ce qui n'a pas été le cas du premier projet.

Erwägung 4

    4.- Le jugement attaqué doit ainsi être réformé en ce sens que la
somme de 9'000 francs que la cour cantonale a allouée au défendeur à titre
d'honoraires pour son premier projet ne doit pas être déduite du montant de
18'000 francs qu'il est tenu de rembourser à la demanderesse. Le défendeur
devra donc verser à celle-ci la somme de 10'400 francs, avec intérêt à 5%
dès le 1er juillet 1985.