Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 II 306



115 II 306

56. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 23 août 1989 dans la
cause E. (recours en réforme) Regeste

    Art. 30 Abs. 1 ZGB.

    Selbst bei Anwendung grosszügiger Kriterien, wie sich dies im Falle
eines Kindes aufdrängt, gebieten gesellschaftliche, psychologische und
gefühlsmässige Gründe nicht, dem Kind die Annahme des Namens seines
verstorbenen Vaters zu bewilligen, der mit der Mutter nicht verheiratet
gewesen ist.

Sachverhalt

    A.- J., domicilié à Carouge, né en 1962, est décédé à Genève le 15
mars 1988 à la suite d'un accident de la circulation.

    J. vivait en concubinage avec dame E. De cette union est né l'enfant
François E. que son père a reconnu par acte du 18 février 1987.

    B.- Le 25 octobre 1988, dame E. a adressé au Conseil d'Etat du canton
de Genève une requête tendant à obtenir l'autorisation, pour elle et pour
son fils François, de porter le nom de famille de J. à la place du nom E.

    A l'appui de sa requête, dame E. faisait valoir, pour l'essentiel,
qu'elle avait vécu en concubinage pendant plus de cinq ans avec J. et
que de cette union était né l'enfant François, reconnu par son père;
elle relevait qu'avant l'accident de circulation à la suite duquel J.
avait perdu la vie, les deux concubins envisageaient sérieusement
le mariage et que J. allait entreprendre incessamment les démarches
nécessaires; elle faisait valoir qu'elle éprouvait le profond besoin de
porter le nom de son futur époux décédé et que le changement de nom était
indispensable aussi pour l'équilibre de l'enfant et était de nature à
créer une attache psychologique avec son père. Dame E. précisait enfin
que tel était également le voeu du grand-père paternel.

    Le 23 janvier 1989, le Service cantonal de l'Etat civil a communiqué à
la requérante sa décision négative. Par arrêté du 22 mars 1989, le Conseil
d'Etat du canton de Genève a rejeté aussi la requête en changement de nom.

    C.- Dame E., en son nom et au nom de son fils François, recourt
en réforme au Tribunal fédéral. Elle reprend ses conclusions tendant à
obtenir l'autorisation de porter le nom de famille de J.

    Le Département cantonal de justice et police conclut au rejet du
recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- (Le Tribunal fédéral laisse sans réponse la question de savoir
si une promesse de mariage - qui n'est pas établie en l'espèce -, rendue
irréalisable par le décès d'un des futurs époux, pourrait justifier,
le cas échéant, le changement de nom requis par le fiancé survivant.)

Erwägung 3

    3.- En l'espèce, l'appréciation de l'intérêt de l'enfant s'avère plus
difficile. Les recourants font valoir des arguments d'ordre psychologique
(la possibilité pour l'enfant de se rattacher, par le changement de nom,
à l'image du père et de se dire qu'il est le fruit d'une volonté commune
de créer une famille et que son père ne l'a pas délaissé; la prise de
conscience du lien profond qui existait entre ses parents).

    Ces arguments sont cependant peu convaincants et, en partie, à double
tranchant, car l'enfant pourrait aussi, le moment venu, se demander pour
quelles raisons ses parents, tous les deux célibataires et nullement
empêchés de se marier, ont choisi délibérément l'union libre et pour quel
motif son père n'a entrepris aucune démarche, en dépit d'un concubinage
qui durait depuis plus de cinq ans, pour obtenir le changement de nom
de son fils, la requête étant due à l'initiative exclusive de sa mère
après le décès du père. Si dame E. affirme (sans toutefois le prouver ou
le rendre vraisemblable) que J. avait entrepris des démarches en vue du
mariage, elle ne prétend pas que, indépendamment des projets de mariage,
le père avait exprimé le désir de voir son fils porter son nom de famille.

    Restent les arguments d'ordre social. La jurisprudence ne les a pas
ignorés. Aussi a-t-elle admis que l'enfant élevé dans le ménage de ses
parents vivant en union libre est fondé à demander de porter le nom de son
père lorsque les liens du concubinage ont un caractère stable et durable
(ATF 105 II 241 et 247; 107 II 289; 108 II 249 consid. 4b; 109 II 177;
sur le critère de la durée aussi 110 II 433). Cette jurisprudence tient
compte des inconvénients d'ordre social qui s'attachent à la condition
d'enfant de parents non mariés, en dépit du fait que le législateur a
supprimé, à partir du 1er janvier 1978, la distinction entre enfants
légitimes et enfants naturels. Elle part de l'idée, déjà exprimée dans
les arrêts 96 I 429 et 70 I 220 consid. 3, que l'enfant naturel doit être
autorisé à prendre le nom de son père qui vit en concubinage stable avec
la mère et contribue de façon durable, dans la mesure de ses moyens, à
l'entretien du ménage où se trouve son fils. Sous l'angle de l'intérêt de
l'enfant au changement de nom, elle considère comme non pertinente toute
objection tirée du comportement des parents, et notamment de leur refus
de se marier, ce qui leur permettrait d'attribuer à l'enfant le statut
d'enfant de parents mariés et par conséquent aussi le nom du père.

    Si l'art. 270 al. 2 CC dispose que l'enfant né de parents non
mariés acquiert le nom de famille de sa mère, c'est parce que l'enfant
en question vit généralement auprès de sa mère avec laquelle il a des
liens plus étroits qu'avec le père. Si tel n'est pas le cas, la procédure
en changement de nom lui est précisément ouverte pour tenir compte des
circonstances (ATF 105 II 246 consid. 2 in fine et les références et 105
II 252). Du reste, lors de la modification de l'art. 30 CC, le projet
du Conseil fédéral énumérait des cas de justes motifs pour le changement
de nom et parmi ces motifs figurait celui où "le requérant mineur porte
un autre nom de famille que le père ou la mère sous l'autorité parentale
ou sous la garde duquel il est élevé" (ATF 108 II 249 consid. 4a; 109 II
178 consid. 2).

    En l'espèce, la situation est différente et le choix du législateur,
tel qu'il résulte de l'art. 270 al. 2 CC, conserve toute sa portée.
L'enfant vit uniquement avec sa mère, qui subvient à son entretien et
s'occupe de son éducation et à côté de laquelle il va grandir. Il n'y
a plus, à défaut d'union conjugale, de cohabitation ou de ménage commun
entre les deux parents. Si, dans ces conditions, l'autorité cantonale
a estimé que l'enfant avait, en tout cas dans la situation actuelle,
intérêt à porter le nom de famille de sa mère, elle n'a pas fait de la
notion de justes motifs une application incompatible avec l'esprit et le
but de la norme légale, et n'en a pas méconnu un élément essentiel (ATF
108 II 2 consid. 2). La solution préconisée par les recourants aurait
pratiquement pour effet de vider de son contenu la règle de l'art. 270
al. 2 CC. Indépendamment de la question de savoir si l'intérêt de l'enfant
au changement de nom l'emporte, en l'espèce, sur l'intérêt public à
l'immutabilité du nom (ATF 105 II 243 consid. I 3, 249 consid. 3; 108 II
249 consid. 4b; 109 II 178 consid. 1), les motifs d'ordre psychologique
et affectif invoqués par les recourants n'exigent pas, même en adoptant
les critères très larges qui s'imposent dans le cas d'un enfant (ATF
105 II 243 I 3, 249 consid. 3; 109 II 178 consid. 1), que celui-ci soit
autorisé à porter le nom de son père décédé qui n'a pas été marié avec
sa mère, à la place du nom de la mère avec laquelle il vit. L'art. 270
al. 2 CC tend précisément à éviter qu'en cas de rupture de concubinage
l'enfant vivant avec sa mère ne porte un autre nom qu'elle, alors qu'il
n'aura plus de relations avec son père (ATF 107 II 290 consid. 3b bb;
105 II 246 consid. II 3, 252 consid. 6).