Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 III 148



115 III 148

32. Arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 21 décembre
1989 dans la cause X. & Cie (recours LP) Regeste

    Anwendungsbereich des Vertrages zwischen der Schweiz und Frankreich
über den Gerichtsstand und die Vollziehung von Urteilen in Zivilsachen
vom 15. Juni 1869.

    Ein Unternehmen, das sich in Zahlungsschwierigkeiten befindet, kann
aufgrund der französischen "Loi No 85-98 relative au redressement et à
la liquidation judiciaires des entreprises" beim Richter für Schulden,
die vor Beginn des Verfahrens entstanden sind, Stundung verlangen,
wobei ihm die kollektive Zwangsvollstreckung droht, falls es seinen
Zahlungspflichten nicht in der festgesetzten Frist nachkommt. Dieses
Verfahren stellt eine Abart des Konkurses dar und untersteht in
allen seinen Verfahrensabschnitten dem französisch-schweizerischen
Vertrag vom 15. Juni 1869. Diese Unterstellung des neuen französischen
Verfahrens entspricht dem Sinn und dem Zweck des Vertrages, die Einheit
und Universalität des Konkurses zwischen der Schweiz und Frankreich zu
sichern (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Le 30 avril 1987, la Banque A., à New York, a fait séquestrer à
Genève (séquestre No 287 SQ 258) les avoirs de X. & Cie, à Paris, en mains
de sa succursale genevoise Y. SA et de trois établissements bancaires.
Par l'intermédiaire des autorités françaises compétentes, l'Office des
poursuites de Genève a notifié le 7 juillet à Me P., alors administrateur
judiciaire de X. & Cie, l'ordonnance et le procès-verbal du séquestre,
ainsi que le commandement de payer No 87 043.231 S validant la mesure.

    La poursuite après séquestre a abouti le 15 septembre 1987, avec effet
au 29 septembre 1987, à la saisie définitive des biens séquestrés en mains
de Y. SA, sur lesquels celle-ci avait invoqué déjà lors du séquestre des
droits préférables. Eu égard notamment aux droits prétendus par Y. SA,
l'Office a rejeté, le 21 décembre 1987, la réquisition de vente formée
le 28 octobre 1987.

    B.- Le 24 novembre 1987, l'administrateur judiciaire de X. & Cie a
obtenu auprès du Tribunal de première instance de Genève l'exequatur de
deux jugements du Tribunal de Commerce de Paris, prononcés les 11 juin
1987 et 9 juillet 1987 dans le cadre de la procédure de redressement
judiciaire de X. & Cie.

    Le 4 février 1988, Y. SA en liquidation concordataire a demandé à
l'Office des poursuites l'annulation du séquestre obtenu par la Banque A.

    Dans sa décision du 1er juillet 1988, l'Office a attribué aux
jugements français déclarés exécutoires à Genève les effets d'un jugement
de faillite; les actifs précédemment saisis devaient donc être tenus à
la disposition de l'administrateur judiciaire de X. & Cie, sous réserve
des droits préférables à ceux des créanciers de la faillite française.

    C.- Le 14 juillet 1988, la Banque A. a formé une plainte contre
cette décision.

    Par la décision du 21 juin 1989, l'Autorité de surveillance des
offices de poursuite pour dettes et de faillite du canton de Genève a
admis partiellement la plainte; elle a annulé la décision de l'Office
et prononcé que les jugements déclarés exécutoires en Suisse le 24
novembre 1987 déployaient les effets d'un jugement octroyant un sursis
concordataire; elle a rejeté la plainte pour le surplus.

    D.- X. & Cie exerce en temps utile un recours à la Chambre
des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral. Elle demande
l'annulation du commandement de payer No 87 043.231 S qui lui a été
notifié le 7 juillet 1987, ainsi que du procès-verbal de séquestre No
87 902.258 S. De surcroît, elle requiert la constatation qu'aucune
poursuite ne peut être dirigée contre elle en Suisse, tant que la
procédure de redressement judiciaire perdure en France; les jugements
français prononçant le redressement judiciaire de X. & Cie ont en Suisse
les effets d'un jugement de faillite. En conséquence, elle demande encore
que les réquisitions de vente soient déclarées nulles et que les actifs
séquestrés et saisis soient remis au liquidateur de la faillite de X. &
Cie en nom collectif. Enfin, elle requiert l'attribution de l'effet
suspensif à son recours et, à titre subsidiaire, le renvoi de la cause
à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

    La Banque A. conclut pour sa part au rejet du recours. Elle requiert
qu'il soit constaté que les jugements des 11 juin et 9 juillet 1987 du
Tribunal de Commerce de Paris ne sont pas susceptibles de reconnaissance
en Suisse, que le procès-verbal de saisie définitive dans la poursuite
No 87 043.231 S déploie tous ses effets, que les biens saisis de X. &
Cie ne seront pas remis à son administrateur judiciaire, mais devront
servir au paiement des créanciers participant à la même série, le surplus
éventuel étant versé à X. & Cie.

    L'Office des poursuites a renoncé à déposer des observations. Quant
à l'autorité cantonale, elle ne s'est pas déterminée.

    L'effet suspensif sollicité par la recourante lui a été octroyé par
décision du 17 juillet 1989 du Président de la Chambre de céans, en ce sens
qu'ordre a été donné à l'Office des poursuites de surseoir à la réalisation
des biens séquestrés puis saisis dans la poursuite No 87 043.231 S.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) L'autorité cantonale a examiné les effets, sur les actes
entrepris par les créanciers individuellement, de la loi française No 85-98
du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires
des entreprises (ci-après: loi No 85-98). Elle s'est référée à un jugement
du 18 septembre 1988 du Tribunal de grande instance de Nanterre rendu
à l'encontre des frères X., selon lequel le "redressement judiciaire"
interdisait non seulement les exécutions spéciales, mais retirait au
débiteur la disposition de ses biens pour les confier à l'administrateur
judiciaire désigné par le juge. Elle en a déduit que les jugements des 11
juin et 9 juillet 1987 du Tribunal de Commerce de Paris concernant X. &
Cie, prononcés dans le cadre de la loi No 85-98, pouvaient être assimilés à
un sursis concordataire au sens des art. 295 ss LP, voire à un ajournement
de faillite selon les art. 725 al. 4 CO ou 173a LP. Si les deux jugements
français exécutoires en Suisse ont le sens d'un sursis concordataire,
les biens saisis en Suisse au détriment de X. & Cie doivent être tenus à
la disposition de l'administrateur judiciaire désigné par les autorités
françaises compétentes, sous réserve des mesures conservatoires qui
pourraient être prises pour assurer la protection des droits préférables
invoqués en Suisse par des créanciers (ATF 94 III 96 consid. 7). L'autorité
cantonale est en outre d'avis que l'administrateur judiciaire de X. & Cie
s'est prévalu à tort de la Convention entre la Suisse et la France sur la
compétence judiciaire et l'exécution des jugements en matière civile du
15 juin 1869 (ci-après: la Convention franco-suisse, RS 0.276.193.491),
qui obligerait la créancière à agir exclusivement en France s'agissant
des biens saisis en Suisse. En effet, la saisie en Suisse des biens en
mains de Y. SA est entrée en force en l'absence de toute contestation de
la recourante. En revanche, le redressement judiciaire litigieux dont est
l'objet X. & Cie empêche la réalisation des biens saisis à son détriment
à Genève, du moment que la Banque A. ne s'est pas opposée à l'ouverture
par Y. SA d'une procédure de revendication au sens de l'art. 106 LP.

    b) X. & Cie objecte que l'autorité cantonale a méconnu tout d'abord les
art. 166 ss de la Loi fédérale sur le droit international privé (LDIP),
plus particulièrement l'art. 170 LDIP. Ces dispositions prévoiraient
la reconnaissance d'un jugement de faillite prononcé à l'étranger et
conféreraient à celui-ci pour les biens sis en Suisse tous les effets
qui résultent en droit suisse de l'ouverture de la faillite. Le fait que
le redressement judiciaire, respectivement la liquidation judiciaire,
de la nouvelle législation française soit une procédure d'exécution,
assimilable à un jugement de faillite, découlerait notamment de l'art. 47
de la loi No 85-98. Dès lors, la décision judiciaire d'ouverture d'instance
prononcée dans le cadre de la loi française précitée entraînerait tant
la suspension de toutes les actions en exécution déjà introduites contre
le débiteur que l'interdiction d'en intenter de nouvelles; en d'autres
termes, toute exécution forcée serait suspendue, respectivement interdite,
à l'encontre des biens meubles et immeubles du débiteur. Ainsi, les
conséquences juridiques seraient identiques à celles que prévoit l'art. 206
LP après l'ouverture de la faillite. La correspondance parfaite entre le
redressement et la liquidation judiciaires, d'une part, et l'ouverture de
la faillite, d'autre part, aurait donc pour résultat la nullité radicale
de la notification le 7 juillet 1987 du commandement de payer No 87
043.231 S., le jugement prononçant le redressement judiciaire de X. & Cie,
déclaré exécutoire en Suisse le 24 novembre 1987, datant du 11 juin 1987.

Erwägung 2

    2.- L'art. 166 al. 1 LDIP dispose qu'une décision de faillite étrangère
rendue dans l'Etat du domicile du débiteur est reconnue en Suisse à la
réquisition de l'administration de la faillite ou d'un créancier: a)
si la décision est exécutoire dans l'Etat où elle a été rendue; b) s'il
n'y a pas de motif de refus au sens de l'art. 27 et c) si la réciprocité
est accordée dans l'Etat où la décision a été rendue. Pour le patrimoine
du débiteur sis en Suisse, la reconnaissance de la décision de faillite
rendue à l'étranger a, sauf dispositions contraires de cette loi, les
effets de la faillite tels que les prévoit le droit suisse (art. 170
al. 1 LDIP); si le débiteur a une succursale en Suisse, la procédure
prévue à l'art. 50 al. 1 LP est admissible jusqu'au moment où l'état
de collocation au sens de l'art. 172 LDIP est définitif (art. 166 al. 2
LDIP). L'art. 175 LDIP réserve l'application analogique des art. 166 à
170 LDIP à un concordat ou à une procédure analogue homologué par une
juridiction étrangère compétente.

    Il y a lieu de déterminer d'abord si la Loi fédérale sur le droit
international privé, entrée en vigueur le 1er janvier 1989, est applicable
à la décision controversée, ouvrant la procédure de redressement judiciaire
de X. & Cie, et à ses effets juridiques éventuels sur la poursuite déjà
intentée contre Y. SA, à Genève. La procédure d'exequatur, qui a abouti le
24 novembre 1987 à une décision en force en Suisse et à la reconnaissance
du redressement judiciaire de X. & Cie sur la base des jugements français
des 11 juin et 9 juillet 1987, a trouvé son dénouement avant l'entrée en
vigueur de la loi invoquée par la recourante. Toutefois, le redressement
judiciaire ordonné en France déploie encore ses effets. Cette procédure
peut mener, après une période d'observation (art. 3 ss loi No 85-98), à
la continuation de l'entreprise en difficulté de paiement avec fixation
d'un échéancier pour l'amortissement des dettes, mais également à la
liquidation par l'aliénation totale de l'entreprise (art. 81 ss) ou la
dissolution des anciennes unités économiques (art. 154). Tant qu'elle
n'est pas terminée, l'art 47 de la loi française doit être observé. Cette
disposition suspend les actions en justice pendantes contre le débiteur
et interdit d'en introduire de nouvelles; de même, elle arrête ou interdit
toute procédure d'exécution forcée sur ses biens meubles et immeubles. La
décision d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, prise
avant l'entrée en vigueur de la LDIP, continue donc de produire des effets
juridiques au sens de l'art. 196 al. 2 LDIP. Partant, dès le 1er janvier
1989, le redressement judiciaire de X. & Cie, prononcé précédemment en
France, peut déployer en Suisse tous les effets qui lui sont conférés
par les art. 166 ss LDIP.

Erwägung 3

    3.- L'art. 1er al. LDIP réserve cependant les traités
internationaux. Il reste donc à examiner si la procédure de redressement
judiciaire française entre dans le champ d'application de la Convention
franco-suisse. Si la réponse est affirmative, il n'y a alors plus de place
pour la réglementation suisse unilatérale établie par la Loi fédérale
sur le droit international privé (GILLIÉRON, Le chapitre 11 de la loi
fédérale sur le droit international privé et le droit international suisse
de l'exécution forcée générale et collective in BlSchKG 1988, p. 161 ss,
spéc. p. 168 ss; DALLÈVES, Les accords bilatéraux en matière de faillite,
notamment la Convention franco-suisse de 1869, in Le droit de la faillite
internationale, Premier Séminaire de droit international et de droit
européen, Neuchâtel 11/12 octobre 1985, vol. 46 des Etudes suisses de
droit international, p. 93/94; BÜRGI, BlSchKG 1989, p. 108).

    a) L'art. 6 de la Convention franco-suisse a pour objet de fixer la
compétence locale relative à l'ouverture de la faillite d'un Français ayant
un établissement de commerce en Suisse et réciproquement d'un Suisse ayant
un établissement de commerce en France. Selon la jurisprudence constante
et la doctrine unanime, cette disposition consacre le principe de l'unité
et de l'universalité de la faillite dans les relations entre les deux pays
(ATF 94 III 89 consid. 4 et les références citées). Elle doit donc être
interprétée d'une manière plus large que celle qui résulte de sa teneur
même. En outre, le principe de l'unité de la faillite s'applique non
seulement à l'égard de la faillite proprement dite, mais aussi à l'égard
de ses modalités spéciales, tels la liquidation judiciaire et l'état de
cessation de paiement du droit français, ou encore le sursis concordataire
(ATF 78 I 121, 21 I 48, 35 I 592, 46 I 165). La jurisprudence cantonale a
en outre appliqué ce principe à la liquidation officielle d'une succession
obérée, respectivement d'une succession répudiée (Tribunal cantonal du
canton de Vaud, 19 avril 1887, et Cour de justice du canton de Genève,
15 juin 1912, cités par DUTOIT/KNOEPFLER/LALIVE/MERCIER, Répertoire de
droit international privé suisse, vol. 2., 1983, p. 75/76).

    L'art. 8 de la Convention franco-suisse prescrit de surcroît que le
concordat homologué judiciairement dans un des deux Etats contractants
dans le cadre d'une ouverture de faillite produit dans l'autre Etat les
effets qu'il aurait dans le pays de la faillite. Le champ d'application
de cette disposition conventionnelle recouvre d'après l'opinion suisse
tant le concordat en cours de faillite (art. 317 LP) que le concordat
ordinaire selon les art. 293 ss LP et le concordat par abandon d'actif des
art. 316a ss LP (NUSSBAUM, Das internationale Konkursrecht der Schweiz,
vol. 20 des Etudes suisses de droit international, p. 79).

    Le principe de l'unité de la faillite s'applique ainsi au sursis
concordataire précédant le concordat préventif à la faillite. L'octroi
du sursis concordataire, qui fait obstacle à l'introduction et à la
continuation de toute poursuite contre le débiteur (art. 297 LP) tout
en limitant son activité (art. 298 LP), ne signifie pas cependant qu'un
concordat sera homologué. Nonobstant l'acceptation du concordat proposé
par la majorité qualifiée des créanciers, l'autorité concordataire
peut en refuser l'homologation. Cela entraîne la continuation ou le
recommencement de l'exécution forcée par les créanciers, si bien que
la procédure concordataire peut avoir en définitive le même sens qu'un
ajournement, certes avec les effets particuliers des art. 297 et 298
LP. Il n'empêche que la jurisprudence du Tribunal fédéral a qualifié
le sursis concordataire de modalité de la faillite au sens de l'art. 6
de la Convention franco-suisse et l'a soumis au champ d'application de
cette convention.

    b) Sous cet angle, l'autorité cantonale a estimé à juste titre que la
nouvelle procédure française de redressement judiciaire tombait également
dans le domaine d'application de la Convention franco-suisse. La loi
No 85-98 du 25 janvier 1985 attribue assurément un poids particulier à
la continuation d'une entreprise en difficulté de paiement, cela dans
le but de permettre le maintien de l'activité et de l'emploi (art. 1
al. 1 loi No 85-98), à savoir de l'entité économique dans son entier. Il
convient pourtant de ne pas perdre de vue que la procédure de redressement
judiciaire est aussi destinée à permettre l'apurement du passif au bénéfice
des créanciers. Aux termes des art. 3 ss de la loi No 85-98, la procédure
de redressement judiciaire d'une entreprise, dans l'impossibilité de
faire face au passif exigible avec son actif disponible, est ouverte à
la demande du débiteur, d'un créancier, du procureur de la République
ou d'office par le juge. Cette procédure est ouverte - comme c'est le
cas à l'art. 294 LP - après audition du débiteur et, le cas échéant,
d'autres personnes. Toutefois, le tribunal compétent n'est en principe
pas habilité à statuer d'entrée de cause sur la prise en considération
de la demande au sens de l'art. 294 al. 1 LP. Dans cette mesure, les
créanciers ne peuvent éviter une période d'observation - de six mois au
maximum - en vue de l'établissement d'un bilan économique et social, ni
l'effet décrit à l'art. 47 de la loi No 85-98, à savoir la suspension des
actions en justice déjà introduites contre le débiteur, l'interdiction
d'en intenter de nouvelles et l'arrêt de toute voie d'exécution
forcée individuelle. Les créanciers n'ont en outre pas la possibilité,
contrairement à l'assemblée des créanciers de la procédure concordataire
suisse d'après les art. 302 ss LP, de faire échouer eux-mêmes, relativement
rapidement, le redressement judiciaire, ce afin de frayer définitivement le
chemin à la faillite. Ils doivent bien plutôt se soumettre - après simple
audition de leur représentant selon l'art. 61 de la loi No 85-98 - à la
décision du juge de continuer l'entreprise, pour autant que l'octroi d'un
délai de paiement soit susceptible d'assurer le sauvetage de l'entreprise
ou d'une part importante de celle-ci (art. 69 ss). Une telle décision
aboutit en fait à un sursis au paiement des créances ayant leur origine
antérieurement à l'ouverture de la procédure, autant que les créanciers ne
consentent eux-mêmes un délai de paiement (art. 74) et que les créances ne
sont pas privilégiées au sens de l'art. 76. Néanmoins, en fin de compte,
le sursis accordé doit mener à la satisfaction complète des créanciers
(art. 75). Une remise de dette, liée à un versement avant terme, ne peut
être imposée par le juge contre la volonté du créancier concerné.

    L'art. 80 de la loi No 85-98 a une importance particulière. Si
le débiteur n'exécute pas ses engagements financiers dans les délais
fixés par le plan de continuation de l'entreprise, un créancier ou un
groupe de créanciers - représentant au moins 15% de toutes les créances
soumises audit plan - peut demander au juge l'ouverture d'une procédure
de redressement judiciaire, qui ne peut tendre qu'à la cession globale
de l'entreprise ou à la liquidation de ses actifs. Le prix de cession
est réparti entre les créanciers suivant leur rang (art. 92); en cas de
liquidation judiciaire, le montant de l'actif, après déduction notamment
des frais et des sommes payées aux créanciers privilégiés, est réparti
entre tous les créanciers au marc le franc de leurs créances admises
(art. 166). Il suit de là que le sursis ordonné par le juge, destiné en
principe à assurer la satisfaction totale des créanciers, se transforme
sans autre en exécution forcée proprement dite, si le délai de paiement
octroyé ne permet pas aux créanciers d'obtenir les prestations dues dans
le délai arrêté par le plan de continuation de l'entreprise.

    Dans ces circonstances, on ne peut détacher la prorogation judiciaire
du délai de paiement - qui est en définitive également à l'avantage de
l'ensemble des créanciers - de la menace de l'exécution forcée collective
(contra: GILLIÉRON, BlSchKG 1988, p. 169). Il se justifie ainsi, eu égard
à l'art. 47 de la loi No 85-98, de soumettre le redressement judiciaire,
dans toutes ses phases, au champ d'application de l'art. 6 de la Convention
franco-suisse, comme c'est le cas pour le sursis concordataire dans la
procédure concordataire suisse (plutôt négatif DALLÈVES, article déjà
cité du "Droit de la faillite internationale, Premier Séminaire de droit
international et de droit européen, Neuchâtel, 11/12 octobre 1985", in
Etudes suisses de droit international, vol. 46, p. 88/89). Assurément,
le redressement judiciaire a apporté des innovations, qui n'étaient pas
encore prévisibles lorsque fut conclue la Convention franco-suisse;
toutefois, ce qui est décisif, c'est que la nouvelle réglementation
légale du droit français correspond au sens et au but de ce traité
international (cf. ATF 46 I 165 pour la Convention franco-suisse en
particulier et ATF 113 II 362 consid. 3 et 101 Ia 537/538 consid. 5b pour
les traités internationaux en général). IL n'y a aucun doute concernant
le redressement judiciaire, si l'on considère que la communauté des
créanciers dans son ensemble doit obtenir satisfaction de la manière
la plus étendue et uniforme possible, c'est-à-dire sans qu'il y ait de
traitements différenciés. Cette constatation ne saurait être battue en
brèche par l'arrêt du 16 juillet 1981 de la Cour de cassation française
dans la cause Rossetti c. Luneau (citée dans la Revue critique de droit
international privé, Paris, 1982, p. 124 ss), laquelle, s'agissant du for
de l'action en paiement des dettes sociales dans le cadre de l'art. 99 de
l'ancienne loi française du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire,
la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes, a
déclaré inapplicable la Convention franco-suisse. Certes, cette décision se
signale par une certaine réserve quant à l'extension du champ d'application
de la Convention (à propos des tendances restrictives de la jurisprudence
française: FLATTET, Jurisclasseur, droit international privé, fasc. 590-B,
No 159 ss). Eu égard à l'art. 7 de la Convention, l'action de droit civil
en responsabilité contre la direction de l'entreprise ne remet cependant
pas en question le principe comme tel de l'unité de la faillite entre la
Suisse et la France, qui est le fer de lance de la Convention précitée
(DALLÈVES, article déjà cité du "Droit de la faillite internationale,
Premier séminaire de droit international et de droit européen, Neuchâtel,
11/12 octobre 1985" in Etudes suisses de droit international, vol. 46,
p. 87). De telles actions n'ont en effet de lien avec la faillite que
dans la mesure où celle-ci les a provoquées (note critique de l'arrêt
précité rendu par la Cour de cassation: LEMONTEY, Revue critique de droit
international privé, Paris, 1982, p. 127 ss).

Erwägung 4

    4.- Il suit de là qu'on ne peut reprocher à l'autorité cantonale de
n'avoir pas déclaré caduque la saisie du 15 septembre 1987, avec effet
au 29 septembre 1987, obtenue en Suisse avant le jugement d'exequatur
du 24 novembre 1987, mais au contraire de l'avoir considérée uniquement
suspendue par le redressement judiciaire. Cette conception correspond
à la teneur de l'art. 47 de la loi No 85-98 et cadre également avec les
effets du sursis concordataire décrits à l'art. 297 LP, lequel est plus
proche de la première phase du redressement judiciaire que de l'ouverture
de la faillite. La décision attaquée doit être confirmée, sans qu'il
y ait lieu de se prononcer sur les conclusions de l'intimée; celles-ci
sortent en effet du cadre de la question soumise à la Chambre de céans,
puisque la saisie exécutée en Suisse demeure à l'heure actuelle en suspens.

Entscheid:

Par ces motifs, la Chambre des poursuites et des faillites:

    Rejette le recours.