Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 V 102



114 V 102

21. Arrêt du 10 juin 1988 dans la cause Caisse de pensions de l'Etat de
Vaud contre F. et Tribunal des assurances du canton de Vaud Regeste

    Art. 73 Abs. 1 BVG: Natur der Streitigkeit im Sinne dieser
Bestimmung. Die Streitigkeit zwischen einer Vorsorgeeinrichtung und einem
Anspruchsberechtigten fällt in die Zuständigkeit der Rechtspflegeinstanzen
nach Art. 73 BVG, wenn sie spezifisch den Rechtsbereich der beruflichen
Vorsorge angeht und das Versicherungsverhältnis zwischen einer
Vorsorgeeinrichtung und einem Anspruchsberechtigten zum Gegenstand hat
(Erw. 1b).

    Art. 73 Abs. 4 BVG, Art. 97 Abs. 1 und 128 OG, Art. 5 Abs. 1 VwVG:
Zulässigkeit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde im Bereich der beruflichen
Vorsorge. Art. 73 BVG ist eine Sondervorschrift und weicht insofern vom OG
ab, als stillschweigend auf das Vorliegen einer auf öffentliches Recht
des Bundes gestützten Verfügung und damit auf eine der ordentlichen
Voraussetzungen der Verwaltungsgerichtsbeschwerde verzichtet wird
(Erw. 1b).

    Art. 4 Abs. 1 BV: Grundsatz der rechtsgleichen Behandlung. Überprüfung
der in einem kantonalen Gesetz über eine öffentlichrechtliche
Vorsorgeeinrichtung enthaltenen Bestimmung über den Einkauf von
Versicherungsjahren auf ihre Vereinbarkeit mit Art. 4 Abs. 1 BV (Erw. 2
und 3).

Sachverhalt

    A.- Jean-Pierre F., né le 16 mai 1930, est affilié à la Caisse de
pensions de l'Etat de Vaud depuis le 1er mai 1962. En 1971, il a été nommé
"maître spécial de collège" (maître de dessin et de travaux manuels) à S.
par le Conseil d'Etat vaudois.

    Par lettre du 5 novembre 1986, le Service cantonal de l'enseignement
secondaire a fait savoir au prénommé que le Conseil d'Etat avait décidé
de supprimer la fonction susmentionnée - qui comportait 25 périodes
d'enseignement hebdomadaires, et pour laquelle l'âge minimal de la
retraite était fixé à 60 ans - et de créer notamment les nouvelles
fonctions de maître de dessin, maître d'éducation physique, maître de
musique, et maître de travaux manuels, postes chargés de 28 périodes
d'enseignement par semaine, mais pour lesquels l'âge de la retraite était
abaissé à 57 ans. Le service cantonal l'a informé en outre qu'il pouvait
choisir entre le maintien de son statut antérieur, sans modifications
essentielles, et l'adoption du nouveau statut; il a précisé toutefois
qu'il fallait enseigner durant deux années scolaires complètes selon un
horaire hebdomadaire de 28 périodes pour avoir la possibilité de prendre
la retraite au plus tôt à 57 ans.

    Jean-Pierre F. s'est alors adressé à la Caisse de pensions de l'Etat de
Vaud en vue de procéder au rachat de trois années d'assurance, de manière
à bénéficier à l'âge de 57 ans d'une rente de vieillesse au même taux que
celui qui lui serait applicable à 60 ans. La caisse de pensions a refusé
d'accéder à cette requête, en invoquant les dispositions légales qui la
régissent, soit la loi du 18 juin 1984 sur la Caisse de pensions de l'Etat
de Vaud, selon laquelle la décision de rachat d'années d'assurance doit
intervenir avant l'âge de 55 ans révolus ou, après cet âge, dans les six
mois dès l'engagement, termes non respectés en l'occurrence. Ce refus a
été confirmé par le Conseil d'administration de la caisse de pensions le
10 décembre 1986.

    B.- Jean-Pierre F. a déféré cette contestation au Tribunal des
assurances du canton de Vaud, lequel a admis ses conclusions par jugement
du 25 mars 1987, en déclarant qu'il devait être autorisé à "racheter trois
années d'assurance afin d'être placé dans la même situation que celle
où il se serait trouvé si le nouveau statut avait conservé l'âge de la
retraite reconnu jusqu'ici pour les maîtres de dessin". Les premiers juges
ont considéré, en résumé, que la stricte application de la disposition
légale invoquée par la caisse de pensions était inéquitable en l'espèce,
dans la mesure où elle ne permet pas à l'intéressé de faire usage de la
faculté de choisir le nouveau statut, comportant la possibilité de prendre
la retraite à 57 ans, sans que sa rente de vieillesse soit réduite en
raison de trois années d'assurance manquantes.

    C.- La Caisse de pensions de l'Etat de Vaud interjette recours de
droit administratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation.

    L'intimé conclut implicitement au rejet du recours, sur lequel l'Office
fédéral des assurances sociales renonce à se déterminer.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Selon l'art. 73 LPP, chaque canton désigne un tribunal qui
connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant
institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit (al. 1). Les
décisions des tribunaux cantonaux peuvent être déférées au Tribunal fédéral
des assurances par la voie du recours de droit administratif (al. 4).

    L'art. 73 LPP s'applique d'une part aux institutions de prévoyance
enregistrées de droit privé ou de droit public - aussi bien en ce qui
concerne les prestations minimales obligatoires qu'en ce qui concerne les
prestations s'étendant au-delà (art. 49 al. 2 LPP) - et, d'autre part,
aux fondations de prévoyance en faveur du personnel non enregistrées,
dans le domaine des prestations qui dépassent le minimum obligatoire
(art. 89bis al. 6 CC; ATF 113 V 200 consid. 1a et 293 consid. 1a). La
Caisse de pensions de l'Etat de Vaud est une institution de prévoyance
de droit public, inscrite au registre de la prévoyance professionnelle,
et participant à l'application du régime de l'assurance obligatoire
(cf. art. 48 al. 1 et 2 LPP). Elle est régie principalement par la loi
cantonale vaudoise sur la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud, du 18
juin 1984 (ci-après: LCP).

    b) Le litige qui oppose en l'espèce ladite caisse à Jean-Pierre
F. porte sur l'application d'une disposition de la LCP réglant
la possibilité des assurés de racheter des années d'assurance. Cette
question relève en principe de la compétence juridictionnelle instituée par
l'art. 73 LPP, car il s'agit d'une contestation qui ressortit au domaine
spécifique du droit de la prévoyance professionnelle et qui met en cause le
rapport d'assurance entre un ayant droit et une institution de prévoyance
au sens de cette disposition (cf. RIEMER, Das Recht der beruflichen
Vorsorge in der Schweiz, p. 127; MEYER, Die Rechtswege nach dem BVG,
RDS 106/1987 I, p. 613 et p. 629 ch. 3.2). Savoir si le point litigieux
- soit dans le cas présent le droit d'un assuré de procéder au rachat
d'années d'assurance - est ou non l'objet d'une réglementation expresse
de la LPP, ou de ses dispositions d'exécution, n'est pas déterminant en
ce qui concerne la compétence, c'est-à-dire la recevabilité de l'action
devant le tribunal cantonal, ou du recours subséquent devant le Tribunal
fédéral des assurances. Les autorités juridictionnelles instituées par
l'art. 73 LPP sont en effet appelées à connaître de litiges qui, parce
qu'ils concernent une institution de prévoyance enregistrée ayant étendu
la prévoyance au-delà des prestations minimales (art. 49 al. 2 LPP) ou
une fondation de prévoyance au sens de l'art. 89bis al. 6 CC, n'appellent
l'application d'aucune disposition du droit public fédéral (quant au fond),
et doivent être tranchés exclusivement au regard du droit privé, du droit
public cantonal, ou du droit public communal. Cette situation résulte
de la volonté du législateur de créer une compétence juridictionnelle
unique pour le domaine des prestations minimales obligatoires et pour
celui des prestations qui s'étendent au-delà, dans les deux cas précités
(cf. ATF 112 V 360 consid. 3). Cela signifie, s'agissant du recours
de droit administratif devant le Tribunal fédéral des assurances, que
l'art. 73 LPP constitue une réglementation spéciale: il supprime en
effet, implicitement, une des conditions ordinaires de recevabilité du
recours fixées par la loi fédérale d'organisation judiciaire, à savoir
l'existence d'une décision fondée sur le droit public fédéral (art. 128
OJ, en corrélation avec les art. 97 al. 1 OJ et 5 al. 1 PA).

    c) Le Tribunal fédéral des assurances n'étant pas lié par les motifs
que les parties invoquent (art. 114 al. 1 en corrélation avec l'art. 132
OJ), il examine d'office si le jugement attaqué viole des normes du droit
fédéral - notion qui comprend aussi le droit constitutionnel fédéral
et les principes généraux du droit tels que les principes d'égalité de
traitement et de proportionnalité (ATF 109 V 210 consid. 1b) - ou si
la juridiction de première instance a commis un excès ou un abus de son
pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Il peut ainsi admettre ou
rejeter un recours sans égard aux griefs soulevés par le recourant ou
aux raisons retenues par le premier juge (ATF 112 II 29 consid. 2, 111
Ib 164 consid. c, 110 V 20 consid. 1; RAMA 1986 No K 685 p. 299 consid. 1).

Erwägung 2

    2.- a) Dans les limites de la LPP, les institutions de prévoyance
peuvent adopter le régime de prestations, le mode de financement et
l'organisation qui leur conviennent (art. 49 al. 1 LPP). Elles doivent
établir les dispositions nécessaires sur les prestations, l'organisation,
l'administration et le financement, le contrôle, et les rapports avec les
employeurs, les assurés et les ayants droit; dans le cas des institutions
de droit public, ces dispositions sont édictées en principe par la
collectivité publique dont elles dépendent (art. 50 al. 1 et 2 LPP).

    b) En l'espèce, l'art. 43 LCP prévoit que les assurés peuvent prendre
leur retraite à l'âge de 60 ans révolus au plus tôt (al. 1). Cette limite
est fixée à 57 ans révolus au plus tôt pour les instituteurs et les
institutrices, ainsi que pour les fonctionnaires de police (al. 2). Sur
préavis du Conseil d'administration de la caisse de pensions, le Conseil
d'Etat peut déclarer la règle de l'alinéa 2 applicable à d'autres
catégories d'assurés, notamment au personnel soignant des établissements
hospitaliers et au personnel gardien des établissements de détention et
d'internement (al. 3).

    Selon l'art. 16 let. a LCP, l'assuré qui ne compte pas 35 années
d'assurance, calculées sur la base d'une activité à plein temps, à
l'âge minimum de la retraite peut racheter tout ou partie des années
d'assurance manquantes, comptées au degré d'activité lors de la décision
de rachat. L'art. 17 LCP prévoit que la décision de rachat d'années
d'assurance doit intervenir avant l'âge de 55 ans révolus ou, après cet
âge, dans les six mois dès l'engagement.

    c) Il n'existe en l'occurrence pas de motifs de mettre en doute
la compatibilité avec le droit fédéral de cette réglementation dans son
ensemble, laquelle se fonde sur la compétence déléguée aux institutions de
prévoyance par les art. 49 et 50 LPP. L'art. 13 LPP pose le principe que
le droit à des prestations de vieillesse naît à l'âge de 65 ans pour les
hommes et à l'âge de 62 ans pour les femmes (al. 1). Mais les dispositions
réglementaires de l'institution de prévoyance peuvent prévoir que le
droit aux prestations de vieillesse prend naissance le jour où l'activité
lucrative prend fin (al. 2, première phrase). Par cette dérogation,
le législateur a voulu introduire dans la loi une solution souple,
laissant aux institutions de prévoyance notamment la faculté de fixer,
pour le début du droit aux prestations minimales obligatoires également,
des limites d'âge inférieures à celles mentionnées par l'art. 13 al. 1
LPP (BO 1980 CE 268). Quant au rachat d'années d'assurance, obligatoire
ou facultatif selon les cas, la LPP et les dispositions d'exécution y
relatives ne contiennent aucune prescription à ce sujet. Destiné à épargner
à l'assuré la réduction ultérieure des prestations de l'institution de
prévoyance en raison d'un nombre d'années d'assurance insuffisant, il
correspond à une pratique courante, comportant de nombreuses variantes. Le
cas échéant, le rachat est effectué au moyen de la prestation de libre
passage transférée d'une institution de prévoyance à l'autre (cf. HELBLING,
Personalvorsorge und BVG, 3e éd., p. 130 s.).

Erwägung 3

    3.- a) Est litigieux dans le cas présent le point de savoir si l'intimé
peut faire valoir, en raison de la modification de l'âge de la retraite
décidée par le Conseil d'Etat en application de l'art. 43 al. 3 LCP,
un droit au rachat d'années d'assurance, quand bien même il a dépassé
l'âge limite de 55 ans fixé à cet égard par la LCP.

    Les premiers juges ont répondu affirmativement à cette question. Ils
ont exposé en effet qu'il était "choquant que des assurés déjà âgés de 55
ans au moment où on leur offre d'adopter un statut avec âge de la retraite
moins élevé soient pratiquement empêchés de choisir le nouveau statut
parce que l'on ne leur reconnaît pas la faculté de racheter le nombre
d'années correspondant à la différence entre l'âge de la retraite dans
l'ancien statut et celui moins élevé du nouveau statut". La juridiction
cantonale a considéré dès lors que l'application de l'art. 17 LCP à
l'intimé constituait un traitement discriminatoire et arbitraire.

    La recourante objecte à cela, en résumé, que les premiers juges
n'avaient pas la compétence de s'écarter d'une disposition claire de la
LCP, et qu'il n'y a, par ailleurs, pas lieu d'admettre l'existence d'une
lacune dans la LCP au sujet du rachat d'années d'assurance dans des cas
tels que celui de l'intimé.

    b) Selon la jurisprudence, une norme générale et abstraite viole
l'art. 4 al. 1 Cst. - soit le principe de l'égalité devant la loi,
et l'interdiction de l'arbitraire qui en résulte - lorsqu'elle n'est
pas fondée sur des motifs sérieux et objectifs, qu'elle est dépourvue
de sens et d'utilité et qu'elle opère des distinctions juridiques que
ne justifient pas les faits à réglementer (ATF 112 Ia 258 consid. 4b et
les arrêts cités). Dans l'examen auquel il procède à cette occasion, le
juge ne doit toutefois pas substituer sa propre appréciation à celle de
l'autorité dont émane la réglementation en cause (ATF 111 Ia 91 consid. 3,
111 V 108 consid. 2c/aa, 110 Ia 13 consid. 2b, 109 Ia 124 consid. 5a,
108 Ia 114 consid. 2b, 107 V 205 consid. 3a).

    Ce n'est pas, en l'espèce, la limite d'âge de 55 ans en soi - au-delà
de laquelle la LCP interdit le rachat d'années d'assurance, sous réserve
du cas des personnes entrant ultérieurement au service de l'Etat - que
les premiers juges critiquent. Aussi bien ne voit-on pas que cette règle,
dont la justification réside, selon le Conseil d'Etat, dans la nécessité
"d'éviter une antisélection des risques" (exposé des motifs du Conseil
d'Etat relatif au projet de loi sur la Caisse de pensions de l'Etat de
Vaud, 1984, p. 11), soit contraire à la Constitution. En revanche, les
conséquences de l'art. 17 LCP dans le cas des assurés de plus de 55 ans
qui sont concernés par l'abaissement de l'âge minimum de la retraite
de 60 à 57 ans se révèlent incompatibles avec le principe d'égalité
de traitement. Cette catégorie d'assurés, dont l'intimé fait partie,
ne peut plus en effet - en raison de cette disposition - procéder au
rachat d'années d'assurance afin d'éviter une réduction de la rente de
vieillesse en cas de retraite avant l'âge de 60 ans. En cela, la limite de
55 ans défavorise ces assurés d'une manière qui heurte le sens de l'équité,
sur le plan de la prévoyance professionnelle, par rapport à tous ceux qui
n'ont pas encore atteint cet âge au moment de la modification en question,
ainsi que par rapport aux personnes âgées de plus de 55 ans lors de leur
engagement par l'Etat.

    Des motifs raisonnables à l'appui de cette différence de traitement
font défaut; en tout cas, la recourante n'en allègue point. A lui seul,
l'équilibre actuariel de la Caisse de pensions, auquel la recourante
a fait sommairement allusion en procédure cantonale, ne constitue pas
à cet égard un argument suffisant. N'est pas déterminant non plus le
fait que l'introduction du nouvel âge minimum de la retraite peut être
échelonnée dans le temps en vertu de dispositions transitoires prises par
le Conseil d'Etat. Certes, les effets concrets de l'inégalité incriminée
s'atténuent lorsque -comme c'est le cas, semble-t-il, en l'espèce -
l'Etat exige des assurés concernés qu'ils restent à son service pendant
une période de deux ans au moins à compter de la modification de leur
statut. L'inégalité n'en demeure pas moins inadmissible en principe,
du moment que le droit de la prévoyance professionnelle ne fournit pas,
à lui seul, de motifs objectifs convaincants aptes à la justifier.

    c) C'est ainsi à tort que la recourante critique le jugement entrepris.
Celui-ci doit être confirmé dans la mesure où il constate que la limite
d'âge de 55 ans, prévue par l'art. 17 LCP, ne fait pas obstacle au rachat
éventuel, par l'intimé, de trois années d'assurance au maximum.

    Quant à la manière dont la LCP devrait réglementer le rachat d'années
d'assurance pour éviter l'inégalité précitée, la Cour de céans n'entend
pas préconiser une solution particulière; le choix de la réglementation
adéquate doit en effet être réservé au législateur cantonal.