Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 II 279



114 II 279

49. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 21 juin 1988 dans la
cause Société G. contre P. (recours en réforme) Regeste

    Art. 20 Abs. 1 OR.

    Arbeitsvertrag mit einem ausländischen Arbeitnehmer, der keine
Arbeitsbewilligung für die Schweiz besitzt. Das Fehlen der vom öffentlichen
Recht vorgeschriebenen Arbeitsbewilligung hat für sich allein nicht
die Nichtigkeit des Arbeitsvertrages zur Folge. Die Verweigerung der
Bewilligung kann dagegen eine fristlose Auflösung des Vertrages gemäss
Art. 337 OR rechtfertigen.

Sachverhalt

    A.- Le 20 novembre 1980, la société G., dont le siège est à Panama,
conclut avec P. un contrat selon lequel ce dernier était engagé, dès
le 1er février 1981, en qualité de directeur pour une période de cinq
ans au minimum. Le salaire annuel était fixé à 150'000 US$ ou à son
équivalent en francs suisses. P. devait travailler en liaison étroite
avec le quartier général du groupe G. à Genève. Il devait aussi prendre
le statut de frontalier.

    P. s'établit dans la zone frontalière et obtint un certificat de
domicile d'une commune de Haute-Savoie qu'il remit à son employeur en
vue d'obtenir un permis genevois de frontalier. Par la suite, il refusa
de signer la formule de demande de permis, pour des motifs en rapport
avec le salaire indiqué sur ladite formule. Finalement, aucune demande
de permis de travail ne fut déposée et aucun impôt ne fut payé à Genève
sur le salaire de l'employé.

    De février 1981 à mai 1982, l'employeur ne paya que partiellement et
avec retard le salaire convenu. Une mise en demeure resta sans effet. Le 7
juillet 1982, P. signifia à G. qu'il interrompait son activité jusqu'au
paiement de son salaire. Une poursuite en paiement du salaire ayant
été frappée d'opposition, il informa son employeur qu'il considérait
que sa carence équivalait à une résiliation du contrat sans justes
motifs. G. répondit le 25 août 1982 qu'en refusant de reprendre son
activité, l'employé avait mis fin sans droit aux relations contractuelles.

    B.- Au terme d'une première procédure judiciaire, P. a obtenu le
paiement de son salaire jusqu'au 6 juillet 1982, date de la fin de son
activité. Le Tribunal des prud'hommes de Genève a en revanche rejeté
ses prétentions en paiement du salaire jusqu'à fin septembre 1982, en
considérant le contrat de travail comme nul.

    C.- P. a ouvert contre son ex-employeur une nouvelle action en paiement
de 525'000 US$ pour "renvoi abrupt", montant correspondant au salaire
convenu de 12'500 $ par mois pour la période d'août 1982 à janvier 1986.

    Le 13 février 1987, la Chambre d'appel des prud'hommes de Genève a
alloué au demandeur 502971,65 § , sous déduction des charges sociales
éventuellement dues.

    D.- La défenderesse recourt en réforme en reprenant ses conclusions
libératoires.

    Le Tribunal fédéral admet le recours partiellement, annule l'arrêt
attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement
dans le sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- La Chambre d'appel tient le contrat du 20 novembre 1980 pour
valable. La défenderesse soutient, en revanche, qu'il est illicite et,
partant, frappé de nullité.

    a) Le contrat est nul en vertu de l'art. 20 al. 1 CO si son contenu
est illicite, mais il ne l'est pas si seule la participation subjective
d'une partie à ce contrat est interdite (ATF 102 II 404 consid. 2b,
80 II 48 consid. 2a, 62 II 111). Selon la jurisprudence, il n'est
pas nécessaire que la nullité soit expressément prévue par la loi;
cette conséquence juridique peut aussi découler de l'esprit et du but
de la norme violée (ATF 111 II 387 consid. d et les arrêts cités). Pour
déterminer si un contrat présente un caractère illicite, il faut se référer
à l'ensemble de l'ordre juridique suisse, qu'il s'agisse des dispositions
impératives de droit privé ou des règles d'ordre public (art. 19 al. 2 CO;
GAUCH/SCHLUEP/TERCIER, Partie générale du droit des obligations, 2e éd. I
n. 451-455), notamment des défenses sanctionnées par la menace d'une peine
(ATF du 6 avril 1965 en la cause Chaillet c. Garda publié dans SJ 1966,
p. 219). Peu importe donc que ni les dispositions du code des obligations
régissant le contrat de travail ni la législation de droit public réglant
l'emploi des étrangers en Suisse ne frappent expressément de nullité le
contrat de travail qui viole cette dernière législation. S'agissant d'une
question relevant de l'ordre public suisse, les réponses qui ont pu y être
données en droit étranger dans des cas analogues ne sont pas déterminantes.

    b) La jurisprudence a refusé de déclarer nul un contrat de courtage
passé avec des courtiers étrangers ayant exercé leur activité en
Suisse sans autorisation de la police des étrangers pour le motif
que l'interdiction de cette activité ne touchait pas au contenu du
contrat mais à la seule participation subjective d'une des parties
(ATF 62 II 111). Dans ce cas, seule la violation par les courtiers de
l'interdiction d'exercer leur activité en Suisse sans autorisation était
en cause (arrêt cité, consid. 2 in fine). Dans l'arrêt ATF 84 II 425 ss,
le Tribunal fédéral n'a pas retenu la nullité d'une convention quant
au salaire en considérant qu'il ne ressortait pas du sens et du but de
la réglementation de droit public cantonal à laquelle elle contrevenait
que telle devait être la conséquence de cette violation. Dans un arrêt
du 14 mars 1984 (SJ 1984 p. 572), en revanche, le Tribunal fédéral a
jugé que, compte tenu de la fonction assignée à l'autorisation accordée
aux étrangers de travailler en Suisse et de son incidence sur le nombre
même des travailleurs étrangers en Suisse, on ne saurait considérer comme
arbitraire d'admettre que l'art. 3 al. 3 LSEE (RS 142.20) vise le contenu
même du contrat de travail et que son importance est telle qu'elle entraîne
la nullité des conventions qui l'enfreignent.

    c) La doctrine est divisée. Pour certains auteurs, le contrat
de travail passé avec un travailleur qui n'est pas au bénéfice d'une
autorisation de travailler en Suisse est frappé de nullité (BRÜHWILER,
Handkommentar zum Einzelarbeitsvertrag, n. 8 ad art. 320, n. 4 ad art. 342;
STREIFF, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 4e éd., n. 9 et 13 ad
art. 320; A. W. SCHÖNENBERGER, Das Verhältnis des Arbeitnehmerschutzrechts
zum Dienstvertrag, in RDS 1933 I p. 1a ss, en part. 39a); apparemment
aussi PH. BOIS, L'emploi et les étrangers, RDAF 1981, p. 76 in fine).

    D'autres auteurs considèrent en revanche le contrat de travail conclu
avec un travailleur étranger non autorisé à travailler en Suisse comme
valable: ALEXANDER I. DE BEER, Die Nichtigkeit des Arbeitsvertrages,
dans l'ouvrage Mängel des Arbeitsvertrages, édité par les prof. Ekonomi
et Rehbinder, p. 29 ss, spéc. p. 44 et n. 33, qui considère que
seule la participation subjective d'une partie au contrat de travail
est en cause; BRUNO VON BÜREN, Schweizerisches Obligationenrecht,
Allgemeiner Teil, p. 113, qui se réfère à l'ATF 62 II 111 déjà cité;
GAUCH/SCHLUEP/TERCIER, op.cit., 2e éd. I n. 450, auteurs pour qui il n'y
a pas illicéité du contenu du contrat au sens strict lorsque la norme
violée interdit seulement la participation de telle personne au contrat,
par exemple parce qu'elle n'a pas l'autorisation d'exercer sa profession
ou de résider dans le pays; BUCHER, Schweizerisches Obligationenrecht,
Allgemeiner Teil, p. 233, avec référence à ATF 62 II 111; ENGEL,
Traité des obligations en droit suisse, p. 194; VON TUHR/PETER,
Allgemeiner Teil des schweizerischen Obligationenrechts t. I, p. 253,
avec la même référence; REHBINDER, in Berner Kommentar, n. 25 in fine ad
art. 320 CO, pour le motif que le contenu du contrat est en soi licite,
ce qui ne serait pas le cas en présence d'une interdiction d'occuper un
travailleur à des travaux déterminés (différence entre Abschlussverbote
et Beschäftigungsverbote); TERCIER (La partie spéciale du code des
obligations, n. 1732/34) distingue selon que l'autorisation est nécessaire
à l'exercice de l'activité concernée et édictée dans un but de protection
sociale (médecin, dentiste, avocat), hypothèse dans laquelle le contrat
serait nul, ou selon qu'elle l'est pour l'exercice de n'importe quelle
activité, hypothèse qui ne toucherait pas la validité du contrat, et cite
en exemple le cas des permis de travail pour les étrangers (cf. aussi
n. 1708). RAPP (Fremdenpolizeiliche Arbeitsbewilligung und Arbeitsvertrag,
Basler Festgabe zum Schweizerischen Juristentag 1985, p. 277 ss, notamment
p. 285 ss) part de la présomption de la nullité, sur le plan civil,
du contrat dont le droit public prohibe la conclusion ou l'exécution.
Cette présomption peut toutefois être renversée, notamment en application
du principe général de la proportionnalité et lorsque cette conséquence
irait à l'encontre du but de prévention générale de la norme de droit
public, conditions qui sont précisément réalisées dans le cas du "travail
au noir". L'interdiction d'un tel travail étant généralement connue, le
travailleur ne peut en principe pas se prévaloir de l'art. 320 al. 3 CO,
ce qui rend sa situation très précaire. De son côté, le travailleur de
bonne foi ne jouit d'aucune protection en cas de résiliation. L'employeur,
au contraire, profite de cette situation. La nullité du contrat porterait
ainsi préjudice au seul travailleur, contrairement au but de protection
de la partie la plus faible qui est à la base de la législation sur le
contrat de travail et, partant, au principe de la proportionnalité. Cette
sanction contredirait en outre l'objectif de prévention générale poursuivi
par la législation de droit public.

    d) aa) Les arguments de ce dernier auteur fondés sur la situation du
travailleur emportent la conviction, s'agissant de la nullité d'un contrat
de travail conclu avec un étranger sans permis. Compte tenu des avantages
que l'employeur peut trouver dans une telle sanction, celle-ci n'apparaît
pas appropriée au but poursuivi par l'interdiction légale (ATF 111 II 53
s., 102 II 406 consid. 3b, 408 s. consid. 3d). Elle entre par ailleurs
en conflit avec l'impératif de protection de la partie au contrat la plus
faible, qui a inspiré de plus en plus fortement la réglementation de droit
privé des rapports de travail, au fil des révisions successives du titre
Xe du code des obligations. Aussi faut-il réserver cette sanction aux cas
où elle est postulée par un intérêt public prépondérant (but de protection
sociale notamment), ayant déterminé l'interdiction de l'activité en cause
(cf. TERCIER, loc.cit.).

    Cette condition n'est pas remplie en l'espèce. Le poste de directeur
pour lequel le demandeur a été engagé au service de la défenderesse
n'exigeait une autorisation officielle qu'en raison de la nationalité
étrangère du demandeur.

    bb) Lorsqu'elles ont conclu le contrat, les parties étaient conscientes
de la nécessité dans laquelle se trouvait le demandeur d'obtenir un permis
de frontalier. Si elles avaient subordonné leur contrat à la condition de
l'obtention de ce permis, sa validité n'aurait pas fait de doute. On ne
voit pas pourquoi le contrat devrait être considéré comme nul du fait que
cette condition n'a pas été stipulée. La formule de demande d'autorisation
de travail pour frontalier produite en justice doit d'ailleurs fournir
des indications sur certaines clauses contractuelles, ce qui suppose en
tout cas que celles-ci aient fait l'objet d'un accord préalable.

    L'intervention auprès de l'autorité en vue de l'obtention du permis
de travail pour étrangers constitue un acte préparatoire qui incombe à
l'employeur et dont l'omission est de nature à entraîner la demeure de
celui-ci (art. 91 et 324 CO; REHBINDER, n. 8 ad art. 324 CO; STAEHLIN,
n. 11 ad art. 324 CO). Or l'admission d'une telle obligation et des
conséquences de la demeure de l'employeur qui n'accomplit pas les actes
préparatoires lui incombant suppose la validité du contrat de travail.

    La cour cantonale a dès lors rejeté avec raison le moyen tiré par la
défenderesse de la nullité du contrat de travail.

    cc) La validité du contrat, quant à sa conclusion et son contenu,
ne signifie pas qu'il doive continuer à déployer ses effets, nonobstant
le défaut de l'autorisation exigée par le droit public. Abstraction
faite des cas où l'octroi de ladite autorisation constitue une condition
suspensive - souvent implicite - dont l'avènement détermine les effets
du contrat, le refus de l'autorisation peut permettre à l'une ou l'autre
partie de résilier le contrat avec effet immédiat, selon l'art. 337 CO
(RAPP, op.cit., p. 293), le juge étant libre d'apprécier les conséquences
pécuniaires de la résiliation en tenant compte des circonstances de ce
refus (art. 337b CO).