Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 IB 283



114 Ib 283

43. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 17 juin 1988
dans la cause C. contre Etat de Neuchâtel et Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 5 Abs. 2 RPG; materielle Enteignung, Beginn der Zinspflicht.

    Entschädigungs- und Verzinsungspflicht entstehen nicht notwendigerweise
im gleichen Zeitpunkt: die Zinsen können erst von dem Tage an laufen,
an dem der Berechtigte unmissverständlich um Entschädigung ersucht
hat. Gründe für diese Regel und Anwendungsbedingungen.

Sachverhalt

    A.- La loi neuchâteloise sur la viticulture du 30 juin 1976 et le
plan qui lui est annexé ont placé en zone viticole des parcelles que C.
possède à Auvernier et à Corcelles-Cormondrèche. Le 18 juillet 1977,
ce propriétaire a demandé au Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel de
reconsidérer le classement de ses biens-fonds en zone viticole, mais
en vain. S'estimant victime d'une expropriation matérielle, il a, le 8
juillet 1982, requis la Commission cantonale d'estimation en matière
d'expropriation pour cause d'utilité publique de condamner l'Etat de
Neuchâtel à lui verser une indemnité, avec intérêts à 5% dès le 1er
juillet 1976, date d'entrée en vigueur de la restriction de propriété. Par
décision du 8 juillet 1985, la Commission cantonale d'estimation alloua au
requérant un montant sensiblement inférieur à celui demandé, avec intérêts
dés le 9 juillet 1982, lendemain du dépôt de la requête. Le propriétaire et
l'Etat ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif
cantonal. En cours d'instance, ils transigèrent toutefois sur le montant
de l'indemnité. Seuls sont demeurés litigieux le point de départ des
intérêts et le montant des frais et dépens.

    Le Tribunal administratif a tranché ces questions le 13 mai 1987,
la première de la façon suivante: l'indemnité porterait intérêts à 5% dès
le 24 décembre 1980. Il a estimé que le propriétaire avait manifesté, de
façon non équivoque, sa volonté de demander une indemnité le 23 décembre
1980 seulement, date d'une lettre adressée par son avocat au chef du
Département de l'agriculture; une date antérieure ne pouvait être retenue:
ni celle de l'entrée en vigueur de la loi, ni celle du 19 juillet 1977,
subsidiairement avancée par le propriétaire en s'appuyant sur des écrits
antérieurs rédigés par son précédent mandataire.

    Par la voie d'un recours de droit administratif, C. a demandé au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal dans la mesure
où il fixait au 24 décembre 1980 le départ des intérêts et de dire que
ceux-ci étaient dus dès le 20 juillet 1977. Le Tribunal fédéral a rejeté
le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Le moment déterminant pour juger si une mesure d'aménagement
du territoire est constitutive d'expropriation matérielle entraînant le
paiement d'une indemnité est celui de son entrée en vigueur (ATF 110 Ib 33
consid. 4a, 259 consid. 2). C'est à ce moment aussi que naît la prétention
du propriétaire à être indemnisé (ATF 109 Ib 263 et les arrêts cités). La
"juste" indemnité prévue aux art. 22ter al. 3 Cst. et 5 al. 2 LAT peut
impliquer également le paiement d'intérêts. Toutefois, l'obligation
de verser l'indemnité et celle de payer des intérêts ne prennent pas
naissance nécessairement au même moment: les intérêts ne courent que
dès le jour où l'ayant droit a manifesté d'une façon non équivoque son
intention de se faire indemniser (ATF 114 Ib 178 consid. 4, 113 Ib 33,
112 Ib 504 consid. 2 b, 111 Ib 83 ss consid. 3b et 4a/b). Les raisons
de ne pas faire coïncider automatiquement les deux dates et d'exclure
par là l'application de l'adage "dies interpellat pro homine" sont les
suivantes: dans de nombreux cas, la restriction imposée n'entrave pas
l'usage actuel que le propriétaire fait de son fonds, ni ne diminue le
revenu qu'il en retire; ses effets négatifs ne se manifesteront qu'en
relation avec une utilisation future; aussi le propriétaire peut-il
être amené, le cas échéant, à attendre pour faire valoir ses droits,
en particulier lorsque la mesure d'aménagement doit être suivie d'une
procédure d'expropriation formelle. L'exemple typique est celui d'un
bâtiment existant qu'on classe dans une zone d'édifices d'intérêt public
et que son propriétaire utilise personnellement ou loue à des conditions
rémunératrices. La diversité des situations et surtout des conséquences que
peut entraîner une mesure d'aménagement justifie d'exiger du propriétaire
une déclaration non ambiguë de son intention de réclamer une indemnité. A
cela s'ajoute que la collectivité a un intérêt évident à être renseignée
sur les prétentions avancées par les propriétaires touchés, afin d'évaluer
le coût des mesures ordonnées et d'en assumer le financement ou, le cas
échéant, d'envisager des modifications. Cela étant, il ne faut pas non
plus soumettre la déclaration demandée au propriétaire à des conditions
de forme trop strictes: ce serait négliger que la restriction imposée
entre immédiatement en vigueur et procure donc aussitôt des avantages à
son auteur. Dans une procédure d'expropriation formelle, ces avantages
lui seraient acquis seulement par l'envoi en possession anticipé, mesure
qui, en droit fédéral, fait précisément naître l'obligation de payer des
intérêts (cf. art. 76 al. 5 LEx.). Il suffit dès lors que l'auteur de la
restriction puisse se rendre compte, d'après les règles de la bonne foi,
que le propriétaire entend demander un dédommagement immédiat (ATF 112
Ib 512 et 97 I 818; cf. aussi ATF 111 Ib 83 ss).

    b) En l'espèce, le Tribunal administratif a considéré que le recourant
avait pour la première fois manifesté sans ambiguïté son intention de
demander une indemnité à l'Etat de Neuchâtel le 23 décembre 1980. A cette
date, son mandataire écrivait en effet ce qui suit au chef du Département
de l'agriculture:

    "...

    Jusqu'à maintenant, la question de l'indemnisation en cas
   d'expropriation est restée ouverte. Elle est abordée, par la bande,
   dans le recours au Tribunal fédéral et dans les observations faites
   par l'Etat.

    J'aimerais cependant, d'ores et déjà, essayer d'ouvrir la discussion
pour
   voir si, dans le cadre amiable, une solution ne pourrait pas déjà être
   trouvée. L'imagine notamment la possibilité d'un éventuel rachat par
   l'Etat des vignes propriété de ma cliente."

    Le recourant voudrait quant à lui faire remonter l'obligation de
payer les intérêts à sa demande de reconsidération du classement en zone
viticole du 18 juillet 1977, ... voire à son opposition du 14 mars 1977
dirigée contre le plan d'aménagement communal de Corcelles-Cormondrèche
du 3 septembre 1976...

    c) Contrairement à l'opinion du recourant, on ne peut pas considérer
que les écrits du 18 juillet et du 14 mars 1977 devaient être interprétés
par l'Etat de Neuchâtel, selon les règles de la bonne foi, comme
une réclamation non équivoque du propriétaire tendant au paiement
immédiat d'une indemnité pour expropriation matérielle découlant de
la loi cantonale sur la viticulture. La demande de reconsidération
du 18 juillet 1977 est bien adressée directement à l'Etat et concerne
les parcelles ici en cause. Mais son allusion à un possible préjudice
financier pour les propriétaires sert seulement à étayer une demande
d'être entendu personnellement avant qu'une décision ne soit prise. Quant
à ... l'opposition adressée le 14 mars 1977 au Conseil communal de
Corcelles-Cormondrèche, elle concerne le nouveau plan d'aménagement
communal et ne traite pas seulement des parcelles... en discussion ici
... Aucune indication claire ne ressort de cette opposition quant à
la personne du débiteur, au motif précis de l'indemnité, ainsi qu'à
l'exigence d'un paiement immédiat. La situation est donc totalement
différente de celle de l'affaire Prêtre, jugée par le Tribunal fédéral
le 28 janvier 1987 (ATF 113 Ib 30 ss), où la demande de reconsidération
adressée au Conseil d'Etat contenait une requête claire et explicite
d'indemnisation et se référait au surplus expressément à l'art. 13 de la
loi sur la viticulture...

    C'est donc sans violer le droit fédéral que le Tribunal administratif
a considéré que seule la lettre du 23 décembre 1980 adressée au chef du
Département de l'agriculture répondait aux exigences posées en matière
d'interpellation par la jurisprudence du Tribunal fédéral.