Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 IB 204



114 Ib 204

32. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 25 novembre 1988 dans la
cause Nessim Gaon contre Autorité indépendante d'examen des plaintes en
matière de radio-télévision (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 13 der Konzession 1964/1980 für die Schweizerische Radio-
und Fernsehgesellschaft.

    Anforderungen an Fernsehsendungen, die nach Art. 13 der Konzession
objektive, umfassende und rasche Information zu vermitteln haben;
Besonderheiten täglicher Nachrichtensendungen.

Sachverhalt

    A.- Lors de l'émission "Téléjournal" du 23 mai 1984 à 19 h 30, la
Télévision suisse romande a consacré une séquence de quelques minutes à une
rumeur persistante selon laquelle Nessim Gaon était sur le point de vendre
l'hôtel Noga Hilton qu'il possède à Genève. Selon les bruits répercutés par
la télévision - et catégoriquement démentis par le principal intéressé -,
l'homme d'affaires aurait voulu se séparer de son hôtel pour faire face
à un besoin urgent de liquidités prétendument provoqué par le refus des
dirigeants du Nigéria de s'acquitter envers lui de 560 millions de francs
de factures.

    Le 14 septembre 1984, l'autorité indépendante d'examen des plaintes
en matière de radio-télévision (ci-après l'autorité de plainte) a écarté
la réclamation déposée par Nessim Gaon contre l'émission du 23 mai
1984. Cette décision a été annulée le 13 décembre 1985 pour violation du
droit d'être entendu par le Tribunal fédéral qui a renvoyé l'affaire à
l'autorité inférieure.

    Se prononçant à nouveau le 1er décembre 1986, l'autorité de plainte
a estimé que l'émission litigieuse n'avait pas violé le principe de
l'objectivité garanti à l'art. 13 de la concession accordée par la
Confédération à la Société suisse de radiodiffusion et télévision.

    Par recours de droit administratif, Nessim Gaon a requis le Tribunal
fédéral d'annuler cette décision. Invoquant une violation des art. 11 et
13 de la concession, le recourant soutient en substance que le non-respect
des règles de diligence par le journaliste a conduit ce dernier à diffuser
à l'antenne des renseignements faux et incomplets qui ont porté atteinte
au crédit dont jouissent tant le financier lui-même que l'Etat du Nigéria.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Directement mis en cause par l'émission contestée, le recourant
peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection au sens de l'art.
103 lettre a OJ pour agir par la voie du recours de droit administratif
contre la décision de l'autorité de plainte du 1er décembre 1986. Dans
ce cadre, il ne saurait cependant s'ériger en défenseur de la réputation
financière de l'Etat du Nigéria; même s'il est en relation d'affaires
avec cet Etat, il ne dispose pas sur ce point d'un intérêt spécial,
distinct de celui des autres téléspectateurs (cf. ATF 109 Ib 200).

    La Société suisse de radiodiffusion et télévision, pour sa part, ne
saurait prétendre participer à la procédure qu'à titre d'intéressée au
sens de l'art. 110 al. 1 OJ. En effet, la qualité d'intimée ne dépend
pas d'une déclaration de volonté de la personne concernée, mais de ses
liens avec l'objet du litige; or, ayant produit l'émission contestée,
le diffuseur est directement mis en cause par le recourant qui lui
reproche une violation de la concession. Il ne peut, dans ces conditions,
limiter son intervention en endossant la qualité de simple intéressé,
qui lui permettrait d'éviter une éventuelle condamnation aux frais et
dépens (cf. GRISEL, Traité de droit administratif, p. 851). Au surplus,
ainsi qu'il ressort de l'art. 110 al. 1 OJ, il appartient au seul Tribunal
fédéral de désigner les intéressés. En l'occurrence, le diffuseur, partie
à la procédure devant l'autorité inférieure, jouit déjà de la qualité
d'intimé; il est donc exclu de lui reconnaître un statut d'intéressé.

    b) Sous ces quelques réserves et précisions, le Tribunal fédéral peut
entrer en matière sur le recours de droit administratif.

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. 21 al. 1 de l'arrêté fédéral du 7 octobre 1983 (RS
784.45), l'autorité de plainte établit, dans sa décision, si l'émission
ou les émissions incriminées ont violé les dispositions de la concession
relatives aux programmes. Contrairement aux allégations du recourant,
seul l'art. 13 de la concession peut faire l'objet d'un examen de la part
de l'autorité de plainte. Les autres articles de la concession figurant
dans le chapitre concernant le programme ne peuvent être attaqués par
les destinataires des émissions.

    En particulier, l'art. 11 al. 1 dont se prévaut le recourant pour
obtenir un contrôle de la licéité des émissions détermine uniquement
les tâches du directeur général de la SSR; il n'a pas pour mission de
garantir un contenu licite des programmes. En imposant l'obligation de
s'assurer que les productions diffusées sont licites et de pourvoir à
l'exploitation rationnelle de l'entreprise, cette disposition se borne à
fixer les compétences et responsabilités liées à la fonction de directeur
général. Un justiciable ne saurait dès lors se plaindre du non-respect
de cette règle, pas plus d'ailleurs qu'il n'est habilité à invoquer
une violation de l'art. 14 de la concession relatif à la publicité ou
de l'art. 15 concernant la publication des programmes. S'il estime que
l'émission litigieuse est constitutive d'une infraction pénale ou civile,
il lui incombe de recourir aux moyens de droit appropriés, que ce soit
la plainte pénale ou l'action civile en protection de la personnalité
(Message sur la création d'une autorité indépendante d'examen des plaintes
en matière de radio-télévision du 8 juillet 1981, FF 1981 III p. 114);
il ne peut attendre de l'autorité de plainte qu'elle se prononce à titre
préjudiciel sur l'existence des infractions alléguées.

    Cela étant, il faut constater que, dans ses critiques relatives
à une éventuelle violation de l'art. 11 al. 1 de la concession, le
recourant reproche essentiellement au diffuseur d'avoir transmis des
informations fausses, qui auraient porté atteinte à son crédit. Dans la
mesure où l'examen de l'objectivité d'une émission selon l'art. 13 de
la concession englobe également le contrôle du respect du principe de la
véracité (arrêt du 17 octobre 1980, SJ 1982 p. 372), c'est dans ce cadre
que seront examinés ci-après (cf. consid. 4) les moyens du recourant
dénonçant la fausseté de l'information relative au non-paiement des
factures par l'Etat du Nigéria.

Erwägung 3

    3.- a) Elément central des principes régissant l'information,
l'obligation d'objectivité énoncée à l'art. 13 al. 1 de la concession
1964/1980 (encore applicable à la présente affaire) astreint le diffuseur
à respecter tout d'abord un devoir de vérité quant aux faits présentés
et ensuite un devoir de diligence quant à la manière de présenter ces
faits et les opinions qui les entourent (SJ 1982 p. 372). En d'autres
termes, une information doit être tenue pour objective lorsque, grâce
aux éléments reçus du diffuseur, le destinataire de l'émission peut se
faire l'idée la plus fidèle possible de l'état de fait et se forger sa
propre opinion en s'appuyant sur les avis et renseignements ainsi obtenus
(BARRELET, Droit suisse des mass-média, Berne 1987, p. 320 No 1035;
PONCET, La surveillance de l'Etat sur l'information télévisée en régime
de monopole, Bâle 1985, p. 133; RIKLIN, Rechtsfragen der (externen)
Programmaufsicht über Radio und Fernsehen in der Schweiz, in: Aspects
du droit des médias II, Fribourg 1984, p. 45; ROSTAN, Le service public
de radio et de télévision, p. 220). Cela suppose en particulier que,
lorsque l'émission aborde des questions controversées, les différents
points de vue antagonistes aient l'occasion de s'exprimer - peu importe
la manière choisie par le réalisateur - sans qu'un accent inacceptable
ne soit mis sur l'une des thèses en présence.

    Par ailleurs, l'examen de ces différents aspects du devoir
d'objectivité ne saurait être réduit à un contrôle successif des multiples
faits et opinions contenus dans l'émission litigieuse. S'il est juste
d'opérer une appréciation de chaque information prise isolément (SJ
1982 p. 373), il convient également d'examiner en plus l'impression
générale qui se dégage de l'émission dans son ensemble, dès l'instant
qu'un enchaînement de faits vrais ou vraisemblables selon un ordre établi
n'aboutit pas forcément à une information objective.

    b) L'objectivité absolue est un idéal difficile à atteindre et
vouloir en sanctionner chaque entorse aboutirait à supprimer l'autonomie
étendue dont jouit le diffuseur en matière de programmes et à lui dénier
toute latitude dans l'application des principes qui lui sont imposés (SJ
1982 p. 377). Néanmoins, les exigences tenant à la protection du public
ordonnent de n'admettre qu'avec prudence le fait qu'une violation marginale
de l'objectivité ne s'avère pas en l'espèce contraire aux prescriptions de
la concession. Avant de tirer cette conclusion, il appartient à l'autorité
de plainte d'examiner avec soin si l'erreur mineure qu'elle constate,
conjuguée avec d'autres maladresses et inadvertances secondaires, ne
fausse pas en définitive l'objectivité de l'ensemble de l'émission d'une
manière non négligeable.

    c) Le devoir de véracité imposé au diffuseur lui commande de
rapporter de manière exacte les faits objectifs ou ceux dont la réalité
est patente. En revanche, s'il s'agit de faits douteux, le réalisateur
doit donner, dans la mesure du possible, aux destinataires de l'émission
des éléments adéquats leur permettant de se faire une opinion personnelle
en connaissance suffisante de la cause (SJ 1982 p. 372); dans ce cas,
l'objectivité de l'émission s'apprécie essentiellement en fonction de la
diligence montrée par le journaliste dans la préparation et la présentation
de son sujet.

    d) Etroitement liée au devoir de vérité dont elle constitue un
préalable nécessaire, l'obligation de diligence impose au journaliste
une série de comportements destinés à favoriser la transmission d'une
information objective. Cela implique en premier lieu que l'intéressé ne
fasse pas passer pour vrais des faits qu'il ne considère pas lui-même
comme tels. En sus de cette obligation générale découlant de la bonne
foi, le journaliste doit satisfaire également aux requisits imposés par
l'exercice correct de sa profession; il doit, à ce titre, effectuer des
recherches approfondies, connaître la matière, vérifier dans la mesure
du possible les faits repris de tiers, utiliser des moyens techniques
adéquats, entendre et rendre équitablement l'opinion opposée et n'avoir
aucune idée préconçue sur le résultat du travail journalistique.

    L'ampleur de cette diligence varie toutefois en fonction de différents
facteurs, parmi lesquels il faut souligner le degré de véracité des faits
diffusés, les connaissances préalables des destinataires de l'émission,
la gravité des accusations éventuellement contenues dans l'information
et enfin le temps disponible pour les recherches et le développement
à l'antenne.

    En outre, la diligence journalistique impose au réalisateur d'une
émission de séparer de manière reconnaissable les faits des opinions qui
s'y rapportent, spécialement lorsque le journaliste fait valoir son propre
point de vue ou adopte une position critique à l'égard du sujet traité
(BARRELET, op.cit., p. 321; SCHÜRMANN, Medienrecht, Berne 1985 p. 142;
ROSTAN, op.cit., p. 220).

    e) Le contrôle du respect de ces principes et des devoirs qui en
découlent n'implique pas seulement d'examiner l'émission du point de vue
du téléspectateur, mais aussi de vérifier si le journaliste a effectivement
présenté les faits et les opinions en satisfaisant aux critères de véracité
et de diligence journalistique. Il ne peut dès lors être fait abstraction
de la manière dont l'émission a été préparée. Dans ce cadre, il convient de
procéder à une pesée des intérêts en présence compte tenu des impératifs
souvent antagonistes de célérité et d'objectivité de l'information,
ainsi que de la nature de cette dernière (SJ 1982 p. 373).

    A cet égard, les émissions quotidiennes du journal télévisé présentent
des particularités qui ne sauraient être ignorées. En effet, faute de
temps, il est souvent très difficile aux journalistes de contrôler dans
la mesure voulue l'objectivité des faits - récoltés à la hâte - qu'ils
répercutent dans le public; plus que d'autres, ils dépendent de nouvelles
reprises de tiers. C'est par leur canal, en outre, que doivent normalement
être données les informations urgentes que l'intérêt public commande de
communiquer immédiatement, même si toutes les garanties d'objectivité ne
peuvent être réunies. Enfin, par nature, les informations transmises sont
constituées essentiellement de dépêches et de séquences dont la brièveté
interdit un développement à l'antenne apte à satisfaire à toutes les
exigences décrites précédemment. La situation du journaliste confronté à
l'actualité quotidienne s'avère ainsi notablement différente de celle du
réalisateur d'une émission qui dispose de temps pour préparer son sujet.
Toutefois, dans la mesure où le réalisateur d'une émission quotidienne
d'information décide d'y intégrer un sujet plus fouillé, pour lequel
il n'a pas subi la pression du temps, il ne peut plus se prévaloir de
circonstances particulières pour ignorer certains aspects du devoir
d'objectivité.

Erwägung 4

    4.- Le recourant reproche principalement à l'émission litigieuse
de contenir deux erreurs majeures; il conteste, d'une part, la vérité
de l'information principale véhiculée par l'émission, soit sa volonté
de vendre l'hôtel Noga Hilton; il s'insurge, par ailleurs, contre la
nouvelle selon laquelle il éprouverait des problèmes de trésorerie en
raison des difficultés rencontrées par l'Etat du Nigéria pour honorer
certaines factures. Ces erreurs proviendraient, à son avis, du manque
de qualification du journaliste chargé de l'émission, ainsi que du manque
de rigueur ayant présidé à l'enquête menée par ce dernier.

    a) Le diffuseur a choisi de se faire l'écho d'une simple rumeur
et non pas de faits avérés. Eu égard à la vaste autonomie qui lui est
reconnue en matière de programmes, il n'y a pas dans ce choix violation
de la concession ou atteinte automatique au principe de l'objectivité
(cf. BARRELET, op.cit., No 1042). Au surplus, compte tenu du rôle social et
culturel joué à Genève par l'hôtel Noga Hilton et les salles de spectacle
qu'il abrite, un tel reportage peut s'inscrire dans le cadre d'un journal
télévisé. Dans la mesure où cette émission donne une large publicité à
des bruits de couloir susceptibles de porter préjudice au crédit d'un
particulier, la Télévision suisse romande devait cependant s'entourer des
précautions indispensables imposées par ce sujet en accordant un poids
particulier au respect des règles de diligence. Elle devait en priorité
permettre à l'intéressé de faire valoir son point de vue.

    En l'occurrence, les dénégations du financier concernant sa volonté
de vendre l'hôtel ont été clairement rapportées par le journaliste. Ce
dernier a en outre nettement séparé le démenti de Nessim Gaon et le reste
du reportage en présentant au conditionnel les informations qu'il jugeait
douteuses. Enfin, le diffuseur a offert à plusieurs reprises au recourant
la possibilité d'expliquer en détail sa position en venant lui-même sur
le plateau du Téléjournal apporter des informations complémentaires sur
l'avenir du Noga Hilton ou sur sa situation personnelle; l'intéressé
n'a pas donné suite à ces invitations. On ne saurait dans ces conditions
reprocher au diffuseur de n'avoir pas présenté en détail les différents
avis en lice.

    Le contrôle du respect de l'objectivité ne se limite pas cependant
à vérifier si tous les points de vue antagonistes ont pu s'exprimer
sans qu'un accent inacceptable ne soit mis sur l'une des thèses en
présence. La conformité de l'émission se juge également en fonction de
chaque information prise isolément, étant entendu que l'impression générale
se dégageant du reportage fera ensuite l'objet d'un examen particulier
(cf. ci-dessus consid. 3a).

    b) S'agissant tout d'abord de l'information centrale relative à la
volonté supposée du financier de vendre son hôtel, il faut constater que
le diffuseur n'a pas violé la concession en mettant en doute le démenti
émanant du recourant.

    Au cours de son enquête, le journaliste a pu apprendre que le groupe
saoudien, éventuel acheteur, avait reçu une proposition d'achat de M. Gaon;
il a su également que des personnes de l'entourage de M. Akrham Ojjeh
s'étaient rendues à Berne au Département fédéral de justice et police
pour se renseigner sur la licéité de la vente de l'hôtel au regard
de la législation sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à
l'étranger. Enfin, Nessim Gaon lui-même reconnaît qu'il a, à plusieurs
reprises, fait part de son intention de vendre. Il est vrai qu'il prétend
actuellement que ses déclarations avaient pour seul but de lui permettre de
déterminer la valeur de l'immeuble; ce faisant, il a toutefois lui-même
donné naissance à une rumeur qui avait toutes les chances de finir sur
la place publique. Il ne peut dès lors s'étonner de voir ses manoeuvres
rapportées par la télévision. Compte tenu de ces éléments de fait,
il n'était pas contraire à la diligence requise du journaliste et au
principe de véracité de mettre en doute les affirmations du financier
qui niait toute tractation.

    Certes, la vente de l'hôtel n'allait pas sans difficultés pour
les éventuels acheteurs et parmi les obstacles qu'il leur aurait
fallu surmonter figurait le droit dont dispose la Ville de Genève de
s'opposer à toute cession de l'immeuble en se fondant sur la convention de
superficie. Rien toutefois n'indique que cette difficulté aurait rendu
l'opération de vente impossible. Il n'y avait donc pas de nécessité
absolue à l'indiquer dans le reportage de quelques minutes présenté
lors du Téléjournal. Son absence ne modifiait pas de manière sensible
les possibilités offertes aux téléspectateurs de se forger leur propre
opinion sur la réalité de la vente.

    Plus critiquable apparaît en revanche l'indication selon laquelle
la crainte de licenciements provoquerait un vent d'inquiétude au sein
de la société Aprofim, présentée à tort comme société de gestion de
l'hôtel. Outre que cette société ne s'occupe pas de la gestion confiée
à la chaîne Hilton, la rumeur sur le risque de licenciements provenait
d'une seule personne, le journaliste n'ayant pas jugé bon de pousser son
enquête auprès d'autres employés afin d'obtenir la confirmation de son
renseignement. Parler dans ces circonstances d'un "vent d'inquiétude"
dénote une certaine légèreté de la part du journaliste dans son travail
de préparation et s'avère peu compatible avec le principe de l'objectivité.

    Dans la mesure où cette information n'apparaît que très marginale
par rapport au sujet abordé dans le reportage, on peut admettre, avec
l'autorité intimée, que l'absence d'objectivité sur ce point précis n'est
pas suffisante pour entraîner à elle seule la constatation d'une violation
de la concession.

    c) Les reproches les plus sérieux du recourant contre l'émission ne
concernent pas directement la vente de l'hôtel. Ils ont trait bien plutôt
aux explications données par le journaliste sur les motifs à l'origine
de cette vente.

    Cherchant à expliquer pourquoi Nessim Gaon désirait vendre son hôtel
alors que celui-ci constitue une très bonne affaire, le journaliste
a indiqué que, suite à un coup d'Etat intervenu en décembre 1983,
les nouveaux dirigeants du Nigéria refuseraient de payer au financier
genevois 560 millions de factures. Ce dernier serait dès lors contraint
de réaliser certains de ses biens pour renflouer ses finances. Comme
indice de la véracité de ses dires, le journaliste s'est référé à la
tentative de Nessim Gaon de faire reprendre les créances nigérianes
par le gouvernement français en échange d'une importante commande pour
les Chantiers navals du nord de la France. Il a relevé également que le
recourant avait vendu dans le même but un de ses avions personnels pour
un montant de 24 millions de dollars.

    L'intéressé s'oppose à cette description de sa situation financière;
il soutient que l'Etat du Nigéria n'a jamais refusé de payer ses factures;
selon lui, l'échelonnement du remboursement de la dette du Nigéria
qu'il admet avoir accepté aurait été prévu au moment de la conclusion du
contrat déjà, de sorte que son débiteur aurait toujours scrupuleusement
rempli ses obligations envers lui. En propageant une nouvelle contraire,
le journaliste - au demeurant non qualifié pour s'occuper des affaires
internationales - aurait travesti la réalité et aurait ainsi porté atteinte
à son crédit.

    Contrairement à ce que soutient le recourant, la soi-disant faible
expérience du journaliste en matière de commerce international ne lui
interdisait pas d'emblée de traiter l'information litigieuse; n'étant
pas un expert dans le domaine précis, il lui incombait cependant de se
documenter auprès de sources dignes de foi afin d'acquérir une connaissance
suffisante du sujet. Compte tenu de la discrétion qui entoure ce genre
de transactions internationales - surtout en cas d'un éventuel refus
d'un Etat d'honorer ses dettes -, on ne pouvait attendre du journaliste
qu'il effectue lui-même une enquête en Afrique. En l'occurrence, il
s'est fondé sur de nombreux articles de presse parfaitement convergents
qui avaient paru dans des journaux différents de plusieurs pays et qui ne
faisaient l'objet d'aucun démenti. Si une information provenant d'une seule
source ne dispense pas le diffuseur de contrôler lui-même l'exactitude
du renseignement, il faut admettre que lorsque - comme en l'espèce -
plusieurs sources différentes annoncent la même nouvelle il existe alors
des raisons suffisantes de considérer l'information comme vraie. Tout
au moins, il n'y a pas violation de la diligence journalistique à s'en
tenir aux faits ainsi rapportés. On observera d'ailleurs que Nessim Gaon
n'a pas produit le contrat à l'appui de son démenti et que rien ne permet
d'affirmer, aujourd'hui encore, que l'information donnée soit fausse.

    d) En résumé, considérant l'émission d'un point de vue global,
il apparaît que seules quelques inexactitudes mineures et un manque de
contrôle de l'information relative au risque de licenciement à la société
Aprofim ont émaillé le reportage litigieux. Ces entorses peu importantes
au principe de l'objectivité - qui se sont produites au cours d'une
séquence de quelques minutes programmée dans une émission quotidienne
d'information colportant une rumeur - ne justifient pas de constater
une violation de l'art. 13 de la concession. Elles n'ont pas empêché,
en effet, les téléspectateurs de se forger une opinion non viciée sur la
volonté supposée de Nessim Gaon de vendre son hôtel. Toutes les réserves
nécessaires quant à l'éventualité de la vente ont été correctement
énoncées et le démenti du propriétaire a clairement été rapporté. Aucun
doute enfin n'a été permis sur la nature de l'information, limitée à une
simple rumeur. Dans ces conditions, le recours ne peut être que rejeté.