Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 IB 156



114 Ib 156

23. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 25 avril 1988 dans la cause
sociétés S. contre Vaud, Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
(recours de droit administratif) Regeste

    Art. 21 Abs. 3 IRSG; Beschwerdelegitimation einer Person, gegen die
sich das ausländische Strafverfahren richtet.

    Der eine Gesellschaft beherrschende Aktionär, gegen den ein
ausländisches Strafverfahren läuft, ist durch eine die Gesellschaft
betreffende Rechtshilfemassnahme nicht persönlich berührt; es fehlt ihm
somit die Beschwerdelegitimation i.S. von Art. 21 Abs. 3 IRSG (E. 2a).

Sachverhalt

    A.- Le Ministère de la justice des Pays-Bas a présenté une demande
d'entraide judiciaire d'où il ressort qu'une enquête pénale est conduite
dans ce pays contre les sociétés hollandaises S. Il est reproché à
celles-ci d'avoir importé des raisins secs de Turquie aux Pays-Bas en
éludant une taxe prévue par la réglementation communautaire européenne. La
collectivité intéressée aurait subi un préjudice compris entre dix et
douze millions de florins. Les sociétés S. auraient agi en présentant
des faux documents, notamment des fausses factures, aux autorités
hollandaises. Elles auraient bénéficié du concours de trois sociétés
suisses établies à Lausanne, qui se trouveraient sous leur domination.

    La demande tend à l'audition, à titre de témoins, des organes de
ces sociétés suisses, ainsi qu'à la saisie de tous documents détenus par
elles permettant de faire la lumière sur leurs liens avec les sociétés
S. et sur leur rôle exact dans les opérations de celles-ci. Elle a été
transmise au Juge d'instruction du canton de Vaud qui a décidé d'entrer
en matière et a ordonné l'exécution des actes d'entraide requis. Le 1er
septembre 1987, une visite domiciliaire a été effectuée dans les locaux
des sociétés suisses impliquées et des documents y ont été séquestrés. En
outre, l'administrateur de ces sociétés a été entendu à titre de témoin.

    Les sociétés S. ont demandé sans succès l'autorisation de consulter
le dossier. Elles ont déféré la décision négative du Juge d'instruction
au Tribunal d'accusation du canton de Vaud, qui a rejeté le recours
par arrêt du 18 novembre 1987. Agissant par la voie du recours de droit
administratif, les sociétés S. demandent au Tribunal fédéral d'annuler
cet arrêt et de leur accorder l'autorisation de consulter le dossier.

    Les sociétés S. ont en outre recouru contre les décisions du
Juge d'instruction exécutées le 1er septembre 1987. Le Tribunal
d'accusation a rejeté préjudiciellement le recours, également par
arrêt du 18 novembre 1987. Il a retenu que les sociétés S. n'avaient
pas qualité pour recourir. Par la voie d'un autre recours de droit
administratif, celles-ci requièrent le Tribunal fédéral d'annuler son
arrêt et, principalement, d'annuler les opérations exécutées par le Juge
d'instruction; subsidiairement, elles demandent la levée du séquestre
grevant les documents.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Le sort des deux recours dépend de la qualité de leurs auteurs
pour attaquer, devant l'autorité cantonale de recours, les décisions
prises par le Juge d'instruction. Il se justifie de les joindre et de
statuer par un arrêt unique.

    b) L'arrêt attaqué concernant la consultation du dossier constitue une
décision incidente; le recours dirigé contre lui devait être déposé dans
les dix jours suivant sa notification (art. 106 al. 1 OJ). Les recourantes
n'ont pas observé ce délai. Elles ont cependant agi dans le délai de trente
jours sur la base d'une indication erronée de l'autorité intimée. Or,
une notification irrégulière, avec, notamment, une indication inexacte
ou incomplète des voies de recours, ne cause aucun préjudice aux parties
(art. 107 al. 3 OJ, 22 EIMP). Le recours doit donc être considéré comme
déposé en temps utile.

    c) Dans une procédure administrative régie par le droit fédéral,
l'auteur d'un recours déclaré irrecevable pour défaut de qualité pour
recourir ou pour tardiveté a qualité pour contester ce prononcé par la
voie du recours de droit administratif, indépendamment de sa qualité pour
agir sur le fond (ATF 104 Ib 317 consid. a). Il en va naturellement de
même de celui qui se plaint d'un refus de l'accès au dossier. Les recours
sont ainsi recevables de ce point de vue.

    d) Selon la jurisprudence relative à l'art. 114 al. 2 OJ, le Tribunal
fédéral ne statue lui-même sur les questions de fond, en cas d'annulation
de la décision attaquée, que si l'autorité intimée les a déjà examinées; en
revanche, lorsque celle-ci n'est pas entrée en matière, le Tribunal fédéral
ne peut que l'inviter à se prononcer sur le fond (ATF 104 Ib 316). Les
conclusions tendant au rejet de la demande d'entraide et à l'annulation des
mesures prises par le Juge d'instruction sont par conséquent irrecevables.

Erwägung 2

    2.- La personne visée par une procédure pénale étrangère ne peut
recourir contre une mesure d'entraide que si l'une des conditions
alternatives posées par l'art. 21 al. 3 EIMP est remplie: il faut qu'elle
soit touchée personnellement par l'entraide ou que celle-ci puisse
léser ses droits de défense dans la procédure pénale étrangère. Cette
règle s'applique aussi au recours dirigé contre un refus d'autoriser la
consultation du dossier (ATF 110 Ib 390 consid. 3).

    a) La personne visée n'est personnellement touchée au sens de l'art. 21
al. 3 EIMP que lorsqu'elle doit se soumettre, en Suisse, à une mesure
d'exécution telle qu'une visite domiciliaire ou une saisie de documents ou
d'autres objets. Il ne suffit pas qu'un acte d'entraide fasse progresser
les poursuites en cours à l'étranger. S'il en était autrement, la personne
visée pourrait toujours recourir, ce qui viderait la disposition précitée
de sa substance (ATF 110 Ib 389 consid. c).

    Dans son arrêt du 1er juillet 1987 en la cause Marcos (ATF 113 Ib
265 consid. c), le Tribunal fédéral a admis que les recourants étaient
touchés personnellement par des recherches concernant des fonds bloqués
en Suisse, qui étaient présumés leur appartenir, alors même qu'ils
contestaient en être les propriétaires. Les circonstances de l'espèce sont
différentes. Les autorités requérantes ne prétendent pas que les sociétés
S. auraient des droits sur les documents saisis et sur les locaux visités
en exécution de la demande d'entraide, mais seulement qu'elles auraient
la domination économique des trois sociétés suisses concernées par les
mesures litigieuses.

    Une société anonyme est dotée de la personnalité juridique même
lorsqu'elle n'a qu'un seul actionnaire, de sorte qu'elle doit être
considérée comme une entité distincte de celui-ci. Il peut être fait
abstraction de cette dualité juridique lorsque celle-ci est opposée à des
tiers de manière contraire à la bonne foi, pour en retirer des avantages
abusifs. En revanche, l'actionnaire ne peut pas exiger un jugement fondé
sur l'unité économique pour éviter les inconvénients d'une construction
juridique qu'il a librement choisie (ATF 109 Ib 112 consid. 3 et les arrêts
cités). En matière d'entraide judiciaire pénale, l'actionnaire n'est
donc pas touché personnellement par une mesure prise à l'encontre de la
société qu'il domine. L'actionnaire dominant est généralement en mesure
de faire exercer, par la société dominée, les recours qui sont ouverts
à celle-ci. Par conséquent, il ne se justifie pas de lui reconnaître la
qualité pour agir au regard de l'art. 21 al. 3 EIMP, lorsqu'il est visé
par la procédure étrangère. L'autorité intimée a ainsi retenu avec raison
que les sociétés S. n'étaient pas personnellement touchées par les mesures
prises par le Juge d'instruction.

    b) L'octroi de l'entraide judiciaire pourrait léser les droits
de défense de la personne visée par une procédure pénale étrangère,
notamment lorsque cette personne ne peut consulter les pièces transmises
aux autorités requérantes, poser des questions complémentaires ou
être confrontée à un témoin entendu dans la procédure d'entraide. Il
appartient au recourant d'établir qu'il se trouverait dans une telle
situation si l'entraide était accordée (ATF 110 Ib 391 consid. b). Le
recours des sociétés S. ne contient aucune argumentation suffisante à cet
égard; elles se plaignent seulement d'une collaboration étroite entre
les autorités administratives et judiciaires de l'Etat requérant, sans
indiquer en quoi cette collaboration pourrait entraver leur défense. La
deuxième condition de l'art. 21 al. 3 EIMP n'apparaît donc pas non plus
réalisée; les recourantes n'avaient dès lors pas qualité pour contester les
ordonnances du Juge d'instruction. L'arrêt rendu sur le recours relatif à
l'admission et à l'exécution de l'entraide est conforme au droit fédéral;
par contre, l'autorité intimée aurait dû ne pas entrer en matière sur le
recours concernant la consultation du dossier. Son arrêt ne cause cependant
aucun préjudice aux recourantes. Dans la mesure où ils sont recevables,
les recours de droit administratif sont infondés; ils doivent être rejetés
et leurs auteurs doivent supporter les frais de justice.