Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 IB 100



114 Ib 100

15. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 4 février 1988
dans la cause B. et F. contre commune de Cully et Etat de Vaud (recours
de droit administratif) Regeste

    Materielle Enteignung; waadtländisches Gesetz vom 12. Februar 1979 über
den Schutzplan für das Gebiet von Lavaux; Nicht-Einzonung von Grundstücken
im Gebiet von Lavaux.

    Das auf Art. 6bis KV-VD beruhende kantonale Gesetz entspricht den in
Art. 1 und 3 RPG genannten Zielen und Grundsätzen der Raumplanung. Die
gemäss diesem Gesetz festgelegten Rebbauzonen, die den Inhalt des
Grundeigentums festlegen, geben grundsätzlich keinen Anspruch auf
Entschädigung, sofern ihre Festsetzung keine Auszonung baureifen Landes
aus einer dem Raumplanungsgesetz entsprechenden Bauzone bewirkt. Eine
solche liegt im vorliegenden Falle nicht vor. Die Nichteinweisung der
Grundstücke in eine Bauzone könnte eine Entschädigungspflicht nur auslösen,
wenn besondere Gründe vorlägen, welche eine Einzonung geboten hätten;
solche Gründe sind im vorliegenden Falle nicht gegeben.

Sachverhalt

    A.- B. et F. sont propriétaires, sur le territoire de la commune
de Cully, de deux parcelles contiguës, en nature de vigne, qui ont
respectivement une superficie de 1303 m2 et de 1151 m2. Ces biens-fonds
sont situés en amont de Cully, à 600 m environ du centre de cette
localité et à quelque 100 m du village de Riex, entre le chemin du Vigny
et le ruisseau du Champaflon. Le secteur, cultivé en vignes depuis 1710
au moins, ne comporte, au sud-ouest et en contrebas, que deux villas
édifiées en 1962 et 1963, ainsi que, plus loin dans la même direction,
une maison vigneronne bâtie vers 1940. L'accès aux parcelles est assuré
par le chemin du Vigny qui les longe au nord-ouest. Ce chemin abrite une
canalisation d'eau potable depuis 1961, un collecteur d'égouts en système
unitaire depuis 1972 et une conduite en acier de 100 mm de diamètre posée
en 1982. Les parcelles ne figurent pas dans le périmètre du plan directeur
des égouts de la commune de Cully, établi en 1969.

    En votation populaire du 12 juin 1977, un art. 6bis a été introduit
dans la Constitution vaudoise, déclarant site protégé la région de
Lavaux. Dès l'été 1977, les parcelles de B. et F., alors en zone de villas,
devaient être classées en territoire viticole, en principe inconstructible,
d'après diverses normes de droit public cantonal finalement remplacées
par la loi du 12 février 1979 sur le plan de protection de Lavaux (LPPL),
entrée en vigueur le 9 mai 1979. Malgré l'opposition des deux intéressés,
leurs parcelles ont été attribuées à la zone viticole dans le règlement
communal sur les constructions et l'aménagement du territoire et le plan
de zones, approuvé par le Conseil d'Etat le 21 décembre 1983. En vertu des
art. 67 ss de ce règlement, la construction de bâtiments n'est possible
dans ce secteur que si elle est imposée par leur destination et ne heurte
aucun intérêt prépondérant.

    Le 16 mars 1984, B. et F. ont ouvert action en paiement d'une indemnité
pour expropriation matérielle contre l'Etat de Vaud et la commune de
Cully devant le Tribunal d'expropriation du district de Lavaux. Leur
demande a été admise par jugement du 11 novembre 1985. Saisie d'un appel
de l'Etat de Vaud, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois
a nié l'existence d'une expropriation matérielle, par arrêt du 27 avril
1987. Elle a notamment considéré que l'attribution des parcelles en
cause au domaine viticole participait de la réduction d'une zone à bâtir
trop étendue et répondait à des impératifs rationnels d'aménagement du
territoire; de plus, l'usage prévisible à des fins de construction dans
un proche avenir n'avait pas été rendu vraisemblable.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, B. et
F. demandent au Tribunal fédéral d'admettre l'existence d'une expropriation
matérielle et le principe d'une indemnisation. Ils se prévalent d'une
violation de l'art. 5 al. 2 LAT ainsi que des art. 5 LPPL et 76 de la
loi cantonale du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les
constructions (LATC); ils allèguent en outre que l'interprétation de la
LPPL par le Tribunal cantonal lèse les droits qui leur sont garantis par
les art. 4 et 22ter Cst.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Selon la jurisprudence, il y a expropriation matérielle lorsque
l'usage actuel ou l'usage futur prévisible de la chose est interdit
ou restreint de telle façon que le lésé se trouve privé d'un attribut
essentiel de son droit de propriété, ou lorsqu'il doit supporter un
sacrifice particulier incompatible avec le principe de l'égalité de
traitement (ATF 112 Ib 108, 389 et les arrêts cités).

    Pour juger si un bien-fonds peut être considéré comme un terrain à
bâtir, au sens du droit de l'expropriation matérielle, il faut prendre en
considération l'ensemble des facteurs juridiques et matériels qui peuvent
exercer une influence sur les possibilités de bâtir: les dispositions du
droit des constructions et de l'aménagement du territoire en vigueur au
moment déterminant, l'état de la planification locale et du développement
des constructions dans le secteur, l'évolution démographique et économique,
la situation et les caractéristiques générales de l'immeuble en cause et
les possibilités de l'équiper, ainsi que le fait que le propriétaire rende
hautement vraisemblable l'affectation de sa parcelle à la construction dans
un proche avenir (ATF 113 Ib 320, 112 Ib 109). Le moment déterminant pour
juger s'il y a expropriation matérielle est celui de l'entrée en vigueur
de la restriction au droit de propriété (ATF 112 Ib 110 consid. 2c, 390
consid. 3, 111 Ib 82 et les arrêts cités; ROUILLER, Considérations sur
la garantie de la propriété et sur l'expropriation matérielle, faites à
partir de la jurisprudence du Tribunal fédéral, in RJB 121/1985, p. 18;
KUTTLER, Welcher Zeitpunkt ist für die Beurteilung der Frage, ob eine
materielle Enteignung vorliegt, massgebend? In Zbl 76/1975, p. 503).

Erwägung 3

    3.- Les recourants voient dans la décision attaquée un acte de
protection du site entraînant pour eux un sacrifice particulier, alors que
les autorités cantonales, ainsi que l'Office fédéral de l'aménagement du
territoire, la considèrent comme une mesure d'aménagement du territoire
concrétisant les buts concordants poursuivis par la LAT et la LPPL.

    a) Les art. 1er et 3 LAT définissent les buts et les principes mis
en oeuvre pour l'aménagement rationnel et harmonieux du territoire, tant
en ce qui concerne la protection des bases naturelles de la vie que les
aspects économiques et sociaux, notamment en rapport avec l'habitat, du
développement du pays. La conservation des sites naturels et des espaces
servant au délassement ne représente que l'un des moyens d'obtenir une
occupation cohérente du sol (art. 3 al. 2 lettre d LAT) parmi les nombreux
principes énoncés de façon non exhaustive par l'art. 3 LAT.

    De même, en application de l'art. 6bis Cst. cant., l'art. 1er LPPL
assigne cinq objectifs aux autorités cantonales et communales (art. 4
LPPL), soit, en substance, la protection de l'aire viticole, le respect
du site, la recherche d'un équilibre entre populations rurale et non
rurale, la promotion d'une certaine indépendance, notamment en matière
d'équipements collectifs, et le maintien d'un secteur non urbanisé entre
les villes de Lausanne et de Vevey. Les travaux préparatoires explicitent
la volonté du législateur dans la poursuite des "cinq buts essentiels
que le plan de protection doit atteindre pour respecter l'article
constitutionnel", ces buts étant en principe d'égale importance, même
si "le maintien de l'aire viticole et agricole dans le périmètre est le
premier but qui vient à l'esprit pour assurer la préservation du caractère
exceptionnel de Lavaux" (Bulletin du Grand Conseil, séance du 6 décembre
1978, p. 1307 et 1308). La protection du site n'est en réalité que la
conséquence de la préservation du vignoble dans un territoire précis
où il importe de le défendre contre un développement non contrôlé de la
construction. Par l'adoption de la LPPL, le législateur a mis en oeuvre
l'art. 6bis Cst. cant. en arrêtant une série de mesures de planification
régionale et d'urbanisme englobant un vaste secteur (Bulletin, p. 1328),
sans se limiter à la sauvegarde du site sur quelques parcelles. Le but
d'aménagement du territoire que poursuit cette loi correspond à certains
des objectifs mentionnés aux art. 1er et 3 LAT. Ainsi que le Tribunal
fédéral a déjà eu l'occasion de le constater, le plan de protection de
Lavaux équivaut, matériellement, à un plan directeur cantonal au sens
des art. 6 ss LAT (ATF 113 Ib 301). Des considérations qui précédent,
il résulte que les mesures prises en vertu de la LPPL sont de celles qui
définissent le contenu de la propriété foncière.

    b) La législation cantonale antérieure à l'entrée en vigueur de la
LPPL, le 9 mai 1984, et de la LAT, le 1er janvier 1980, obligeait déjà
la commune de Cully à adapter sa réglementation sur le plan d'extension
et la police des constructions. En effet, selon l'art. 25ter de la loi
cantonale du 5 février 1941 sur les constructions et l'aménagement du
territoire (LCAT), dans sa première teneur, du 13 septembre 1976, un
territoire insuffisamment équipé et non indispensable à l'extension
d'une agglomération devait être classé soit en zone agricole, soit
en zone de verdure, soit en zone intermédiaire (ATF 112 Ib 110/111
consid. 3a). Le RPE de Cully de 1950, qui attribuait une grande partie
du territoire communal à la zone de villas, a été remplacé par le RPE
de 1968, qui prévoyait encore des surfaces constructibles propres à
recevoir une population de 5000 personnes; or, entre 1950 et 1980, le
nombre de résidents de la commune n'a jamais dépassé le maximum de 1801
habitants. Dans ces conditions, l'art. 25ter LCAT imposait de classer en
zone agricole, de verdure ou intermédiaire les terrains partiellement
équipés et non raccordés, tels ceux des recourants; au besoin, l'Etat
pouvait contraindre la commune à cette mesure d'aménagement local (art.
25quater LCAT). Comme le relève d'ailleurs la cour cantonale, l'intégration
des parcelles litigieuses en zone viticole avait déjà été prévue par
un projet d'arrêté de classement du vignoble de Cully, puis par le plan
directeur de la Commission d'urbanisme de Lavaux de l'automne 1977. La
réduction de la zone de villas surdimensionnée devait donc concerner les
biens-fonds des recourants, assez éloignés des secteurs bâtis et affectés
à la viticulture depuis le début du XVIIIe siècle au moins.

    Dès lors que le RPE de 1968 prévoyait une zone de villas trop vaste et
recouvrant des terrains impropres à la construction au sens de l'art. 15
LAT, la diminution de l'aire réservée aux maisons individuelles et sa
concentration aux alentours des agglomérations répond à des impératifs
d'aménagement rationnel du territoire (cf. ATF 107 Ia 37 consid. b,
242 consid. a et les arrêts cités), et non pas à la seule volonté de
préserver un site et sa vocation viticole. Lorsque les zones à bâtir sont
trop étendues, le propriétaire ne peut exiger le classement d'une parcelle
dans une zone de villas que s'il peut se prévaloir de motifs prépondérants
dans le cadre de la pesée des intérêts en présence (ATF 113 Ia 35/36
consid. bb et cc). En l'occurrence, les recourants n'invoquent pas de
raisons déterminantes qui pourraient s'opposer avec succès à l'inclusion
de leurs parcelles en zone agricole; en revanche, cette solution se
justifie par le faible degré d'équipement des terrains en cause, par leur
relatif éloignement des localités voisines, vu la topographie du vallon
du Champaflon, et par leur affectation de longue date à la culture de
la vigne. L'attribution à la zone viticole des parcelles des recourants
s'apparente donc à une décision de non-classement qui ne donne pas lieu
à indemnité pour expropriation matérielle (ATF 112 Ib 110 consid. 3,
109 Ib 17 consid. 4a).

    c) Ainsi, cette mesure ne diffère pas des autres cas où un plan
de zones a été modifié dans le but de l'adapter aux exigences de la
législation fédérale et cantonale en vigueur; or, selon la jurisprudence,
une telle modification définit davantage le contenu véritable du droit
de propriété qu'elle ne le restreint, de sorte qu'elle ne constitue en
principe pas un cas d'expropriation matérielle (ATF 112 Ib 110 consid. 3
et les références), et la réduction d'une zone à bâtir trop étendue par
rapport aux besoins régionaux ne donne pas lieu à indemnisation (ROUILLER,
op.cit., p. 21/22; KUTTLER, Eigentumsbeschränkungen, die einer Enteignung
gleichkommen, in Staatsorganisation und Staatsfunktionen im Wandel,
Festschrift Eichenberger, Bâle 1982, p. 650/651).

Erwägung 4

    4.- Dans ces conditions, le classement des parcelles litigieuses en
zone de villas ne pourrait se concevoir qu'en raison de circonstances
spéciales, telles que l'équipement des biens-fonds, leur raccordement
aux canalisations des services publics et les frais consentis par le
propriétaire à cette fin (ATF 112 Ib 401 consid. 6), ainsi que leur
utilisation invraisemblable comme terrain à bâtir dans un proche avenir,
eu égard à la date déterminante du 21 décembre 1983 marquant l'entrée en
vigueur du nouveau RPE.

    a) Bien que situées en zone de villas depuis 1950 en tout cas, les
parcelles litigieuses, dans leur état cadastral actuel ou antérieur,
n'ont pas fait l'objet de travaux de construction jusqu'au 21 décembre
1983. Avant l'adoption de l'art. 6bis Cst. cant., le 12 juin 1977, et
de la législation d'application, ces biens-fonds ne figuraient pas dans
le périmètre du plan directeur communal des égouts, ce qui constituait un
obstacle à la délivrance d'un permis de construire en vertu de l'art. 67bis
LCAT, introduit dans cette loi le 13 décembre 1971. La canalisation
de type unitaire installée en 1972 dans le chemin du Vigny n'est pas
conforme à l'art. 4 al. 3 de l'ordonnance fédérale du 8 décembre 1975
sur le déversement des eaux usées (RS 814.225.21); quant au projet de
traverser le Champaflon avec un égout muni d'un système de pompage, il
ne permettrait pas d'éviter tout risque de pollution selon les art. 13
et 14 de la loi fédérale sur la protection des eaux, du 8 octobre 1971
(RS 814.20), et il nécessiterait une autorisation préalable spéciale du
Département des travaux publics à teneur de l'art. 12 de la loi cantonale
sur la police des eaux dépendant du domaine public, du 3 décembre 1957. On
ne saurait dès lors admettre que l'équipement de ces parcelles soit
suffisant pour ce qui est de l'évacuation des eaux usées. Au demeurant,
la solution du rattachement au réseau d'égouts de la commune de Riex
se heurte à la délimitation du plan directeur de celle-ci et au large
pouvoir d'appréciation reconnu à la commune, qui décide en opportunité
du raccordement éventuel d'un bâtiment se trouvant en dehors de la zone
définie par ce plan (art. 18 de l'ordonnance générale sur la protection des
eaux, du 19 juin 1972 - RS 814.201); en outre, la réalisation de ce projet
eût exigé des raccordements complets qui supposaient des aménagements
à trouver avec les voisins, par exemple sous forme de servitudes de
canalisations ou de passage. Toutes ces circonstances empêchent de
considérer que les deux parcelles auraient pu être bâties dans un avenir
relativement proche (ATF 112 Ib 109, 390 consid. 3 et les arrêts cités).

    b) Les autres facteurs que la jurisprudence commande d'examiner
conduisent au même résultat. Les terrains litigieux se situent dans une
vaste aire viticole homogène et presque intacte malgré la présence des deux
maisons familiales voisines, érigées en 1962 et 1963; 600 m environ les
séparent du centre de Cully; le vallon du Champaflon forme une rupture
topographique en direction du village de Riex; enfin, l'accroissement
démographique de la commune de Cully est demeuré faible. L'ensemble de
ces circonstances montre que les biens-fonds des recourants ne pouvaient
être raisonnablement ouverts à la construction en décembre 1983, au moment
de l'entrée en vigueur du nouveau RPE les classant en zone viticole.

    c) Face à ces éléments, l'intention des recourants - qui n'a été
concrétisée que par le remaniement parcellaire préparatoire de 1977 -
d'édifier chacun une villa ou de vendre les terrains dans ce but n'est
absolument pas déterminante. Dès lors, faute d'une utilisation possible
du sol dans un proche avenir, l'intégration des parcelles litigieuses en
zone agricole n'est pas constitutive d'expropriation matérielle et doit
donc être supportée sans indemnité.