Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 IA 34



114 Ia 34

8. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 5 février 1988 en
la cause Société anonyme immobilière H. et fiduciaire X. contre Berne,
Tribunal administratif et Intendance cantonale des impôts (recours de
droit public) Regeste

    Art. 4, 31 und 33 BV: Anwaltsmonopol in Steuersachen vor der letzten
kantonalen Instanz.

    Die Beschränkung der Parteivertretung vor den bernischen Gerichten
auf Rechtsanwälte stellt eine Polizeimassnahme dar, die einen geordneten
Verfahrenslauf vor den Gerichten und den Schutz des Rechtssuchenden
bezweckt (E. 2b, c). Diese Regelung verstösst in Anbetracht der Bedeutung
des Prozessrechts im Verwaltungsgerichtsverfahren und des weiten
Ermessensraumes des kantonalen Gesetzgebers bei der Ordnung des Zugangs
zu den Gerichten nicht gegen den Grundsatz der Verhältnismässigkeit
(Präzisierung der Rechtsprechung; E. 2e).

    Derjenige, der die Rechtsmitteleingabe selbst unterzeichnet, kann nicht
demjenigen gleich gestellt werden, der einen Anwalt beizieht, der an seiner
Stelle zu handeln hat und dem er sein Vertrauen schenkt. Es ist somit nicht
willkürlich, die beiden Tatbestände unterschiedlich zu behandeln (E. 3).

Sachverhalt

    A.- La Société anonyme immobilière H., à Bienne, représentée par la
fiduciaire X., forma une réclamation contre une taxation fiscale cantonale;
l'administration lui envoya ensuite un rapport d'expertise, contre lequel
elle recourut sans attendre la décision sur réclamation. La Commission
des recours en matière fiscale du canton de Berne refusa alors d'entrer
en matière, pour le motif que la société n'avait pas recouru contre la
décision sur réclamation.

    La Société anonyme immobilière, toujours représentée par la fiduciaire
X., sous la signature de son administrateur, forma un recours contre
cette décision auprès du Tribunal administratif du canton de Berne.

    Par jugement du 3 août 1987, le Tribunal administratif, constatant
que la fiduciaire X. n'avait pas le droit de représenter une partie devant
cette juridiction, déclara le recours irrecevable avec suite de frais.

    La Société anonyme immobilière H. en liquidation et la fiduciaire
X. ont formé un recours de droit public dirigé contre ce jugement du
Tribunal administratif. Invoquant une violation des art. 31 et 4 Cst.,
les recourantes soutiennent que l'administrateur de la fiduciaire X. -
qui est expert-comptable et possède une longue expérience des activités
fiduciaires - avait des connaissances suffisantes pour représenter le
contribuable devant le Tribunal administratif; elles considèrent dès
lors qu'il est excessivement formaliste de recevoir un recours signé par
le contribuable lui-même, mais de l'écarter lorsqu'il est signé par une
personne ayant des connaissances plus étendues.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- (Recevabilité du recours.)

Erwägung 2

    2.- Les recourantes invoquent une violation de la liberté du commerce
et de l'industrie, garantie par l'art. 31 Cst.

    a) La doctrine et la jurisprudence ont toujours interprété la notion
de commerce et d'industrie dans un sens large; l'exercice d'une activité
professionnelle à des fins lucratives ou dans le but d'en tirer un revenu
bénéficie, en principe, de la garantie de l'art. 31 Cst. (ATF 110 Ia
102 consid. 5, 103 Ia 261/262 consid. 2a). La fiduciaire qui offre à
son client de l'assister dans un litige avec l'administration fiscale,
exerce une activité lucrative et bénéficie donc de la liberté du commerce
et de l'industrie.

    Les cantons peuvent cependant apporter à la liberté constitutionnelle
du commerce et de l'industrie des restrictions consistant notamment
en des mesures de police justifiées par l'intérêt public. Ces mesures
doivent tendre à sauvegarder la tranquillité, la sécurité, la santé et
la moralité publiques, à préserver d'un danger ou à l'écarter, ou encore
à prévenir les atteintes à la bonne foi en affaires par des procédés
déloyaux et propres à tromper le public (ATF 113 Ia 40 consid. 4a, 112
Ia 320 consid. b). Sont en revanche prohibées les mesures qui ont pour
but d'entraver la libre concurrence, d'avantager certaines entreprises ou
certaines formes d'entreprises, et qui tendent à diriger la vie économique
selon un plan déterminé (ATF 111 Ia 186 consid. 2b, 110 Ia 102 consid. 5a
et les arrêts cités). L'atteinte doit en outre reposer sur une base légale,
être justifiée par un intérêt public prépondérant et, selon le principe de
la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation
des buts d'intérêt public poursuivis (ATF 113 Ia 40 consid. 4a et les
arrêts cités).

    En vertu de l'art. 33 al. 1 Cst., les cantons ont la faculté de
subordonner, dans l'intérêt public, l'exercice des professions libérales
à des preuves de capacité; ils ne peuvent toutefois prévoir de telles
restrictions que dans la mesure où elles sont nécessaires pour atteindre
le but de police visé, à savoir notamment la protection du public
contre les personnes incapables; ils doivent en outre respecter les
principes de la proportionnalité et de l'égalité de traitement (ATF 112
Ia 33/34 consid. 3a, 111 Ia 105 consid. 4, 187 consid. 2b et les arrêts
cités). L'exigence d'un certificat de capacité n'est admissible que
dans la mesure où elle est justifiée par le besoin de protéger le public
(ATF 112 Ia 325 consid. 4b et les arrêts cités).

    b) Réserver la représentation des parties à des mandataires qualifiés
permet de faciliter la tâche des tribunaux et contribue à assurer la
protection des droits et une bonne administration de la justice (ATF 105
Ia 73 consid. 5a et les références citées). On pourrait ainsi se demander
si cette matière, qui touche de près au bon fonctionnement des tribunaux,
ne ressortit pas à la procédure et ne relève donc pas exclusivement du
droit cantonal (Art. 64 et 64bis Cst.). La jurisprudence et la majorité de
la doctrine admettent cependant que la représentation des parties n'est
pas une activité soustraite au domaine de la liberté du commerce et de
l'industrie (ATF 105 Ia 71 consid. 4a et les références citées; FÉLIX
WOLFFERS, Der Rechtsanwalt in der Schweiz, Zurich 1986, p. 26/27). Il
n'y a donc pas lieu d'y revenir.

    La représentation des parties devant les tribunaux suppose des
connaissances spéciales, de sorte qu'il s'agit d'une profession libérale
dont l'exercice peut être subordonné par le droit cantonal à des preuves
de capacité. Dans ce cas, la doctrine et la jurisprudence considèrent
l'art. 33 al. 1 Cst. comme un cas d'application du principe général contenu
à l'art. 31 al. 2 Cst. (ATF 105 Ia 72 consid. 4c et les références citées;
WOLFFERS, op.cit., p. 24). Reste à examiner si la restriction apportée
en l'espèce à la liberté du commerce et de l'industrie est compatible
avec les principes déduits de l'art. 31 al. 2 Cst.

    c) Le justiciable qui n'a pas de connaissances juridiques suffisantes
doit s'en remettre entièrement à son mandataire, sans pouvoir véritablement
le contrôler; il y a donc un intérêt public certain à le protéger contre
le risque de mandater une personne incompétente qui, notamment par des
erreurs procédurales, pourrait le priver de la possibilité de faire
valoir ses droits en justice (ATF 105 Ia 72 consid. 5a). Une mesure
visant à assurer une bonne administration de la justice et le respect
des droits du justiciable doit ainsi être considérée comme une mesure de
police et ne relève en aucune façon de la politique économique (ATF 100
Ia 166 consid. 3 et les arrêts cités).

    Partant, le droit cantonal peut exiger de celui qui entend représenter
des parties en justice qu'il apporte la preuve de son aptitude à le faire.
L'exigence du brevet d'avocat constitue en soi une mesure adéquate,
puisqu'elle implique un examen qui porte sur des connaissances juridiques
étendues, en particulier dans le domaine de l'organisation judiciaire et
de la procédure. Le statut de l'avocat comprenant l'obligation de garder le
secret professionnel, la soumission à une surveillance officielle et à une
réglementation spéciale en matière d'honoraires, a d'ailleurs été conçu
par le législateur pour offrir des garanties optimales aux justiciables
(ATF 105 Ia 73/74 consid. aa).

    En réservant aux avocats la représentation des parties devant les
tribunaux, la loi bernoise institue dès lors une mesure de police qui
est en principe compatible avec la liberté du commerce et de l'industrie,
à condition qu'elle respecte les principes de la proportionnalité et de
l'égalité de traitement. Il faut donc se demander de manière concrète si
cette mesure ne va pas au-delà de ce qui est justifié par le but d'intérêt
public poursuivi (ATF 105 Ia 75 consid. 7, 100 Ia 166/167 consid. 3 et
les arrêts cités).

    d) Le Tribunal fédéral a considéré comme excessif de réserver aux
seuls avocats le droit de représenter un créancier devant les offices
de poursuites et de faillite ou devant leurs autorités de surveillance
(ATF 105 Ia 75 consid. 7, 95 I 330 ss). En revanche, il a considéré
comme admissible de réserver aux avocats le droit de représenter une
partie devant le juge de mainlevée (ATF 107 Ia 47 ss).

    S'agissant plus précisément de représenter une partie devant un
tribunal administratif en matière fiscale, le Tribunal fédéral a observé
que les connaissances générales du droit et de la procédure jouaient un
rôle particulièrement important devant la dernière instance cantonale
(ATF 105 Ia 77 consid. 7b). Dans la mesure où seuls les cantons de Berne
et de Nidwald réservaient aux avocats le droit exclusif de représenter
une partie en matière fiscale devant le Tribunal administratif cantonal,
le Tribunal fédéral s'est alors demandé - sans toutefois trancher la
question - si cette exigence n'était pas excessive et s'il ne fallait pas
admettre également la représentation par des personnes qui justifieraient
de connaissances très étendues, notamment comme réviseurs, et qui seraient
soumises à une surveillance officielle (ATF 105 Ia 78 consid. 7c et d).

    e) En l'espèce, la Société anonyme immobilière H. était représentée
par la fiduciaire X. Une personne morale ne pouvant pas elle-même
justifier de connaissances juridiques suffisantes, il n'est pas excessif
ou déraisonnable de réserver à des personnes physiques, justifiant
elles-mêmes des connaissances nécessaires, le droit de représenter une
partie en justice. Pour ce motif déjà, il n'y a pas eu de violation de
la liberté du commerce et de l'industrie.

    La fiduciaire X. fait observer qu'elle agissait par son administrateur
qui est expert-comptable. Cette formation suppose assurément des
connaissances étendues dans le domaine strict de la comptabilité,
ainsi que de bonnes connaissances du droit fiscal et du droit des
obligations. Cependant, l'expert-comptable n'a pas de connaissances
spéciales en matière d'organisation judiciaire et de procédure,
et il n'a pas été formé à mener un procès. Or, les connaissances de
procédure paraissent indispensables pour faire valoir utilement les
droits du client, surtout en dernière instance cantonale. Par ailleurs,
l'expert-comptable qui agit en justice n'est pas soumis, pour cette
activité, à une surveillance officielle et n'offre donc pas les mêmes
garanties qu'un avocat. Le fait qu'en l'espèce la fiduciaire ait recouru
contre une expertise, et non pas contre une décision, puis qu'elle n'ait
pas pris la précaution de faire contresigner l'acte de recours par le
client, pour tenir compte de la loi bernoise, démontre, de façon concrète,
qu'un expert-comptable n'a pas forcément les connaissances nécessaires
pour procéder devant une juridiction.

    Dans son arrêt du 11 mai 1979, le Tribunal fédéral avait déjà souligné
l'importance des règles de procédure devant le Tribunal administratif du
canton de Berne qui statue en dernière instance, après la décision sur
réclamation de la Commission des recours en matière fiscale (ATF 105 Ia 78
consid. 7b). Il n'avait toutefois pas eu à décider si, dans ce domaine,
un expert-comptable pouvait représenter une partie, car le recourant
était simplement fondé de pouvoir ("Prokurist") et n'avait pas apporté
la preuve de qualification spéciale en matière d'impôt, acquise grâce à
sa formation ou à son expérience dans la branche.

    Cette question laissée ouverte doit être résolue par la négative
aujourd'hui. En effet, du moment que les connaissances en matière fiscale
d'un expert-comptable ne suffisent pas toujours à procéder correctement
devant une juridiction, il n'est pas déraisonnable, ni excessif de
réserver aux avocats le droit de représenter une partie devant le Tribunal
administratif du canton de Berne. A cela s'ajoute que les cantons sont
compétents pour édicter les règles d'accès aux tribunaux; il serait, dans
ces circonstances, contraire au large pouvoir d'appréciation dont dispose
le législateur bernois, de lui imposer une règle de procédure en matière
de représentation des parties, même si cette règle a été généralement
adoptée en Suisse, à l'exception du canton de Nidwald.

    En tant qu'il est fondé sur une violation de l'art. 31 Cst., le
recours doit dès lors être rejeté.

Erwägung 3

    3.- Les recourantes se plaignent aussi d'un formalisme excessif,
dans la mesure où il aurait suffi que le recours adressé au Tribunal
administratif soit signé par le contribuable pour que cette juridiction
entre en matière.

    Le formalisme excessif est une forme particulière du déni de justice;
il est réalisé lorsqu'il est prévu pour une procédure des règles de forme
rigoureuses, sans que cette rigueur ne soit matériellement justifiée
(ATF 108 Ia 107 consid. 2 et ses références). Certes, le Tribunal
fédéral a toujours déclaré que les formes procédurales sont nécessaires
dans la mise en oeuvre des voies de droit pour assurer le déroulement de
la procédure conformément au principe de l'égalité de traitement, ainsi
que pour garantir l'application du droit matériel; toutes les exigences
formelles ne se trouvent donc pas en contradiction avec l'art. 4 Cst.;
il y a formalisme excessif seulement lorsque la stricte application des
règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection,
devient une fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable la
réalisation du droit matériel (ATF 112 Ia 308 consid. 2a; ARTHUR HAEFLIGER,
Alle Schweizer sind vor dem Gesetz gleich, p. 121 ss).

    Pour les raisons qui ont déjà été évoquées, il est légitime d'exiger
des preuves de capacité de la part de celui qui entend représenter
une partie en justice. Déclarer irrecevables les actes émanant d'une
personne qui n'a pas qualité pour représenter une partie en justice est
la conséquence logique de cette exigence conçue pour protéger le public
et ne constitue pas un formalisme excessif prohibé par l'art. 4 Cst. Si
l'autorité cantonale devait - comme le suggèrent les recourantes - refuser
d'entrer en matière sur le recours seulement lorsqu'il existe un autre
motif d'irrecevabilité, cela reviendrait à n'attacher aucune conséquence au
fait que l'acte porte la signature d'une personne qui n'était pas autorisée
à agir. Une telle solution ne pourrait qu'encourager, contrairement à
l'intérêt public, les personnes qui ne remplissent pas les conditions
légales à tenter néanmoins de représenter les parties en justice.

    Les recourantes font certes valoir que l'exigence légale peut
facilement être détournée si le mandataire non habilité fait signer
l'acte par son client. Cette situation n'est cependant pas comparable à
celle d'une représentation du mandant. Le justiciable qui entend défendre
lui-même ses intérêts devant les tribunaux peut demander à un tiers de lui
donner des conseils dans le domaine de sa compétence; sachant toutefois
qu'il doit signer l'acte lui-même, il ne lui échappe pas qu'il procède
en personne et qu'il en prend le risque. En revanche, si le justiciable
choisit un représentant - qui agit à sa place et auquel il s'en remet
entièrement - il peut compter sur le fait que ce mandataire offre des
garanties et encourt une responsabilité accrue.

    Dans ces conditions, il n'est pas arbitraire de permettre qu'un
justiciable défende lui-même ses intérêts en justice et prenne les risques
découlant de sa méconnaissance du droit, tout en exigeant de celui qui
entend intervenir pour autrui, en qualité de mandataire, qu'il justifie
de connaissances suffisantes.