Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 IA 281



114 Ia 281

45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 6 octobre 1988
dans la cause G. contre Vaud, Ministère public et Tribunal d'accusation
(recours de droit public) Regeste

    Persönliche Freiheit; Verlängerung der Untersuchungshaft.

    - Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts (E. 3).

    - Die Bewilligung zur Verlängerung der Untersuchungshaft, die gestützt
auf Art. 61 StPO VD erteilt wird, stellt keine blosse Willenserklärung
oder Empfehlung der Aufsichtsbehörde dar, sondern einen eigentlichen
Entscheid. Dies hat zur Folge, dass die aus Art. 4 BV abgeleiteten
Anforderungen an das Verfahren (rechtliches Gehör, Begründung und
Mitteilung des Entscheids) gegenüber dem von der Verlängerung betroffenen
Häftling eingehalten werden müssen (Präzisierung der Rechtsprechung;
E. 4a, b). Praktische Folgen (E. 4c).

Sachverhalt

    A.- G. a été arrêté le 11 février 1988 près d'Annemasse (Haute-Savoie),
en vertu d'un mandat d'arrêt international décerné par le Juge informateur
de l'arrondissement de La Côte pour attentat à la pudeur des enfants et
outrage public à la pudeur au sens des art. 191 et 203 CP. La Chambre
d'accusation de la Cour d'appel de Chambéry (Savoie) ayant autorisé son
extradition pour certains des faits qui lui étaient reprochés, G. a été
livré aux autorités suisses le 22 juin 1988 pour être aussitôt placé en
détention préventive à la prison du Bois-Mermet à Lausanne. Le 1er juillet,
puis le 15 juillet 1988, le Tribunal d'accusation du canton de Vaud a,
en conformité de l'art. 61 CPP vaud., autorisé, à la requête du Juge
informateur, la prolongation de la détention de G. respectivement jusqu'au
15 juillet et au 15 août 1988. Ces deux décisions n'ont pas été notifiées
au prévenu, qui n'a pas été appelé à s'exprimer à leur propos. Saisi d'un
recours de droit public de G. contre la seconde décision, le Tribunal
fédéral l'a admis, par arrêt du 8 août 1988. Il a notamment considéré
que la décision attaquée, qui n'était pas une simple mesure de contrôle,
devait respecter les exigences de forme minimales déduites de l'art. 4
Cst., c'est-à-dire être motivée et notifiée à l'intéressé, celui-ci devant
avoir la possibilité de s'exprimer.

    Statuant le 7 septembre 1988 à la fois sur la validité de sa décision
du 15 juillet 1988, objet de l'arrêt du Tribunal fédéral du 8 août 1988,
et sur un recours de G. contre un refus de mise en liberté ordonné le 12
août 1988 par le Juge informateur, le Tribunal d'accusation a rejeté les
recours dont il était saisi. Il a envisagé sommairement les conséquences de
l'arrêt du Tribunal fédéral, en exposant simplement que l'inculpé n'avait
pas répondu à l'invitation qu'il lui avait faite, le 12 août 1988, de
solliciter son audition conformément à l'art. 305 al. 2 CPP vaud. Il s'est
en revanche exprimé de manière circonstanciée sur les raisons qui avaient
conduit le Juge informateur à refuser de mettre le prévenu en liberté.

    Par la voie d'un nouveau recours de droit public, G. a demandé
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal d'accusation du 7
septembre 1988. Le Tribunal fédéral a rejeté ce recours dans le sens des
considérants. Il a également invité l'autorité intimée à se prononcer
en bonne et due forme, sans délai, sur la prolongation de la détention
du recourant en tenant compte de la proportionnalité et de la spécialité
(art. 14 CEExtr.).

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- C'est essentiellement au contenu du droit constitutionnel
non écrit à la liberté personnelle que le Tribunal fédéral mesure la
constitutionnalité du maintien en détention d'un prévenu, qui représente
toujours une atteinte grave à ce droit fondamental. Les principes que
la Convention européenne des droits de l'homme consacre, notamment
à son art. 5, ne sont pris en considération pour l'interprétation et
l'application de cette garantie qu'en tant qu'ils la concrétisent (ATF
108 Ia 66 consid. 2c, 105 Ia 29 consid. 2b).

    La garantie de la liberté personnelle n'empêche pas l'autorité de
procéder à l'incarcération d'un individu ou de le maintenir en détention,
à la condition toutefois que cette mesure particulièrement grave repose
sur une base légale claire, qu'elle soit ordonnée dans l'intérêt public
et qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (ATF 107 Ia 149
consid. 2, 106 Ia 281 consid. 3a et les arrêts cités). La légalité
d'une telle mesure privative de liberté doit être appréciée en fonction
du droit cantonal; quand celui-ci accorde à l'individu une protection
plus large ou plus précise que celle qui est offerte par le droit
fédéral, il s'applique en concurrence avec ce dernier (ATF 104 Ia 300
consid. 2, 101 Ia 49). Tel semble être le cas de l'art. 61 du code de
procédure pénale vaudois du 12 septembre 1967 (CPP vaud.). Les griefs
invoqués dans l'acte de recours doivent donc être examinés au regard du
contenu de cette disposition particulière et du droit constitutionnel
non écrit de la liberté personnelle. Contrairement à ce que soutient la
juridiction intimée, le Tribunal fédéral dispose en l'espèce d'un libre
pouvoir pour contrôler si l'interprétation et l'application du droit
cantonal sont conformes au droit fondamental en cause; il n'a aucune
raison de faire exception ici à ce principe. Il reconnaît toutefois à
l'autorité cantonale une grande liberté d'appréciation des faits qu'elle
a constatés, n'intervenant à ce propos que si elle a manifestement excédé
cette liberté d'appréciation ou en a abusé (ATF 108 Ia 66 consid. 2a,
107 Ia 140 consid. 4a, 105 Ia 29 consid. 2a, 104 Ia 302/303 consid. 3c).

Erwägung 4

    4.- L'art. 61 CPP vaud. a la teneur suivante:

    "La détention préventive ne peut durer plus de quatorze jours.

    Toutefois, sur demande motivée du juge, le tribunal d'accusation pourra
   autoriser une ou plusieurs prolongations, d'un mois chacune au maximum."

    a) Cet article n'a pas été introduit pour la première fois dans
le code du 12 septembre 1967, mais reprend simplement une disposition
du code du 3 septembre 1940. L'autorité intimée expose que ce texte a
toujours été appliqué de la même manière: le Juge informateur qui conduit
l'enquête établit une demande d'autorisation de prolonger la détention
préventive, qu'il motive brièvement et transmet au Tribunal d'accusation
par l'intermédiaire du Juge d'instruction cantonal. Ce magistrat donne
son préavis et le Tribunal d'accusation se prononce sur la demande
d'autorisation. Ni la demande du Juge informateur, ni le préavis du
Juge d'instruction, ni l'autorisation de prolongation ne sont notifiés
au prévenu. Le préavis du Juge d'instruction et la décision du Tribunal
d'accusation ne paraissent en outre pas être motivés en règle générale,
tout au moins lorsqu'ils sont favorables à la demande. Dans le cadre de
la procédure qui a abouti à l'arrêt du Tribunal fédéral du 8 août 1988,
l'autorité intimée avait soutenu que l'autorisation de prolonger la
détention préventive n'était pas une décision pouvant faire l'objet d'un
recours de droit public, mais une simple mesure prise dans le cadre de
l'exercice du pouvoir de haute surveillance de l'enquête pénale que lui
confère l'art. 14 al. 3 CPP vaud. Elle reprend cette argumentation dans
son écriture du 30 septembre 1988.

    b) Aux termes de l'arrêt du Tribunal fédéral du 8 août 1988,
l'autorisation de prolonger la détention préventive n'est pas une simple
déclaration de volonté, voire une recommandation d'une autorité de
surveillance, mais bien un acte de souveraineté qui émane du détenteur de
la puissance publique et porte une atteinte indéniable à la situation
juridique du prévenu. Il s'agit donc d'une décision. Celle-ci est
susceptible d'être attaquée par un recours de droit public au sens de
l'art. 84 lettre a OJ puisque, à défaut de son prononcé, la privation
de liberté doit prendre fin à l'échéance des délais légaux prévus à
l'art. 61 CPP vaud. (cf. ATF 108 Ia 268 consid. 5, 102 Ia 186 consid. 2,
89 I 258 consid. 4, 60 I 369). En outre, à moins d'une décision du Tribunal
d'accusation autorisant la prolongation de la détention avant l'échéance
des délais légaux, cette mesure privative de liberté devient ipso facto
illégale et toute autorité constatant l'illégalité de la détention a
l'obligation d'élargir aussitôt le prévenu (cf. ATF 109 Ia 322 consid. 3).
L'arrêt du 8 août 1988 a enfin souligné que la nature décisionnelle de
l'acte par lequel l'autorité compétente prolonge la détention préventive
avant son échéance n'est nullement affectée par le droit du prévenu de
requérir en tout temps sa mise en liberté. Il en résulte que les exigences
procédurales déduites de l'art. 4 Cst. doivent être respectées à l'égard
du prévenu dont la détention fait l'objet d'une demande de prolongation.

    c) Ces considérations - qui se bornent à rappeler les droits
élémentaires des parties à une procédure étatique quelconque -ne peuvent
qu'être reprises dans le présent arrêt, quelle que soit l'opinion qu'en
ait l'autorité intimée. Les conséquences pratiques en sont les suivantes:

    - une prolongation de la détention préventive ne saurait intervenir
sans être étayée par une motivation suffisante et expresse. Cette
motivation peut être contenue dans la demande de l'autorité inférieure,
car l'autorité supérieure qui fait droit à cette demande peut être présumée
y avoir adhéré implicitement (cf. ARTHUR HAEFLIGER, Alle Schweizer sind
vor dem Gesetze gleich, p. 149);

    - l'autorisation de prolonger la détention préventive doit être dans
tous les cas communiquée au prévenu;

    - le prévenu doit avoir la possibilité de s'exprimer avant que
sa détention ne soit prolongée définitivement. Ce droit à l'audition
(rechtliches Gehör) ne commande pas, en principe, la comparution
personnelle de l'intéressé. La nature de la décision de prolonger la
détention préventive est en effet fondamentalement différente de celle
d'arrêter et d'incarcérer initialement le prévenu, pour laquelle la
CEDH exige la garantie spéciale de la comparution sans délai devant un
juge ou un autre magistrat habilité par la loi a exercer des fonctions
judiciaires (art. 5 ch. 3). En général, dans la mesure où le prévenu a en
tout temps la possibilité de demander sa mise en liberté, il suffit à la
régularité de la procédure de prolongation périodique de la détention
que la possibilité soit offerte au prévenu de s'exprimer à ce sujet
par écrit, soit dans le cadre d'une procédure de recours auprès d'une
autorité ayant une cognition illimitée, soit devant l'autorité de décision
elle-même, soit devant l'autorité inférieure qui demande l'autorisation
de prolonger la détention (précision de la jurisprudence publiée aux ATF
105 Ia 205 ss). Dans le système vaudois, il devrait ainsi suffire que
le Juge informateur communique au prévenu sa demande tendant à obtenir
l'autorisation de prolonger la détention préventive en l'invitant à se
déterminer à très bref délai sur cette démarche, avec une indication
qu'il peut d'emblée renoncer à s'y opposer...