Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 V 273



113 V 273

45. Extrait de l'arrêt du 18 décembre 1987 dans la cause R. contre Caisse
cantonale neuchâteloise de compensation et Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel Regeste

    Art. 41 IVG, Art. 32 Ziff. 1 lit. b und Ziff. 2 des Übereinkommens
Nr. 128 der Internationalen Arbeitsorganisation über Leistungen bei
Invalidität und Alter und an Hinterbliebene und Art. 68 lit. b der
Europäischen Ordnung der Sozialen Sicherheit: Statut des Strafgefangenen
in der Invalidenversicherung. Der Anspruch auf eine IV-Rente kann
bei Strafgefangenschaft (oder bei jeder andern Form eines durch eine
Strafbehörde angeordneten Freiheitsentzuges) nicht mehr kraft des Art. 41
IVG entzogen, sondern muss sistiert werden; Schicksal der Zusatzrenten
in einem solchen Fall (Änderung der Rechtsprechung).

Sachverhalt

    A.- Jorge R., né en 1964, célibataire, sans formation professionnelle,
souffre depuis son adolescence d'une grave affection psychique. Il a été
mis au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité à partir
du 1er juillet 1982 (décision de la Caisse cantonale neuchâteloise de
compensation du 23 novembre 1984).

    Au cours des mois d'octobre et de novembre 1984, Jorge R. a commis
diverses infractions, dont un brigandage et de nombreux vols. Il a été
arrêté le 21 novembre 1984 et maintenu en détention préventive dans les
prisons de Neuchâtel. Par la suite, il a été renvoyé devant le Tribunal
correctionnel du district de Neuchâtel, lequel, en considération de son
jeune âge et de sa responsabilité diminuée, a prononcé son placement dans
une maison d'éducation au travail, par jugement du 22 mai 1985.

    Ayant appris que l'assuré se trouvait en détention préventive, la
caisse de compensation a rendu une décision, du 29 janvier 1985, par
laquelle elle a supprimé la rente d'invalidité en cours "à fin janvier
1985", au motif que l'intéressé était incarcéré.

    B.- Jorge R. a déféré cette décision au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel, qui a partiellement admis le recours porté devant
lui par jugement du 9 mai 1985.

    En bref, la juridiction cantonale a retenu, conformément à la
jurisprudence, que l'entrée en détention de l'assuré avait constitué un
motif de révision au sens de l'art. 41 LAI, entraînant la suppression de
la rente dont il bénéficiait. Elle a cependant considéré que cette mesure
ne devait prendre effet qu'à partir du premier jour du deuxième mois
suivant la notification du prononcé de la caisse, cela en application de
l'art. 88bis al. 2 let. a RAI. Par conséquent, elle a annulé la décision
litigieuse "en ce sens que la suppression de la rente prend effet à partir
du 1er mars 1985" (ch. 2 du dispositif).

    C.- Jorge R. interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont il demande l'annulation, en concluant au maintien de son
droit à une rente d'invalidité au-delà du 1er mars 1985.

    En résumé, il fait valoir que l'activité délictueuse ayant conduit
à sa détention, puis à son placement, est due à son état psychique
déficient, qui serait lui-même à l'origine de son irresponsabilité pénale,
circonstances qui justifieraient le rétablissement de son droit.

    La caisse intimée conclut implicitement au rejet du recours, ce que
propose également l'Office fédéral des assurances sociales.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) En vertu de l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un bénéficiaire
de rente se modifie de manière à influencer le droit à la rente, celle-ci
est, pour l'avenir, augmentée, réduite ou supprimée. Tout changement
important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et
donc le droit à la rente, peut motiver une révision. La rente peut ainsi
être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de
santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses
conséquences sur la capacité de gain (ou d'exercer ses travaux habituels)
ont subi un changement important (ATF 109 V 116, 107 V 221 consid. 2,
105 V 30 et les arrêts cités). Une révision peut aussi se justifier,
le cas échéant, lorsqu'un autre mode d'évaluation de l'invalidité est
applicable. Ainsi, le Tribunal fédéral des assurances a maintes fois
jugé que la méthode d'évaluation de l'invalidité valable à un moment
donné ne saurait préjuger le futur statut juridique de l'assuré, mais
qu'il pouvait arriver que dans un cas d'espèce le critère de l'incapacité
de gain (art. 28 LAI) succède à celui de l'empêchement d'accomplir ses
travaux habituels (art. 5 al. 1 LAI) ou inversement (ATF 110 V 285 consid.
1a, 104 V 149 consid. 2 et les arrêts cités).

    b) Conformément à ces principes, la jurisprudence a jusqu'à présent
toujours admis que la détention d'une certaine durée - qu'elle soit
ordonnée à titre préventif ou aux fins d'exécuter une peine - entraîne un
changement de statut juridique de l'assuré dont l'invalidité a été évaluée
selon le critère de l'incapacité de gain. Dans les deux cas de détention,
l'exercice d'une activité lucrative est en règle ordinaire exclue:
l'intéressé doit être considéré comme non actif et ne peut prétendre
une rente à ce titre, du moment qu'il n'est pas empêché d'accomplir ses
"travaux habituels", lesquels consistent dans l'exécution de sa peine
(ATF 110 V 288, 107 V 222, 102 V 170; RCC 1987 p. 324, 1986 p. 666,
1981 p. 84, 1980 p. 556).

    Le Tribunal fédéral des assurances a appliqué les mêmes règles
s'agissant d'un internement prononcé en vertu de l'art. 43 CP (RCC 1980
p. 554) et d'un placement dans une maison d'éducation au travail au sens
de l'art. 100bis CP (RCC 1981 p. 83), mais non dans le cas d'un assuré
séjournant dans un établissement en vertu de l'art. 91 al. 1 CP (RCC
1987 p. 322; pour un résumé détaillé de la jurisprudence, voir RCC 1987
p. 324 consid. 2a, ainsi qu'une étude de l'Office fédéral des assurances
sociales, intitulée Le droit à une rente AI pendant l'exécution d'une
peine ou d'une mesure, in RCC 1984 p. 434).

    D'autre part, selon la jurisprudence actuelle et dans la mesure où
l'entrée en détention représente un motif de révision, les prestations
accessoires que sont les rentes complémentaires pour l'épouse (art. 34
al. 1 LAI) et les enfants (art. 35 al. 1 LAI) doivent également, en
pareille hypothèse, être supprimées (ATF 110 V 286 consid. 1b in fine,
107 V 222).

Erwägung 2

    2.- a) Cette jurisprudence ne résiste toutefois pas à un nouvel examen.

    En vérité, la circonstance qu'un titulaire d'une rente de
l'assurance-invalidité purge une peine privative de liberté ne constitue
pas un motif juridique de révision au sens de l'art. 41 LAI. D'une
part, il est évident que l'état de santé de l'assuré ne subit aucune
modification du seul fait de l'incarcération. D'autre part, on ne saurait
parler d'un véritable changement de statut juridique, la jurisprudence
rappelée plus haut, sous consid. 1a, visant avant tout le passage d'une
activité ménagère à une activité professionnelle et vice versa (MAURER,
Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, vol. II, p. 234 let. cc;
VALTERIO, Droit et pratique de l'assurance-invalidité, p. 268-269;
FONJALLAZ, Invalidité et révision des rentes d'invalidité, Etude de la
législation sociale suisse, thèse Lausanne 1985, p. 77). D'ailleurs,
le Tribunal fédéral des assurances a lui-même souvent mis l'accent sur
la nécessité de ne pas s'écarter, sans raison impérieuse, des critères
d'évaluation de l'invalidité qui ont été utilisés lors de l'estimation
initiale (voir par exemple ATF 104 V 149 consid. 2).

    En outre, durant l'exécution d'une peine d'emprisonnement ou de
réclusion, le condamné est en principe astreint à un travail répondant à
ses aptitudes et lui permettant, une fois remis en liberté, de subvenir à
son entretien (art. 37 ch. 1 al. 2 CP). De ce point de vue, l'affirmation
selon laquelle un détenu doit être qualifié de personne sans activité
lucrative et dont les travaux habituels consistent seulement dans
l'accomplissement de sa peine n'apparaît guère conciliable avec l'action
éducative que doit également exercer la mesure (art. 37 ch. 1 al. 1
CP). Cela est d'autant plus vrai dans le cas d'un placement ordonné en
vertu de l'art. 100bis CP, qui vise principalement, sinon exclusivement,
un tel but éducatif et non répressif (LOGOZ/SANDOZ, Commentaire du
code pénal suisse, partie générale, p. 500; SCHULTZ, Einführung in den
allgemeinen Teil des Strafrechts, 4e éd., vol. II, p. 181 ss; NOLL,
Die Arbeitserziehung, in RPS 1973, p. 159 ss; cf. également ATF 111 IV
10 ad consid. 2 let. c): le but du placement est de former l'intéressé
à un travail adapté à ses capacités et lui permettant, ici également,
d'assurer son existence à sa libération (art. 100bis ch. 3 al. 1 CP). Le
condamné peut ainsi être autorisé à parfaire sa formation ou à travailler
en dehors de l'établissement (art. 100bis ch. 3 al. 2 CP). Sous réserve
de motifs de sécurité, ce régime peut être mis en oeuvre sans délai,
à la différence des conditions d'exécution des peines d'emprisonnement
ou de réclusion (LOGOZ/ SANDOZ, op.cit., p. 501).

    b) Pour autant, cela ne signifie pas que le versement de la rente
doive être maintenu durant l'exécution d'une peine ou d'une mesure. Sur
ce point, il n'y a pas de motif de remettre en discussion une pratique
profondément ancrée dans le droit de l'assurance-invalidité. Au demeurant,
cette pratique trouve une justification dans le fait qu'un détenu,
qui est entretenu par la collectivité publique, ne saurait retirer un
avantage économique en raison de l'exécution de sa peine (cf. ATFA 1948
p. 78 consid. 4). A ce propos, il ne faut pas perdre de vue que le détenu
non invalide perd aussi - en règle générale - son salaire ou - s'il est
indépendant - ses gains professionnels.

    C'est donc bien plutôt le fondement juridique de la décision litigieuse
qui est ici en cause et qui doit être recherché en dehors de l'art. 41
LAI. Pour guider cette démarche, l'on peut s'inspirer de normes du
droit international de la sécurité sociale qui prévoient, dans certaines
éventualités, la possibilité de suspendre (et non de supprimer) le droit à
des prestations d'assurance. Ainsi, aux termes de l'art. 32 ch. 1 let. b
de la Convention OIT No 128 concernant les prestations d'invalidité, de
vieillesse et de survivants du 29 juin 1967, en vigueur pour la Suisse
depuis le 13 septembre 1978 (RO 1978 1493), les prestations auxquelles
une personne protégée aurait droit en application de l'une quelconque
des parties II à IV peuvent être suspendues, dans une mesure qui peut
être prescrite, "aussi longtemps que l'intéressé est entretenu sur des
fonds publics ou aux frais d'une institution ou d'un service de sécurité
sociale". Dans les cas et dans les limites qui sont prescrits, une partie
des prestations qui auraient été normalement allouées doit être servie aux
personnes à la charge de l'intéressé (art. 32 ch. 2 de ladite convention).
Une réglementation semblable figure à l'art. 68 let. b du Code européen
de sécurité sociale (CESS) du 16 avril 1964, en vigueur pour notre pays
depuis le 17 septembre 1978 (RO 1978 1518). Or, l'internement dans un
établissement pénitentiaire est précisément l'une des hypothèses qui
entrent dans les prévisions envisagées par ces deux normes (VILLARS,
Le Code européen de sécurité sociale et le Protocole additionnel, p. 17).

    Certes, les normes en question se contentent pour l'essentiel de fixer
les lignes directrices dont doit s'inspirer la législation des Etats
contractants et, par conséquent, elles s'adressent en premier lieu non
aux autorités administratives ou judiciaires, mais au législateur national
(à propos de l'applicabilité directe des traités internationaux: ATF 112
Ia 184 consid. 2a et les références citées; voir également, au sujet de
l'art. 32 ch. 1 let. e de la Convention OIT No 128 et de l'art. 68 let. f
CESS: ATF 111 V 201). Elles sont néanmoins susceptibles de jouer un rôle
dans l'interprétation du droit interne, car le juge pourra, dans certaines
circonstances, s'inspirer des solutions qu'elles préconisent (BERENSTEIN,
La Suisse et le développement international de la sécurité sociale,
in SZS 1981, p. 184: cf. aussi ATF 111 Ia 344 consid. 3a, relatif à la
portée d'une résolution du Comité des ministres du Conseil de l'Europe,
et ATF 103 Ia 524, concernant la Convention OIT No 100 et la Charte
sociale européenne).

    Au surplus, il n'est pas sans intérêt de rappeler que, dans la seule
loi où il a expressément réglé la question, le législateur fédéral s'est
également prononcé en faveur de la suspension du droit aux prestations,
à l'art. 43 LAM, dont la teneur est la suivante: "Le paiement de
l'indemnité de chômage ou de la rente peut être suspendu lorsque
l'assuré purge une peine privative de liberté ou a été renvoyé par le
juge dans une maison d'internement ou d'éducation au travail. Quand il
a des parents qui auraient droit à des prestations de l'assurance lors
de son décès, l'indemnité de chômage ou la rente doit leur être versée
pendant la durée de la peine ou de l'internement, en tout ou partie,
lorsqu'ils tomberaient dans le besoin à défaut de cette prestation"
(sur l'application de cette disposition, voir: SCHATZ, Kommentar zur
Eidgenössischen Militärversicherung, p. 214-215; Fiche juridique suisse,
No 881, p. 2).

    c) Il en résulte que la détention (ou toute autre forme de privation
de liberté ordonnée par une autorité pénale, y compris le séjour dans une
maison d'éducation au travail) constitue désormais un motif de suspension
- et non plus de révision - du droit à la rente d'invalidité versée par
l'assurance-invalidité.

    En outre, comme le droit à la rente subsiste en tant que tel, il
faut en déduire, logiquement, que l'entrée en détention n'entraîne plus,
comme par le passé, une perte du droit aux rentes complémentaires, le
service de celles-ci devant au contraire être maintenu. Cette solution
répond assurément mieux au but de protection sociale de la loi; d'une
certaine manière, elle permet de tenir compte du principe selon lequel
les personnes à la charge de l'intéressé ne doivent pas elles-mêmes subir
toutes les conséquences économiques qu'entraîne la privation de liberté
(art. 32 ch. 2 de la Convention OIT No 128; art. 68 let. b, deuxième
phrase, CESS; art. 43, deuxième phrase, LAM), principe dont il y a lieu
de considérer qu'il exprime une opinion généralement admise en ce domaine
et correspond aux conceptions juridiques actuelles.

    d) Il découle également de ce qui précède qu'il n'est plus possible
d'appliquer telles quelles les dispositions réglementaires sur la révision
(art. 87 ss RAI; art. 29bis RAI), lors de l'entrée en détention ou au
moment de la libération du condamné. Cette solution avait d'ailleurs
provoqué des difficultés d'ordre pratique, voire des résultats peu
satisfaisants sur le plan juridique (cf. les exemples fournis par les
ATF 110 V 284 et 107 V 219). Dès lors, pour fixer le point de départ et
la fin de la mesure de suspension, et en l'absence d'autres dispositions,
il s'impose d'appliquer par analogie la réglementation des art. 29 al. 1,
dernière phrase (29 al. 2 première phrase dès le 1er janvier 1988),
et 30 al. 2 LAI: la rente sera encore versée durant le mois au cours
duquel l'assuré est entré en détention; une fois la peine (ou la mesure)
exécutée, elle sera accordée pour tout le mois au cours duquel la détention
a pris fin.

    e) Quant au point de savoir ce qu'il en est des rentes d'invalidité
allouées par d'autres institutions d'assurance sociale (assurance-accidents
obligatoire et institutions de prévoyance professionnelle), qui ont une
pratique différente de celle de l'assurance-invalidité (le service de
la rente étant en principe maintenu durant la détention), il n'a pas à
être examiné ici. On relèvera seulement qu'une solution identique ne
s'impose pas, a priori, dans tous les régimes concernés, car il faut
aussi tenir compte des particularités de chaque branche d'assurance,
comme par exemple de leurs modalités de financement. Ainsi, on ne saurait
oublier que l'assurance-invalidité fait largement appel au principe de
la solidarité. De toute façon, il serait souhaitable, le cas échéant,
que la question soit réglée par voie législative, par exemple lors de
l'examen d'un éventuel projet de loi sur la partie générale du droit
des assurances sociales (cf. à ce sujet RCC 1984 p. 547, 1985 p. 555,
1986 p. 76 et 1987 p. 231).