Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 IV 22



113 IV 22

7. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 13 mars 1987 dans
la cause Y. c. Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste

    Art. 198 und 199 StGB. Kuppelei, Gewinnsucht.

    Gewinnsucht ist auch dann gegeben, wenn zwischen den Massnahmen,
die der Unzucht Vorschub leisten, und dem erlangten Vermögensvorteil
ein bloss indirekter Zusammenhang besteht, der inkriminierte Gewinn also
nicht direkt aus den unzüchtigen Handlungen resultiert.

Sachverhalt

    A.- Y. est propriétaire d'un cabaret. Afin de loger certaines artistes
travaillant dans son établissement, il a pris à bail dans le même immeuble
quatre studios et un appartement de deux pièces qu'il sous-louait à ces
personnes. De mai 1979 au début de l'année 1982, il a accepté que les
artistes du cabaret quittent l'établissement, accompagnées d'un client,
avant l'heure de la fermeture, si elles avaient fait vendre un minimum
de deux bouteilles de champagne ou de "Réserve du cabaret" et si elles
avaient terminé leur numéro. Ce dernier breuvage était composé de jus
de raisin mousseux légèrement alcoolisé, qu'Y. acquérait au prix de 6
fr. 70 la bouteille et revendait pour 200 fr. Il savait que les artistes
quittaient ainsi l'établissement pour aller se prostituer avec le client,
en général dans leur chambre proche; parfois, elles se faisaient apporter
du champagne dans leur studio lors des ébats, ce qu'il n'ignorait pas. A
la même époque, les entraîneuses étaient autorisées à se retirer avec
leurs clients dans des endroits discrets de la salle (les "séparés")
où elles pouvaient les masturber ou pratiquer des actes analogues,
à condition qu'elles aient préalablement fait vendre un minimum d'une
bouteille de champagne ou de "Réserve du cabaret". Enfin, Y. avait permis
à son personnel d'avancer l'argent nécessaire au client possesseur d'une
carte de crédit qui désirait partir avec une fille en fin de soirée,
cela moyennant une commission de 10%.

    B.- La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a
condamné Y. à une peine de 9 mois d'emprisonnement et à une amende de
10'000 fr. pour proxénétisme professionnel; le sursis a été accordé. La
cour cantonale a libéré le condamné des accusations d'escroquerie par
métier et d'infraction à l'ODA dont le jugement de la première instance
l'avait reconnu coupable.

    C.- Y. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il demande
l'annulation de l'arrêt et le renvoi de la cause à l'autorité cantonale
afin d'être libéré du chef de proxénétisme professionnel, ce qui exclurait
le prononcé d'une peine et la condamnation aux frais.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

    Le recourant invoque uniquement l'absence de dessein de lucre dans
son cas, ce qui exclurait la réalisation du proxénétisme professionnel
retenu à sa charge.

    a) D'après la jurisprudence, le dessein de lucre au sens des art. 198
et 199 CP n'implique pas que l'auteur fasse preuve d'avidité ou d'un désir
particulièrement marqué de s'enrichir. Le dessein de lucre constitue, dans
le cadre de ces infractions, un critère qualitatif existant déjà lorsque
l'auteur recherche un enrichissement particulièrement répréhensible du
point de vue moral, parce qu'il met en cause des valeurs relatives à
ce qui fait la dignité de la personne et dont la caractéristique est de
ne pas être monnayables ou d'être bafouées lorsqu'elles sont monnayées
(ATF 107 IV 121 consid. 2). Puisque la vie sexuelle des êtres humains fait
partie de ces valeurs, il suffit que l'auteur favorise la débauche en vue
d'obtenir des avantages pécuniaires, c'est-à-dire aux fins de réaliser un
gain, pour qu'existe l'élément du dessein de lucre; ce profit n'est pas
nécessairement le fruit d'une disproportion nette entre la prestation et
son coût réel (ATF 109 IV 120), mais peut déjà résider dans le fait que
l'auteur attire ainsi des clients qui, sans cela, n'eussent pas fréquenté
son établissement (ATF 107 IV 127); il en va de même, le résultat n'étant
pas différent, lorsque la clientèle n'aurait pas consommé dans la même
mesure si elle n'avait pas eu la perspective d'obtenir les prestations
d'ordre sexuel favorisées par l'auteur. Une telle relation de cause à
effet suffit entre les mesures tendant à favoriser la débauche et le gain
obtenu, même si ce lien n'est qu'indirect, c'est-à-dire s'il ne résulte
pas directement des actes de débauche.

    b) En l'espèce, la cour cantonale s'est fondée sur ces
considérations. Dès lors, elle a correctement interprété les art. 198 et
199 CP et les a appliqués de façon convaincante à l'état de fait qu'elle
a constaté. D'après ces constatations, qui lient la cour de céans saisie
d'un pourvoi en nullité, le recourant a favorisé la débauche de ses
artistes de la manière suivante. Il leur a sous-loué des locaux dans
lesquels il savait qu'elles pouvaient se prostituer avec des clients du
cabaret; il a toléré la présence d'endroits "séparés" dans la salle, où
les clients pouvaient se retirer et se faire masturber par les artistes ou
obtenir d'autres prestations d'ordre sexuel; il a autorisé son personnel
à avancer à certains clients, dépourvus d'argent liquide, les montants
nécessaires pour rétribuer les services des entraîneuses en compagnie
desquelles ils quittaient l'établissement. Tout cela en vue de maintenir,
voire d'augmenter, sa clientèle attirée par ce genre d'accueil, comme le
constate l'autorité cantonale. Au demeurant, le recourant a tiré un profit
direct de l'activité de ces artistes et entraîneuses; il encaissait une
commission sur les avances consenties aux clients; il n'autorisait l'usage
des "séparés" qu'au prix de l'écoulement préalable d'une bouteille de
champagne ou de "Réserve du cabaret" et de deux de ces flacons pour les
artistes désireuses de quitter prématurément l'établissement en galante
compagnie. Ainsi, il faut admettre que l'élément du dessein de lucre
prévu en matière de proxénétisme doit être retenu; on ne voit dès lors
pas en quoi la cour cantonale aurait violé le droit fédéral à cet égard.