Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 II 319



113 II 319

59. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 1er septembre 1987 dans
la cause société V. contre société F. (recours en réforme) Regeste

    Art. 1 Abs. 1 UWG. Nachahmung durch ein Treu und Glauben
widersprechendes Vorgehen.

    Besondere Umstände, die eine Nachahmung widerrechtlich werden
lassen, obwohl diese vor den besonderen Bestimmungen des gewerblichen
Rechtsschutzes standhält.

Sachverhalt

       A.- La société italienne F. et la société espagnole V.
fabriquent, notamment, des rayonnages métalliques démontables destinés
à l'industrie et au commerce. Elles vendent leurs produits, la première
sous la marque "Universal", et la seconde sous la marque "Permar Estetic".

    En octobre 1969, V. a pris contact avec F. en vue d'une éventuelle
collaboration et lui a demandé la documentation relative à ses
produits. F. lui a envoyé les catalogues de sa production. En avril
1970, les dirigeants des deux sociétés se sont rencontrés à la foire
de Milan. Les directeurs de V. sollicitèrent l'envoi de différents
produits de la gamme "Universal" puis, en juin 1970, V. réclama à F. des
photos en couleurs ou des clichés d'installations réalisées avec son
matériel. Vraisemblablement en juillet 1970, une série d'échantillons de
matériel a été envoyée à V. Par la suite, cette dernière ne s'est plus
manifestée et les parties n'ont plus eu de relations commerciales.

    Le 15 avril 1981, V. adressa une lettre à T., représentant exclusif de
F. en Suisse, pour lui offrir ses produits et lui soumettre différents
catalogues illustrant, entre autres, sa gamme de rayonnages "Permar
Estetic". Constatant que le catalogue relatif à ces produits contenait
des illustrations identiques à celles du prospectus de F. et que les
éléments de rayonnages figurant dans le catalogue des produits "Permar
Estetic" présentaient les mêmes spécificités techniques que les produits
"Universal", l'agent général T. alerta F. qui mandata alors un avocat à
Genève pour défendre ses droits.

    Le catalogue qui a été remis à T. contient, parmi d'autres, deux
photographies d'étagères métalliques installées, qui ont été tirées des
catalogues de F. Ces deux photos n'apparaissent plus dans les éditions
ultérieures des catalogues de V. versés au dossier. Il ressort de la
comparaison des catalogues et des échantillons produits par les deux
sociétés concurrentes que le système et l'exécution des montants (profils),
des traverses, des pieds et des supports des rayonnages sont identiques à
d'infimes détails près. Seule la couleur des plateaux diffère. Le 8 juillet
1970, V. a fait enregistrer, par l'autorité espagnole compétente en matière
de propriété intellectuelle, un modèle d'étagère démontable. Les dessins
techniques des divers éléments accompagnant la description du modèle sont
une reproduction pure et simple de ceux figurant dans les catalogues de F.

    B.- Par jugement du 2 février 1987, le Tribunal cantonal neuchâtelois
a, notamment, interdit à la défenderesse V. d'offrir, de vendre ou de
diffuser en Suisse ses rayonnages "Permar Estetic" imitant illicitement
les produits similaires "Universal" de la demanderesse F.

    C.- Le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable,
le recours en réforme interjeté par la défenderesse contre ledit jugement
qu'il a confirmé.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) A propos de l'interdiction qui lui est faite de vendre et de
diffuser ses rayonnages imitant illicitement les produits similaires de
la demanderesse, la défenderesse nie tout d'abord s'être fait livrer
astucieusement des pièces. Elle parle des investissements auxquels
elle a procédé et relève que lorsqu'elle a fait enregistrer le modèle
d'étagère litigieux, le 8 juillet 1970, elle n'avait pas encore reçu les
échantillons de la demanderesse. Elle fait valoir, en outre, en s'appuyant
sur la doctrine, qu'elle était en droit de copier des modèles non protégés
par une loi spéciale, sauf circonstances extraordinaires et aggravantes
qui n'existeraient pas en l'espèce et dont la demanderesse n'aurait pas
établi la réalisation.

    b) Il est vrai qu'en dehors des cas où elle sert à distinguer une
marchandise et possède un caractère distinctif par rapport à des produits
semblables, la forme d'une marchandise qui n'est pas protégée par une règle
de la propriété industrielle peut en principe être librement utilisée
(ATF 113 II 84/85 consid. 5b, 108 II 74, 105 II 301 consid. 4a, 104 II
332). Mais la jurisprudence et la doctrine admettent que cette liberté
d'imitation est limitée par la clause générale de l'art. 1er al. 1 LCD
et reconnaissent que l'imitation devient illicite si des circonstances
particulières font ressortir que l'on est en présence d'un procédé
contraire aux règles de la bonne foi. Ces règles sont heurtées, notamment,
lorsque le contrefacteur parvient à son but par des procédés astucieux ou
incorrects (ATF 108 II 332; 105 II 302 No 49; DAVID, Die Gerichtspraxis zur
sklavischen Nachahmung von Warenformen, in Revue suisse de la propriété
industrielle et du droit d'auteur, 1983, fasc. 2, p. 20). Ainsi, les
circonstances qui accompagnent l'acte d'imitation peuvent conférer un
caractère illicite à un comportement qui n'est en soi pas critiquable au
regard des règles spécifiques de la propriété industrielle (ATF 104 II
334). La clause générale de l'art. 1er al. 1 LCD vise donc le concurrent
qui ne respecte pas les règles d'une certaine éthique professionnelle que
ses partenaires sont tenus d'observer, faussant de la sorte à son profit
le jeu de la libre concurrence (PERRET, La protection des prestations
en droit privé suisse, in RDS 96/1977 II 239). La jurisprudence, suivie
par la doctrine, a vu un cas typique de procédé contraire à la bonne foi,
enlevant tout caractère licite à une imitation de la marchandise d'autrui,
dans le fait de commander des échantillons de ladite marchandise afin
non seulement de les examiner à l'essai, mais aussi de les imiter (ATF
90 II 56/57 consid. 6; DAVID, op.cit., p. 20; PERRET, op.cit., p. 243).

    c) En l'espèce, la cour cantonale a retenu à bon droit, et par une
application correcte des principes susmentionnés, que la défenderesse avait
imité certains rayonnages produits par la demanderesse par l'utilisation
de moyens contraires à la bonne foi. Il ressort de ses constatations de
fait souveraines que la défenderesse a non seulement insisté à plusieurs
reprises auprès de la demanderesse pour recevoir des échantillons, sous
prétexte de nouer des relations commerciales auxquelles elle n'a jamais
donné suite, qu'il est vraisemblable qu'elle a commandé les échantillons
dans le but de les imiter, et qu'elle a en tout cas poussé la déloyauté
jusqu'à faire enregistrer, par l'autorité espagnole compétente, le modèle
d'étagères de la demanderesse en utilisant, pour décrire ce modèle,
les dessins techniques tirés des catalogues qu'elle s'était procurés
auparavant auprès de son concurrent.

    Ces procédés déloyaux enlèvent tout caractère licite à l'imitation
en cause. Peu importe, dès lors, que soient réunis les éléments qui, sans
ces procédés, eussent pu rendre licite l'imitation, tels que l'absence
de force d'identification du produit imité, la possibilité de réaliser
le produit différemment, ou l'inexistence d'un risque de tromperie de
l'acheteur sur l'origine de la marchandise (au sujet de ces éléments,
invoqués par la défenderesse, cf. DUTOIT, Réflexions comparatives sur
la concurrence parasitaire en droit de la concurrence déloyale, in JdT
1982 I, p. 268, lettre A).

    C'est en vain aussi que la défenderesse prétend n'avoir reçu
les échantillons de la demanderesse que postérieurement à la demande
d'enregistrement du modèle en Espagne. Le fait que le modèle a été
enregistré sur la base des dessins techniques tirés des catalogues de
la demanderesse est déjà déterminant, sans qu'il importe de savoir si la
défenderesse était ou non en possession des échantillons à ce moment-là.

    Enfin, la défenderesse soutient également en pure perte qu'elle
n'avait pas besoin de faire montre d'astuce pour copier la marchandise de
la demanderesse, puisqu'elle pouvait simplement se procurer une étagère
de sa concurrente. En effet, seul est décisif ce qui s'est réellement
produit et qui n'a rien à voir avec le procédé, peut-être non critiquable,
qui eût consisté à acquérir la marchandise sur le marché, sans passer
par un contact avec la demanderesse.