Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 II 163



113 II 163

30. Arrêt de la Ire Cour civile du 12 mai 1987 dans la cause Banque
A. contre B. (recours en réforme) Regeste

    Voraussetzungen der Gültigkeit einer Globalzession künftiger
Forderungen aus der Geschäftstätigkeit des Zedenten.

    Für die Gültigkeit einer Zession künftiger Forderungen genügt es,
dass die Forderung im Zeitpunkt ihrer Entstehung bestimmbar ist. Die
Zession muss alle Elemente enthalten, welche die Bestimmung der Forderung
bei ihrer künftigen Entstehung erlauben; wenn diese Voraussetzung erfüllt
ist, erübrigt sich ein Verfügungsgeschäft oder eine spätere Spezifikation
wie die Übergabe einer periodischen Liste der Schuldner des Zedenten.

Sachverhalt

    A.- En avril 1975, la Banque A. a ouvert à B. un crédit en compte
courant de fr. 40'000.--. A titre de garantie, elle exigeait de B. une
cession de toutes les créances, actuelles et futures, liées au déroulement
de ses affaires. L'acte de cession de créances, daté du 21 avril 1975 et
signé par B., porte la mention suivante:

    "Le total de l'état des débiteurs cédés sera communiqué à la banque
   le 15 de chaque mois. La banque est autorisée à contrôler les livres
   en tout temps et à exiger une liste détaillée des débiteurs."

    B. a régulièrement fourni les listes de débiteurs cédés. La dernière,
communiquée le 6 mars 1984, mentionne que "les créances effectives
... cédées à la date du 29 février 1984 se montent à fr. 173'491,80".

    Le 2 mai 1984, la faillite de B. a été prononcée sans que la banque
cessionnaire eût reçu de nouvelle liste de débiteurs cédés. Le 23 mai
1984, la Banque A. a produit dans la faillite une créance d'environ
fr. 140'000.-- en invoquant comme garantie la cession générale de 1975.

    Ses droits étant contestés, elle a ouvert action contre la masse en
faillite en demandant au tribunal de constater qu'elle était créancière de
toutes les créances issues des affaires de B. antérieures à l'ouverture
de la faillite et de condamner la masse défenderesse à lui payer
fr. 36'190.35.

    La masse défenderesse a conclu au déboutement de la demanderesse et,
reconventionnellement, au paiement par celle-ci de fr. 41'768.20. Elle
faisait valoir que la demanderesse ne pouvait être titulaire des créances
de B. qui devaient faire l'objet de listes qu'elle n'avait pas reçues
avant l'ouverture de la faillite pour les mois de mars et avril et le 1er
mai 1984 et qu'elle devait au surplus, pour cette période, restituer ce
qu'elle avait perçu des débiteurs de B. ayant acquitté leurs dettes au
moyen du bulletin de versement de la banque.

    Par jugement du 25 juin 1986, le Tribunal de commerce du canton de
Berne a débouté la demanderesse de toutes ses conclusions et l'a condamnée
à verser à la masse défenderesse la somme de fr. 41'433.65 avec intérêt
à 6% dès le 30 août 1985.

    Le Tribunal fédéral admet le recours en réforme interjeté par la
demanderesse, annule le jugement attaqué et renvoie la cause au Tribunal
de commerce pour nouveau jugement dans le sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Se référant à une partie de la doctrine et à un avis de droit du
professeur Engel, la cour cantonale estime indispensable que la créance
cédée soit déterminée - ou du moins déterminable - quant à son montant,
à sa cause et au débiteur cédé, au moment où le cessionnaire fait valoir
la cession, c'est-à-dire lors de l'acte de disposition. Dans l'hypothèse
d'une cession de créances futures, telle que pratiquée en l'espèce, les
créances cédées ne sont pas déterminables au moment du contrat de cession;
le cessionnaire ne peut les connaître de façon déterminée ou déterminable
qu'au moment où il a en main la liste des débiteurs cédés que doit lui
remettre le cédant, seule la remise de cette liste constituant l'acte
de disposition, la cession en soi. Le texte même de l'état des créances
destiné à la demanderesse, indiquant que les créances sont cédées en
garantie à la date de l'établissement de la liste, confirme ce point de
vue. La cour cantonale en conclut que les créances nées de l'exploitation
du garage de B. et ne figurant pas sur la liste des débiteurs cédés remise
à la demanderesse avant la faillite n'ont pas été valablement cédées à
la banque.

    La recourante soutient au contraire que les créances faisant l'objet
de la cession litigieuse sont suffisamment déterminables et qu'elle en
est dès lors devenue titulaire dès leur naissance, sans qu'il importe
qu'elles aient figuré sur une liste de débiteurs.

Erwägung 2

    2.- a) Depuis longtemps, jurisprudence et doctrine admettent la
validité des cessions de créances futures, pourvu que les créances à céder
soient suffisamment déterminées ou tout au moins déterminables (bestimmbar)
quant à la personne du débiteur cédé, à leur fondement juridique et à
leur contenu, et que la cession ne porte pas une atteinte trop grande
à la liberté économique et à la personnalité du cédant, au sens de
l'art. 27 al. 2 CC (ATF 112 II 434 s. consid. 2; ATF 112 II 243, 84 II 366
consid. 3, 69 II 290 ss; pour la doctrine, cf. les auteurs cités par ZOBL,
Berner Komm., Das Fahrnispfand, Syst. Teil, n. 1570). La doctrine admet
généralement que la cession de toutes les créances découlant des affaires
(Geschäftsbetrieb) ou d'une activité commerciale du cédant est admissible
et ne tombe pas a priori sous le coup de l'art. 27 al. 2 CC (OFTINGER,
in Bundesgerichtspraxis zum Allg. Teil des OR, p. 202; VON TUHR/ESCHER,
OR, p. 350; WALDER, Lohnabtretung und Zwangsvollstreckung, p. 19, n. 19;
VON BÜREN, Allg. Teil, p. 324; AMONN, Die generelle Debitorenzession im
Konkurs, in BlSchK 1979, p. 132 s.; OFTINGER/BÄR, Komm., n. 72 ad art. 899
CC). La jurisprudence se prononce dans le même sens (cf. ATF 112 II 437,
consid. 3 in fine; arrêt non publié X. AG du 8 août 1977, cité in NOBEL,
Praxis zum öffentlichen und privaten Bankenrecht der Schweiz, Berne 1979,
p. 358 s., consid. 2).

    b) La jurisprudence n'indique pas nettement si l'exigence de
déterminabilité de la créance cédée (quant à la personne du débiteur cédé,
à son fondement juridique et à son contenu) doit être réalisée au moment
de la conclusion du contrat de cession, ou s'il suffit qu'elle le soit
au moment où la créance prend naissance ou au moment où le cessionnaire
fait valoir la cession. Cette dernière solution doit être retenue avec la
doctrine dominante, et conformément à ce que le Tribunal fédéral a admis,
tout au moins implicitement, dans certains de ses arrêts. Pour qu'une
cession de créance future soit valable, il suffit donc que la créance
soit déterminable, c'est-à-dire qu'elle puisse être déterminée, au moment
où elle prend naissance (VON BÜREN, Allg. Teil, p. 325; ZOBL, op.cit.,
n. 1570; JEANPRÊTRE, La cession de salaire, in RSJ 63 (1967), p. 20;
KLEYLING, Zession - unter besonderer Berücksichtigung der Globalzession -
und Forderungsverpfändung als Mittel zur Sicherung von Krediten, p. 76;
FROMER, Die Abtretung künftiger Forderungen, in RDS 1938 (N.F. 57),
p. 307). Cette manière de voir est en effet la seule qui soit compatible
avec l'admission de la validité de la cession de toutes les créances
futures découlant d'une activité commerciale ou d'affaires du cédant,
puisque dans un tel cas les créances cédées ne sont par définition pas
déterminables (quant à la personne du débiteur, etc.) au moment de la
conclusion du contrat de cession. Elle est en outre seule compatible
avec l'admission des cessions de salaires, dont on ignore souvent le
débiteur et la quotité au moment de la cession. Elle a d'ailleurs été
adoptée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt ATF 75 III 115, où l'absence
de précision dans l'acte de cession quant à la personne de l'employeur
débiteur a été jugée sans importance dès lors que, tant que le cédant ne
travaillerait pas de façon indépendante, le cessionnaire saurait toujours à
qui s'adresser. Contrairement à ce que pense JEANPRÊTRE (op.cit., ibidem),
cette conception ressort également de l'arrêt ATF 57 II 539, qui a posé
l'exigence de la déterminabilité de la créance et admis qu'elle était
respectée dans une situation où la déterminabilité n'était survenue que
postérieurement à la cession.

    c) Dans l'arrêt précité ATF 112 II 433 ss, le Tribunal fédéral a
mentionné, sans prendre position à son sujet (p. 435 s.), l'opinion
soutenue par Bucher et Wiegand, selon laquelle on doit renforcer
l'exigence relative à la détermination des créances cédées soit en vertu
du principe de la spécialité (BUCHER, Allg. Teil, p. 491), soit en vertu
de la dogmatique de l'acte de disposition (WIEGAND, Kreditsicherung
und Rechtsdogmatik, in Berner Festgabe zum Schweizerischen Juristentag,
1979, p. 283, spéc. 289 n. 25, 295 s.). Ces auteurs estiment qu'il faut
distinguer entre l'acte générateur d'obligation (Verpflichtungsgeschäft,
ici pactum de cedendo) et l'acte de disposition (Verfügungsgeschäft),
soit la cession proprement dite; lors de l'accomplissement du second,
l'objet de l'acte doit pouvoir être clairement déterminé et identifié; on
doit donc pouvoir déterminer la créance, quant à la personne du débiteur,
à son fondement juridique et à son contenu, au moment où elle est cédée.

    Cette conception, qui n'est certes pas sans valeur théorique, n'est pas
en harmonie avec la pratique des cessions globales qui s'est développée
en matière de crédit (cf. ZOBL, op.cit., n. 1673 s.), sur la base de la
jurisprudence et de la doctrine admettant la validité de la cession si
la créance est à tout le moins déterminable, et cela au moment où elle
prend naissance. L'acte de cession doit contenir tous les éléments qui
permettent de déterminer la créance lorsqu'elle naîtra; mais une fois cette
condition remplie, un acte de disposition ou une spécification ultérieure
n'est pas nécessaire. De manière générale, la cession de créance est
valable, quant à la forme, même si l'un de ses éléments essentiels n'est
pas déterminé dans l'acte, pourvu qu'il soit suffisamment déterminable,
le cas échéant par l'effet de déclarations subséquentes pouvant même
émaner de tiers (ATF 82 II 52), et sans qu'il faille un nouvel acte écrit
déterminant avec précision la créance, lorsqu'elle naît. Le principe de
la spécialité tel qu'il existe en matière de droits réels, notamment en
relation avec la règle de la publicité qui s'applique en cette matière
(inscription au registre foncier pour le gage immobilier, art. 799 CC;
nantissement pour le gage mobilier, art. 884 CC), ne peut être repris
sans autre en droit des obligations. D'ailleurs, même dans le domaine des
droits réels, le principe de la spécialité n'est pas appliqué strictement
lorsqu'il s'agit non pas du gage, mais de la créance qu'il garantit (ZOBL,
op.cit., n. 267; cf. ATF 108 II 47 ss).

    d) Au regard de ces principes, le point de vue du Tribunal de
commerce ne peut pas être suivi. Les créances futures de B. cédées à la
demanderesse, liées au déroulement de ses affaires, étaient déterminables
dès leur naissance et passaient dès lors au cessionnaire, soit à la
demanderesse. Elles pouvaient en effet être individualisées à l'aide
de faits et circonstances extérieurs à l'acte de cession (cf. FROMER,
op.cit., p. 307, n. 90). Peu importe que le cessionnaire n'ait pas été en
mesure de déterminer les créances par les listes qui devaient lui être
remises, puisque l'absence de liste n'empêche pas les créances d'être
déterminées par d'autres moyens, ne serait-ce que par des demandes de
renseignements. Ces listes, certes utiles en tant qu'elles permettent au
cessionnaire d'être renseigné et de savoir à qui s'adresser sans avoir
à faire des investigations, n'ont qu'un caractère purement déclaratoire
(cf. ZOBL, op.cit., n. 1687; Schönle, Bank- und Börsenrecht, 2e éd.,
p. 148), ainsi que la jurisprudence l'a déjà admis en matière de droit
de gage sur les créances, où la situation est similaire (ATF 69 II 294
consid. 2b).

    e) Ainsi, toutes les créances nées avant la faillite de B. ont passé
à la demanderesse en sa qualité de cessionnaire. Celle-ci n'a donc pas à
rembourser les montants qu'elle a reçus des débiteurs cédés, et la masse
défenderesse doit lui rétrocéder tous les montants qu'elle a reçus de
ces débiteurs pour des créances nées avant la faillite. Comme le jugement
attaqué ne dit rien de ces montants et qu'on ignore s'ils correspondent
bien aux conclusions prises par la banque, la cause doit être renvoyée
au Tribunal de commerce pour qu'il détermine le montant total dû à la
demanderesse. Le recours est ainsi admis dans ce sens.