Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 IB 108



113 Ib 108

19. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 9 avril 1987 en la cause
Groupement des cinémas genevois contre Genève, Tribunal administratif,
Claude Bigar et Associations suisses et genevoises des distributeurs de
films (recours de droit administratif). Regeste

    Art. 18 Abs. 2 FiG: Umwandlung eines Betriebes der Filmvorführung in
ein Mehrfachkino mit vier Vorführsälen.

    Der einzige Zweck des in Art. 18 Abs. 2 FiG enthaltenen
Bewilligungskriteriums der "allgemeinen kultur- und staatspolitischen
Interessen" besteht darin, ein Absinken des Niveaus der programmierten
Filme verhindern (Präzisierung der Rechtsprechung). Die Konkurrenzierung
bestehender Betriebe darf im Bewilligungsverfahren nur soweit
berücksichtigt werden, als sie sich auf die Qualität der gezeigten Filme
nachteilig auswirken könnte. Im übrigen gilt es, bei der Umgestaltung
bestehender Filmvorführungsbetriebe in Mehrfachkinos den Vorteilen dieses
besonderen Kino-Typs Rechnung zu tragen (E. 4).

    Im konkreten Fall erlaubt die vorgesehene Umwandlung, die
betriebswirtschaftlichen Probleme, welche ein Kino mit einem einzigen, 900
Sitzplätze enthaltenden Saal mit sich bringt, zu lösen, und nichts deutet
darauf hin, dass sie zu einem Ungleichgewicht oder einer Beeinträchtigung
der Marktsituation im Genfer Kino-Gewerbe führen könnte (E. 5).

Sachverhalt

    A.- La loi fédérale sur le cinéma du 28 septembre 1962 (LCin.
RS 443.1) prévoit à son art. 18 que:

    "1. L'ouverture et la transformation d'entreprises de projection de
   films sont subordonnées à une autorisation; sont notamment considérés
   comme transformation le changement d'exploitant et toute modification
   de la participation prépondérante au capital de telles entreprises.

    2. Les décisions concernant les demandes d'autorisation seront prises
   en fonction des intérêts généraux de la culture et de l'Etat. La
   concurrence faite à des entreprises existantes ne peut pas, à
   elle seule, justifier le refus d'une autorisation. Est réservée la
   législation cantonale de police.

    3. Les autorités accordant l'autorisation veillent à éviter que se
   forment, sur le plan local, des monopoles contraires à l'intérêt
   public."

    La société Cinéma Rialto S.A., dont le siège est à Genève, a pour
but l'exploitation du cinéma Rialto, sis place Cornavin, à Genève, qui
dispose actuellement d'une salle de projection de 965 places. A l'origine,
cette salle comptait 1'351 fauteuils, puis 1'317 en 1979.

    Au mois de mai 1984, l'administrateur de la société, Claude Bigar,
a requis l'autorisation de transformer le cinéma Rialto en un complexe
de quatre salles de projection comprenant respectivement 105, 180, 300
et 540 fauteuils, soit au total 1'125 places.

    Après avoir sollicité le préavis des associations professionnelles
intéressées, le Département de justice et police du canton de Genève a, par
arrêté du 9 août 1985, accordé l'autorisation requise, en la subordonnant
toutefois à certaines conditions, dont la première était ainsi libellée:

    "les films donnant une représentation unilatérale de l'homme,
   notamment ceux qui exacerbent la violence et le cynisme ou dénaturent
   les instincts profonds et vitaux de l'être humain seront exclus de
   la programmation."

    Le Groupement des cinémas genevois, Willy P. Wachtl, président dudit
groupement et propriétaire des cinémas Le Plaza et Le Broadway, à Genève,
ainsi que Michel Albert, ancien exploitant du cinéma Molard, à Genève, ont
recouru contre la décision du Département auprès du Tribunal administratif
du canton de Genève.

    Par arrêt du 5 novembre 1986, le Tribunal administratif a déclaré
irrecevable le recours formé par Michel Albert et a rejeté les deux
autres recours, tout en laissant ouverte la question de savoir si Willy
P. Wachtl avait un intérêt digne de protection pour recourir. Sur le fond,
la juridiction cantonale a considéré que la création du complexe projeté
n'entraînerait pas une progression du nombre de salles à Genève (28 cinémas
en 1984) et que la légère augmentation du nombre de places de cinéma qui
résulterait de la transformation du Rialto ne pouvait, à elle seule,
provoquer une concurrence accrue, aboutissant à une baisse de qualité
des films projetés. Ce complexe multisalles favoriserait au contraire la
diffusion de films de qualité culturelle, mais pas forcément commerciaux,
tout en permettant la poursuite de l'exploitation du Rialto. Le Tribunal
administratif a donc estimé que la transformation du cinéma en cause
répondait aux exigences de l'art. 18 LCin.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, le Groupement
des cinémas genevois a conclu à l'annulation de l'arrêt du Tribunal
administratif du 5 novembre 1986 et de l'arrêté du Département de justice
et police du 9 août 1985. Il a également demandé au Tribunal fédéral de
prononcer que l'autorisation d'ouvrir quatre salles de projection dans les
locaux du cinéma Rialto était refusée à Claude Bigar en vertu de l'art. 18
LCin. Le recourant a notamment relevé qu'en raison de la baisse massive du
nombre des spectateurs enregistrée ces dernières années, due à la location
de films sur cassettes, à la télévision et à la télévision à péage, le
nombre de fauteuils offerts au public jouait un rôle très secondaire. Le
problème devait donc être examiné sous l'angle du nombre d'écrans et
de films disponibles par année et par salle. Or il était démontré qu'à
Genève, les multisalles ne travaillaient pas dans de meilleures conditions
économiques que les salles traditionnelles et ne favorisaient ainsi pas
la promotion d'un cinéma de qualité, ni en projetant des films attirant
peu de spectateurs, ni en offrant des spectacles à prix d'entrée plus
avantageux. Dans cette situation, le projet de transformation du cinéma
Rialto ne répondait pas aux intérêts généraux de la culture et de l'Etat.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- a) Le critère des intérêts généraux de la culture et de l'Etat
est une notion fluctuante qui varie selon les époques. Il apparaît en
tout cas certain que, dans le domaine du cinéma, les intérêts de l'Etat
n'ont plus la même signification aujourd'hui que pendant la deuxième
guerre mondiale ou la période de guerre froide qui a suivi et qui n'a
pas été sans influence sur l'esprit dans lequel a été adopté l'art. 27ter
Cst. et la loi fédérale sur le cinéma. Cette évolution est due en grande
partie au fait que le cinéma a pratiquement perdu son caractère de source
générale d'information au profit de la télévision. Comme exemple de ce
développement, on peut citer la disparition du ciné-journal suisse, qui
était placé sous la surveillance administrative de la Confédération et
devait servir les intérêts nationaux (art. 8 LCin., abrogé par la loi
fédérale du 20 juin 1975). Actuellement, ce sont donc avant tout les
intérêts généraux de la culture qui peuvent faire obstacle à l'octroi
d'une autorisation.

    b) En soi, le critère déterminant pour accorder une autorisation
apporte sans aucun doute une limitation à la liberté du commerce et de
l'industrie. Cet effet négatif doit cependant s'apprécier par rapport
au but poursuivi par l'art. 18 al. 2 LCin., qui consiste uniquement à
prévenir une diminution du niveau des films projetés. Contrairement à ce
que le Tribunal fédéral avait retenu dans son arrêt publié aux ATF 100 Ib
375 ss, il faut ainsi admettre que, même en présence d'une offre de places
de cinéma suffisante ou excessive, l'ouverture et la transformation d'une
salle de projection ne doivent pas être autorisées seulement dans les cas
où l'activité envisagée contribue à élever le niveau général de la qualité
des films. Le refus d'une autorisation implique dès lors qu'en raison
des circonstances particulières et concrètes, l'on doive s'attendre à une
baisse du niveau des films projetés. Dans cette situation, une atteinte
à la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas non plus contraire
au principe de la proportionnalité, du moment qu'une diminution de la
qualité des films peut, à certains égards, aussi constituer un danger
pour l'intérêt public.

    c) Pour ce qui a trait à la concurrence entre les entreprises
de cinéma existantes, elle peut être examinée en même temps que les
conditions d'octroi de l'autorisation, mais n'est pas déterminante pour la
décision à prendre. En effet, selon l'art. 18 al. 2 LCin., les rapports
de concurrence, en tant que tels, ne jouent pas de rôle et n'entrent en
ligne de compte que s'il est établi qu'ils agissent de manière négative
sur les intérêts généraux de la culture et de l'Etat. Ils ne sauraient
donc être utilisés à seule fin de défendre les positions acquises sur le
marché des films car, dans ce domaine également, une certaine concurrence
est souhaitable, pour autant qu'elle conduise à une amélioration des
prestations fournies, à la modernisation des entreprises ou à une
augmentation de la qualité des programmes (ZBl 67 (1966) p. 106 ss).

    d) Lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, de la transformation
d'un cinéma en un complexe multisalles, il y a lieu aussi de
prendre en considération les facteurs propres à ce type particulier
d'entreprises. Ainsi, sur le plan économique, cette nouvelle forme
d'exploitation permet de réduire les coûts, du moment que le même
personnel s'occupe non plus d'un seul, mais de plusieurs écrans. Elle
offre également la possibilité de mieux gérer le temps de programmation
d'un film en le projetant d'abord dans une grande salle, puis dans une
plus petite lorsque le public potentiel diminue. Ensuite et surtout,
elle représente la seule forme de cinéma où, à côté de films commerciaux
destinés à un large public, il soit rentable de programmer des films
de valeur, mais attirant un nombre restreint de spectateurs, de sorte
qu'ils ne pourraient guère être projetés dans une grande salle sans créer
des difficultés financières à l'exploitant. Le système des multisalles
entraîne donc incontestablement une augmentation de l'offre des films
projetés. Les expériences déjà réalisées dans ce domaine démontrent
d'ailleurs qu'il correspond aussi à un besoin.

Erwägung 5

    5.- a) Dans le cas particulier, l'autorité cantonale a admis que la
réalisation du projet de transformation du cinéma Rialto allait impliquer
l'ouverture de trois salles supplémentaires et une légère augmentation
du nombre des places. Examinant la situation des cinémas genevois, elle
a toutefois estimé que, contrairement à ce que prétendait le recourant,
il n'en résulterait pas une baisse de la qualité des films projetés, dès
lors que le nombre de salles à Genève restera le même que celui existant
au début de l'année 1984 (28 salles) et que le nombre de fauteuils passera
de 10'211 (à fin mars 1986) à 10'394 après la réalisation des projets de
Confédération-Centre et du Rialto.

    Actuellement, le critère du nombre de places, dont s'est occupé le
Tribunal administratif, joue un rôle plutôt secondaire. Comme on l'a
vu, il doit être pris en considération uniquement si l'on peut présager
qu'une offre excessive du nombre de places résultant de l'ouverture ou
de la transformation d'une salle de cinéma va, selon toute vraisemblance,
entraîner une diminution de la qualité des films projetés. En revanche, il
est important de tenir compte des grandes mutations qu'a subies l'industrie
cinématographique ces dernières années, à la suite du développement de
la télévision, de la vidéo - qui permet aussi la location de cassettes -
et, dans une moindre mesure, de la télévision à péage. Comme le relève le
Département fédéral de l'intérieur dans ses observations du 25 novembre
1986, les exploitants ont d'abord réagi par la fermeture de salles et
l'augmentation du prix des billets face au déplacement des spectateurs
du grand au petit écran. Ces mesures n'ont toutefois pas suffi à résoudre
les difficultés des propriétaires de salles qui doivent absolument trouver
des solutions pour réduire leurs coûts d'exploitation. On ne saurait ainsi
méconnaître qu'actuellement les très grands cinémas ne correspondent plus
au goût du public et sont économiquement à peine rentables. Telle est
bien la situation du cinéma Rialto qui, avec ses 965 places, a un taux
de fréquentation de 6%, soit nettement inférieur à la moyenne genevoise
qui est de 13,4%. Sa transformation en un complexe multisalles, avec les
avantages qui en découlent, lui offre donc manifestement une chance de
survie. Il reste cependant à examiner si, comme le prétend le recourant,
cette transformation entraînerait un déséquilibre entre le nombre de films
disponibles, le nombre de salles et celui des spectateurs, au point qu'il
en résulterait une baisse générale de la qualité des films à Genève.

    b) Une augmentation du nombre d'écrans entraîne certes une demande
accrue de films, mais n'implique pas automatiquement que les exploitants
se rabattent sur des films de bas niveau, car l'offre de films de haute
et de moyenne qualité est suffisamment grande. Il faut en effet observer
que les distributeurs n'ont utilisé le contingent de 1985 qu'à 60,59% et
qu'il n'est pas non plus exclu que celui-ci puisse être augmenté en cas
de besoin. Au demeurant, le Département fédéral de l'intérieur souligne
qu'une diminution de la qualité en raison d'une légère augmentation du
nombre d'écrans n'a jamais été constatée, alors qu'un manque de débouchés
conduit inévitablement les distributeurs à importer moins de films et à
proposer aux exploitants des films qui ont le plus de chances de succès
au niveau commercial. En outre, il a déjà été démontré que le système des
multisalles était le seul qui permette d'offrir à un public restreint des
films de qualité sans prendre de grands risques sur le plan économique. En
ce qui concerne le cinéma Rialto, les autorités cantonales ont d'ailleurs
exigé que les films qui exacerbent la violence et le cynisme ou dénaturent
les instincts profonds et vitaux de l'être humain soient exclus de la
programmation. Rien ne permet donc de supposer que la transformation
envisagée aura un effet négatif sur le niveau des films projetés.

    c) Compte tenu de la nécessité économique de rénover le cinéma
Rialto et de tous les avantages qui découlent du système d'exploitation
en multisalles, il faut admettre que l'autorisation accordée ne va pas
provoquer un déséquilibre ou une détérioration du marché cinématographique
à Genève. Le Tribunal administratif n'a dès lors pas violé l'art. 18
al. 2 LCin. en considérant que la transformation sollicitée répondait
aux intérêts généraux de la culture et de l'Etat.