Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 IA 38



113 Ia 38

7. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 13 février 1987 en la cause
Dr K. contre Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit public)
Regeste

    Art. 31 BV: Schliessung einer Zahnarztpraxis.

    Ein allgemeines Verbot zur Führung von mehr als zwei Zahnarztpraxen,
wie es das Waadtländer Gesetz kennt, wird nicht durch ein überwiegendes
öffentliches Interesse am Schutz der Gesundheit gerechtfertigt und verletzt
das Verhältnismässigkeitsprinzip.

Sachverhalt

    La loi vaudoise sur l'organisation sanitaire du 9 décembre 1952 (LOS)
prévoyait que:

    "Le médecin-dentiste exerce son art personnellement dans son cabinet.

    Il peut avoir deux cabinets, dans deux localités différentes. Dans ce
   cas, il exerce son art personnellement dans chacun de ces cabinets,
   qui ne seront ainsi ouverts qu'alternativement."

    Cette disposition a été remplacée par l'art. 103 de la loi vaudoise
du 29 mai 1985 sur la santé publique (LSP), entrée en vigueur le 1er
janvier 1986, qui dispose:

    "Un médecin-dentiste ne peut pratiquer dans plusieurs cabinets. Le

    Département peut toutefois autoriser, à titre temporaire, l'ouverture
d'un
   cabinet secondaire lorsque les besoins de la santé publique l'exigent.

    Dans ce cas, le médecin-dentiste exerce son art personnellement dans
   chacun de ses cabinets, qui ne seront ainsi ouverts qu'alternativement.

    Aucun médecin-dentiste ne peut pratiquer dans plus d'un cabinet
   secondaire."

    Le Dr K., médecin-dentiste, exploite trois cabinets: le premier à Morat
(Fribourg), le deuxième à Chavornay (Vaud) et le troisième au Landeron
(Neuchâtel).

    Estimant que cette situation était contraire à la loi, le Département
de l'intérieur et de la santé publique du canton de Vaud demanda au
Dr K. de renoncer à l'exploitation de l'un de ses cabinets. L'intéressé
n'ayant jamais donné suite à cette injonction, le Département le dénonça à
la Préfecture du district d'Orbe le 3 juillet 1981. Le Dr K., qui n'avait
pas fait opposition en temps utile, paya l'amende de 1'000 fr. prononcée
contre lui.

    Comme il poursuivait l'exploitation de ses trois cabinets dentaires,
une nouvelle procédure pénale fut ouverte le 30 septembre 1982. Le Dr
K. contesta cependant la nouvelle amende qui lui fut infligée et fut
acquitté par le Tribunal de police du district d'Orbe. Cette décision fut
ensuite confirmée par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois le 16 janvier 1984. La Cour estima que l'exploitation du cabinet
de Chavornay ne pouvait constituer une infraction aussi longtemps que
l'autorisation de pratiquer accordée au Dr K. ne lui avait pas été retirée.

    Le 10 juillet 1985, le Département de l'intérieur et de la
santé publique, se fondant sur l'art. 133 LOS, retira ainsi au Dr
K. l'autorisation de pratiquer la médecine dentaire dans le canton de Vaud.

    Saisi d'un recours contre cette décision, le Conseil d'Etat vaudois
estima que les conditions de l'art. 133 LOS n'étaient pas remplies et
qu'une sanction disciplinaire ne pouvait donc pas être prononcée. Par
décision du 26 mars 1986, il admit alors partiellement le recours en ce
sens que l'autorisation de pratiquer la médecine dentaire n'était pas
retirée au recourant, mais qu'il lui était ordonné de fermer son cabinet
de Chavornay dans un délai échéant au 15 mai 1986. Le Conseil d'Etat
prononça également que, si le Dr K. procédait à la fermeture de l'un de
ses deux cabinets dentaires situés à l'extérieur du canton, il pourrait
solliciter l'autorisation du Département de continuer à pratiquer la
médecine dentaire dans son cabinet de Chavornay.

    Le Dr K. a formé un recours de droit public contre la décision du
Conseil d'Etat vaudois, en invoquant une violation des art. 4 et 31 Cst.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la décision attaquée
dans le sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- Le recourant soutient principalement que l'ordre de fermer son
cabinet de Chavornay constitue une violation de la liberté du commerce
et de l'industrie.

    a) Le médecin qui exerce sa profession de manière indépendante et qui
déploie l'activité économique correspondante est en principe protégé par
l'art. 31 Cst. (ATF 111 Ia 186 consid. 2a et les arrêts cités).

    Les cantons peuvent cependant apporter à la liberté constitutionnelle
du commerce et de l'industrie des restrictions consistant notamment en
des mesures de police justifiées par l'intérêt public. Ces mesures doivent
tendre à sauvegarder la tranquillité, la sécurité, la santé et la moralité
publiques, à préserver d'un danger ou à l'écarter, ou encore à prévenir les
atteintes à la bonne foi en affaires par des procédés déloyaux et propres
à tromper le public (ATF 109 Ia 70 consid. 3a, 106 Ia 269 consid. 1). Ne
sont toutefois pas admises les mesures qui tendent à porter atteinte à la
libre concurrence, à avantager certaines entreprises ou certaines formes
d'entreprises et qui tendent à diriger la vie économique selon un plan
déterminé (ATF 111 Ia 186 consid. b).

    L'atteinte doit en outre reposer sur une base légale, être
justifiée par un intérêt public prépondérant et, selon le principe de la
proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation
des buts d'intérêt public poursuivis (ATF 111 Ia 105 consid. 4, 110 Ia
102 consid. 5a et les arrêts cités).

    b) La loi cantonale interdit aux médecins-dentistes d'avoir plus de
deux cabinets. Ce principe, contenu déjà à l'art. 56 LOS, a été repris à
l'art. 103 LSP qui pose des conditions plus restrictives pour l'ouverture
d'un second cabinet. Toutefois, en l'espèce, il s'agit uniquement de
déterminer si l'interdiction générale d'exploiter plus de deux cabinets
est justifiée par un motif suffisant d'intérêt public.

    Il découle de la liberté du commerce et de l'industrie que l'exercice
d'une activité économique ne peut en principe pas être subordonné à
l'exigence d'un besoin. Il n'existe, en ce qui concerne les cabinets
dentaires, aucune disposition comparable aux art. 31ter et 32quater al. 1
Cst. En soi, l'augmentation du nombre des cabinets ne constitue d'ailleurs
pas un risque pour la santé publique. Le canton ne peut donc pas justifier
la disposition querellée par le souci d'éviter une trop forte concurrence
entre les médecins-dentistes; il ne saurait davantage empêcher que ceux
qui peuvent faire les investissements nécessaires à l'acquisition de
plusieurs cabinets soient avantagés par rapport aux autres membres de
la profession. En effet, de telles mesures devraient être considérées
comme des mesures de politique économique, tendant à influer sur la libre
concurrence, que les cantons n'ont précisément pas la compétence d'adopter.

    Ainsi, l'intérêt à prendre en considération est celui de la population,
sous l'angle de la protection de la santé publique, et non pas l'intérêt
économique des membres de la profession. Or, il peut être dans l'intérêt
public, surtout dans une zone rurale, d'avoir un cabinet dentaire ouvert
dans un village, par exemple un jour par semaine, plutôt que d'obliger
la population à faire un déplacement important, ce qui pourrait l'inciter
à négliger les soins dentaires. Dans ce cas, il existe un intérêt public
qui s'oppose à l'application d'une règle absolue limitant à deux le nombre
des cabinets exploités par un seul et même médecin-dentiste.

    c) L'autorité cantonale entend certes "réfréner les abus qui
pourraient résulter de l'industrialisation de la médecine dentaire". Cette
argumentation est cependant peu claire, dans la mesure où la mécanisation
ne saurait supprimer les soins en bouche donnés par le médecin-dentiste,
celui-ci ayant en outre l'obligation d'exercer son art personnellement. On
ne conçoit pas non plus que la qualité des soins soit inférieure lorsque
le médecin exerce son activité le lundi dans un village et le mardi dans
un autre. Si les cabinets devaient être sous-équipés en installations,
il suffirait d'adopter des dispositions imposant l'équipement minimum.

    Le Conseil d'Etat explique aussi qu'il convient d'éviter "que le
médecin-dentiste disperse ses efforts". Il semble qu'il envisage ici la
fatigue qui pourrait résulter des déplacements. Outre que les causes de
fatigue sont innombrables et que l'on pourrait s'inquiéter aussi de la
distance séparant le logement du lieu de travail, cette argumentation
n'a de sens que si l'on examine de manière concrète l'importance et la
fréquence des déplacements. On ne peut pas raisonnablement soutenir qu'un
médecin-dentiste ne pourrait pas parcourir, en voiture ou à l'aide des
transports publics, 50 ou 100 km par semaine sans qu'il en résulte pour
lui une fatigue préjudiciable à la qualité des soins. Cet argument ne
peut donc pas être admis pour justifier de manière absolue et dans tous
les cas l'interdiction d'avoir plus de deux cabinets.

    L'autorité cantonale envisage encore le risque que le médecin-dentiste
engage des aides moins qualifiés que lui pour exercer certains travaux qui
lui incombent. Ce risque constitue un argument sérieux. Il faut cependant
observer que le droit cantonal soumet à autorisation l'engagement d'un
assistant (art. 93 al. 2 LSP) et interdit à un médecin-dentiste de
s'adjoindre plus d'un assistant (art. 93 al. 6 LSP). L'accomplissement de
certains actes est réservé exclusivement au médecin-dentiste (art. 100
al. 1 LSP) et l'exercice illégal de la médecine dentaire est pénalement
réprimé (art. 186 al. 1 LSP). L'art. 103 LSP prévoit enfin que, si le
médecin-dentiste pratique dans plus d'un cabinet, il doit exercer son art
personnellement dans chacun de ses cabinets, qui ne seront ainsi ouverts
qu'alternativement. Il s'agit là d'un éventail de mesures très large,
qui devrait garantir que les soins soient donnés par le médecin-dentiste
lui-même.

    Dans la mesure où l'autorité cantonale éprouve des difficultés de
contrôle, on pourrait concevoir que le médecin-dentiste doive indiquer très
précisément au Département les jours d'ouverture de chacun de ses cabinets
et qu'il soit contraint de les fermer lorsqu'il ne s'y trouve pas. Compte
tenu des mesures qui peuvent être prises, les difficultés de contrôle ne
suffisent cependant pas à justifier une décision aussi lourde que celle
d'ordonner la fermeture d'un cabinet. Le recourant observe d'ailleurs à
juste titre que, si un médecin-dentiste dispose de plusieurs fauteuils
dans le même cabinet, il existe un risque tout à fait comparable que des
soins soient donnés par des personnes non qualifiées.

    d) Il s'ensuit que la décision attaquée n'est pas fondée sur des motifs
précis et convaincants, déduits d'une analyse de la situation particulière
du recourant. En réalité, l'autorité cantonale a appliqué strictement
l'art. 103 LSP, prévoyant qu'aucun médecin-dentiste ne peut pratiquer dans
plus d'un cabinet secondaire. Une règle aussi absolue, qui ne tient pas
compte des intérêts en jeu, viole le principe de la proportionnalité auquel
est soumise toute atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie.

    Le recours doit dès lors être admis pour violation de l'art. 31
Cst. et la décision attaquée annulée en tant qu'elle ordonne au recourant
de fermer son cabinet de Chavornay ou l'invite à procéder à la fermeture
de l'un de ses deux autres cabinets situés à l'extérieur du canton.