Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 IA 107



113 Ia 107

20. Arrêt de la Ire Cour civile du 30 juin 1987 dans la cause D. et
W. contre dame A. (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 Abs. 2 Satz 3 BV. Gleicher Lohn für Mann und Frau.

    1. Rechtsnatur der Gewährleistung, dass männliche und weibliche
Arbeitnehmer Anspruch auf gleichen Lohn haben; Folgen für den Rechtsweg,
die Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts und das Beschwerderecht des
Arbeitgebers (E. 1).

    2. Vergleich von Leistungen, die von Schauspielern verschiedenen
Geschlechts erbracht werden. Wertgleichheit vorliegend bejaht (E. 3).

    3. Anwendungsbereich von Art. 4 Abs. 2 Satz 3 BV. Umstände, die eine
Abweichung von der Regel der Lohngleichheit rechtfertigen können (E. 4a).

    4. Pflicht einer Theaterleitung, eine nebenberuflich tätige
Schauspielerin, die im letzten Moment ausfällt, rasch und ohne
Kostenüberschreitung zu ersetzen, als objektiver Umstand, der ein Abweichen
vom Grundsatz der Lohngleichheit rechtfertigt (E. 4b).

Sachverhalt

    A.- D. et W., agissant en tant qu'associés de la société simple
"Le Centre dramatique Chablais-Riviera", ont engagé des comédiens
professionnels et semi-professionnels pour les représentations de la pièce
de Molière, intitulée "Le médecin malgré lui", qu'ils devaient donner au
"Théâtre du Vieux-Quartier", à Montreux, du 17 septembre au 2 novembre
1985. Au dernier moment, une comédienne semi-professionnelle, qui devait
subir une intervention chirurgicale, fut contrainte de se désister. Elle
avait été engagée pour jouer le rôle de "Jacqueline", moyennant un cachet
de 2'000 francs.

    B., comédien tenant un rôle dans la pièce dont il assurait
aussi la mise en scène, s'adressa alors à dame A., une comédienne
professionnelle qu'il connaissait, pour lui demander de remplacer
l'actrice semi-professionnelle empêchée. Il lui offrit un cachet de 2'500
francs, sans lui dire toutefois que les autres comédiens professionnels
recevraient chacun 4'000 francs. L'intéressée accepta cette proposition
et un contrat fut signé, le 17 septembre 1985, jour de la passation de
tous les autres contrats; il stipulait que dame A. était engagée comme
comédienne indépendante pour un cachet de 2'500 francs, montant qui
correspondait en fait aux 2'000 francs prévus pour la comédienne remplacée,
auxquels s'ajoutaient 500 francs prélevés sur le cachet de B.

    Ayant appris que les comédiens professionnels touchaient 4'000
francs, dame A. s'enquit personnellement, puis par l'intermédiaire de
son syndicat, des raisons de cette différence de traitement entre les
comédiens professionnels masculins et elle-même. Les responsables du
Centre dramatique Chablais-Riviera lui répondirent que du moment qu'elle
remplaçait une actrice semi-professionnelle, le cachet prévu pour celle-ci
lui avait été alloué, car le budget établi pour le spectacle ne permettait
pas d'aller au-delà de ce montant. Invoquant l'art. 4 al. 2, 3e phrase,
Cst., la comédienne professionnelle réclama alors un cachet de 4'000
francs, ainsi qu'une indemnité de vacances et la prise en charge des
cotisations sociales par l'employeur.

    B.- Les parties n'ayant pas réussi à trouver un terrain d'entente,
dame A. assigna ses anciens employeurs en paiement de 1'591 francs,
plus intérêts, en date du 21 mars 1986.

    Par jugement du 15 mai 1986, le Tribunal de prud'hommes de Montreux
rejeta la demande pour l'essentiel.

    Statuant le 2 septembre 1986, le Tribunal cantonal du canton de
Vaud a admis le recours formé par dame A. contre ce jugement et condamné
solidairement D. et W. à payer à cette dernière la somme de 1'591 francs,
plus intérêts.

    C.- D. et W. forment un recours de droit public au Tribunal fédéral,
pour violation de l'art. 4 al. 2 Cst., en concluant à l'annulation de
l'arrêt cantonal.

    Dame A. propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 4 al. 2, 3e phrase, Cst., "les hommes et les
femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale". Avant
d'entrer en matière sur le recours, il sied de mettre en évidence la
nature particulière de cette règle et les conséquences qui en découlent
quant aux voies de droit, au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral et à
la qualité pour recourir.

    a) L'art. 4 al. 2, 3e phrase, Cst. crée un droit individuel
à l'égalité de rémunération, que tout salarié, homme ou femme, peut
invoquer directement en justice, sans qu'il soit nécessaire que le principe
constitutionnel ait été préalablement concrétisé par une loi (cf. Message
du Conseil fédéral sur l'initiative pour l'égalité des droits entre hommes
et femmes, FF 1980 I 148; J.-F. AUBERT, Traité de droit constitutionnel
suisse, supplément 1967-1982, nos 1747 et 1783 in fine; BERENSTEIN, A
propos de l'initiative pour l'égalité des droits entre hommes et femmes -
Effet vertical ou horizontal? in: ZBl 81 (1980), p. 199, ch. 6; CAMPICHE,
L'égalité de rémunération entre travailleurs masculins et féminins, thèse
Lausanne 1986, no 279; HAEFLIGER, Alle Schweizer sind vor dem Gesetze
gleich, p. 103/104; HANGARTNER, Grundzüge des schweizerischen Staatsrechts,
II, p. 190/191; MORAND, L'égalité des sexes ou l'érosion jurisprudentielle
d'un droit fondamental, rapport présenté au colloque de Martigny des 7,
8 et 9 mai 1987 sur l'égalité des sexes, p. 32; J.-P. MÜLLER/S. MÜLLER,
Grundrechte, Bes. Teil, p. 204; REHBINDER, n. 7 ad art. 322; STAEHELIN,
n. 20 ad art. 322; STREIFF, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 4e éd.,
n. 20 ad art. 322; SUTTER, "Mann und Frau haben Anspruch auf gleichen
Lohn für gleichwertige Arbeit" (Art. 4 Abs. 2 Satz 3), in: Recht 1986, p.
120/121; VISCHER, n. 6 ad art. 358. D'un autre avis: HUBER, Gleiche
Rechte für Mann und Frau, in: RJB 118 (1982), p. 189 ss). Bien que cette
disposition soit aussi applicable aux rapports de travail relevant du
droit public (arrêt non publié Danioth et consorts, du 11 novembre 1983,
consid. 3b, reproduit in: ZBl 85 (1984), p. 162 ss), elle a été adoptée
avant tout pour régir les relations entre particuliers, le principe de
l'égalité de rémunération entre les deux sexes dans la fonction publique
ayant déjà été déduit de l'art. 4 al. 1 Cst. par la jurisprudence (ATF
103 Ia 517). On est donc en présence du cas exceptionnel, sinon unique
(cf. art. 49 al. 3 Cst.), où un droit constitutionnel produit un effet
horizontal direct (direkte Dritt- oder Horizontalwirkung; sur cette
notion, cf. ATF 111 II 254 et les références citées) dans les rapports
entre personnes privées (AUER, Les libertés face à l'Etat et dans la
société, in: Repertorio di giurisprudenza patria 119 (1986), p. 18, no
29; CAMPICHE, op.cit., nos 278 ss et les autres références citées par cet
auteur à la page 126, n. 56; voir aussi: BERENSTEIN, op.cit., p. 200, ch.
8, MORAND, op.cit., ibid., SUTTER, op.cit., p. 120, et TSCHUDI, Neue
Probleme im schweizerischen Arbeitsrecht, in: RSJ 78 (1982), p. 91, qui
contestent l'utilité du recours à la notion de Drittwirkung stricto sensu,
soit celle d'un effet réflexe à l'égard de tiers). Dès lors qu'elle sortit
un tel effet, l'égalité de rémunération dans le secteur privé revêt un
double caractère: il s'agit à la fois d'un droit constitutionnel et d'une
règle - impérative - du droit civil qui s'incorpore aux dispositions du
Code des obligations relatives au contrat de travail (art. 319 ss CO;
cf. J.-F. AUBERT, op.cit., no 1783 in fine; CAMPICHE, op.cit., no 282;
HAEFLIGER, op.cit., p. 107 et 112; MORAND, op.cit., p. 33; REHBINDER,
Schweizerisches Arbeitsrecht, 8e éd., p. 56, et n. 7 ad art. 322; SUTTER,
op.cit., ibid.; TSCHUDI, op.cit., ibid.).

    b) Pour déterminer la voie de recours par laquelle la décision prise
en dernière instance cantonale peut être déférée au Tribunal fédéral, il
faut tenir compte de la nature mixte de la disposition considérée. Comme
on l'a vu, cette disposition, dans la mesure où elle régit les relations
entre particuliers, contient non seulement un droit constitutionnel,
mais également une règle de droit privé. D'où il suit que sa violation
doit être invoquée dans le cadre d'un recours en réforme, lorsque la
valeur litigieuse atteint ou dépasse la limite de 8'000 francs fixée
à l'art. 46 OJ. L'art. 43 al. 1, 2e phrase, OJ, qui réserve le recours
de droit public pour violation des droits constitutionnels des citoyens,
n'est en effet pas applicable dans un tel cas (HAEFLIGER, op.cit., p. 112;
MORAND, op.cit., p. 34). Si la valeur litigieuse est inférieure à 8'000
francs, la contestation peut être soumise au Tribunal fédéral par la voie
du recours de droit public pour violation de l'art. 4 al. 2, 3e phrase,
Cst. (cf. les deux auteurs précités, ibid.).

    En l'occurrence, le litige porte sur la somme de 1'591 francs. Le
recours de droit public est dès lors recevable au regard de l'art. 84
al. 2 OJ. Il en va de même en ce qui concerne la condition de l'épuisement
préalable des moyens de droit cantonal (art. 86 al. 2 OJ).

    c) Saisi d'un recours de droit public fondé sur l'art. 4 al. 2,
3e phrase, Cst., le Tribunal fédéral examine librement le grief tiré
d'une violation du droit à l'égalité de rémunération entre travailleurs
masculins et féminins (HAEFLIGER, op.cit., p. 113, dont l'opinion sur ce
point est rendue d'une manière erronée par CAMPICHE, op.cit., p. 144,
n. 5; MAHRER, Salaire égal pour un travail de valeur égale (traduction
française), Zurich 1983, p. 25; MORAND, op.cit., ibid.); cependant, il ne
revoit les constatations de fait de l'autorité cantonale que sous l'angle
restreint de l'arbitraire (HAEFLIGER op.cit., ibid.), conformément à une
pratique constante en la matière (cf. ATF 105 Ia 19 consid. 3; KÄLIN, Das
Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, p. 177). Ces constatations
de fait le lient totalement, lorsqu'il est appelé à traiter un recours
en réforme basé sur le même moyen (art. 43 al. 3, 55 al. 1 lettre c,
63 al. 2 OJ); elles ne pourront donc être soumises à son examen que par
la voie d'un recours de droit public pour arbitraire (art. 4 al. 1 Cst.).

    d) La qualité pour recourir appartient aux particuliers et aux
collectivités lésés par des arrêtés ou par des décisions qui les
concernent personnellement ou qui sont d'une portée générale (art. 88
OJ). Ainsi, le recours de droit public n'est ouvert à un particulier que
si l'inconstitutionnalité dont il se prévaut l'atteint dans ses intérêts
personnels et juridiquement protégés. Le Tribunal fédéral examine librement
si ces conditions sont réalisées (ATF 112 Ia 94 et les arrêts cités).

    Qu'un travailleur - homme ou femme - ait qualité pour former un
recours de droit public fondé sur l'art. 4 al. 2, 3e phrase, Cst., cela
n'est pas douteux, du moment que cette disposition lui confère un droit
individuel à l'égalité de rémunération, qu'il peut invoquer directement en
justice s'il estime que son salaire n'est pas compatible avec la garantie
constitutionnelle spéciale en cause.

    Plus délicate, en revanche, est la question de savoir si l'employeur
peut, lui aussi, se prévaloir d'une violation de la même disposition pour
contester, par la voie du recours de droit public, une décision cantonale
qui ne le satisfait pas. En effet, contrairement au salarié, l'employeur
n'est pas titulaire du droit individuel créé par l'art. 4 al. 2, 3e phrase,
Cst. Aussi sa qualité pour recourir ne semble-t-elle pas évidente de
prime abord. A y regarder de plus près, elle doit pourtant être admise.

    De fait, la situation résultant de l'art. 4 al. 2, 3e phrase,
Cst. est à ce point singulière qu'il est impossible de la ranger dans
l'une ou l'autre des catégories utilisées par la doctrine pour classer les
arrêts du Tribunal fédéral touchant la qualité pour recourir (au sujet de
ces catégories, cf. par ex.: AUER, La juridiction constitutionnelle en
Suisse, nos 369 ss; KÄLIN, op.cit., p. 230 ss; ROUILLER, La protection
de l'individu contre l'arbitraire de l'Etat, in: RDS 106 (1987), II,
p. 368 ss). Sa particularité tient à ce qu'une personne - l'employeur -
s'en prend à une décision dont elle est le destinataire direct, sinon
exclusif, mais en invoquant, à titre principal, la violation d'un droit
constitutionnel dont elle n'est pas titulaire. On ne se trouve donc ici
ni dans l'hypothèse où le recourant n'est qu'indirectement visé par la
décision attaquée (cas du voisin ou du concurrent), ni dans celle où
il ne soulève qu'à titre accessoire le grief de violation d'un autre
droit constitutionnel qui, par sa nature, ne le protège pas (sur ce
dernier point, cf. ROUILLER, op.cit., p. 297, à propos de l'autonomie
communale). Dès lors, eu égard à la spécificité du droit constitutionnel
découlant de l'art. 4 al. 2, 3e phrase, Cst., la question de la qualité
pour recourir de l'employeur qui invoque la violation d'un tel droit
ne saurait être réglée à la lumière des principes jurisprudentiels
ordinairement applicables en la matière. Ces principes se rapportent,
en effet, aux cas usuels où le recourant allègue une atteinte à un droit
constitutionnel, causée par l'application de normes de rang inférieur
à la Constitution. On conçoit sans peine qu'en pareille hypothèse la
jurisprudence exige que le recourant entre dans le champ de protection
de la garantie constitutionnelle spéciale dont il se prévaut. Tout autre
est la situation de l'employeur qui se voit imposer une prestation en
vertu de l'art. 4 al. 2, 3e phrase, Cst., puisque l'on a alors affaire
à un citoyen qui est directement touché dans ses intérêts personnels
par l'application à son encontre d'une règle constitutionnelle. Il est
normal, dans un tel cas, que ce citoyen puisse faire valoir, par la voie
du recours de droit public, que l'atteinte portée à ses intérêts privés
résulte d'une violation de ladite règle, nonobstant le fait qu'il n'est
pas titulaire du droit constitutionnel créé par celle-ci. Ce n'est là
que la conséquence logique à tirer, sur le plan procédural, de l'effet
horizontal direct qui caractérise l'art. 4 al. 2, 3e phrase, Cst. et qui
en fait, outre un droit constitutionnel, une règle de droit privé. Or,
par essence, une règle de ce type concerne nécessairement les deux parties
au rapport de droit qu'elle régit. L'une et l'autre sont donc habilitées
à en critiquer l'application en recourant contre le prononcé judiciaire
qui lèse prétendument leurs intérêts personnels. Cette faculté n'est pas
l'apanage du sujet actif du droit litigieux, en d'autres termes de celui
qui possède la qualité pour agir (Aktivlegitimation); elle appartient
aussi au sujet passif de ce droit, c'est-à-dire à celui qui a qualité pour
défendre (Passivlegitimation). S'agissant, comme en l'espèce, d'un rapport
contractuel, le droit d'invoquer, dans le cadre d'un recours cantonal
ou fédéral, la violation d'une règle à laquelle ce rapport est soumis
doit dès lors être reconnu non seulement au titulaire de la prétention
(Anspruch) déduite de ladite règle, soit au créancier, mais également
à celui qui a été actionné sur cette base, soit au débiteur. Du fait
qu'il s'incorpore aux dispositions du Code des obligations relatives au
contrat de travail, l'art. 4 al. 3e phrase, Cst. ouvre ainsi la voie du
recours de droit public à l'employeur, puisque ce dernier, en raison
de l'effet horizontal produit par cette norme, est directement touché
dans ses intérêts pécuniaires par l'application à son encontre du droit
constitutionnel que la disposition précitée confère à son cocontractant.

    Au demeurant, il serait illogique de ne pas entrer en matière sur
un recours de droit public pour violation de l'art. 4 al. 2, 3e phrase,
Cst., formé par un employeur, alors que cet employeur pourrait valablement
saisir le Tribunal fédéral du même grief par la voie du recours en réforme,
pour peu que la valeur litigieuse soit égale ou supérieure à 8'000 francs.

    Quant à exiger de l'employeur qu'il fonde son recours sur l'art. 4
al. 1 Cst., en invoquant une application arbitraire de la règle de droit
privé énoncée par l'art. 4 al. 2, 3e phrase, Cst., cela reviendrait
à instaurer une inégalité de traitement entre les parties à la même
procédure. En effet, si toutes deux déposaient simultanément un recours
de droit public, en y alléguant une violation de la dernière disposition
citée, le Tribunal fédéral devrait examiner librement le grief soulevé par
le travailleur (voir lettre c) ci-dessus), tandis qu'il ne pourrait revoir
que sous l'angle de l'arbitraire le même grief formulé par l'employeur.

    En définitive, pour toutes les raisons qui viennent d'être exposées,
seule apparaît satisfaisante la solution consistant à permettre tant
à l'employeur qu'au salarié de former un recours de droit public fondé
sur l'art. 4 al. 2, 3e phrase, Cst. Aussi convient-il de l'adopter. La
recevabilité du présent recours étant ainsi démontrée, il y a lieu d'en
venir à l'analyse des griefs d'ordre matériel articulés par les recourants.

Erwägung 2

    2.- Sur le fond, la cour cantonale, à la différence du Tribunal de
prud'hommes, a jugé qu'il y avait eu, en l'espèce, violation de l'art. 4
al. 2, 3e phrase, Cst., du fait que l'intimée n'avait touché que 2'500
francs, alors qu'un comédien, professionnel comme elle, qui s'était
vu confier un rôle d'importance équivalente, avait reçu 4'000 francs,
à l'instar de ses autres collègues masculins.

    A l'encontre de cette argumentation, les recourants contestent, en
premier lieu, toute intention discriminatoire de leur part. Ils critiquent,
ensuite, les modalités de la comparaison à laquelle s'est livré le Tribunal
cantonal pour dire que les rôles pris en considération étaient d'importance
équivalente et font valoir, enfin, que l'inégalité de rémunération alléguée
par l'intimée ne résulte pas d'une discrimination à raison du sexe.

Erwägung 3

    3.- En l'espèce, la différence de rémunération entre l'intimée et
ses collègues masculins est avérée et n'est d'ailleurs pas niée par les
recourants. Il ressort en outre des constatations de fait que l'activité
de la comédienne était pour ainsi dire identique à celle des comédiens
jouant un rôle quantitativement comparable. Point n'est dès lors besoin de
rechercher si l'on a affaire à des activités distinctes, mais de valeur
égale, lesquelles entrent aussi dans le champ d'application de l'art. 4
al. 2, 3e phrase, Cst. (cf. à ce sujet: G. AUBERT, L'égalité des sexes
dans le domaine du travail, rapport présenté au colloque de Martigny des
7, 8 et 9 mai 1987 sur l'égalité des sexes, p. 25; BERENSTEIN, Der Lohn
für gleichwertige Arbeit, in: RJB 120 (1984), p. 494; CAMPICHE, op.cit.,
no 289; HAEFLIGER, op.cit., p. 110).

    Les recourants contestent en vain l'égalité des activités comparées
et l'égalité de leur valeur, en se référant à l'importance qualitative et
non pas quantitative des rôles. Sans doute peut-il être tenu compte d'une
différence qualitative existant entre les rôles pour fixer une rémunération
différente entre acteurs et actrices. Une telle différence n'a toutefois
pas été établie en l'espèce. Ce qui a justifié, aux yeux des recourants,
la différence de rémunération incriminée, c'est le fait que l'intimée
avait été engagée pour remplacer une comédienne semi-professionnelle moins
bien payée que les acteurs professionnels, et cela alors que le budget
de la pièce était déjà arrêté et qu'il n'était pas extensible. Les faits
constatés par la cour cantonale ne permettent pas non plus d'admettre
que le choix de comédiennes semi-professionnelles, à côté des comédiens
professionnels, aurait été dicté par la considération que les rôles tenus
par les premières n'étaient pas aussi importants qualitativement que ceux
joués par les seconds. On ne saurait en effet déduire de la seule existence
de comédiens semi-professionnels que les rôles assumés par ces comédiens
sont nécessairement ou logiquement moins importants. Une volonté du metteur
en scène d'attribuer les rôles importants aux professionnels et les rôles
secondaires de même durée et de même ampleur aux semi-professionnels,
telle qu'elle est alléguée par les recourants, n'a pas davantage été
établie. Dans ces conditions, on ne peut pas reprocher à la cour cantonale
d'avoir apprécié l'équivalence des activités des comédiens sur la base
de données quantitatives, soit au vu du nombre de scènes et de répliques
que comportaient les rôles tenus respectivement par l'intimée et par un
collègue acteur.

Erwägung 4

    4.- a) L'art. 4 al. 2, 3e phrase, Cst. ne garantit que l'égalité de
salaire entre hommes et femmes. Il ne trouve pas application lorsqu'il
s'agit de comparer le travail fait uniquement par des hommes ou uniquement
par des femmes. La règle constitutionnelle ne vise ainsi qu'à interdire
une discrimination entre les sexes en matière de rémunération (G.
AUBERT, op.cit., p. 21; CAMPICHE, op.cit., no 293; HAEFLIGER, op.cit.,
p. 107; KRON, Bedeutung und Problematik des Gleichberechtigungsartikels
für die arbeitsgerichtliche Rechtsprechung, in: RSJ 78 (1982), p. 122;
PLATZER, Gleicher Lohn für gleichwertige Arbeit, in: RSJ 80 (1984),
p. 302; REHBINDER, n. 7 ad art. 322; STAEHELIN, n. 21a ad art. 322;
SUTTER, op.cit., p. 122; VISCHER, n. 7 ad art. 358). Toutes les formes
de discrimination à raison du sexe du travailleur - discrimination
directe (ouverte) ou indirecte (déguisée) - tombent sous le coup de cette
interdiction (MAHRER, op.cit., p. 9/10, à propos de cette distinction). Au
demeurant, il n'est pas nécessaire qu'une telle discrimination soit
intentionnelle (HANGARTNER, op.cit., p. 191), ni même qu'elle constitue
le motif exclusif de l'inégalité de traitement (SUTTER, op.cit., p. 125
en haut). Le principe de l'égalité de rémunération doit être respecté
indépendamment des mobiles et intentions de l'employeur.

    Des différences de salaire entre hommes et femmes, pour un travail
identique ou de même valeur, ne violent cependant pas la garantie
constitutionnelle de l'égalité de rémunération, si elles reposent sur des
motifs objectifs tels que l'âge, l'ancienneté, les charges familiales,
l'expérience, le degré de qualification, les risques, etc. (CAMPICHE,
op.cit., no 292; HAEFLIGER, op.cit., p. 110; HEGNER, Salaire égal pour
un travail de valeur égale, Zurich 1981, p. 11; KRON, op.cit., ibid.;
PLATZER, op.cit., ibid.; REHBINDER, Schweizerisches Arbeitsrecht, p. 57,
et n. 7 ad art. 322; STAEHELIN, n. 21 et 21c ad art. 322; SUTTER, op.cit.,
p. 124/125; VISCHER, n. 8 ad art. 358). Ce sont là des raisons touchant
aux prestations ou à la personne du travailleur. Mais il est d'autres
circonstances objectives, elles aussi étrangères à toute considération
fondée sur le sexe, qui peuvent justifier une entorse au principe de
l'égalité de rémunération, lors même qu'elles n'ont pas trait à la
personne ou à l'activité du travailleur. Ce peut être le cas, pour ne
citer qu'un seul exemple, de la situation conjoncturelle, qui peut avoir
une incidence au moment de l'embauche de personnel nouveau. Ainsi,
des différences de salaire, dues à l'évolution de la conjoncture,
sont en principe compatibles, du moins temporairement, avec le droit à
l'égalité de rémunération, puisqu'elles ne sont aucunement liées au sexe
des travailleurs concernés (HEGNER, op.cit., p. 27/28). La prudence est
toutefois de mise dans ce domaine, car les motifs avancés pour expliquer
une inégalité de traitement entre travailleurs masculins et féminins
peuvent ne servir en réalité qu'à masquer une discrimination à raison du
sexe, surtout lorsqu'ils se rapportent à des circonstances extérieures à
la personne ou à l'activité du travailleur. Aussi convient-il d'exiger
de l'employeur qui invoque de tels motifs qu'il en établisse clairement
l'existence (art. 8 CC) et, s'il n'y parvient pas, de lui faire supporter
les conséquences de l'échec de la preuve sur ce point.

    b) Appliqués au cas particulier, ces principes conduisent à rejeter
l'opinion de la cour cantonale, selon laquelle les recourants auraient
porté atteinte à la garantie constitutionnelle de l'égalité de rémunération
en versant à l'intimée un salaire inférieur à celui d'un collègue masculin,
pour un travail équivalent.

    Il sied d'observer, préliminairement, que la différence de salaire
que l'on constate en l'espèce entre les comédiens professionnels et
les comédiennes semi-professionnelles n'est pas critiquable au regard
de l'art. 4 al. 2, 3e phrase, Cst., car elle se fonde sur un facteur
objectif touchant à la personne des travailleurs - expérience ou degré
de qualification - et non à leur sexe.

    Cette prémisse étant posée, il y a lieu de considérer ensuite les
circonstances tout à fait spéciales dans lesquelles l'intimée a été
engagée pour tenir le rôle de "Jacqueline". Il s'agissait en effet,
pour les recourants, de trouver une actrice qui fût capable de remplacer
au pied levé la comédienne semi-professionnelle à qui ce rôle avait été
confié et qui avait dû se désister pour cause de maladie. Or, l'expérience
enseigne qu'en pareille situation, l'urgence de la mesure à prendre est
susceptible de modifier les données du problème. De fait, l'employeur
qui doit absolument trouver un remplaçant peut être amené à mieux payer
celui-ci que la personne à remplacer. A l'inverse, le travailleur peut
être tenté d'accepter un emploi à titre de remplaçant à des conditions
moins favorables que celles auxquelles sa formation lui permettrait de
prétendre, soit qu'il n'ait momentanément pas d'engagement, soit qu'il
entende profiter d'une occasion qui se présente au début de sa carrière
pour démontrer ses capacités professionnelles.

    Certes, le remplacement ne constitue pas en soi une circonstance
propre à légitimer toute atteinte au droit à l'égalité de rémunération
entre hommes et femmes. Aussi ne serait-il pas admissible de traiter
différemment, à cet égard, l'acteur professionnel remplaçant un comédien
semi-professionnel et l'actrice professionnelle placée dans la même
situation. A supposer qu'il dispose des moyens financiers nécessaires,
l'employeur ne pourrait pas non plus invoquer un tel motif pour refuser
de verser au remplaçant un salaire identique à celui d'un travailleur de
l'autre sexe effectuant un travail semblable ou de même valeur, toutes
choses étant égales par ailleurs.

    Cependant, le cas particulier se distingue de cette dernière hypothèse,
puisqu'il est constant que les recourants ont dû procéder au remplacement
de l'actrice empêchée dans le cadre d'un budget strict qui ne leur
permettait pas d'offrir à l'intimée le même cachet que celui qu'ils
avaient proposé à ses collègues masculins. Preuve en est, du reste, le
fait que le metteur en scène avait été contraint de prélever 500 francs
sur son cachet pour être en mesure de verser à la remplaçante la somme
de 2'500 francs stipulée dans le contrat d'engagement.

    Il apparaît ainsi que la différence de traitement dont a fait l'objet
l'intimée n'était pas liée à des considérations fondées sur le sexe,
mais à un facteur objectif, savoir l'obligation de remplacer au plus
vite une comédienne semi-professionnelle dans les limites d'un budget
donné. Partant, la solution retenue par le Tribunal cantonal, qui ignore
cet aspect du problème, viole l'art. 4 al. 2, 3e phrase, Cst. Le recours
doit dès lors être admis sur ce point.

Erwägung 5

    5.- L'art. 343 al. 3 CO vaut aussi pour la procédure devant le Tribunal
fédéral (ATF 104 II 223 consid. 2). En revanche, il ne dispense pas la
partie qui succombe de verser à la partie adverse une indemnité à titre
de dépens (ATF 98 Ia 568 consid. 6c).