Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 112 IV 4



112 IV 4

2. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 29 janvier 1986 dans la cause S.
contre Ministère public du canton de Neuchâtel (pourvoi en nullité) Regeste

    Art. 125 Abs. 2 StGB. Fahrlässige schwere Körperverletzung.
(Verantwortung für die Sicherheit auf einer Baustelle.)

    Der Strafrichter hat unabhängig von zivil- oder
sozialversicherungsrechtlichen Überlegungen zu entscheiden, ob das
Unterakkordantenverhältnis den Bauunternehmer von jeder Verantwortung
für die Sicherheitsmassnahmen befreit (E. 3).

Sachverhalt

    A.- a) Le 21 novembre 1983, R. R., collaborateur du "groupe de montage
indépendant" dirigé par son frère G. R., était occupé à la réfection
du toit de la halle du Centre de tennis des Montagnes neuchâteloises,
à La Chaux-de-Fonds. Alors qu'il se déplaçait à proximité du faîte sans
s'être assuré, il a glissé sur les tôles mouillées, puis est tombé sur le
sol. La chute d'une hauteur de plus de 10 m lui a occasionné des lésions
corporelles graves.

    b) La réfection de la toiture en cause avait été confiée apparemment à
la maison M. AG, à Zurich, qui en avait chargé une autre entreprise, soit
E. AG. E. AG s'est à son tour adressée, pour l'exécution de ces travaux
en sous-traitance, au "groupe de montage indépendant", dirigé par G. R.

    c) S. est président du conseil d'administration et directeur
d'E. AG. Il lui a été reproché, en sa qualité de responsable de cette
société, de ne pas s'être soucié de faire respecter les normes de sécurité
nécessaires.

    Le 14 août 1985, le Tribunal de police du district de La Chaux-de-Fonds
a condamné S., pour lésions corporelles graves par négligence au sens
de l'art. 125 al. 2 CP, à une peine de 10 jours d'emprisonnement avec
sursis pendant 2 ans. La Cour de cassation pénale du canton de Neuchâtel,
statuant le 17 octobre 1985, a rejeté le recours du condamné.

    B.- S. a formé un recours de droit public et un pourvoi en nullité
contre l'arrêt du 17 octobre 1985.

    Le recours de droit public a été déclaré irrecevable le 29 janvier
1986.

    Au terme du pourvoi, le recourant conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision dans le sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'ordonnance du Conseil fédéral du 17 novembre 1967 concernant
la prévention des accidents dans les travaux de toiture et les travaux
exécutés sur les toits (RS 832.311.15) prévoit à l'art. 14 l'établissement
de ponts d'échafaudages en contrebas du chéneau ou, d'après l'art. 15,
la construction d'une paroi de protection d'au moins 60 cm, au-dessus
du chéneau, mesures destinées à prévenir les risques de chute. Il n'est
pas contesté ici qu'aucune de ces règles élémentaires n'a été observée.
Si l'on avait exécuté ces mesures de protection, la chute aurait été
évitée.

Erwägung 2

    2.- Le recourant ne conteste ni la nécessité des mesures prévues
aux art. 14 et 15 de l'ordonnance précitée, ni la causalité entre leur
omission et la survenance des lésions corporelles graves occasionnées
au blessé. Il soutient cependant que sa responsabilité pénale ne saurait
être engagée par cette fatale négligence.

    Son argumentation repose en premier lieu sur le fait que les
travaux ont été confiés à un groupe de montage indépendant; ainsi, la
responsabilité relative aux mesures de prévention des accidents aurait
été également transmise au sous-traitant G. R., qui dirigeait ce groupe.
Deuxièmement, au sein d'E. AG, ce n'était pas le condamné qui s'occupait
de l'exécution de ce mandat, mais bien l'employé K., qui avait transmis
à G. R. des indications en vue de la construction d'une paroi de
protection. Que G. R. ait spontanément renoncé à exécuter les mesures
prévues par E. AG ne saurait, selon le recourant, être retenu à sa charge.

Erwägung 3

    3.- Dans l'arrêt de la cour de céans cité par le condamné, la
question de savoir si l'entreprise, qui confie à un groupe de montage
indépendant des travaux en sous-traitance, est également responsable
de l'inobservation des mesures de sécurité n'a nullement été abordée;
il s'agissait d'un accident survenu à V., qui concernait aussi E. AG
(arrêt du 7 octobre 1985 dans la cause N. et S. c. Grisons, Ministère
public). Que, dans ce premier cas, l'enquête pénale n'ait pas été dirigée
contre le recourant n'exclut pas d'emblée sa responsabilité pénale ici,
même si les circonstances paraissent semblables. Deux accidents graves
frappant, en mai puis en novembre 1983, des sous-traitants chargés
par le même mandant de travaux sur des toitures démontrent clairement
l'importance pratique du problème de la coresponsabilité éventuelle de
l'entreprise qui donne des travaux de montage en sous-traitance.

    a) Savoir si l'obligation de prendre des mesures de sécurité peut être
entièrement déléguée par le contrat de sous-traitance, ou s'il subsiste
une coresponsabilité de l'entrepreneur principal déléguant, ne dépend ni
de la qualification du droit civil (voir G. GAUTSCHI, Der Werkvertrag,
in Berner Kommentar, Berne 1967, n. 15a relative à l'art. 363 CO), ni du
point de vue du droit des assurances sociales sur les liens contractuels
concernés (voir F. VISCHER, Le contrat de travail, in Traité de droit
privé suisse, Fribourg 1982, vol. VII, t. I/2, par. 55 p. 32 I). Il
appartient au juge pénal de dire de façon indépendante si les organes de
l'entreprise principale conservent une sorte d'obligation de surveillance
en matière de mesures de sécurité ou si elle peut entièrement laisser au
sous-traitant le soin de s'organiser à cet égard.

    b) Dans les contrats de sous-traitance du genre de ceux que conclut
E. AG, l'accord des volontés respectives de l'entrepreneur principal
et du sous-traitant porte sur l'engagement de forces de travail, sous
la forme d'un groupe réuni et conduit par le sous-traitant, en vue de
l'exécution d'une tâche précise s'inscrivant dans le cadre du mandat,
accepté par l'entrepreneur principal, concernant un ouvrage à exécuter
(ici la réfection d'un toit). Le groupe de travail agit selon les
instructions de l'entrepreneur principal. En général, la rétribution
convenue n'est pas fonction du temps de travail, mais prend la forme d'un
montant forfaitaire ou dépendant de la quantité produite. Le groupe de
montage du sous-traitant se substitue aux travailleurs de l'entreprise
principale; cette dernière n'a pas à se soucier du recrutement et du choix
des collaborateurs du groupe indépendant; il appartient au sous-traitant
de régler ces problèmes. Mais il en résulte que le groupe de montage
indépendant travaille pratiquement pour l'entrepreneur principal de
manière tout à fait semblable à ce que ferait un groupe composé de ses
propres collaborateurs, c'est-à-dire comprenant des personnes qu'il
aurait engagées individuellement. En l'espèce, l'assurance du groupe
indépendant auprès de la CNA a été contractée par l'entrepreneur principal
comme celle qui concerne ses propres travailleurs. Il existe un rapport de
subordination liant le sous-traitant à l'entrepreneur principal. Le premier
met les forces de travail de son groupe à la disposition de l'entreprise
principale, dont les organes donnent les instructions nécessaires pour
l'exécution du travail convenu.

    c) En résumé, du point de vue du droit civil, le sous-traitant et son
groupe sont liés à l'entrepreneur principal par un contrat qui se situerait
entre le contrat de travail (en raison du rapport de subordination et des
instructions à observer) et le contrat d'entreprise (rémunération pour
l'exécution d'un ouvrage). Cette similitude indéniable avec la position
d'un ouvrier ou d'un employé et le pouvoir général de surveillance
et de direction qui reste aux organes de l'entreprise principale, au
service de laquelle le groupe se trouve, conduisent à la conclusion que
les responsables de l'exécution de l'ouvrage dans sa totalité doivent
également veiller au respect des normes de sécurité exigibles afférentes
au travail en sous-traitance du groupe.

    Le fait qu'un employé d'E. AG ait ici discuté de l'installation d'une
paroi de protection avec le chef du groupe de montage indépendant vient
nettement à l'appui de cette conclusion. L'intervention de K. auprès
de G. R. se comprend seulement dans la mesure où E. AG conservait
au moins une obligation de surveillance en matière de prévention
des accidents. Admettre un transfert total de cette responsabilité
au sous-traitant ne correspondrait ni à la situation de fait, ni aux
intérêts en présence; en effet, le chef du groupe de montage devrait
assumer entièrement seul la charge de prendre des mesures de protection
renchérissant ou ralentissant éventuellement les travaux, alors que les
personnes responsables de l'exécution de l'ouvrage dans son ensemble
seraient autorisées à s'en remettre aux directives insuffisantes et
risquées, mais financièrement avantageuses pour elles, fixées par le
sous-traitant. L'entrepreneur principal, qui remet en sous-traitance à
un groupe indépendant des travaux de toitures difficiles et comportant
des risques, ne peut ainsi se soustraire à l'obligation de veiller au
respect des mesures de sécurité nécessaires. Le contrat de sous-traitance
n'implique pas le transfert complet, au sous-traitant, de la responsabilité
d'ordonner et de faire prendre les mesures de prévention des accidents
commandées par la nature des travaux en cause; il subsiste au contraire
une obligation pour les organes responsables de l'entreprise principale de
veiller, selon les moyens à disposition, à l'observation des prescriptions
destinées à prévenir les accidents.

Erwägung 4

    4.- Pour se conformer à cette obligation de faire respecter
des mesures de sécurité déterminées, il ne suffit pas qu'un employé
subalterne de l'entreprise principale se contente d'indiquer au chef
du groupe de montage qu'il faudrait installer un échafaudage ou une
paroi de protection. En tant que directeur responsable de l'entreprise
principale, le recourant ne s'est pas suffisamment soucié de la question
de la prévention des accidents; il ne soutient pas avoir entrepris
quoi que ce soit, même après l'accident de V., en vue de s'assurer que
les sous-traitants connaissaient et appliqueraient les prescriptions
concernant la prévention des accidents dans les travaux de toitures,
normes de sécurité qui ne sont manifestement pas inutiles. Il est
vrai que le rôle de K., qui devait étudier la question, démontre que,
du côté d'E. AG, l'on était conscient du risque et de la difficulté de
faire respecter les mesures de sécurité. Mais on ne saurait voir là une
tentative sérieuse d'y remédier. Il convient en conséquence de retenir à
la charge du recourant qu'il n'a pas agi en vue de faire respecter, dans la
mesure de ses moyens, les art. 14, 15 et 18 de l'ordonnance du 17 novembre
1967, en donnant par exemple des instructions claires et en contrôlant
leur bonne exécution avant le début des travaux de toiture concernant un
nouveau chantier. L'omission de telles mesures constitue une négligence,
qui est une cause concomitante de l'accident du 21 novembre 1983. Dès lors,
l'arrêt attaqué ne contient pas de violation du droit fédéral.