Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 112 IA 382



112 Ia 382

61. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 16 décembre 1986
dans les causes 1) Fédération des associations de quartiers et d'habitants
(FAQH) et dame Cousin, 2) dame Carrard et consorts contre Grand Conseil
du canton de Genève (recours de droit public) Regeste

    Art. 85 lit. a OG; Ungültigerklärung einer Initiative, die darauf
abzielt, in die kantonale Verfassung das Recht auf Wohnung aufzunehmen.

    Um das Recht auf Wohnung zu gewährleisten, will die fragliche
Initiative die Bodenspekulation, das Ansteigen der Mietzinse sowie den
Wohnungsmangel bekämpfen und die Einflussmöglichkeiten der Bewohner
verstärken: diese Zielsetzung steht an sich nicht im Widerspruch zum
Bundesrecht (E. 4). Hingegen sind die konkret vorgeschlagenen Massnahmen,
d.h. das Einfrieren der Landpreise und der Zwang zur Vermietung leerer
Wohnungen, so allgemein gefasst, dass sie mit dem Bundesrecht unvereinbar
sind (E. 5). Da diese konkreten Massnahmen den wesentlichen Teil der
Initiative ausmachen und es sich bei den anderen Punkten bloss um
Grundsatzerklärungen handelt, die zwar verfassungskonform, aber von
untergeordneter Bedeutung sind, verletzt es im vorliegenden Fall das
Initiativrecht der Bürger nicht, dass das Volksbegehren als ungültig
erklärt wurde (E. 6).

Sachverhalt

    A.- Le 11 février 1982, la Fédération des associations de quartiers
et d'habitants, à Genève (ci-après: la FAQH), a déposé à la chancellerie
d'Etat du canton de Genève, munie du nombre de signatures nécessaires,
une initiative populaire pour le droit au logement. Il s'agissait d'une
initiative entièrement rédigée, qui tendait à insérer dans la Constitution
cantonale un nouvel art. 10A ayant la teneur suivante:

    "1 Le droit au logement est garanti.

    2 L'Etat avec l'aide de la population crée et encourage les conditions
   qui permettent à chacun de disposer d'un logement convenable.

    3 A cette fin, il prend, entre autres, des mesures pour:

    a) lutter contre la spéculation foncière et immobilière, les hausses
   de loyers, en gelant notamment de cas en cas le prix des terrains;

    b) combattre la pénurie de logements et notamment le phénomène des
   logements vides en ordonnant au besoin leur remise sur le marché
   du logement;

    c) garantir le pouvoir de décision des habitants sur l'aménagement,
   la rénovation et l'entretien de leur quartier, région ou village en
   donnant notamment aux parlements communaux la compétence d'adopter
   les plans d'aménagement."

    L'étude de l'initiative fut confiée à la Commission du logement et MM.
Alexandre Berenstein, professeur honoraire de l'Université de Genève,
et Pierre-Louis Manfrini, avocat au Barreau de Genève, furent chargés par
le Conseil d'Etat d'examiner la constitutionnalité du texte proposé. Se
fondant sur les avis de droit de ces experts, la Commission du logement
décida, par neuf voix contre quatre, de recommander au Grand Conseil
de déclarer l'initiative irrecevable parce qu'inconstitutionnelle,
et proposa de ne pas entrer en matière sur la possibilité de rédiger
un contreprojet. La minorité de la commission suggérait de déclarer
l'initiative recevable, mais de refuser d'entrer en matière afin de
lui opposer un contreprojet. Dans sa séance du 19 avril 1985, le Grand
Conseil genevois, suivant l'avis de la majorité de la commission, déclara
l'initiative irrecevable.

    Agissant par la voie du recours de droit public, la FAQH et Charlotte
Cousin, électrice genevoise, ont demandé au Tribunal fédéral d'annuler
cette décision. Elles invoquaient une violation des droits politiques des
citoyens (art. 85 lettre a OJ), et plus précisément du droit d'initiative
garanti par la Constitution genevoise. Par un recours de droit public
distinct, Anne-Claire Carrard, Jean-Claude Ludi, Denis Matthey et Daniel
Marco ont également requis le Tribunal fédéral d'annuler la décision du
Grand Conseil du 19 avril 1985. Ces recourants invoquaient une violation
de l'art. 66 Cst. gen.; d'après eux, le Grand Conseil était tenu de
soumettre l'initiative au vote populaire nonobstant ses doutes sur la
constitutionnalité de certains passages du texte proposé. Le Tribunal
fédéral a rejeté les recours dans la mesure où ils étaient recevables.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- a) Dans une large mesure, les autorités cantonales comme les
recourants sont d'accord pour reconnaître qu'en soi l'al. 1 du texte
proposé par l'initiative (le droit au logement est garanti) et l'al. 2
(l'Etat avec l'aide de la population crée et encourage les conditions qui
permettent à chacun de disposer d'un logement convenable) ne sont pas
contraires au droit fédéral (cf. Mémorial des séances du Grand Conseil
No 19, séance du 19 avril 1985 - ci-après: Mémorial -, p. 2082-2085,
2098-2100, 2109).

    Il résulte du texte clair de ces deux alinéas que l'initiative entend
affirmer un droit social en lui donnant rang de droit constitutionnel,
tout en précisant l'objectif moyennant l'inscription d'une compétence et
d'une obligation constitutionnelles de l'Etat.

    b) Les divergences commencent avec le texte de l'al. 3 du projet,
qui impose à l'Etat l'obligation constitutionnelle de prendre certains
moyens et mesures pour:

    "a) lutter contre la spéculation foncière et immobilière, les hausses
   de loyers, en gelant notamment de cas en cas le prix des terrains;

    b) combattre la pénurie des logements et notamment le phénomène des
   logements vides, en ordonnant au besoin leur remise sur le marché
   du logement;

    c) garantir le pouvoir de décision des habitants sur
   l'aménagement, la rénovation et l'entretien de leur quartier, région
   ou village, en donnant notamment aux parlements communaux la compétence
   d'adopter les plans d'aménagement."

    aa) Abstraction faite de la mesure concrète proposée à la fin de
la lettre a (gel du prix des terrains), les moyens d'action envisagés
(lutte contre la spéculation foncière et immobilière, contre les hausses
de loyers) ne sont, selon l'avis de droit de M. Berenstein, "pas en
eux-mêmes contraires au droit fédéral" (Mémorial, p. 2085 ch. 16). Me
Manfrini n'est pas du même avis en ce qui concerne la hausse des loyers;
il estime qu'étant donné la législation déjà en vigueur à Genève en matière
de contrôle des loyers, la nouvelle disposition proposée par l'initiative
est dénuée de toute portée pratique et heurte au demeurant le principe de
la force dérogatoire du droit fédéral (Mémorial, p. 2100-2102). Toutefois,
ni le rapport de la Commission du logement (Mémorial, p. 2067, 2073 ch. 3)
ni les interventions des députés au Grand Conseil (Mémorial, p. 2115
ss) ne reprennent la thèse de Me Manfrini. Il faut donc considérer que
l'argumentation juridique du Grand Conseil, sur ce point, rejoint celle
de M. Berenstein. Avec raison d'ailleurs, car a priori il n'est pas au
pouvoir du Parlement de s'opposer à l'inscription d'un principe juridique
dans la Constitution, pour le motif qu'actuellement le postulat en cause
se trouverait déjà pleinement réalisé par des moyens déterminés prévus
par la législation cantonale en vigueur.

    bb) La lutte contre la pénurie de logements et notamment le phénomène
des logements vides (al. 3 lettre b) représente, selon M. Berenstein,
un postulat qui, comme tel et indépendamment de la mesure concrète
prévue (remise obligatoire sur le marché des logements vides), "pourrait
sans difficulté être inscrit dans la Constitution" (Mémorial, p. 2089
ch. 26). Me Manfrini ne se prononce pas sur ce point, et limite ici
son exposé aux mesures concrètes de "réquisition des logements vides"
(Mémorial, p. 2105-2107); il reconnaît toutefois que "l'objectif de la
lutte contre la pénurie de logements répond à un impératif suffisamment
fort de solidarité sociale reconnu par le Tribunal fédéral pour justifier
des atteintes substantielles aux libertés constitutionnelles, mais pas
au prix de dérogations sans limite" (p. 2106).

    cc) La garantie du pouvoir de décision des habitants en matière
d'aménagement et l'attribution aux communes de la compétence d'adopter
les plans d'aménagement (al. 3 lettre c) ne font l'objet d'aucune critique
quant à leur constitutionnalité de principe (cf. Mémorial, p. 2092/2093,
2107-2109).

Erwägung 5

    5.- Reste la question de savoir si les mesures concrètes proposées
aux al. 3a (gel du prix des terrains) et 3b (remise obligatoire sur le
marché des logements vides) sont ou non conformes au droit fédéral. Dans
cet examen, le texte de l'initiative doit être interprété pour lui-même et
non d'après la volonté subjective des initiants (ATF 105 Ia 154 consid. 3a
et 366 consid. 4), étant rappelé que dans le cas d'une initiative rédigée,
la marge d'interprétation est plus étroite que dans celui d'une initiative
non rédigée (ATF 105 Ia 366 consid. 4). En outre, c'est en principe
l'interprétation qui conduit à la conformité avec le droit supérieur qui
doit être retenue; toutefois, cette interprétation conforme ne saurait
aboutir à modifier le sens littéral d'une norme formulée de manière claire
et non équivoque (ATF 111 Ia 25 et les références).

    a) Le texte de l'al. 3 a proposé par l'initiative est dépourvu
d'ambiguïté. Afin de réaliser le droit de chacun au logement, l'Etat peut
et doit prendre des mesures permettant de lutter contre la spéculation
foncière et immobilière et les hausses de loyers, notamment le gel du
prix des terrains. Sur ce point, l'initiative ne demande pas que l'Etat
gèle sans aucune discrimination le prix de tous les terrains du canton,
mais seulement "de cas en cas". Selon les recourantes FAQH et Cousin, cela
signifie que le législateur cantonal "peut et doit évaluer ponctuellement
l'opportunité d'une telle mesure lorsque l'intérêt public l'exige, en
respectant au surplus le principe de la proportionnalité et de l'égalité
de traitement". La limitation du prix du terrain constituerait d'ailleurs
un procédé déjà connu, dans certaines hypothèses, par le droit genevois,
le droit agricole connaissant de son côté un régime très contraignant
de contrôle des prix. Pour les recourants Carrard et consorts, le gel
du prix des terrains serait une sorte de succédané, moins incisif,
de l'expropriation pour cause d'utilité publique en vue de réaliser un
projet de construction de logements sociaux.

    Une telle interprétation, qui n'admettrait le gel du prix des terrains
que dans un certain nombre de cas restreint, n'apparaît toutefois pas
compatible avec le texte de l'initiative formulée. Certes, le "gel"
n'est envisagé que comme une mesure de lutte contre la spéculation et la
hausse des loyers en vue d'assurer à chacun le droit au logement. L'Etat
ne saurait décréter une telle mesure dans une autre perspective et avec
un autre objectif. Mais le champ d'application est très vaste et rien,
dans le texte de l'initiative, ne permet de restreindre la portée de
la mesure dans le sens que l'Etat ne pourrait y recourir que dans des
conditions particulières bien définies, et qui s'harmoniseraient avec
toutes les exigences du droit supérieur. La comparaison avec les mesures
de limitation de prix actuellement en vigueur, voire avec l'institution de
l'expropriation, n'est nullement déterminante, car ces mesures s'inscrivent
précisément dans des textes légaux qui en définissent clairement les
conditions. Or le libellé de la clause litigieuse à l'al. 3 lettre a -
à l'exception de la formule "de cas en cas" qui fait simplement obstacle à
une application généralisée dans tout le domaine foncier constructible - ne
contient ni précisions ni directives permettant d'admettre que la mesure du
gel du prix des terrains dans le contexte du droit au logement, ne serait
autorisée que dans des hypothèses restreintes et avec des effets limités.

    Il appartiendra peut-être à l'Etat "d'interpréter et d'appliquer
cette mesure de façon conforme à la Constitution"; encore faudrait-il
que le texte même de l'initiative fournisse les éléments nécessaires à
une telle interprétation et application conformes. Tel n'est pas le cas
en l'espèce, et c'est à tort que les recourantes FAQH et Cousin invoquent
l'arrêt Comité contre la loi sur la police du 6 juillet 1983 (ATF 109 Ia
159 consid. 8b); le texte de l'art. 17E al. 4 de la loi genevoise sur la
police du 18 septembre 1981, alors en discussion, contenait précisément,
encore que sommairement, les directives spécifiques et restrictives dont
l'interprétation permettait de dire que la norme en cause n'était pas
inconstitutionnelle.

    N'étant soumise à aucune condition ni contrepartie quelconque, la
mesure du gel du prix des terrains proposée par l'initiative revêt un
caractère de généralité qui la rend incompatible avec le droit fédéral. En
effet, dans le système du Code des obligations, le prix de vente est
en principe librement fixé par la volonté des parties, exprimée de
manière concordante (art. 19 et 184 CO). Les cantons ne peuvent déroger
à cette règle, par des dispositions de droit public, qu'aux conditions
de l'art. 6 CC, qui exige notamment que de telles dispositions de droit
public n'éludent pas le droit fédéral ni n'en contredisent le sens ou
l'esprit. Le gel du prix des terrains voulu par l'initiative, avec son
caractère de généralité, implique directement une restriction majeure à la
liberté contractuelle, sans aucune contrepartie; il est donc contraire au
droit fédéral (notamment art. 2 Disp. trans. Cst., art. 6 CC). C'est dès
lors avec raison que le Grand Conseil a déclaré l'initiative irrecevable
sur ce point.

    b) L'argumentation qui vient d'être développée à propos du gel du prix
des terrains s'applique aussi, mutatis mutandis, à la mesure concrète de
la remise obligatoire sur le marché des logements vides, préconisée à
l'al. 3 lettre b. Ici aussi, le texte est clair et sa portée générale
n'est limitée que par la clause vague selon laquelle la remise sur le
marché des logements vides ne devrait être ordonnée qu'"au besoin". Aucune
indication n'est donnée sur les conditions et les modalités d'exercice de
cette mesure. Le Tribunal fédéral ne saurait donc, par le biais d'une
interprétation conforme, en limiter la portée en l'assortissant de
restrictions qui ne trouvent aucun fondement dans le texte.

    A l'évidence, il s'agit d'une location forcée, imposée par l'Etat aux
propriétaires, contre leur gré. Une telle mesure indifférenciée viderait
le droit de propriété (art. 641 CC) ainsi que le principe de la liberté
contractuelle de leur substance essentielle. Une atteinte aussi grave
ne pourrait se justifier que dans les cas, aux conditions et selon les
modalités d'une expropriation, dont les principes sont déjà fixés dans
le droit fédéral et le droit genevois. Toutefois, rien dans le texte
et la structure générale de l'initiative ne permet de l'interpréter
en ce sens que l'ordre de remettre sur le marché un logement vide ne
pourrait être donné par l'Etat qu'aux conditions et selon les formes de
l'expropriation. Le fait que l'objectif visé pourrait être atteint d'une
autre façon, à savoir précisément, sous certaines conditions, par la voie
de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'est manifestement pas
de nature à justifier la mesure différente et inconditionnée préconisée
par l'initiative (cf. Mémorial, p. 2091 No 30).

    C'est dès lors à juste titre que, sur ce point aussi, le Grand Conseil
a décidé que l'initiative était irrecevable.

Erwägung 6

    6.- L'initiative en cause étant partiellement recevable (consid. 4
ci-dessus) et partiellement irrecevable (consid. 5), la question se pose
de savoir quelle conclusion le Grand Conseil devait en tirer.

    a) En l'absence - comme en l'espèce - d'une réglementation cantonale
ad hoc, la jurisprudence constante du Tribunal fédéral admet que le
Parlement cantonal a la faculté, mais pas l'obligation, de déclarer
irrecevable et donc de refuser de soumettre à la votation populaire une
initiative contraire au droit fédéral. Il est toutefois difficilement
compréhensible que le législateur cantonal soit habilité à soustraire
une initiative au vote populaire pour des motifs juridiques, mais que la
voie de la nullité partielle, plus respectueuse de la volonté des auteurs
de l'initiative, lui soit interdite. Aussi bien, selon la jurisprudence
récente, l'autorité chargée de l'examen d'une initiative doit-elle s'en
tenir à une simple déclaration de nullité partielle lorsque l'on peut
admettre de façon raisonnable que les signataires de l'initiative auraient
aussi souscrit à la seule partie restante de l'initiative. Dans l'arrêt
Cristin du 28 septembre 1979 (ATF 105 Ia 365 consid. 3), le Tribunal
fédéral a notamment exposé à cet égard que "la sanction doit demeurer
proportionnée à l'inobservation de la norme juridique; or, si le vice
ne frappe qu'une partie mineure de l'initiative sans en atteindre le
fondement ou la raison d'être, une déclaration d'irrecevabilité totale
pourrait paraître une sanction excessive, au regard du droit fédéral. Il
faut observer d'autre part que le respect de la volonté des signataires
de l'initiative empêche qu'on soumette au vote populaire une initiative
amputée d'une partie de son contenu sans leur accord exprès... ou présumé
(lorsqu'on peut raisonnablement admettre que les signataires auraient donné
leur accord à l'initiative, même sans sa partie viciée)." Cette solution,
qui sauvegarde aussi bien le respect de la volonté des signataires que le
principe de la proportionnalité, a recueilli l'approbation de la plupart
des auteurs (ATF 110 Ia 182 avec les arrêts et la doctrine cités).

    b) Les al. 1 et 2 de l'initiative se présentent comme des
dispositions-programmes, le premier prévoyant la garantie d'un droit
au logement, le second l'intervention de l'Etat en la matière. Cette
affirmation de principes répond peut-être à la tendance récente qui veut
que l'on inscrive des droits sociaux dans les constitutions modernes
(cf. initiative fédérale du Mouvement populaire des familles de 1967
concernant l'inscription d'un tel droit dans la Constitution fédérale,
rejetée par le peuple et les cantons, mais soutenue par le peuple
genevois à 78,4%; art. 26 al. 1 lettre e proj. Cst. CExp. 1977, FF 1985
III 181; art. 22 Cst. jur.; § 25 al. 2 lettre c Cst. arg. du 25 juin
1980). Toutefois, dans le cas particulier, l'objectif des initiants n'a pas
été de proposer l'inscription de principes qui étaient déjà appliqués, dans
le cadre de l'action menée par les pouvoirs publics en matière de politique
de logement, mais de faire adopter des moyens nouveaux, plus incisifs,
"entre autres" le gel du prix des terrains (al. 3 lettre a), la relocation
obligatoire des logements vides (al. 3 lettre b) et l'attribution aux
parlements communaux de la compétence d'adopter les plans d'aménagement
(al. 3 lettre c). Dans l'exposé des motifs de l'initiative, les auteurs
disaient eux-mêmes que la garantie du droit au logement ... "n'est pas
suffisant(e), encore faut-il qu'il y ait des logements bon marché. Pour
cela, il est nécessaire de geler le prix des terrains. Seule cette mesure
permettra d'empêcher de spéculer sur les terrains, c'est-à-dire que le fait
d'être propriétaire n'entraînera pas le droit d'acheter et de revendre des
terrains en les faisant chaque fois augmenter de valeur ...". L'objectif
était donc clair. Il est d'ailleurs significatif que les deux seuls
exemples cités - hormis celui de la lettre c non critiqué et à portée
limitée (simple règle attributive de compétence) -, alors que le texte en
suggérerait éventuellement d'autres par les expressions "entre autres" et
"notamment", sont précisément les deux mesures jugées inconstitutionnelles:
le gel du prix des terrains et la relocation obligatoire. Comme l'ont
relevé de manière pertinente et digne de confiance les experts consultés
en l'espèce, ces deux moyens d'action concrets forment en réalité la
partie essentielle de l'initiative, son noyau, les autres éléments ne
constituant que des affirmations de principes, certes conformes à la
Constitution, mais de portée mineure. Dès lors, éliminer du texte les
seules parties jugées inconstitutionnelles, mais essentielles, c'était
d'une part trahir la volonté des auteurs de l'initiative, qui voyaient
en elles le seul moyen de modifier le droit en vigueur. D'autre part,
se borner à inscrire dans la Constitution cantonale des principes déjà
connus et appliqués pouvait amener les signataires de l'initiative à
considérer que leur attente avait été trompée.

    Par conséquent, en déclarant l'initiative irrecevable - même amputée
des membres de phrase "en gelant notamment de cas en cas le prix des
terrains" (al. 3 lettre a) et "en ordonnant au besoin leur remise sur
le marché du logement" (al. 3 lettre b) -, le Grand Conseil genevois n'a
pas violé le droit d'initiative des citoyens garanti par les art. 64 ss
Cst. gen.