Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 112 IA 318



112 Ia 318

49. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 7 novembre 1986 dans la cause
Wyssa c. Grand Conseil du canton de Genève (recours de droit public)
Regeste

    Art. 31 Abs. 2 BV: Führen des Anwaltstitels.

    Art. 5 des Genfer Gesetzes über den Anwaltsberuf, der das Führen
des Anwaltstitels jedem Inhaber verbietet, der nicht im Verzeichnis
der praktizierenden Anwälte aufgeführt ist, verstösst gegen das
Verhältnismässigkeitsprinzip.

Sachverhalt

    A.- Le 14 mars 1985, le Grand Conseil du canton de Genève a adopté
la loi sur la profession d'avocat (LPAv), dont l'art. 5 prévoit que:

    "Nul ne peut faire état du titre d'avocat dans son activité
   professionnelle s'il n'est inscrit au tableau des avocats."

    La loi sur la profession d'avocat a été publiée dans la Feuille
d'avis officielle du canton de Genève du 27 mars 1985. Après l'échéance
du délai référendaire, le Conseil d'Etat a, par arrêté du 8 mai 1985,
promulgué la loi et fixé son entrée en vigueur au 11 mai 1985.

    Gérard Wyssa a formé auprès du Tribunal fédéral un recours de droit
public contre l'art. 5 LPAv, dont il demande l'annulation. Il expose en
bref qu'après avoir passé son doctorat à l'Université de Lausanne, il
a effectué un stage d'avocat et a obtenu le brevet d'avocat vaudois en
juillet 1952. Il a ensuite exercé son activité au service de la Société
Fiduciaire Suisse de 1952 à 1969 puis, comme cadre, auprès de MM. Lombard,
Odier & Cie, banquiers à Genève. Bien qu'il n'ait jamais pratiqué le
barreau en dehors de son stage, il a toujours mentionné sur son papier à
lettres privé, comme sur ses cartes de visite professionnelles, qu'il est
docteur en droit et avocat. Le recourant estime dès lors que la restriction
imposée par l'art. 5 LPAv au port du titre d'avocat viole les art. 31 et
113 Cst.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé l'art. 5 LPAv.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l'avocat
bénéficie de la liberté du commerce et de l'industrie garantie par
l'art. 31 Cst., au même titre que les personnes qui exercent une autre
profession libérale ou une autre activité lucrative de droit privé (ATF
110 Ia 102 consid. 5, 106 Ia 103; arrêt non publié dans la cause Sauvin
c. Conseil d'Etat du canton de Genève du 18 octobre 1985, consid. 2). La
protection de l'art. 31 Cst. s'étend d'ailleurs non seulement aux
indépendants, mais aussi aux employés salariés qui, comme le recourant,
sont atteints dans leurs droits juridiquement protégés (ATF 84 I 21).

    Les cantons peuvent cependant apporter à la liberté constitutionnelle
du commerce et de l'industrie des restrictions consistant notamment en
des mesures de police justifiées par l'intérêt public. Ces mesures doivent
tendre à sauvegarder la tranquillité, la sécurité, la santé et la moralité
publiques, à préserver d'un danger ou à l'écarter, ou encore à prévenir les
atteintes à la bonne foi en affaires par des procédés déloyaux et propres
à tromper le public (ATF 109 Ia 70 consid. 3a, 106 Ia 269 consid. 1). Les
mesures de police doivent cependant reposer sur une base légale, être
justifiées par un intérêt public prépondérant et, selon le principe de
la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation
des buts d'intérêt public poursuivis (ATF 111 Ia 105 consid. 4, 110 Ia
102 consid. 5a et les arrêts cités).

    b) En l'espèce, l'art. 5 de la loi genevoise sur la profession d'avocat
réserve le port du titre d'avocat aux seuls avocats pratiquants, dont
l'inscription au tableau tenu par le Procureur général (art. 30 LPAv)
indique qu'ils sont soumis à surveillance et doivent respecter les
obligations générales de l'avocat (art. 8 ss LPAv). Le Conseil d'Etat
relève que le législateur a ainsi voulu protéger le public à l'égard des
personnes qui ont subi les épreuves en vue d'obtenir un brevet d'avocat,
mais ne se soumettent pas aux obligations qu'impose l'exercice de la
profession.

    L'intérêt public peut certes commander qu'un canton édicte des
dispositions afin d'éviter que le public soit trompé sur l'existence
de la surveillance d'une profession libérale qui n'est pas soumise
à autorisation, comme c'est le cas, à Genève, des bureaux privés qui
exercent des activités de conseillers juridiques et représentent aussi
leurs clients en dehors des tribunaux. Exercées à titre indépendant, ces
activités sont en effet de nature à créer la confusion avec le travail
de l'avocat qui non seulement assiste et représente ses mandants devant
les autorités judiciaires et administratives (art. 1 al. 1 LPAv), mais
les représente également à l'égard des tiers et donne des conseils en
matière juridique (art. 1 al. 2 LPAv). Il existe donc un intérêt public
certain à empêcher que les particuliers s'adressant à des conseillers qui
font état de leur titre d'avocat, sans avoir besoin d'une autorisation
pour pratiquer et sans être inscrits au tableau, croient à tort que leur
mandataire est soumis à la surveillance du barreau et doit respecter les
obligations générales d'un avocat.

    La restriction prévue par l'art. 5 LPAv repose ainsi sur une
base légale et constitue une mesure de police répondant à un intérêt
public. Il s'agit dès lors de savoir si elle respecte le principe de la
proportionnalité, c'est-à-dire si elle est limitée à ce qui est nécessaire
à la réalisation du but d'intérêt public poursuivi.

    c) Insistant sur l'intérêt qu'il a à se prévaloir de son titre dans ses
relations professionnelles, le recourant soutient que le justiciable mal
informé ne risque pas de confondre une étude d'avocats avec une banque,
une compagnie d'assurance ou un service de l'administration. Il estime
dès lors que l'art. 5 LPAv viole le principe de la proportionnalité,
car le législateur genevois aurait pu atteindre le but de protection
visé en prescrivant l'adjonction de la mention "inscrit au tableau des
avocats pratiquants" pour les avocats autorisés à pratiquer devant les
tribunaux ou, plus subsidiairement encore, en prescrivant aux avocats non
pratiquants l'utilisation du titre d'"avocat-conseil" ou de la mention
"titulaire d'un brevet d'avocat".

    L'interdiction posée par l'art. 5 LPAv revient à empêcher tout
juriste - qui a obtenu un brevet d'avocat dans le canton de Genève ou
dans un autre canton - de faire état de son titre dans son activité
professionnelle. Or, il est constant qu'en Suisse, beaucoup de juristes
qui accomplissent un stage d'avocat et subissent avec succès l'examen
de brevet, renoncent ensuite à la pratique du barreau pour se lancer
dans des activités qui touchent de près ou de loin à leur formation. Le
certificat de capacité qu'ils ont obtenu en passant leur brevet d'avocat
démontre toutefois qu'ils ont acquis certaines connaissances juridiques
et il est même fréquent que cette qualification soit exigée lors d'une
offre d'emploi. Les titulaires d'un brevet d'avocat ont ainsi un intérêt à
mentionner leur titre, qu'ils portent d'ailleurs régulièrement lorsqu'ils
sont employés dans l'administration fédérale, dans l'administration
de certains cantons ou dans une entreprise, telle que les banques, les
compagnies d'assurances et les fiduciaires. Force est donc de constater
qu'en dehors de l'exercice indépendant de la profession d'avocat, il existe
d'autres activités professionnelles pour lesquelles la formation d'avocat
et le certificat de capacité correspondant ont une signification. Or,
dans la mesure où ces activités s'exercent au sein d'une entreprise ou
d'une administration, il n'y a pratiquement pas de risque que le public
soit trompé, en croyant à tort qu'elles sont soumises à la surveillance du
barreau. Cette particularité n'est au demeurant pas propre à la profession
d'avocat, car l'on trouve aussi actuellement de nombreux médecins ou
pharmaciens qui ne sont pas indépendants, mais qui continuent à porter
le titre correspondant à leur qualification professionnelle.

    Pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi par le législateur
genevois, il n'était pas nécessaire d'interdire, d'une manière générale,
le port du titre d'avocat à tous ceux qui, comme le recourant, sont engagés
dans une entreprise ou une administration. Cette interdiction est excessive
par rapport à l'intérêt que possèdent les titulaires d'un brevet d'avocat
à mentionner leur certificat de capacité dans la vie professionnelle. Il
aurait en effet suffi, pour éviter de tromper le public, d'attribuer
aux avocats inscrits au tableau un titre différent de la désignation
générale de la profession; le législateur aurait pu aussi interdire, à
ceux qui n'ont pas besoin d'une autorisation pour exercer leur activité,
de porter le titre d'avocat sans un complément qui les distingue nettement
des avocats pratiquants soumis à surveillance. Toutefois, il n'appartient
pas au Tribunal fédéral de dicter aux autorités genevoises la solution
qui répondrait à l'intérêt public visé, tout en respectant le principe
de la proportionnalité. Il se bornera donc, en l'occurrence, à annuler
l'art. 5 de la loi sur la profession d'avocat.