Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 112 IA 116



112 Ia 116

20. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 18 juillet 1986 dans la
cause dame R. contre V., C. et G. (recours de droit public) Regeste

    Frist für den Zivilrekurs im summarischen Verfahren nach freiburgischer
Zivilprozessordnung.

    Selbst wenn es sich um ein Versehen des Gesetzgebers handelt, verbietet
die Rechtssicherheit, dass die durch das Gesetz klar bezeichnete Frist
für den Zivilrekurs durch die Rechtsprechung verkürzt wird.

Sachverhalt

    A.- Le 21 janvier 1986, le Tribunal civil de l'arrondissement de la
Gruyère a pris acte d'un passé-expédient par lequel dame R. s'est désistée
des conclusions qu'elle avait prises le 16 juillet 1984, en ouvrant action
en libération de dette contre V., C. et G. (art. 287 CPC frib.). Après
avoir rayé la cause du rôle, le tribunal, statuant en la forme sommaire
en vertu de l'art. 290 al. 1 CPC frib., a mis les dépens à la charge de
la demanderesse, car les défendeurs n'étaient pas parties à la procédure
de mainlevée provisoire.

    B.- La demanderesse a formé contre ce règlement des dépens un recours
civil auprès du Tribunal cantonal (art. 290 al. 2 CPC). Par arrêt du 13
mars 1986, la Cour civile l'a déclaré irrecevable pour cause de tardiveté,
le délai jurisprudentiel de 10 jours étant expiré.

    C.- Dame R. exerce en temps utile un recours de droit public au
Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 4 Cst., elle conclut
à l'annulation de la décision de l'autorité cantonale. La cour cantonale
et les intimés ont renoncé à présenter des observations.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

    Lorsque le procès est rayé du rôle pour une des causes visées aux
art. 287 et 289 CPC frib., dont le passé-expédient par désistement
(art. 287), et que les parties ne règlent pas elles-mêmes l'attribution
des dépens, le juge statue sur ce point en la forme sommaire (art. 290
al. 1 CPC frib.). Cette décision peut être portée au Tribunal cantonal par
la voie du recours civil (al. 2). Dans la procédure sommaire, le délai
pour recourir en appel ou en cassation est de dix jours (art. 366 al. 2
lettre a CPC frib.). Le Tribunal cantonal applique également cette règle
au recours civil (Extraits ATCF 1956 p. 129, 1966 p. 71). La recourante
estime qu'il le fait arbitrairement.

    a) Loin de trouver un appui dans le texte clair de l'art. 366 al. 2
lettre a CPC frib., cette application jurisprudentielle semble en effet
le contredire. Elle n'échapperait dès lors au grief d'arbitraire que s'il
existait des raisons sérieuses d'admettre que l'interprétation conforme
au texte ne correspond pas au sens véritable de la loi et aboutit à un
résultat que le législateur n'a certainement pas voulu. De telles raisons
peuvent résulter de la genèse de la loi, de son fondement, de son but
ou de ses rapports avec d'autres règles légales, dont le texte ne tient
manifestement pas compte (ATF 106 Ia 211 consid. 5, 103 Ia 117 consid. 3
et les références; HAEFLIGER, Alle Schweizer sind vor dem Gesetze gleich,
p. 197).

    Le juge doit dégager de la loi le sens que ses destinataires peuvent
objectivement et raisonnablement lui attribuer; il se fondera sur le texte
même et sa finalité, la considération de l'un des facteurs n'excluant pas
celle de l'autre. L'interprétation peut aboutir à la constatation d'une
lacune - la loi étant incomplète - et notamment d'une lacune praeter
legem involontaire, que le législateur n'a pas prévue. C'est ainsi que
le silence de la loi peut être contraire à son économie (cf. DESCHENAUX,
Traité de droit civil suisse, II, 1, Le Titre préliminaire du code civil
suisse, p. 77 ss).

    b) La jurisprudence et la doctrine fribourgeoises (Extraits ATCF 1956
p. 129; DESCHENAUX/CASTELLA, La nouvelle procédure civile fribourgeoise,
1960, p. 206 ch. 3) relèvent qu'en ne mentionnant pas le recours civil
à l'art. 366 al. 2 lettre a du nouveau code de procédure civile du 28
avril 1953, le législateur cantonal a commis une inadvertance. En effet,
l'art. 315 du projet soumis au Grand Conseil prévoyait un délai de dix
jours pour le recours civil, alors que le délai d'appel et de cassation
était de vingt jours. Le message motivait cette différence en disant
notamment que le recours civil ne soulève généralement qu'une seule
question, dans une cause exigeant une liquidation rapide. La Commission
parlementaire proposa cependant de porter le délai à vingt jours,
"afin d'unifier autant que possible tous les délais, et parce que le
délai de dix jours est un peu court, pour les avocats en particulier"
(BGC 1952 p. 259). Cette proposition fut admise (même référence et BGC
1953 p. 35). Dans le système du projet, il était inutile de préciser
qu'en procédure sommaire le délai du recours civil était de dix jours,
puisque le délai général du recours civil était de cette durée. En portant
celui-ci à vingt jours, par souci d'uniformisation, le Grand Conseil aurait
dû, pour maintenir à dix jours le délai du recours civil en procédure
sommaire, le mentionner expressément à l'art. 366 CPC frib. à côté de
l'appel et de la cassation. Cette omission est manifestement due à une
inadvertance, car rien ne permet de penser que le législateur ait voulu,
dans la procédure sommaire, instituer, pour le recours civil, un délai
autre que celui de dix jours. Le projet prévoyait des délais de recours
uniformes en procédure sommaire. L'intention du Grand Conseil n'a pas été
de modifier ce principe, mais d'uniformiser également les délais de recours
en procédure ordinaire. En effectuant cette seconde unification, il n'a
manifestement pas voulu porter atteinte à la première. La jurisprudence
cantonale considère dès lors que le délai de recours, en procédure
sommaire, est de dix jours aussi bien pour le recours civil que pour
l'appel ou la cassation.

    c) Les motifs du Tribunal cantonal montrent de façon convaincante
l'inadvertance commise par le législateur fribourgeois. Ils ne sont
toutefois pas pertinents pour justifier la réduction du délai litigieux
par voie jurisprudentielle. La sécurité du droit commande en effet que le
justiciable puisse se fier à une règle de procédure clairement exprimée
(cf. ATF 100 Ib 77). En l'espèce, l'art. 319 al. 1 CPC frib. ne souffre
aucune interprétation. Il précise que le recours civil est formé par
un mémoire adressé au Tribunal cantonal dans les vingt jours dès la
réception de l'avis que le jugement est rédigé. Une modification de ce
délai en procédure sommaire ne pourrait être que le fait du législateur
cantonal procédant à la révision de l'art. 366 CPC frib. C'est dès lors
de manière arbitraire que le Tribunal cantonal s'est écarté du texte
clair de la loi cantonale de procédure.