Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 II 59



108 II 59

10. Arrêt de la Ire Cour civile du 12 janvier 1982 dans la cause dame X.
contre Y. (recours en réforme) Regeste

    Haftung des Chirurgen.

    Der Chirurg ist haftbar, wenn er eine Operation vornimmt, ohne den
Patienten aufgeklärt und von ihm die Einwilligung erhalten zu haben,
obschon dies möglich und erforderlich gewesen wäre. Er ist dann für allen
Schaden verantwortlich, der infolge Misslingens der Operation entstanden
ist, selbst wenn er keinen Kunstfehler begangen hat. Kann er sich befreien,
indem er beweist, dass sein Patient in die Behandlung eingewilligt hätte,
selbst wenn er deren genaue Natur und die Risiken gekannt hätte?

Sachverhalt

    A.- Dame X. craignait d'être atteinte d'une affection grave aux
seins. En janvier 1971, elle consulta le docteur Z., chirurgien à Lausanne.
Après étude du dossier et divers examens, le docteur Z. proposa à sa
patiente une opération de réduction des seins ayant pour objet l'excision
de kystes et une correction plastique. Il suggéra de faire appel, pour
la partie esthétique, à un second médecin, le docteur Y., spécialiste en
chirurgie plastique. Dame X. accepta cette proposition.

    Le docteur Z. adressa sa patiente au docteur Y., lequel la reçut
le 3 février et fixa l'opération au 23 mars 1971, mais sans en avertir
son confrère. Le soir du 22 mars, le docteur Z. apprit incidemment de
sa patiente que l'intervention aurait lieu le lendemain; il lui déclara
qu'il n'y participerait pas.

    Le docteur Y. opéra dame X. l'après-midi du 23 mars 1971. Il procéda
à une mammectomie sous-cutanée totale. L'excision des masses mammaires
ayant laissé sur le thorax deux sacs cutanés vides, le chirurgien posa
immédiatement des prothèses de type Ashley. L'examen histologique du
matériel excisé permit de constater, pour les deux seins, une hyperplasie
scléro-kystique des glandes mammaires, soit la présence d'une multitude
de kystes d'une taille variant entre celle d'une tête d'épingle et celle
d'un petit pois.

    Dame X. quitta la clinique le 28 mars 1971. Des complications se
produisirent, notamment une nécrose cutanée du sein gauche. Le docteur Y.
décida l'ablation des prothèses, qui eut lieu le 17 mai 1971. Dame X. dut
subir plusieurs interventions de chirurgie réparatrice. Elle continue à
souffrir de l'échec de l'opération faite par le docteur Y.

    B.- Le 13 septembre 1972, dame X. a intenté à Y. une action en paiement
d'un million de francs.

    Par jugement du 12 août 1981, la Cour civile du Tribunal cantonal du
canton de Vaud a condamné le défendeur à payer à la demanderesse la somme
de 10'000 fr. avec intérêt à 5% l'an à compter du 13 septembre 1972. Elle
a alloué à la demanderesse des dépens réduits. La Cour a considéré que le
défendeur n'avait violé les règles de l'art ni lors de l'intervention,
ni ultérieurement. Elle lui a toutefois reproché de ne pas avoir avisé
sa patiente de ce qu'il allait ou devrait peut-être procéder à une
mammectomie sous-cutanée totale avec pose de prothèses. Elle a néanmoins
refusé d'allouer des dommages et intérêts de ce chef, niant tout lien de
causalité entre le défaut d'information et de consentement et le dommage
subi par la demanderesse. Celle-là n'avait en effet pas établi qu'elle
n'eût pas consenti à l'opération si elle en avait connu la nature exacte
et les risques. La Cour a jugé en revanche que le médecin avait provoqué
chez sa patiente une atteinte psychique grave, pour ne l'avoir pas dûment
avertie. La demanderesse n'était pas préparée au choc que représentait
pour elle le fait de porter des prothèses, avec le risque inhérent aux
phénomènes de rejet. La Cour a dès lors estimé justifié de lui allouer
une indemnité pour tort moral, qu'elle a arrêtée à 10'000 fr.

    C.- La demanderesse a interjeté un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Elle conclut au paiement de 134'570 fr. 10 avec intérêt à 5%
à compter du 13 septembre 1972.

    Le défendeur propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Celui qui agit contre un médecin en invoquant une faute
de diagnostic ou de traitement doit établir l'inobservation d'une
des règles de l'art, l'existence d'un dommage et celle d'un lien de
causalité entre l'erreur et le préjudice (ATF 105 II 285 s.). Les règles
de l'art sont les principes établis par la science médicale, généralement
reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens
(ATF 64 II 205 consid. 4a). Or, selon le jugement attaqué, l'examen
histologique du matériel excisé a démontré que l'opération faite par le
défendeur était objectivement justifiée. La mammectomie sous-cutanée
totale était généralement conseillée en pareil cas, même si elle ne
constituait pas une nécessité absolue. Le défendeur n'avait pas mésusé
du pouvoir d'appréciation laissé aux chirurgiens sur l'opportunité d'une
intervention et le choix de la technique opératoire. La Cour a fondé son
opinion sur les rapports et avis d'experts. Les griefs de la demanderesse
qui tendent à faire admettre l'inobservation d'une des règles de l'art
n'apparaissent dès lors que comme une critique de l'appréciation des
preuves. La demanderesse, au reste, ne démontre ni ne soutient que la
cour cantonale se soit inspirée d'une notion erronée des règles de l'art.

Erwägung 2

    2.- Le médecin, en principe, a l'obligation d'informer son patient
sur la nature et les risques des traitements qu'il entend appliquer,
à moins qu'il ne s'agisse d'actes courants, sans danger particulier
et n'entraînant pas d'atteinte définitive ou durable à l'intégrité
corporelle. Le patient doit être suffisamment renseigné sur l'intervention
ou le traitement considéré pour pouvoir y consentir en connaissance de
cause. L'information qui lui est donnée ne doit cependant pas susciter
en lui un état d'appréhension préjudiciable à sa santé (ATF 105 II 287 s.).

    La demanderesse avait donné son accord à une opération de réduction
des seins avec excision de kystes. En procédant à une mammectomie
sous-cutanée totale avec pose de prothèses, le défendeur a fait une
opération plus mutilante et donc autre que celle que la demanderesse
pouvait envisager en se fiant aux informations reçues, différente de
celle à laquelle elle avait consenti. L'acte chirurgical accompli en
l'espèce représentait une atteinte grave et irrémédiable à l'intégrité
corporelle de la patiente. Et la cour cantonale, se fondant sur l'avis
d'experts, a constaté que l'intolérance aux prothèses n'avait rien
d'exceptionnel. Dans ces conditions, le défendeur avait l'obligation de
signaler à la demanderesse qu'il allait ou devrait peut-être procéder à
une mammectomie sous-cutanée avec pose de prothèses; il était tenu de la
renseigner sur la nature et les risques de l'opération, notamment ceux
inhérents aux phénomènes de rejet. Il importerait peu, au demeurant, que
le défendeur n'eût été amené qu'en cours d'intervention à choisir ce type
d'opération. Le chirurgien que le déroulement d'une opération place devant
le choix d'une intervention mutilante ne peut se passer du consentement de
son patient, à moins que l'acte envisagé ne s'impose de manière urgente
ou indubitablement nécessaire. Il doit s'interrompre s'il peut le faire
sans danger pour son patient (arrêt du Tribunal fédéral allemand du 2
novembre 1976, Neue Juristische Wochenschrift 1977, p. 337 s.).

Erwägung 3

    3.- L'exigence d'un consentement éclairé se déduit directement du droit
du patient à la liberté personnelle et à l'intégrité corporelle; elle
est liée à l'existence d'un risque inhérent à tout acte médical, risque
qui ne peut être assumé que par celui qui y est exposé. Le médecin donc
qui fait une opération sans informer son patient ni en obtenir l'accord
commet un acte contraire au droit et répond du dommage causé, que l'on
voie dans son attitude la violation de ses obligations de mandataire ou
une atteinte à des droits absolus et, partant, un délit civil. L'illicéité
d'un tel comportement affecte l'ensemble de l'intervention et rejaillit
de la sorte sur chacun des gestes qu'elle comporte, même correctement
exécutés du point de vue médical. Le médecin doit donc réparation pour
tout dommage découlant de l'échec total ou partiel de l'opération, lors
même qu'il n'aurait violé aucune des règles de l'art (HINDERLING, Die
ärztliche Aufklärungspflicht, p. 74; LOEFFLER, Die Haftung des Arztes aus
ärztlicher Behandlung, p. 16 et 96 s.; SAVATIER, La responsabilité civile,
2e éd., no 782; SAVATIER/AUBY/SAVATIER/PÉQUIGNOT, Traité de droit médical,
p. 229 et 259; LAUFS, Arztrecht, 2e éd., no 69; STAUDINGER, Kommentar
zum BGB, 10/11e éd., no 398 ad par. 823). Le risque de l'acte médical,
normalement supporté par le patient, passe au praticien qui intervient
sans obtenir le consentement éclairé qu'il aurait pu et dû solliciter
(KORNPROBST, Responsabilités du médecin, p. 438; NEY, La responsabilité
des médecins, thèse Lausanne 1979, p. 106 s.).

    Le fait auquel l'ordre juridique attache le devoir de réparation est
l'acte accompli en violation d'une obligation contractuelle ou d'une norme
générale de comportement. Or l'opération faite sans le consentement éclairé
du patient est contraire au droit et l'est tout entière. L'existence d'un
lien de causalité, condition de toute responsabilité, doit donc s'apprécier
entre l'intervention chirurgicale, considérée dans son ensemble, et
le préjudice subi par le patient. Ce lien existe, de manière naturelle
et adéquate, lorsque l'opération aboutit à un échec, c'est-à-dire à une
atteinte à la vie, la santé ou l'intégrité corporelle, et qu'elle apparaît
normalement propre, selon le cours ordinaire des choses, à provoquer
un résultat du genre de celui qui s'est produit. L'opération faite par
le défendeur peut dès lors être considérée comme la cause naturelle et
adéquate de la mutilation irrémédiable subie par la demanderesse.

    La cour cantonale a nié qu'un lien de causalité fût établi entre
l'attitude du défendeur et le préjudice de la demanderesse, faute pour
celle-là d'avoir prouvé qu'elle n'eût pas consenti à l'opération si elle en
avait connu la nature exacte et les risques. Cette exigence supplémentaire
en matière de preuve repose sur une conception erronée du fait générateur
de l'obligation de réparer. Ce fait, l'acte contraire au droit, est
l'opération faite sans consentement éclairé, considérée comme un tout
indivisible. Le patient peut donc se contenter de démontrer qu'il n'aurait
vraisemblablement pas été lésé dans son intégrité corporelle si son médecin
s'était abstenu de l'intervention considérée, que l'opération lui a dès
lors fait perdre une chance de conserver la santé. Il n'a pas à prouver
l'attitude qu'il aurait adoptée par hypothèse dans des circonstances
qui ne se sont pas produites. Celui qui agit pour violation des règles
de l'art se voit certes imposer une preuve plus stricte, puisqu'il doit
démontrer que l'erreur même de diagnostic ou de traitement, et non pas
seulement l'acte médical dans son ensemble, est la condition "sine qua
non" de son préjudice. Ces exigences différentes tiennent au fondement
même de la responsabilité dans l'un et l'autre cas. Car si l'absence de
consentement entraîne l'illicéité de toute l'opération, la violation des
règles de l'art ne rend contraire au droit que le geste diagnostique ou
thérapeutique erroné.

    On peut se demander si l'on doit, à l'instar de la jurisprudence
allemande, permettre au médecin d'échapper à une condamnation en
établissant que son patient aurait de toute manière consenti au traitement,
s'il en avait connu la nature et les risques (arrêts du Tribunal fédéral
allemand du 22 janvier 1980, Neue Juristische Wochenschrift 1980 p. 1334,
du 5 juillet 1973, BGHZ 61 p. 123, et du 16 janvier 1959, BGHZ 29
p. 187). Dans son arrêt du 20 février 1940 en la cause E. c. X., la Cour
de céans n'a pas eu à trancher la question, car elle avait nié l'existence
d'un devoir d'information (ATF 66 II 34 ss). Elle peut s'en dispenser
également en l'espèce. La faculté qui pourrait être reconnue au médecin
de s'exonérer en invoquant le consentement hypothétique de son patient,
à titre de motif justificatif ou de fait interruptif de la causalité,
constituerait un moyen de défense. Le fardeau de la preuve incomberait
donc à celui qui l'exerce (cf. arrêts précités du Tribunal fédéral
allemand). Le médecin devrait dès lors alléguer et prouver l'existence
de circonstances permettant d'affirmer que son patient aurait donné son
accord au traitement considéré, exécuté par le même praticien et dans
les mêmes conditions, s'il avait été dûment informé et consulté. Or le
défendeur n'a rien établi de tel en l'espèce.

Erwägung 4

    4.- La demanderesse a subi un dommage. Elle a dû payer les frais de
l'opération litigieuse et ceux des interventions réparatrices auxquelles
elle s'est soumise. Selon les constatations du jugement attaqué, ces
frais se montent à 34'570 fr. 10.

    Le défendeur, par une attitude inexcusable, a lésé de manière grave
et permanente les intérêts personnels de sa patiente, alors âgée de
cinquante-quatre ans. La demanderesse a droit à une réparation pour les
souffrances que lui ont causées tant l'échec de l'opération litigieuse
que le choc psychique éprouvé à l'annonce d'une mutilation imprévue et
irrémédiable. Elle a été lésée dans sa liberté personnelle, dans son
intégrité corporelle, dans sa féminité. Il apparaît dès lors équitable
de lui allouer une indemnité de 25'000 fr. à titre de réparation de son
préjudice moral.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et réforme le jugement attaqué en ce sens que Y. est
condamné à payer à dame X. la somme de 59'570 fr. 10 avec intérêt à 5%
l'an à compter du 13 septembre 1972.