Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 II 247



108 II 247

52. Arrêt de la IIe Cour civile du 18 août 1982 dans la cause Bonvin
contre Conseil d'Etat du canton du Valais (recours en réforme) Regeste

    Namensänderung (Art. 30 Abs. 1 ZGB).

    Das Interesse einer berühmten Familie daran, dass ihr Name nicht
ausstirbt, kann nicht als wichtiger Grund für eine Namensänderung
vorgebracht werden: einzig das Interesse des Gesuchstellers als Individuum
fällt in Betracht.

Sachverhalt

    A.- Alexandre-Gaspard et William-André Bonvin, nés respectivement en
1975 et en 1979, sont les enfants d'André Bonvin et de Viviane Catherine
Bonvin, née von Stockalper.

    Les époux Bonvin-von Stockalper ont demandé au Conseil d'Etat du canton
du Valais d'autoriser leurs fils à porter le nom de von Stockalper,
pour éviter que le patronyme von Stockalper ne s'éteignît faute de
descendants mâles.

    La famille von Stockalper a donné au Valais de nombreux magistrats,
chefs militaires et dignitaires religieux (cf. Almanach généalogique
suisse 1936, p. 684-695). Elle établit avec précision son ascendance
dès la fin du XVe siècle, mais aurait déjà été anoblie par Charlemagne,
vers l'an 800. Son représentant le plus illustre est Gaspard-Jodoc
(1609-1691), dit le Grand Stockalper, qui joua un rôle économique et
politique capital. On lui doit notamment le canal Stockalper, de Vouvry
à Collombey, le château de Brigue, l'ancien hospice du col du Simplon et
la tour fortifiée de Gondo. Il fut fait chevalier romain par le nonce
du pape, reçut de l'empereur Ferdinand III la dignité de chevalier de
l'Empire et obtint du duc Charles-Emmanuel de Savoie la baronnie de Duin,
en Genevois; le roi de France l'avait décoré des ordres de Saint-Michel
et du Saint-Esprit.

    Le dernier représentant mâle de la famille était le Dr Adrien von
Stockalper, médecin à Lucerne (1888-1978), du premier rameau de la
deuxième branche. Viviane Catherine Bonvin est la fille de Pierre von
Stockalper (1904-1967), fils de Joseph (1868-1955), représentants de la
première branche.

    B.- Le Conseil d'Etat a rejeté la requête.

    C.- Alexandre-Gaspard et William-André Bonvin, représentés par leurs
père et mère, ont recouru en réforme au Tribunal fédéral. Ils demandaient
que la décision cantonale fût annulée et leur requête admise. Le recours
a été rejeté.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- En cas de changement de nom, il y a deux opérations soit l'abandon
d'un nom, d'une part, et l'adoption d'un nom nouveau, d'autre part.
Les justes motifs doivent exister aussi bien pour l'une que pour l'autre
opération (H. ROGGWILLER, Der "wichtige Grund" und seine Anwendung in
ZGB und OR, thèse Zurich 1956, p. 99 ch. III; cf. ATF 72 II 152/153,
52 II 105).

Erwägung 4

    4.- a) Lors de la modification de l'art. 30 CC, le Conseil fédéral
avait envisagé d'énumérer des cas de justes motifs, à titre d'exemples,
et proposait le texte suivant (FF 1974 II 135; cf. p. 95):

    "Il a y justes motifs, en particulier:

    1. Lorsque le requérant est entravé dans l'existence par un nom
   ridicule ou choquant;

    2. Lorsque le requérant perd ensuite de divorce le nom de famille
   qu'il portait et que les enfants issus du mariage lui sont attribués,
   ou lorsque le mariage a duré longtemps, ou lorsque des intérêts
   professionnels sont lésés;

    3. Lorsque le requérant mineur porte un autre nom de famille que le
   père ou la mère sous l'autorité parentale ou sous la garde duquel il
   est élevé;

    4. Lorsque le mineur est élevé chez des parents nourriciers."

    Sur proposition du conseiller national Bonnard, le Conseil national
a supprimé ce texte, non parce qu'il ne correspondait pas à la conception
usuelle de justes motifs, mais seulement par souci de ne pas alourdir la
législation et ne pas restreindre le pouvoir d'appréciation de l'autorité
cantonale et de la juridiction fédérale de réforme (Bulletin officiel de
l'Assemblée fédérale, Conseil national, 1975, p. 1791).

    b) Avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1978, de l'art. 30
CC dans sa nouvelle teneur, le Tribunal fédéral, dont le pouvoir se
bornait à la censure de l'arbitraire, a énoncé les principes suivants:
"En règle générale, on admet l'existence de justes motifs pouvant fonder
un changement de nom lorsque le nom légal cause à la partie requérante un
préjudice sérieux et durable; il ne s'agit cependant pas là d'une condition
nécessaire, car l'autorisation de changement de nom peut également être
justifiée par des intérêts d'ordre moral, spirituel ou affectif." (ATF
98 Ia 452 consid. 2). Ces principes demeurent valables dans le cadre du
recours en réforme (ATF 108 II 4 consid. 5a, 105 II 243 consid. I 2).

    Statuant depuis le 1er janvier 1978 comme juridiction de réforme, le
Tribunal fédéral a posé comme prémisses qu'il faut un intérêt légitime au
changement l'emportant manifestement sur l'intérêt public à l'immutabilité
du nom (ATF 105 II 243 consid. I 3, 249 consid. 3). Il a autorisé un
changement de nom pour un intérêt d'ordre moral, spirituel ou affectif
s'agissant d'enfants nés hors mariage qui demandaient à porter le patronyme
de leur père vivant en concubinage avec leur mère, afin d'éviter qu'apparût
leur condition d'enfants de parents non mariés (ATF 105 I 244 ss consid. II
1-4, 249 ss consid. 4-7), pourvu que l'union des concubins fût durable
(ATF 107 II 290), et s'agissant d'un adopté majeur qui tenait à reprendre
son nom antérieur, révélateur d'une identité religieuse et culturelle à
laquelle il était profondément attaché (ATF 108 II 4 ss consid. 5). Il
a aussi relevé incidemment qu'une femme divorcée peut avoir un intérêt
affectif ou moral à reprendre le nom de son ex-mari lorsqu'elle vit avec
les enfants mineurs issus du mariage et veut porter le même nom qu'eux
(ATF 105 II 69 consid. 5).

    c) Analysant la jurisprudence fédérale et les pratiques cantonales,
la doctrine relève que les justes motifs doivent résider dans les
circonstances personnelles du requérant (HAFTER, n. 5 ad art. 30 CC),
plus précisément lorsque le nom entraîne, pour celui qui le porte,
une atteinte aux droits de la personnalité (ROGGWILLER, op.cit., p. 92
ss; P. MÜLLER, Die Namensänderung nach Art. 30 ZGB, thèse Zurich 1972,
p. 22). Le cas le plus souvent cité est celui où le requérant porte un
nom inadapté, ridicule, choquant ou odieux (EGGER, n. 5 ad art. 30 CC;
GROSSEN, Les personnes physiques, Traité de droit civil suisse, II, 2,
p. 61; TUOR/SCHNYDER, Das schweizerische Zivilgesetzbuch, 9e éd., p. 89;
J. GUINAND, L'évolution de la jurisprudence en matière de changement de
nom, Revue de l'état civil 48 (1980) p. 353; M. PEDRAZZINI, Grundriss des
Personenrechts, Berne 1982, p. 151; cf. ATF 98 Ia 458 ss). Sont également
pris en considération des motifs familiaux tenant notamment à la situation
de l'enfant né hors mariage ou de celui dont les parents sont divorcés,
ainsi que des motifs professionnels, si un changement de nom imposé par
la loi entraîne un désavantage patrimonial qui peut être réparé par le
maintien du nom porté auparavant (cf., en particulier, EGGER, n. 6-7 ad
art. 30 CC; MÜLLER, op.cit., p. 23; TUOR/SCHNYDER, op.cit., p. 89/90;
GUINAND, op.cit., p. 353/354; M. PEDRAZZINI, op.cit., p. 151/152).

    d) Au terme de cet examen de la genèse de la loi, de la jurisprudence
et de la doctrine, on constate que, s'il n'y a pas unanimité quant à
l'étendue des justes motifs, un critère d'appréciation est en revanche
toujours le même: c'est l'intérêt du requérant, en tant qu'individu,
et de lui seul, qui est pris en considération. Quand il est tenu compte
de l'appartenance à un groupe familial - composé du père, de la mère et
de leurs enfants mineurs - c'est dans la mesure où le requérant lui-même
a un intérêt à manifester cette appartenance.

Erwägung 5

    5.- a) Les recourants, qui font valoir un prétendu intérêt de
la famille von Stockalper à ne pas voir disparaître son nom ou, plus
exactement, à éviter que son nom ne soit plus porté, se prévalent de
l'arrêt Eynard contre Eynard, du 18 février 1926 (ATF 52 II 103 ss).

    Il ressort de cet arrêt que Paul Spiess, fils de Karl Spiess et de
son ex-épouse Rachel Eynard, avait obtenu du Conseil d'Etat du canton de
Berne l'autorisation de changer de nom pour porter celui de Eynard. Il
avait fait valoir que, seul descendant mâle, en Suisse, de la vieille et
illustre famille Eynard, de Genève, il était particulièrement qualifié
pour la perpétuer: le changement de nom sollicité constituait, selon le
requérant, un hommage rendu aux ancêtres de la mère et du fils. Le Tribunal
fédéral dit à cet égard que le nom n'a pas pour seule fonction de désigner
une personne, mais rattache aussi son possesseur à une famille: le fait
d'appartenir à une famille est un bien personnel susceptible de protection
légale, pour autant que la famille transfère, au moyen de l'hérédité, de
l'éducation et de la tradition, des valeurs réelles ou supposées telles,
notamment un certain prestige dans la société et des chances de réussite
dans la vie (ATF 52 II 106 consid. 2).

    Toutefois, dans la cause Eynard, comme dans d'autres causes relatives
à des noms de familles célèbres ou importantes (ATF 60 II 387 ss, 67 II
191 ss) le Tribunal fédéral n'intervenait pas pour contrôler l'application
de l'art. 30 al. 1 CC, mais dans le cadre de l'action de l'art. 30 al. 3
CC. Il prenait donc en considération l'intérêt du porteur du nom à ne pas
voir son patronyme attribué à un tiers, et non pas l'intérêt du tiers
à s'en parer. Dans l'affaire Eynard, notamment, la question de savoir
si le nom ne risquait pas, comme en l'espèce, de s'éteindre en tombant
en quenouille ne se posait pas: le demandeur, domicilié à l'étranger,
avait un fils (ATF 52 II 107/108).

    On ne saurait donc tirer de cet arrêt la conclusion que l'on peut
retenir, parmi les justes motifs de l'art. 30 al. 1 CC, non pas seulement
les intérêts personnels du requérant lui-même, en tant qu'individu, mais
aussi l'intérêt de la famille au sens large, voire ceux de la communauté,
à ce qu'un nom illustre ne disparaisse pas.

    b) Certes, la préoccupation de ne pas voir s'éteindre un nom a pu
avoir un certain poids il y a encore cinquante ou soixante ans: c'est ce
qui ressort de la décision prise en 1923 par le Conseil d'Etat du canton
de Berne dans l'affaire Eynard et de deux espèces (citées par EGGER, n. 5
in fine ad art. 30 CC) dans lesquelles des autorités cantonales avaient
admis comme justes motifs le désir de reprendre la graphie originelle
d'un ancien patronyme, d'une part (Conseil d'Etat du canton de Zurich,
1922, résumé dans Der Zivilstandsbeamte 12 (1923) p. 616), et, d'autre
part, le souci de ne pas laisser disparaître le patronyme de la mère du
requérant, en donnant à ce dernier l'autorisation de porter un double nom
(Conseil d'Etat de Bâle-Ville, résumé dans Der Zivilstandsbeamte 17 (1928)
p. 470/471, décision prise en 1887, soit sous l'empire du droit civil
cantonal). Mais tel n'est plus le cas actuellement: c'est aujourd'hui, on
l'a vu, tout au plus, la "petite famille" qui est prise en considération,
soit la communauté des père et mère et de leurs enfants mineurs.

    Une telle évolution des moeurs est illustrée par la jurisprudence
fédérale, précisément à propos du changement de nom. En 1950, la IIe Cour
civile a dit incidemment que, si le père, qui a le droit de s'exprimer au
sujet du changement de nom de ses enfants mineurs, est décédé, ce droit
passe aux grands-parents, respectivement aux oncles et tantes du requérant
(ATF 76 II 342 consid. 2). Mais, en 1979, la Ire Cour de droit public a
expressément écarté une telle possibilité, jugeant qu'elle ne correspond
plus à l'état des moeurs (ATF 105 Ia 284). Elle relève que l'opinion
soutenue par la IIe Cour civile était justifiée par les caractéristiques
de la cellule familiale de l'époque, où les relations personnelles et les
liens entre parents étaient généralement bien plus intenses. Actuellement,
en revanche, dit la Cour, ces liens se sont relâchés et les grandes
familles de type patriarcal, où les grands-parents et tous leurs
descendants vivent encore ensemble, sont devenues l'exception. Certes,
le grand-parent pourrait aussi s'opposer au changement de nom envisagé
en avançant des arguments compréhensibles et dignes d'intérêt, tels que
la compassion et le respect envers un enfant défunt, ou encore le désir
de voir sa lignée se poursuivre, mais ces motifs sont d'ordre affectif;
ils ne ressortissent plus au droit et, partant, ne permettent pas au
grand-parent de se prévaloir d'un intérêt juridique digne de protection
dans une procédure de changement de nom: selon les conceptions modernes,
ce qui est déterminant dans de telles circonstances, c'est l'intérêt de
l'enfant. La Ire Cour de droit public se réfère notamment à un arrêt de
1971 (ATF 97 I 623), dans lequel les mêmes motifs de piété et le désir
de voir durer son nom ont été jugés insuffisants pour permettre au propre
père d'un enfant majeur de s'opposer au changement de nom de ce dernier:
ce qui fonde le droit du père à s'exprimer au sujet d'un changement de
nom, c'est qu'il doit pourvoir à l'entretien de son enfant et qu'il a le
droit d'avoir des relations personnelles avec lui.

    Ainsi, en l'état actuel de la jurisprudence, l'intérêt de la famille
au sens large est un intérêt de pur fait, que le droit ne sanctionne pas.

    Une telle conception des choses apparaît également dans la modification
apportée à l'art. 30 al. 1 CC par la loi fédérale du 25 juin 1976, quand
la compétence pour autoriser le changement de nom a été transférée du
gouvernement du canton d'origine du requérant au gouvernement du canton
de domicile. Le gouvernement du canton d'origine peut être soucieux de
la conservation des noms en usage sur son territoire et ainsi empêcher
que ne s'éteignent des patronymes. Mais une telle préoccupation n'est
pas même évoquée dans le message du 5 juin 1974: on y lit, au contraire,
que le nom de famille touche en premier lieu les intérêts du requérant
et que le gouvernement du canton de domicile est mieux à même d'en juger
que le gouvernement du canton d'origine, avec lequel le requérant n'a
souvent plus aucun rapport (FF 1974 II 95). Ce point de vue n'a été
l'objet d'aucune remarque, ni lors des débats aux Chambres, ni, par la
suite, dans la doctrine et la jurisprudence: l'accent est mis sur le fait
que les autorités du canton de domicile connaissent les circonstances
personnelles au requérant (cf. ATF 108 II 2 consid. 2 et les références).

    c) D'après ce qui précède, on ne saurait dire qu'en ne tenant pas
compte de l'intérêt de la famille von Stockalper à ne pas voir son
nom s'éteindre, le Conseil d'Etat valaisan n'a pas usé de son pouvoir
d'appréciation dans l'esprit de la règle appliquée (cf. ATF 107 II 289
et les références): un tel intérêt n'est pas un juste motif au sens de
l'art. 30 al. 1 CC.

    Les intérêts individuels des requérants devant seuls être pris en
considération, l'autorité cantonale aurait pu se dispenser de demander à
des tiers (parents, communes et bourgeoisies d'origine des Stockalper)
s'ils partageaient le désir de voir survivre le patronyme Stockalper:
de telles démarches étaient inutiles.

Erwägung 6

    6.- En dehors de l'intérêt éventuel de la famille von Stockalper
à éviter que son nom ne soit plus porté, les recourants ne font valoir
aucun argument. Ils n'invoquent pas de motif individuel d'abandonner le
nom de Bonvin. Ce patronyme n'a rien de ridicule; il a été illustré et il
est honorablement et largement porté en Valais. Il indique l'appartenance
des recourants au groupe familial qu'ils forment avec leurs père et mère,
témoignant aussi qu'ils sont issus du mariage de leurs parents.

    Par ailleurs, pour justifier leur demande de porter le nom de von
Stockalper, les requérants ne se prévalent d'aucun élément qui leur soit
personnel et qui ait trait à leur individualité. Ils n'affirment même pas
attendre une amélioration de leur position sociale et de leurs perspectives
d'avenir s'ils sont parés d'un nom illustre. On n'a donc pas à examiner
si une telle prétention pourrait se qualifier de juste motif au sens de
l'art. 30 al. 1 CC, pour autant qu'elle serait légitime au regard de l'art.
4 al. 1 deuxième phrase Cst.

Erwägung 7

    7.- En conclusion, rien ne permet de dire qu'il y ait eu en l'espèce
violation du droit fédéral.