Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 IB 430



108 Ib 430

75. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 15 juillet 1982
dans la cause Office fédéral de la justice contre Morel et Commission
vaudoise de recours en matière foncière (recours de droit administratif)
Regeste

    Erwerb von Liegenschaften durch Personen im Ausland. Vertrag zwischen
der Schweizerischen Eidgenossenschaft und Frankreich betreffend das
Dappental vom 8. Dezember 1862; Lückenfüllung.

    1. Die Person, die ihren Wohnsitz in Frankreich hat und in dem Teil des
schweizerischen Territoriums gelegene Parzellen erwirbt, den die Schweiz
nach dem Abkommen mit Frankreich erworben hat, untersteht grundsätzlich
der Bewilligungspflicht. Im vorliegenden Fall erfüllt der Erwerber,
obwohl er sehr enge Beziehungen zu der fraglichen Region beibehalten hat,
die allgemeinen Bedingungen von Art. 6 Abs. 2 lit. a BewB nicht; er kann
sich nicht auf ein berechtigtes Interesse im Sinn von Art. 6 Abs. 1 und
2 BewB berufen (E. 2).

    2. Füllen einer Lücke des Abkommens betreffend den Eigentumsübergang
an Grundstücken, die im Gebiet liegen, das Frankreich der Schweiz im
Austausch für das Dappental abgetreten hat: Der Erwerb von Liegenschaften
in jenem Gebiet soll zugelassen werden, soweit dadurch nicht das Hauptziel
der entsprechenden schweizerischen Gesetzgebung vereitelt wird, wenn die
Erwerber ihre besonders engen Beziehungen zum fraglichen Gebiet nachweisen
können. Solche Erwerbsgeschäfte unterstehen der Kontrolle der zuständigen
Behörde, die aber entscheidet, ob der Erwerber der Bewilligungspflicht
ausnahmsweise nicht unterstellt zu werden braucht. Hier Annahme eines
solchen Ausnahmefalls (E. 3).

Sachverhalt

    A.- La vallée des Dappes est une petite vallée du Jura, située au
nord-ouest de la Dôle et orientée du sud-ouest au nord-est. Sa possession
a pendant longtemps été l'objet de contestations entre la France et la
Suisse. Dans le but de mettre un terme à ce litige, ces deux Etats ont
conclu, le 8 décembre 1862, un traité prévoyant notamment ce qui suit:

    "Article I

    La Confédération Suisse abandonne et la France reprend la possession
   et pleine souveraineté de la partie de la vallée des Dappes, comprenant:

    1) Le mont des Tuffes et ses versants, jusques et y compris la route
   des Rousses à la Faucille;

    2) une bande de terrain au levant de cette route, d'une largeur
   moyenne d'environ 500 pieds suisses, soit 150 mètres, suivant la
   direction indiquée d'une manière générale par le plan annexé au
   présent Traité.

    La France cède à la Confédération Suisse, pour faire partie de l'Etat
   de Vaud, un territoire d'une contenance équivalente s'étendant du
   point de bifurcation des routes de Saint-Cergues et de la Faucille,
   le long des pentes du Noirmont jusqu'à la limite du district de la
   Vallée de Joux suivant la direction indiquée d'une manière générale
   par le plan annexé. La route de Saint-Cergues à partir du lieu dit la
   Cure fait partie de cette possession.

    ...

    Art. III

    ...

    Les habitants originaires de la partie cédée par la France à la

    Confédération Suisse, demeureront Suisses, à moins qu'ils ne déclarent,
   dans le même délai, vouloir rester Français, auquel cas ils pourront
   conserver leur domicile et leur établissement sur le territoire Suisse.

    ...

    Art. VI

    En attendant que l'arrangement prévu par l'art. VIII du Traité du 18
   juillet 1828, pour régler l'exploitation des forêts limitrophes,
   ait été conclu, les propriétaires des bois situés sur les territoires
   respectivement cédés, jouiront de la libre faculté de les exploiter
   et d'en enlever les produits.

    La même faculté s'appliquera aux foins et autres produits des
   territoires respectivement cédés.

    Art. VII

    Le présent Traité ne portera aucune atteinte aux droits acquis, au
   moment de l'échange des ratifications, et résultant de contrats
   authentiques ou de décisions judiciaires ayant un caractère définitif,
   passés ou rendus au profit de tiers soit en Suisse, soit en France.

    ..."

    Approuvé par l'Assemblée fédérale le 28 janvier 1863, ce traité
concernant la vallée des Dappes est entré en vigueur le 20 février 1863
(RS 0.132.349.24).

    En fait, la bande de terrain cédée à la Suisse selon l'art. 1er al. 2
du traité est située sur le flanc nord-ouest du Noirmont, du Mont-Pelé et
du Mont-Sâla. La frontière entre la France et la Suisse, à cet endroit,
est à peu près parallèle à la route - située en France - qui, le long
de la vallée de l'Orbe, va du Brassus à Bois-d'Amont et à La Cure. Il
s'agit d'une région essentiellement composée de pâturages et de forêts,
dont la dévestiture ne peut être assurée que par la route précitée et des
chemins venant de France. Faisant partie du territoire de la commune de
Saint-Cergue ou de celle d'Arzier, la plupart des terrains de ce secteur
appartiennent aujourd'hui à des ressortissants français.

    Jean-Louis Morel, ressortissant français, est domicilié à Morez
(Département du Jura, France), où il exerce - à son compte - la profession
de lunetier. Par requête déposée le 13 août 1980, il a sollicité
l'autorisation d'acquérir, de ressortissantes françaises, deux parcelles
en nature de pré-champ-pâturage, sises sur le territoire des communes
vaudoises de Saint-Cergue et d'Arzier, et représentant une superficie
totale de 35'336 m2. A l'appui de sa requête, Jean-Louis Morel faisait
valoir que, comme ses frères et soeurs, il souhaitait être propriétaire
d'immeubles situés en Suisse mais qui, plus de cent ans auparavant, avaient
appartenu à la France; il rappelait à cet égard "l'échange international
franco-suisse de 1862" et le fait que la dévestiture des immeubles qu'il
désirait acquérir ne pouvait se faire que depuis la France.

    Considérant que les parcelles en question étaient situées dans la
partie du territoire suisse acquise de la France selon le Traité concernant
la vallée des Dappes du 8 décembre 1862, la Commission foncière II a,
par décision du 29 août 1980, accordé l'autorisation sollicitée sans
imposer de charge à l'acquéreur. Le Département vaudois de l'agriculture,
de l'industrie et du commerce a renoncé à faire usage de son droit de
recours contre cette décision.

    En tant qu'autorité fédérale habilitée à recourir, l'Office fédéral
de la justice a, quant à lui, saisi la Commission cantonale de recours
en matière foncière en lui demandant d'annuler le prononcé de l'autorité
de première instance. Son recours a toutefois été rejeté, par décision
de ladite commission du 8 janvier 1981.

    Agissant en temps utile par la voie du recours de droit administratif,
l'Office fédéral de la justice a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la
décision de l'autorité cantonale de recours et de refuser l'autorisation
sollicitée par Jean-Louis Morel.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 1er AFAIE (AF des 23 mars 1961/21 mars
1973 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger; RS
211.412.41), l'acquisition d'immeubles en Suisse par des personnes ayant
leur domicile ou leur siège à l'étranger est subordonnée à l'assentiment
de l'autorité compétente.

    a) Jean-Louis Morel a son domicile à Morez, c'est-à-dire en un lieu
qui, certes, est proche de la frontière suisse, mais ne fait pas partie
- et n'a jamais fait partie - du territoire helvétique. L'acquéreur est
donc domicilié à l'étranger et, comme il ne peut se prévaloir d'aucune
des exceptions mentionnées à l'art. 5 AFAIE, il doit être considéré comme
assujetti au régime de l'autorisation selon le principe énoncé à l'art. 3
lettre a AFAIE. Cela ne fait aucun doute et n'est d'ailleurs pas contesté
par l'intimé qui, par l'intermédiaire de son notaire suisse, a sollicité
l'autorisation d'acquérir les deux parcelles litigieuses en adressant
sa requête précisément à l'autorité compétente, dans le canton de Vaud,
en matière d'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger.

    b) D'après la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les cas
d'intérêt légitime qui, selon l'art. 6 al. 1 AFAIE, justifient l'octroi
d'une autorisation sont énumérés de manière exhaustive à l'art. 6 al.
2 AFAIE (ATF 106 Ib 73 consid. 3a et les arrêts cités). Or, en l'espèce,
aucun de ces cas n'est réalisé.

    En fait, il n'est pas contesté que Jean-Louis Morel a gardé des
relations très étroites avec la région - dite des Landes - où sont situées
les deux parcelles litigieuses, plus précisément avec le village des
Rousses où il possède une résidence secondaire et où se trouve la maison
de famille appartenant au frère aîné, lequel s'est engagé à laisser ses
frères et soeurs venir y séjourner pendant leurs vacances. Cependant,
il n'y a pas lieu d'examiner si ces relations sont assez étroites - au
sens de l'art. 10 OAIE (ordonnance du 21 décembre 1973; RS 211.412.411)
- pour justifier l'octroi d'une autorisation en vertu de l'art. 6 al. 2
lettre a ch. 1 AFAIE (ATF 102 Ib 34 s. consid. 5 et 6, 101 Ib 378)
car, de toute façon, l'intimé ne remplit pas les conditions générales
de l'art. 6 al. 2 lettre a AFAIE: il demande l'autorisation d'acquérir
non pas un seul immeuble, mais deux parcelles (situées sur le territoire
de deux communes différentes); en outre, il ne destine pas ces terrains
à la construction d'une maison d'habitation pour son séjour ou celui de
sa famille. Au demeurant, il est pour le moins douteux que ces pâturages
et forêts se trouvent en zone de construction au sens du droit fédéral,
de sorte qu'il y aurait un motif impératif de refus (art. 7 al. 1 lettre
a AFAIE). Enfin, il ne faut pas oublier que la superficie des terrains à
acquérir (plus de 35'000 m2) dépasse - de très loin - la limite de surface
admissible selon l'art. 12a al. 2 OAIE (ATF 105 Ib 318 s. consid. 3).

    c) Dans ces conditions, il faut bien reconnaître que Jean-Louis Morel
est assujetti au régime de l'autorisation et que, ne pouvant justifier
d'aucun intérêt légitime au sens de l'art. 6 al. 1 et 2 AFAIE, il ne peut
pas être autorisé à faire l'acquisition des deux parcelles litigieuses,
sises sur le territoire des communes vaudoises de Saint-Cergue et
d'Arzier. C'est donc à tort que les autorités cantonales ont accordé
l'autorisation sollicitée, mais cela ne justifie pas encore l'admission
du recours de l'Office fédéral de la justice.

Erwägung 3

    3.- En réalité, la question se pose de savoir si, en raison de la
situation exceptionnelle des immeubles à acquérir, Jean-Louis Morel
pourrait être considéré comme non assujetti au régime de l'autorisation.

    a) D'après son préambule, le Traité franco-suisse du 8 décembre 1862
a été conclu dans le but "de mettre un terme aux discussions existantes
depuis 1815 entre la Suisse et la France au sujet de la possession
de la vallée des Dappes". Il s'agissait en fait de régler le sort d'un
territoire dont la possession était déjà contestée au Moyen Age et que le
Traité de Vienne de 1815 avait attribué à la Confédération suisse. Par
le Traité du 8 décembre 1862 concernant la vallée des Dappes, la Suisse
a définitivement cédé ce territoire à la France mais, en échange, elle a
reçu une portion de territoire français, d'une contenance équivalente,
sur les pentes nord-ouest du Noirmont, du Mont-Pelé et du Mont-Sâla,
au sud-est de la route dite des Landes, qui longe le cours de l'Orbe
entre la frontière suisse en amont du Brassus et les villages français
de Bois-d'Amont et de La Cure.

    Avant de devenir suisse par le Traité du 8 décembre 1862, cette portion
de territoire, qui comprend essentiellement des pâturages et des forêts, a
toujours été considérée - sans contestation de la part de la Suisse - comme
partie intégrante du territoire français. Or, sur cette bande de terrain,
il n'y a aucun hameau et pratiquement même pas de maisons d'habitation,
si ce n'est quelques chalets isolés. C'est ainsi qu'en 1863 il n'y a
pas eu d'habitant originaire de cette portion de territoire cédée à la
Suisse qui dût devenir - et non pas "demeurer" - suisse en raison de
cette cession (art. III al. 2 du Traité). D'autre part, il convient de
rappeler que ces terrains - situés au-delà de l'arête du Noirmont, sur le
versant français - ne sont accessibles que par le territoire français,
de sorte que les personnes domiciliées en Suisse, en deçà de la crête,
n'ont guère d'intérêt à acheter ces pâturages et ces forêts. A cet égard,
il est assez significatif de relever - selon une étude entreprise en
septembre 1980 par l'ancien conservateur du registre foncier de Nyon - que
la quasi-totalité des terres cédées à la Suisse sont, encore aujourd'hui,
la propriété de citoyens français domiciliés en France: sur un total de
531 propriétaires fonciers, il y a 509 ressortissants français et seulement
22 citoyens suisses (4%), ces derniers ne possédant que le 7,5% des terres.

    On peut donc se demander si la portion du territoire français cédée
en 1862 a bien été intégrée au territoire suisse. Telle ne semble pas
être l'opinion de la grande majorité des propriétaires, qui n'ont guère
accepté cet abandon de la souveraineté française. Cela apparaît assez
clairement à la lecture d'une étude historique qui a été publiée à
Besançon en 1918 sous le titre: "Le Noirmont au Traité de la vallée des
Dappes; de l'intérêt qu'il y aurait à reporter au sommet du Noirmont la
portion de frontière franco-suisse qui longe le pied occidental de cette
montagne." La conclusion de cette étude est la suivante:

    "On n'avait su faire cesser les difficultés internationales de la
   vallée des Dappes qu'en créant bénévolement les difficultés du Noirmont,
   moins graves assurément, puisqu'elles ne touchent qu'aux intérêts
   particuliers, mais désagréables, coûteuses et permanentes.

    Si les méfiances militaires de la Suisse ont contribué dans quelque
   mesure à notre abandon du sommet du Noirmont, ces méfiances, nous
   le pensons, du moins, sont tombées aujourd'hui. La souveraineté du
   canton de

    Vaud sur ces 700 hectares de prés-bois situés en dehors de ses limites
   naturelles et possédés par des étrangers, ne paraît pas un de ces
   avantages auxquels on ne saurait renoncer. Aucune raison ne semble
   s'opposer à un second arrangement qui, en plaçant la frontière à
   l'arête du Noirmont et des Bégnines, où se rencontrent les propriétés
   suisses et françaises, supprimerait, à l'avantage des deux pays amis,
   la cause d'irritation que nous avons signalée."

    b) Le Traité franco-suisse concernant la vallée des Dappes ne contient
aucune clause relative aux transferts de propriété portant sur des terrains
situés dans la partie du territoire vaudois qui a été acquise en échange
de la vallée des Dappes. Mais ce silence s'explique tout simplement par
le fait qu'en 1862 les négociateurs français et suisses ne pouvaient
pas imaginer qu'un siècle plus tard le législateur fédéral devrait
restreindre le droit des propriétaires fonciers de disposer librement
de leurs immeubles; à l'époque, tant en Suisse qu'en France, ce droit de
libre disposition était considéré comme l'un des éléments essentiels du
droit de propriété.

    Il convient cependant de rappeler que les négociateurs de 1862
ont au moins veillé à garantir, en faveur des propriétaires fonciers,
la faculté d'exploiter librement les bois situés sur les territoires
cédés (art. VI du Traité; voir aussi la Convention conclue le 31 janvier
1938 entre la Suisse et la France sur les rapports de voisinage et la
surveillance des forêts limitrophes; RO 1938 p. 206 ss). On peut donc
supposer que si la législation suisse sur l'acquisition d'immeubles
par des personnes à l'étranger avait existé en 1862, les négociateurs
du Traité concernant la vallée des Dappes n'auraient pas manqué de
soumettre à un régime particulier les transferts des terrains situés
dans la partie de territoire cédée à la Suisse, ce afin de protéger les
intérêts légitimes des propriétaires (français). Par ailleurs, il faut
bien reconnaître qu'en 1960, le législateur fédéral n'a pas eu conscience
de la situation particulière de ces immeubles, devenus suisses contre la
volonté de leurs propriétaires. Dès lors, on se trouve aujourd'hui en
présence d'une lacune proprement dite, qu'il y a lieu de combler selon
le principe général énoncé à l'art. 1er CC.

    Or, la législation sur l'acquisition d'immeubles par des personnes
à l'étranger a pour but principal - sinon exclusif - de lutter contre
l'emprise étrangère sur le sol national. Sous des formes différentes,
le Conseil fédéral l'a dit et répété dans ses Messages du 15 novembre
1960 (FF 1960 II p. 1256: "Ces appels montrent clairement que de larges
milieux de la population ont le sentiment que l'infiltration étrangère
dans le domaine immobilier, appelée aussi "mise à l'encan du sol suisse",
constitue un problème national important"), du 25 octobre 1972 (FF 1972 II
p. 1246: "Il importe dès lors d'être particulièrement ménagers de notre
sol national... Le sol doit rester avant tout réservé aux nationaux
et aux étrangers qui travaillent en Suisse ou qui y sont attachés de
manière durable parce qu'ils y habitent)" et du 16 septembre 1981 (FF
1981 III p. 554: "Quant au fond, la loi se borne dorénavant à la lutte
contre l'emprise étrangère sur le sol national; elle ne vise par contre
plus d'autres buts, comme par exemple ceux touchant à l'économie ou à
l'aménagement du territoire... Nous considérons que le projet de loi...
constitue un contre-projet indirect - quant au fond - à l'initiative
populaire "contre le bradage du sol national" déposée le 26 octobre 1979 et
appuyée par 108'210 signatures valables"). Cette volonté de lutter contre
l'emprise étrangère sur le sol national ou contre "la mise à l'encan du
sol national" a d'ailleurs été confirmée par les membres du Parlement
(voir notamment Bull.stén. CN 1960, p. 718 et CE 1961, p. 29).

    En bonne logique, cela signifie que, s'agissant de terrains situés
dans cette partie de territoire que la France a cédée en échange de la
vallée des Dappes, les acquisitions d'immeubles devraient être admises
dans la mesure seulement où elles ne compromettent pas le but principal
de la législation suisse.

    c) Dans une lettre qu'il a adressée le 14 février 1974 au Département
politique fédéral, l'Office fédéral de la justice s'est déclaré prêt "en
tant qu'autorité fédérale de surveillance et autorité fédérale habilitée à
recourir, à examiner avec bienveillance toute requête relative à la cession
d'immeubles conclue entre propriétaires ou personnes ayant domicile sur
les communes (françaises) de Bois-d'Amont et des Rousses... en outre,
de telles requêtes doivent être exceptionnelles". Il importe de rappeler
qu'il n'appartient pas à l'Office fédéral de la justice "d'examiner
avec bienveillance les requêtes", ni même d'établir une réglementation
particulière. C'est en premier lieu aux autorités cantonales vaudoises -
soit à la Commission foncière et à la Commission cantonale de recours
en matière foncière - et le cas échéant au Tribunal fédéral - saisi
d'un recours de droit administratif - qu'il incombe de se prononcer
sur les requêtes présentées par les acquéreurs d'immeubles domiciliés à
l'étranger. Au demeurant, il ne paraît pas possible de faire application
des normes, à la fois trop vagues et trop restrictives, que l'Office
fédéral de la justice a voulu établir dans son avis: en particulier,
on ne voit pas pourquoi il faudrait réserver la possibilité d'acquérir
des immeubles aux seuls "propriétaires ou personnes ayant domicile sur
les communes de Bois-d'Amont et des Rousses". L'essentiel est bien plutôt
qu'en raison de son domicile ou de ses origines familiales, l'acquéreur
puisse justifier de relations - avec le lieu de situation de l'immeuble à
acquérir - si étroites qu'il ne pourrait être considéré comme un étranger
dans la région.

    Dans son mémoire de réponse, Jean-Louis Morel propose quant à lui que
l'acquisition, par des ressortissants français, d'immeubles du territoire
cédé à la Suisse par le Traité soit soumise à une réglementation spéciale
qui tiendrait compte à la fois de la ratio legis de l'AFAIE et de celle du
Traité franco-suisse. C'est ainsi, selon lui, que pour être autorisée,
l'acquisition devrait répondre à un intérêt légitime. S'agissant
de l'AFAIE, l'existence d'un tel intérêt devrait être admise lorsque
l'acquisition ne s'oppose pas à l'un des buts de l'arrêté, qui sont: éviter
l'accaparement du sol national, permettre l'aménagement du territoire
et éviter le renchérissement du prix des immeubles. Pour ce qui est du
Traité, un intérêt légitime pourrait exister chaque fois que l'acquisition
de parcelles par des Français se fonde sur des motifs raisonnables tenant
à la famille ou à la proximité géographique. En principe, pour combler la
lacune, on peut retenir les critères proposés, car ils sont raisonnables
mais, sur un point important, il faut modifier la proposition formulée par
l'intimé. En effet, il n'est pas nécessaire, ni même utile, de subordonner
ces acquisitions d'immeubles à une autorisation, c'est-à-dire à l'existence
d'un intérêt légitime au sens de l'art. 6 al. 1 AFAIE, même si - comme le
propose l'intimé - "la définition de l'intérêt légitime devrait échapper à
toutes les conditions fixées par la liste exhaustive de l'art. 6 al. 2 de
l'arrêté, y compris en ce qui concerne la qualité de personne physique de
l'acquéreur et l'absence d'autres propriétés en Suisse". Non seulement il
n'y a pas lieu de remettre en question la jurisprudence, bien établie,
selon laquelle les cas d'intérêt légitime justifiant l'octroi d'une
autorisation sont énumérés de manière exhaustive à l'art. 6 al. 2 AFAIE
(ATF 106 Ib 73 consid. 3a et les arrêts cités), mais encore et surtout
il importe de relever que la solution proposée par l'intimé présenterait
cet inconvénient de subordonner l'octroi de l'autorisation à toutes les
conditions restrictives autres que celles mentionnées à l'art. 6 al.
2 AFAIE (voir notamment les dispositions des art. 6 al. 3, 7 al. 1, 8
AFAIE, 7, 11, 12a et 14 OAIE). Or, dans la situation particulière où se
trouvent les immeubles faisant partie du territoire que la France a cédé
en 1862, ces restrictions n'apparaissent pas nécessaires. En revanche,
contrairement à l'opinion exprimée par l'intimé, il n'est pas possible de
renoncer - sauf s'il s'agit d'une acquisition conforme à l'art. 6 al. 2
AFAIE - à l'exigence de la qualité de personne physique de l'acquéreur;
c'est le seul moyen d'éviter des abus.

    d) Certes, on ne peut pas considérer comme totalement libres,
entre ressortissants français, les cessions de terrains dans la portion
du territoire que la France a cédée en 1862; de telles acquisitions
d'immeubles doivent être soumises au contrôle de l'autorité compétente
en matière d'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger.

    En réalité, lorsque l'acquisition d'immeubles ne peut pas déjà être
autorisée en vertu d'une des dispositions de l'art. 6 al. 2 AFAIE,
il ne s'agit pas de déterminer s'il y a un intérêt légitime pouvant
justifier l'octroi d'une autorisation, mais bien plutôt de savoir si
l'acquéreur peut, exceptionnellement, ne pas être assujetti au régime de
l'autorisation parce que - notamment en raison de son domicile ou de ses
attaches familiales - il est "chez lui" dans la région dont dépend la
portion de territoire que la France a cédée en échange de la vallée des
Dappes. Pratiquement, cela signifie que dans tous les cas de cession,
entre Français, de terrains situés dans cette portion de territoire,
la Commission foncière II doit être saisie d'une requête dans laquelle
l'acquéreur démontre qu'il n'est pas un étranger à la région. Il
appartient alors à cette autorité cantonale de première instance - à
qui l'art. 11 al. 1 AFAIE donne précisément la compétence de statuer sur
l'assujettissement au régime de l'autorisation - de vérifier l'existence de
ces relations très étroites de l'acquéreur avec la région de Morez (et non
pas seulement avec l'une des communes de Bois-d'Amont, des Rousses ou de
La Cure). Or, dans le cas particulier, Jean-Louis Morel a pu démontrer
l'existence de relations particulièrement étroites avec la région où
il est domicilié et plus spécialement avec le village des Rousses, où
il vient régulièrement en vacances et dont l'un de ses ancêtres fut le
premier habitant, ce qui n'est d'ailleurs contesté par personne.

    e) Ainsi, c'est avec raison que la Commission cantonale de recours en
matière foncière a admis l'existence en l'espèce d'un cas exceptionnel
qui ne saurait conduire à un "accaparement du sol national". Elle n'a
donc pas violé une norme de droit public fédéral, ni commis un excès ou
un abus de son pouvoir d'appréciation. Dans ces conditions, le recours
de l'Office fédéral de la justice apparaît mal fondé.