Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 IB 167



108 Ib 167

32. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 3 février 1982 dans la
cause Conseil d'Etat du canton du Valais, commune politique de Trient et
Jean-Louis Hugon c. Département fédéral de l'intérieur (recours de droit
administratif) Regeste

    Art. 31 FPolG und 26 FPolV; Rodung im Hinblick auf die Schaffung
einer neuen Wintersportstation.

    1. Die Legitimation kantonaler und Gemeinde-Behörden zur
Verwaltungsgerichtsbeschwerde richtet sich, wenn es um die Rodung privaten
Waldes geht, nach Art. 103 lit. c OG (E. 2a).

    2. Polizeiliche Gründe (wie im konkreten Fall die Lawinengefahr)
müssen bei der Interessenabwägung mit berücksichtigt werden (E. 4).

    3. Prüfung der in Art. 26 FPolV festgelegten Voraussetzungen:
Die Notwendigkeit der Errichtung des Werkes am vorgesehenen Ort ist
im konkreten Fall nicht nachgewiesen (E. 5b). Die geplante Sportstation
entspricht auch nicht einem überwiegenden Bedürfnis i.S. von Art. 26 Abs. 1
FPolV (E. 6) und hätte eine schwere Beeinträchtigung der Landschaft zur
Folge (E. 7).

Sachverhalt

    A.- Le 14 décembre 1977, Jean-Louis Hugon a requis auprès du
Département fédéral de l'intérieur l'autorisation de défricher 30'900
m2 de forêt privée, dont il est propriétaire au lieu dit "Les Esserts",
sis sur le territoire de la commune de Trient (Valais), dans le but de
créer une station touristique. Le défrichement demandé devrait permettre
de construire des maisons d'habitation (21'600 m2) dans la région du lac
(bassin de compensation des Esserts), puis de réaliser une télécabine et
un téléski (9300 m2) en direction de la Tête de Balme. La requête précisait
toutefois que le projet prévoyait une seconde étape nécessitant l'abattage
de 44'100 m2 supplémentaires de forêt, ce qui porterait la surface totale
du défrichement à 75'000 m2. Les reboisements compensatoires étaient
entièrement prévus à proximité du périmètre des défrichements.

    La demande de défrichement a reçu un préavis favorable de l'Inspection
forestière d'arrondissement, de l'Inspection cantonale des forêts, de
l'Office cantonal pour la protection de la nature et de l'Office cantonal
de planification. Le Conseil d'Etat du canton du Valais l'a transmise au
Département fédéral de l'intérieur avec un préavis également favorable,
le 12 juillet 1978.

    A la même date, le Conseil d'Etat décidait d'approuver, sous
certaines réserves, le plan de quartier qui lui avait été soumis dès
le 6 décembre 1974 par la commune de Trient en vue de la création de la
station des Esserts. Considérant que cette station s'inscrivait dans le
cadre de l'aménagement général de la région et qu'elle était appelée à
jouer un rôle essentiel dans le développement économique, non seulement
de la commune de Trient, mais aussi de celle de Finhaut, par la création
d'équipements touristiques et sportifs importants et de nombreux emplois,
le Conseil d'Etat a également proposé au Grand Conseil un projet de décret
en vue de la correction de la route cantonale destinée à desservir la
station. Le Grand Conseil a approuvé ce décret le 18 mai 1979.

    Par décision du 16 août 1979, le Département fédéral de l'intérieur,
se conformant au préavis de la Commission fédérale pour la protection
de la nature et du paysage, a rejeté la demande de défrichement.
Il a notamment retenu que l'obligation légale de conserver la forêt
l'emportait en l'espèce sur l'intérêt à créer une nouvelle station qui
ne se distinguait pas de façon déterminante de l'ensemble des projets
touristiques concernant des régions de montagne. De plus, des motifs de
police s'opposaient au défrichement, la station des Esserts se trouvant
dans une région menacée par les avalanches. Le coût des ouvrages de
protection contre les avalanches serait disproportionné et ceux-ci
porteraient en outre une grave atteinte au paysage. Enfin, l'impact que
les constructions et installations de tout genre auraient sur un paysage
resté jusqu'ici pratiquement intact serait très grand.

    Le Conseil d'Etat du canton du Valais, la commune de Trient et
Jean-Louis Hugon ont chacun formé devant le Tribunal fédéral un recours de
droit administratif, concluant à l'annulation de la décision du Département
fédéral de l'intérieur du 16 août 1979 et à l'octroi de l'autorisation
de défricher requise.

    Par ordonnance du 24 septembre 1979, le président de la Ire Cour de
droit public a cependant suspendu l'instruction des trois recours de droit
administratif jusqu'à droit connu sur la demande de reconsidération formée
conformément à l'art. 58 PA par le Conseil d'Etat et la commune de Trient.

    Statuant à nouveau le 13 mars 1981, le Département fédéral de
l'intérieur est entré en matière sur la demande de reconsidération,
mais l'a rejetée. Il a considéré en substance que l'étude complémentaire
fournie par le promoteur ne permettait pas de lever entièrement les
doutes qu'il avait émis quant au danger d'avalanches et aux mesures de
protection à prendre. S'il n'était guère contestable que l'installation
d'une nouvelle station de ski répondait à un certain besoin de la région,
celui-ci ne suffisait cependant pas à justifier l'octroi de l'autorisation
de défricher requise.

    Le Conseil d'Etat du canton du Valais et la commune de Trient ont
également formé un recours de droit administratif auprès du Tribunal
fédéral contre la nouvelle décision du Département fédéral de l'intérieur
du 13 mars 1981.

    Prononçant la jonction des causes, le Tribunal fédéral a rejeté les
recours pour les motifs suivants:

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Aux termes de l'art. 103 OJ, la qualité pour former un recours
de droit administratif appartient à "quiconque est atteint par la décision
attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou
modifiée" (lettre a), au "département compétent lorsque le droit fédéral
le prévoit..." (lettre b), et à "toute autre personne, organisation ou
autorité à laquelle la législation fédérale accorde le droit de recours"
(lettre c).

    Le Conseil d'Etat et la commune de Trient prétendent déduire leur
qualité pour recourir de l'art. 103 lettre a OJ. Cette disposition n'est
toutefois applicable à une autorité cantonale ou communale que si elle est
atteinte par la décision attaquée de la même façon que pourrait l'être un
particulier et a un intérêt digne de protection à ce que cette décision
soit annulée ou modifiée. Tel est le cas s'il existe un rapport étroit
avec l'objet litigieux et qu'elle est ainsi touchée directement dans
sa situation de fait ou dans sa situation juridique. Quant à l'intérêt
public à une application correcte et uniforme du droit fédéral, qui fonde
la légitimation des départements fédéraux selon l'art. 103 lettre b OJ, il
ne suffit pas à conférer à une autorité cantonale ou communale la qualité
pour recourir selon la lettre a de cette disposition (ATF 105 Ib 359
consid. 5a, 99 Ib 213 consid. 3, 98 Ib 279 consid. 1, 97 I 606 consid. 2).

    En l'occurrence, le refus d'autorisation de défricher porte sur une
forêt privée. Or, l'intérêt du Conseil d'Etat et de la commune de Trient
à l'annulation de la décision attaquée est un intérêt public général,
concernant l'aménagement du territoire et le développement de l'économie
alpestre, qui ne permet pas de reconnaître à ces autorités la qualité
pour recourir en application de l'art. 103 lettre a OJ. Différente est la
situation de Jean-Louis Hugon qui, en tant que propriétaire de la forêt
litigieuse, est touché directement dans sa situation juridique et a donc
un intérêt digne de protection, au sens de l'art. 103 lettre a OJ, à ce
que la décision entreprise soit annulée. Reste dès lors à examiner si les
autorités recourantes peuvent tirer leur légitimation d'une loi fédérale.

    Si la loi fédérale du 11 octobre 1902 concernant la haute surveillance
de la Confédération sur la police des forêts (LFor; RS 921.0) et son
ordonnance d'exécution du 1er octobre 1965 (OFor; RS 921.01) n'entrent
pas en considération, puisqu'il s'agit, en l'espèce, d'une forêt privée,
il faut cependant relever que les décisions attaquées sont aussi fondées
sur les art. 2 ss de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection
de la nature et du paysage (LPN; RS 451). Or, l'art. 2 lettre b LPN
classe expressément l'octroi d'autorisations de défrichement parmi les
tâches accomplies par la Confédération au sens de l'art. 24sexies al. 2
Cst. Il en résulte que l'art. 12 LPN, qui confère notamment aux communes
et aux cantons le droit de former un recours de droit administratif
contre les décisions d'autorités fédérales, est applicable dans le cas
particulier. Contrairement à ce qu'allèguent les autorités recourantes,
leur qualité doit dès lors être déduite de l'art. 103 lettre c OJ.

    b) La décision du 13 mars 1981, par laquelle le Département fédéral
de l'intérieur a rejeté la demande de reconsidération présentée par le
Conseil d'Etat et la commune de Trient, est une nouvelle décision au
sens de l'art. 58 PA. A la différence d'un simple acte administratif de
confirmation ou d'exécution d'une décision matérielle antérieure, une
telle décision est elle-même susceptible d'être attaquée par la voie
du recours de droit administratif (ATF 95 I 278 consid. 1a, 90 I 345
consid. 2a). Les recours formés par le Conseil d'Etat et la commune de
Trient contre la décision du 13 mars 1981 sont, par conséquent, recevables.

    En ce qui concerne les recours formés contre la décision du 16 août
1979, il faut admettre qu'ils ne sont pas devenus sans objet puisque, en
rejetant la demande de nouvel examen, le Département fédéral de l'intérieur
a confirmé son refus d'octroyer l'autorisation de défricher. L'intérêt
actuel et pratique des recourants à l'annulation de la décision du 16 août
1979 a donc subsisté. Il y a lieu ainsi d'entrer également en matière sur
leurs recours contre cette première décision, conformément à l'art. 58
al. 3 PA.

Erwägung 3

    3.- En rendant les décisions attaquées, le Département fédéral a refusé
l'autorisation de défricher, dans une première étape, 30'900 m2 de forêt
privée en vue de créer une station touristique sur la commune de Trient.

    Selon l'art. 31 al. 1 LFor, l'aire forestière de la Suisse ne doit
pas être diminuée. L'art. 24 al. 1 OFor précise que la forêt doit être
conservée dans son étendue et sa répartition régionale, en raison de ses
fonctions productives, protectrices et sociales. C'est à l'art. 26 OFor
que le Conseil fédéral a posé les conditions auxquelles des défrichements
peuvent être autorisés. Une telle autorisation ne peut être accordée
que si le requérant prouve qu'il existe un besoin prépondérant primant
l'intérêt à la conservation de la forêt (al. 1). Il faut, d'autre part,
qu'aucune raison de police ne s'oppose au défrichement (al. 2) et que
l'ouvrage, pour lequel le défrichement est sollicité, ne puisse être
construit qu'à l'endroit prévu (al. 3). Des intérêts financiers, comme
celui de tirer du sol le meilleur profit possible ou de se procurer
du terrain à bon marché, ne sont pas, aux termes de l'art. 26 al. 3,
considérés comme un besoin prépondérant au sens de l'art. 26 al. 1. Enfin,
l'autorité compétente devra tenir compte de la protection de la nature et
du paysage (art. 26 al. 4). Il s'agit dès lors d'examiner si l'autorité
fédérale a correctement apprécié les différentes conditions posées par
cette disposition pour refuser la demande de défricher litigieuse. Tout en
reconnaissant un certain pouvoir d'appréciation aux autorités inférieures,
dans la mesure où la solution dépend des circonstances locales qu'elles
sont mieux à même d'apprécier, le Tribunal fédéral dispose à cet égard
d'un pouvoir de libre examen (ATF 106 Ib 43 et 138, 104 Ib 225 consid. 5a,
98 Ib 372 et 497). Il n'est en outre pas lié par les constatations de fait
de ces autorités lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée n'émane
ni d'un tribunal cantonal, ni d'une commission de recours (art. 105 OJ). A
cet égard, il ne se justifie cependant pas de procéder à la vision locale
requise par les recourants à titre de moyen de preuve, dans la mesure où
les pièces figurant au dossier et le complément d'instruction auquel a
procédé le Département fédéral de l'intérieur, lors de la procédure de
nouvel examen, suffisent à établir sans équivoque l'état des faits.

Erwägung 4

    4.- L'autorisation de défricher a notamment été refusée pour des
motifs de police, l'autorité fédérale ayant considéré que si la station
des Esserts, entièrement prévue en forêt, n'était pas elle-même située
dans un secteur soumis au danger d'avalanches, il n'en était pas de même
de certaines installations sportives qui seraient ouvertes aux skieurs.

    L'étude complémentaire sollicitée par le promoteur à la suite de
la visite des lieux à laquelle a procédé le Département fédéral de
l'intérieur, le 15 avril 1980, a donné lieu à un rapport de l'ingénieur
forestier Pitteloud. Il ressort de cette étude qu'abstraction faite
des défrichements prévus en première étape, les pistes de ski et la
route d'accès seraient situées dans des zones dangereuses et que leur
réalisation nécessiterait la construction d'un certain nombre d'ouvrages
de protection. De même, les reboisements compensatoires Nos 2 et 3 ne
pourraient être entrepris sans qu'au préalable les avalanches concernées
soient stabilisées. L'auteur du rapport conclut en rappelant que si le vent
d'ouest domine en général dans la région, il faut porter une attention
toute particulière au vent du nord, qui est le plus redoutable, car il
"peut souffler toute idée préconçue et rendre très dangereuses des pentes
qui ne l'étaient guère".

    A la suite de ce rapport, le promoteur a informé l'autorité fédérale
qu'il renonçait à l'installation des remontées mécaniques en direction
de la pointe du Van et prenait l'engagement de réaliser les ouvrages
de protection proposés par M. Pitteloud. Il n'était, en revanche, pas
d'accord de construire une galerie de 380 m destinée à protéger la route
d'accès contre l'avalanche de la Ména, estimant que celle-ci ne menaçait
la route que des années exceptionnelles, et qu'il suffirait, dans ce cas,
de prévoir la fermeture de la route d'accès par mesure de police.

    Il résulte de ce qui précède que le défrichement requis en première
étape n'augmenterait pas en principe le danger d'avalanches. Le Département
fédéral de l'intérieur ne pouvait donc pas refuser l'autorisation de
défricher uniquement pour des motifs de police, mais il en a tenu compte
à juste titre dans son appréciation de l'ensemble des circonstances
(DUBS, Rechtsfragen der Waldrodung in der Praxis des Bundesgerichts, in:
Schweiz. Zeitschrift für Forstwesen, No 5, mai 1974, p. 285 ch. 3a). Il y
aura lieu dès lors de prendre en considération, dans la pesée des intérêts
en présence, du fait que la station des Esserts se trouverait à proximité
immédiate d'une zone exposée au danger d'avalanches et nécessiterait des
ouvrages de protection pour les pistes de ski prévues en première étape,
ainsi que pour la route d'accès, dont le promoteur n'entend pas réaliser
le plus important, vu son caractère extrêmement onéreux (galerie de 380 m).

Erwägung 5

    5.- Les recourants soutiennent que l'aménagement de la station des
Esserts, tel qu'il a été conçu par l'autorité communale et approuvé par
l'autorité cantonale, doit, en l'occurrence, l'emporter sur l'intérêt
à la conservation de la forêt. Ils insistent notamment sur le fait qu'il
appartient essentiellement aux cantons de prendre des mesures d'aménagement
du territoire et que la Confédération ne devrait pas utiliser la LFor
pour faire obstacle aux dispositions prises par les cantons en cette
matière, surtout lorsque celles-ci s'inscrivent dans la perspective du
développement de toute une région.

    a) L'art. 22quater Cst. charge la Confédération d'édicter par voie
législative des principes applicables aux plans d'aménagement que les
cantons sont appelés à établir. La loi fédérale sur l'aménagement du
territoire du 22 juin 1979 (LAT) a ainsi réparti les compétences en ce
domaine entre la Confédération, les cantons et les communes et fixé les
principes que ces autorités doivent respecter dans l'accomplissement
de leurs tâches. Or, il leur appartient précisément de sauvegarder le
paysage et de maintenir la forêt dans ses diverses fonctions (art. 3 al. 2
lettre e LAT). On ne saurait donc faire grief au Département fédéral
de l'intérieur de prendre en considération ces principes lorsqu'il est
appelé à se prononcer sur une demande d'autorisation de défrichement.
Contrairement à ce que pensent les recourants, cela ne signifie pas qu'il
puisse sans autre faire abstraction des besoins du développement régional.
L'art. 1er al. 1 LAT lui prescrit, en effet, expressément de tenir compte
"des besoins de la population et de l'économie". C'est toutefois dans
le cadre de la pesée des intérêts à laquelle il y a lieu de procéder
en application de l'art. 26 OFor que ces différents besoins doivent
être appréciés.

    b) Lorsqu'elle est tenue d'évaluer si l'intérêt à la conservation de
la forêt doit céder le pas devant les besoins découlant de l'implantation
d'un équipement touristique, l'autorité administrative a l'obligation
de déterminer dans quelle mesure l'ouvrage ne peut être construit qu'à
l'endroit prévu (art. 26 al. 3 OFor). Ce lien entre l'ouvrage et son
emplacement ne s'entend pas de manière absolue, mais relative, en ce
sens qu'il existera toujours un certain choix, quant à l'emplacement d'un
équipement touristique, mais que l'intérêt public à sa réalisation pourra
néanmoins, dans certains cas, l'emporter sur l'intérêt à la conservation
de la forêt, s'il s'inscrit dans un plan d'aménagement régional concernant
des terrains dont la majeure partie est soustraite au champ d'application
de la LFor (ATF 98 Ib 498 consid. 6).

    Dans le cas particulier, il est important de constater que le promoteur
ne se propose pas de développer une station touristique existante,
mais a l'intention de créer une station entièrement nouvelle, située
intégralement en forêt, qui serait éloignée à la fois des villages de
Trient et de Finhaut. Le défrichement requis n'apparaît donc pas comme
secondaire par rapport à l'objectif de développement régional poursuivi
par les recourants. L'argument de ces derniers, selon lequel les terres à
défricher ont été autrefois déboisées, mais sont retournées en friche en
raison du dépeuplement des hameaux voisins, est au reste sans pertinence,
puisque la forêt, qui ne doit pas être diminuée selon l'art. 31 LFor,
s'entend dans sa répartition actuelle et non dans son état historique
(ATF 98 Ib 364; arrêt commune de Küsnacht et consorts du 23 décembre 1981,
consid. 2c et d p. 7 à 9, non publié; DUBS, op.cit., p. 282 ch. 4).

    Il faut dès lors admettre que la condition du lien entre l'ouvrage et
son emplacement ne saurait, en l'occurrence, passer à l'arrière-plan. Ce
lien, le promoteur voudrait le voir dans sa volonté de procurer à la
station projetée le meilleur ensoleillement possible. Or, il est manifeste
qu'un tel lien ne suffit pas à établir la nécessité de construire l'ouvrage
à l'endroit prévu. Si l'on ajoute aux travaux fort onéreux qu'il conviendra
de réaliser pour protéger les pistes de ski et la route d'accès contre les
avalanches - et dont le promoteur refuse en l'état de réaliser le plus
important -, le fait que la viabilité de la station dépendra également
de dérogations à obtenir en vue de la vente d'immeubles à des personnes
domiciliées à l'étranger, on peut en conclure que les recourants n'ont
pour le moins pas démontré que l'emplacement de la station s'imposait
par sa destination au sens de l'art. 26 al. 3 OFor.

Erwägung 6

    6.- Les recourants invoquent, à l'appui de la preuve qu'ils entendent
apporter du besoin de la nouvelle station, la nécessité du développement
touristique des communes concernées et, d'une manière plus générale, de
toute la région de Martigny. Pour sa part, le Conseil d'Etat se prévaut
sur ce point de l'art. 15 Cst. val., prescrivant à l'Etat d'encourager
l'économie alpestre.

    Après avoir fait une large part à l'intérêt public qui découle
des exigences du développement touristique (ATF 98 Ib 499 consid. 7),
la jurisprudence se montre aujourd'hui plus réservée, en particulier
lorsqu'un défrichement porte sur d'importantes surfaces boisées et a
pour conséquence de graves atteintes, souvent irréversibles, à la forêt
et au paysage (ATF 106 Ib 53 ss, 138 consid. 3, 103 Ib 50; arrêt SL
Sattel AG, publié dans ZBl 1979, p. 592). Elle a posé le principe que,
sous peine de vider l'art. 31 LFor de toute sa portée, il y avait lieu
de restreindre l'octroi d'autorisations de défrichement en vue de la
réalisation d'équipements touristiques aux cas où ceux-ci répondaient à
un besoin impérieux, semblable à un état de nécessité.

    Les recourants ne prétendent pas en l'espèce, et à juste titre, qu'à
défaut de l'autorisation requise, les communes de Trient et de Finhaut
seraient menacées dans les fondements mêmes de leur existence. Il ressort
en effet du rapport établi le 27 juillet 1979 par l'Office d'économie
montagnarde à l'intention du Conseil d'Etat, produit en annexe au recours,
que le programme de développement de la région de Martigny "repose sur des
hypothèses optimistes" et que les objectifs fixés doivent être considérés
comme des maximums. Ce rapport nuance par ailleurs de façon substantielle
les allégations des recourants sur la création de nouveaux emplois,
en ce sens que "le développement touristique prévu ne va pas créer des
places de travail tellement plus attrayantes que celles qui existent
déjà dans la région et qui sont occupées, pour une part importante,
par des étrangers". En ce qui concerne le fait que le secteur des
Esserts serait parcouru occasionnellement par des skieurs utilisant
les remontées mécaniques sises en territoire français et comprendrait
même trois itinéraires répertoriés par la Fédération suisse de ski, il
ne suffit pas davantage à démontrer l'existence d'un besoin impérieux.
Au demeurant, le promoteur a estimé le nombre de lits (3500), dont il
convenait d'équiper la future station, en fonction de la capacité des
remontées mécaniques. A la suite du rapport déposé par M. Pitteloud,
il déclare aujourd'hui vouloir renoncer à la réalisation des remontées
mécaniques projetées à l'est du Nant de Catogne et en direction de la
pointe du Van, en raison du fort danger d'avalanches existant dans cette
région. Cette renonciation, qui concerne au moins le tiers de la capacité
des remontées mécaniques prévues, devrait entraîner, si l'on fait usage
de la méthode d'évaluation utilisée par le mandataire du promoteur, une
diminution équivalente des besoins en lits de la station. Compte tenu de ce
nouvel élément, on peut se demander si le projet n'est pas surdimensionné
et si la réduction de la capacité des remontées mécaniques ne remet pas
en cause sa rentabilité. Quoi qu'il en soit, il faut admettre que, dans
ces circonstances, le Département fédéral de l'intérieur n'a pas violé le
droit fédéral, ni excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation en jugeant
que la station projetée ne répondait pas à un besoin prépondérant au sens
de l'art. 26 al. 1 OFor, primant l'intérêt à la conservation de la forêt.

    Ainsi que le souligne l'autorité fédérale, il est vraisemblable
qu'un projet moins ambitieux pourrait être réalisé sans défrichement. Il
n'appartient cependant pas au Tribunal fédéral de dire si un tel projet
serait viable du point de vue économique, dès lors que les intérêts
financiers du promoteur n'entrent pas en considération pour juger s'il
existe un besoin prépondérant au sens de la loi.

Erwägung 7

    7.- Le Département fédéral de l'intérieur a aussi tenu compte de
la protection de la nature et du paysage pour refuser l'autorisation
de défrichement requise. Il a notamment retenu que la station des
Esserts devait être réalisée sur une ligne de crête et que son impact
sur le paysage, dans une région encore peu touchée, serait ainsi très
important. Par ailleurs, les défrichements prévus pour l'installation
des remontées mécaniques, la réalisation de la route d'accès et le tracé
des pistes de ski nécessiteraient la construction d'un certain nombre
d'ouvrages de protection contre les avalanches, lesquels porteraient,
eux aussi, une grave atteinte au paysage.

    S'il est exact, comme le soutiennent les recourants, que la protection
de la nature et du paysage relève en premier lieu du droit cantonal,
il n'en demeure pas moins que l'art. 24sexies Cst. a également confié
l'accomplissement de certaines tâches à la Confédération, parmi lesquelles
il y a lieu de compter l'octroi d'autorisations de défrichements (art. 2
lettre b LPN). On ne saurait dès lors considérer que le Département fédéral
de l'intérieur a outrepassé ses compétences en refusant l'autorisation
sollicitée également pour des motifs de protection de la nature et du
paysage, d'ailleurs expressément visés par l'art. 26 al. 4 OFor.

    Selon la jurisprudence, l'autorité administrative doit tenir compte,
lorsqu'elle apprécie l'impact sur le paysage d'une demande de défrichement,
non seulement du défrichement comme tel, mais aussi des bâtiments qui
prendront la place de la forêt lorsque, comme en l'espèce, la demande
de défrichement est liée à un projet de constructions (ATF 98 Ib 500
consid. 8).

    Le mandataire de Jean-Louis Hugon fait état des nombreuses atteintes
qui ont déjà été apportées par l'homme au site de la future station;
il en exagère cependant volontairement l'impact pour les besoins de
sa démonstration. L'autorité fédérale n'a, quant à elle, pas considéré
que le paysage n'avait pas été touché par l'homme, mais qu'il avait été
"peu touché". Or, cette constatation n'est nullement infirmée par les
documents photographiques produits par les parties. Il ressort, en effet,
de ces documents que les tranchées actuellement ouvertes dans la forêt pour
marquer la frontière internationale et permettre le passage d'une ligne
à haute tension et de deux téléphériques portent au paysage une atteinte
qui est sans commune mesure avec celle qui résulterait du projet litigieux.

    Dans ces conditions, il faut admettre que, sur ce point également, le
Département pouvait, sans abuser de son pouvoir d'appréciation, considérer
que la station projetée porterait une grave atteinte à un paysage, dont
l'aspect caractéristique devait être ménagé, et souligner que c'est le
développement touristique qui doit s'adapter au paysage et non l'inverse.