Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 104 II 75



104 II 75

14. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 2 février 1978 dans la
cause G. contre D. Regeste

    Landwirt, der seinen Sohn zum Alleinerben und seine Töchter zu
Vermächtnisnehmerinnen einsetzt.

    Ausstellung einer Erbbescheinigung, aus der entgegen dem Testament
hervorgeht, der Erblasser habe alle seine Kinder zu gleichen Teilen zu
Erben eingesetzt; Vereinbarungen unter den Kindern, gemäss welchen der
Hof dem Sohn zugewiesen und den Töchtern ein Gewinnanteilsrecht eingeräumt
wird; Vormerkung des Gewinnanteilsrechts der Töchter im Grundbuch.

    1. Der Grundbucheintrag, der auf einer unrichtigen Erbbescheinigung
beruht, kann nach Art. 975 ZGB berichtigt werden, ohne dass vorher die
Erbbescheinigung nichtig erklärt werden müsste (E. II 2).

    2. Art. 619 ff., Art. 959 Abs. 2 ZGB. Wenn der pflichtteilsgeschützte
Erbe, der seinen Pflichtteil dem Werte nach in Form eines Vermächtnisses
erhalten hat, erst mit dem Herabsetzungsurteil wirklicher Erbe würde (Frage
offen gelassen), könnte er dennoch die Vormerkung des Gewinnanteilsrechts
verlangen, das ihm durch Urteil oder durch Vereinbarung mit dem Eigentümer
eingeräumt worden ist (E. II 3b, aa und bb).

Sachverhalt

    A.- a) Louis L., agriculteur à Chevilly, près de La Sarraz, est décédé
le 20 juin 1967, laissant comme héritiers légaux sa veuve (décédée le 13
octobre 1969) et ses trois enfants: Charles L., Madeleine G. et Caroline D.

    Par testament public, reçu par le notaire X. le 14 août 1957, Louis
L. avait légué à sa veuve l'usufruit de tous ses biens et institué son
fils Charles unique héritier, à charge pour lui de payer à chacune de ses
soeurs la somme de 25'000 fr., représentant, avec les trousseaux reçus
lors de leur mariage, leurs parts successorales. Le notaire X. était
désigné comme exécuteur testamentaire.

    b) Les 9/10 novembre 1967, les trois enfants L. signèrent un acte dans
lequel ils déclaraient accepter la succession et requérir la délivrance
d'un certificat d'héritier. Le 29 novembre 1967, le juge de paix du cercle
de La Sarraz, assisté du notaire X. exerçant les fonctions de greffier,
établit un certificat d'héritier indiquant, contrairement au testament,
que Louis L. avait laissé comme héritiers institués ses trois enfants, dans
la proportion d'un tiers chacun. Ce certificat précise que la succession
comprend des immeubles "dont l'inscription au registre foncier au chapitre
des héritiers est requise". Le 1er décembre 1967, les immeubles furent
inscrits au registre foncier au nom des trois enfants, en leur qualité
de cohéritiers.

    Charles L. avait demandé la délivrance du certificat d'héritier
conjointement avec ses soeurs; il ne s'est pas opposé à ce que celles-ci
fussent indiquées comme héritières. Il n'a pas attaqué le certificat
d'héritier par la voie du recours non contentieux, qui lui était
ouverte. Il n'a pas introduit d'action successorale, ni d'action en
modification ou en radiation des inscriptions au registre foncier.
   c) En mai 1968, les héritiers de Louis L. passèrent trois actes:

    aa) Par un acte des 6/8 mai intitulé "Règlement et partage" et
notarié X., la veuve et les trois enfants, après rappel du testament et du
certificat d'héritier "en faveur des héritiers réservataires", convinrent,
en substance, que Charles L. reprenait la totalité des actifs et passifs
successoraux, qu'en compensation il souscrivait en faveur de chacune de
ses soeurs une reconnaissance de dette de 25'000 fr. et qu'il payait à sa
mère 10'000 fr. Les parties se donnaient "réciproquement quittance totale
et définitive de toutes les prétentions qu'elles étaient en droit de faire
valoir quant à la succession de Louis L." et "renonçaient expressément
à tout recours entre elles de ce chef".

    bb) Par un second acte, du 8 mai, également notarié X. et intitulé
"Cession en lieu de partage" (soit "transfert immobilier"), Madeleine
G. et Caroline D. firent "cession en lieu de partage" à Charles L. de
leur part, soit les deux tiers des immeubles de la succession, qui furent
inscrits au registre foncier au chapitre exclusif du cessionnaire. Cette
cession était consentie moyennant souscription par Charles L., en faveur de
chacune de ses soeurs, d'une reconnaissance de dette de 25'000 fr. L'acte
fut transcrit au registre foncier le 16 mai 1968.

    cc) Le 8 mai également, les parties à l'acte précité passèrent,
devant le notaire X., une convention intitulée "Part au gain".

    Cette convention rappelle que Charles L. est devenu propriétaire
exclusif du domaine paternel sur la base d'une estimation de 184'500
fr. "En conséquence", stipule-t-elle, "parties requièrent l'inscription
du droit des cohéritiers de participer au bénéfice en cas de revente dans
un délai de vingt-cinq ans dès ce jour". Cette convention fut présentée
au registre foncier et annotée le 16 mai 1968.

    Le 26 mars 1970, les soeurs furent mises au bénéfice d'une garantie
hypothécaire pour leurs créances respectives, de 25'000 fr. chacune.

    d) Le 18 août 1973, elles cédèrent encore à leur frère, selon
acte notarié, une petite vigne à Féchy, qui provenait de la succession
paternelle. Bien qu'aucune convention de part au gain n'eût été passée
au sujet de cette vigne, Caroline D. fit annoter au registre foncier
d'Aubonne, le 18 décembre 1974, un droit au gain concernant la parcelle.

    e) Charles L., qui, dès le 16 mai 1968, avait contracté d'importants
emprunts hypothécaires, ne tarda pas à tomber en déconfiture. A la requête
d'une banque, créancière hypothécaire, la quasi-totalité de ses immeubles
fut vendue aux enchères par l'office des poursuites de Cossonay le 2 août
1973. Les immeubles furent adjugés aux deux beaux-frères de Charles L.,
Georges D. et Edmond G., pour le prix de 527'000 fr. Après paiement
des créanciers, dont chacune des soeurs pour sa créance de 25'000
fr. garantie par hypothèque, il restait un solde disponible de 252'403
fr. D'entente avec les soeurs et les acquéreurs, soit leurs maris, l'office
des poursuites consigna ce montant à la Banque cantonale vaudoise, "à
disposition pour la répartition de la part au gain". Les deux beaux-frères
revendirent une partie des immeubles acquis et se partagèrent le solde.

    f) En août 1973, un acte portant sur la répartition entre Charles
L. et ses soeurs du produit des enchères du 2 août fut préparé par un
notaire d'Yverdon. Se référant aux art. 619 ss CC, cet acte établissait
le gain à répartir entre les héritiers à 267'300 fr., soit 89'100 fr. pour
chacun des enfants de Louis L. Charles L., auquel l'acte fut présenté,
refusa de le signer, déclarant avoir été trompé et volé par ses soeurs
et le notaire X.

    g) Le 30 août 1974, Charles L. tua d'un coup de mousqueton son
neveu Maurice G., fils unique des époux G., puis se suicida. Maurice
G. laissait une veuve, Monique G., et deux fils, Manuel, né le 10 août
1972, et Jean-Pascal, né le 26 juillet 1974.

    h) Charles L. avait pour héritières légales ses deux soeurs, qui
demandèrent le bénéfice d'inventaire, puis la liquidation officielle. La
succession étant insolvable, le président du Tribunal du district de
Cossonay en ordonna la liquidation selon les règles de la faillite.

    Les deux soeurs intervinrent, revendiquant leur part au gain. Dame
D. précisa qu'elle réclamait, à concurrence de 90'000 fr., plus intérêts,
les espèces consignées, à titre de part aux gains réalisés lors de la
vente du 2 août 1973, et, en outre, sa part au gain sur le produit de
la réalisation des immeubles demeurés propriété de Charles L., encore
à vendre. L'office des faillites de Cossonay porta ces prétentions à
l'inventaire du 20 juin 1975. Sur le montant consigné de 252'403 fr., il
admettait de ne retenir que 72'403 fr. comme part revenant à la succession
de Charles L., le solde de 180'000 fr. étant considéré comme litigieux.

    De leur côté, la veuve et les enfants de Maurice G. furent colloqués
en cinquième classe pour une créance de 474'587 fr.

    L'état de collocation ne fut pas contesté.

    i) Le 17 juillet 1975, l'administration de la succession céda à la
veuve et aux enfants de Maurice G. les droits de la masse relatifs aux
prétentions formulées par les deux soeurs sur la base de leur droit au
bénéfice provenant de la vente des immeubles.

    Madeleine G. et son mari retirèrent et abandonnèrent en faveur des
cessionnaires les prétentions qu'ils faisaient valoir dans la succession
de Charles L. Caroline D., en revanche, maintint la sienne.

    j) Les immeubles que Charles L. possédait encore à La Chaux, ainsi
que la vigne de Féchy, furent vendus par l'office des faillites, qui
consigna 27'292 fr. 30 à titre de part au gain revendiqué par dame D.,
somme qui s'ajoute aux 90'000 fr. déjà consignés.

    k) Le 30 novembre 1975, Monique G. et ses enfants, représentés par un
curateur, ont ouvert action contre Caroline D. Ils concluaient en substance
à la nullité du certificat d'héritier, des actes du 8 mai 1968, du 18 août
1973 et du 18 décembre 1974, ainsi qu'à la radiation au registre foncier
des annotations relatives à la part au gain. Ils demandaient en outre
qu'il fût dit que la défenderesse n'a droit à une part au gain ni sur le
produit de la réalisation forcée de 1973 ni sur celui de la réalisation
dans la faillite.

    La défenderesse a conclu à à libération et, reconventionnellement,
à la délivrance des sommes consignées par 89'100 fr., plus intérêts,
et 25'893 fr., plus intérêts.

    B.- Le 29 août 1977, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a
reconnu le droit de la défenderesse à une part aux gains réalisés tant
par Charles L. que par la masse successorale, à concurrence de 111'748
fr. 30, en capital, et autorisé l'office des faillites de Cossonay à
délivrer cette somme à la défenderesse. En revanche, elle a dénié à la
défenderesse la part au gain réalisé ensuite de la vente de la vigne de
Féchy et a ordonné la radiation de l'annotation.

    Ce jugement est motivé en substance comme il suit:

    Certes, le certificat d'héritier était contraire au testament de
Louis L., mais Charles L. ne l'a pas attaqué, comme la loi vaudoise de
procédure civile lui en donnait le droit. Ses ayants cause ne sauraient
donc en demander aujourd'hui l'annulation, laquelle n'entraînerait
d'ailleurs pas automatiquement celle des actes postérieurs, qui doivent
être interprétés. Les actes des 6/8 mai 1968, qui forment visiblement
un tout, constituent une transaction: il s'est agi, pour les descendants
de Louis L., de régler - librement (art. 19 CO) - la succession de leur
père dans une situation juridique douteuse, que le notaire est réputé
leur avoir exposée. Le moyen tiré de l'erreur essentielle, au sens de
l'art. 24 ch. 4 CO, ne peut être accueilli en l'espèce, car il y a
lieu de présumer que Charles L. et ses soeurs ont désiré mettre fin
à une incertitude, sans élucider complètement la situation en droit
(principe et quotité de la lésion de la réserve des soeurs, nature de
leurs droits successoraux). Par ailleurs, la solution qu'ils ont retenue
(attribution du domaine au fils à des conditions favorables, droit des
soeurs de participer au gain réalisé en cas de revente) est conforme au
sentiment général prévalant à la campagne. Les actes litigieux doivent donc
être maintenus et la part au gain revendiquée par la défenderesse admise,
en tant qu'elle se fonde sur la convention du 8 mai 1968, soit pour les
immeubles visés par celle-ci. En revanche, l'immeuble sis à Féchy n'a fait
l'objet que de l'acte de partage des 8 mai 1968/18 août 1973, non pas d'une
convention. Or, le réservataire exclu de la succession par un testament n'a
pas la qualité d'héritier avant le jugement formateur de réduction (PIOTET,
Droit successoral, Traité de droit privé suisse IV, p. 354 et 650): la
défenderesse (de même que sa soeur) était donc légataire et a gardé cette
qualité faute d'avoir ouvert une action successorale. Dans ces conditions,
elle ne pouvait avoir droit à une part au gain en vertu des art. 619 ss
CC: l'annotation de décembre 1974, basée sur une réquisition inexacte,
ne saurait fonder un droit opposable aux ayants cause de Charles L. Le
montant de la part au gain de la défenderesse doit ainsi être arrêté
à 111'748 fr. 30 (savoir 117'292 fr. 30, chiffre total retenu par le
préposé de l'office des faillites de Cossonay, sous déduction de la somme
de 5'544 fr. consignée ensuite de la vente de la vigne de Féchy).

    C.- Monique, Manuel et Jean-Pascal G. ont recouru en réforme au
Tribunal fédéral. Ils reprenaient les conclusions qu'ils avaient formulées
en première instance, dans la mesure où elles avaient été rejetées par
la cour cantonale. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:
I

Erwägung 3

    I.- Le point central du litige est de savoir si l'intimée, simple
légataire selon le testament, qui n'a pas été attaqué, peut être mise au
bénéfice de l'annotation au registre foncier d'une quote-part au gain,
alors que les art. 619 quinquies et sexies CC n'envisagent une telle
annotation qu'au profit des cohéritiers.

    En effet, les droits personnels qui peuvent être annotés sont
limitativement prévus par la loi (ATF 89 I 551 et les références). Or,
seule l'annotation confère au créancier de la part au gain un droit de
préférence dans la faillite du débiteur en vertu de l'art. 959 al. 2 CC
(cf., en cas de saisie de l'immeuble, ATF 47 III 139).

II

Erwägung 1

    II.1.- Comme en première instance, les recourants fondent l'essentiel
de leurs conclusions sur le testament de Louis L., dont ils tentent
de rétablir toutes les conséquences juridiques. Ils font valoir que le
certificat d'héritier, dont ils demandent que soit constatée la nullité
ou qu'il soit annulé, est contraire au testament, donc illicite: basés
sur le certificat, les actes passés le 8 mai 1968 entre Charles L. et
ses soeurs seraient nuls.

Erwägung 2

    II.2.- Comme l'a jugé la cour cantonale, les conclusions tendantes à ce
que le certificat d'héritier soit déclaré nul ou annulé ne peuvent qu'être
rejetées. Le certificat d'héritier constitue seulement l'attestation
d'une situation de fait; il n'opère pas le transfert d'un droit
(ATF 96 I 716 consid. 3; TUOR-PICENONI, n. 23 ad art. 559 CC; PIOTET,
Droit successoral, Traité de droit privé suisse lV, p. 642). En cas de
succession, l'inscription au registre foncier ne peut être fondée que sur
une vocation héréditaire, légale ou testamentaire. Celui qui est inscrit
sur la base d'un certificat d'héritier inexact est inscrit indûment,
au sens de l'art. 974 CC; l'inscription est irrégulière et peut être
rectifiée selon l'art. 975 CC, sans qu'il soit nécessaire au préalable
de déclarer la nullité du certificat d'héritier.

Erwägung 3

    II.3.- Les recourants nient que les actes des 6/8 mai 1968 aient le
caractère d'une transaction. Selon eux, il s'agit là d'une interprétation
"purement spéculative", qui "n'a aucune base dans les faits retenus par
le jugement".

    a) Instituant le fils héritier unique, le testament de Louis
L. entamait la réserve des filles en les privant de leur droit de
participer au gain en cas de vente des immeubles de leur frère, selon
l'art. 619 CC. En effet, la loi ne confère ce droit de participation qu'aux
héritiers: le réservataire qui a reçu le montant de sa réserve sous la
forme d'un legs n'a pas l'action en réduction en vertu de l'art. 522
al. 1 CC. Or, l'application de l'art. 619 CC ne peut être exclue par
une disposition pour cause de mort que dans la mesure où la différence
entre la valeur vénale et la valeur de rendement n'excède pas la quotité
disponible (ATF 94 II 253/254 et les auteurs cités).

    Au regard de cette situation juridique, que le notaire est censé
avoir exposée aux parties (et que, selon toute vraisemblance, celles-ci
n'ignoraient pas), les actes en cause ont manifestement le caractère
d'une transaction. Certes, les parties ne disent pas expressément
quelles étaient leurs prétentions, ni qu'elles entendent mettre fin à un
litige. Toutefois, il apparaît nettement qu'elles ont voulu concilier le
respect des dernières volontés du testateur et la sauvegarde des droits
des deux filles: elles s'en sont tenues pour l'essentiel aux dispositions
du testament, mais, par l'annotation d'une part au gain, ont protégé les
filles contre l'atteinte à leur réserve en cas de revente des immeubles.

    C'est là l'explication naturelle de ces trois actes, qui forment un
tout: l'acte de "règlement et partage" est l'acte essentiel et contient
une clause qui caractérise une transaction ("Moyennant fidèle exécution
du présent règlement et partage, parties se donnent réciproquement
quittance totale et définitive de toutes les prétentions qu'elles étaient
en droit de faire valoir quant à la succession de Louis L. et renoncent
expressément à tout recours entre elles de ce chef"); les deux autres
actes, transfert immobilier et annotation du droit à une part au gain,
sont des actes d'exécution.

    b) Les recourants contestent la licéité de ces actes: l'intimée,
disent-ils, qui a la qualité de légataire, ne saurait prétendre à une
part au gain, que la loi ne reconnaît qu'au cohéritier.

    aa) La doctrine dominante (ESCHER, 3e éd., n. 3, 5 et 6 ad art. 522
CC; TUOR, 2e éd., n. 19 ad art. 522 CC, ainsi que les auteurs cités
par Piotet, RDS 1972 I p. 26 n. 1) et la jurisprudence (ATF 70 II 147,
56 II 17) enseignent que, même complètement exclu de la succession par
une disposition pour cause de mort, le réservataire acquiert néanmoins de
plein droit la qualité d'héritier dès l'ouverture de la succession, avec
notamment le droit de participer au partage. Cette vocation héréditaire ne
s'éteint que faute d'une action en réduction intentée dans le délai légal
de péremption, à moins que les intéressés ne s'entendent sur un partage de
la succession autre que celui correspondant à la disposition pour cause
de mort litigieuse (ATF 86 II 344 consid. 5). Un jugement prononçant la
réduction n'est donc pas nécessaire. Une convention entre les parties
suffit. Si cette convention est conclue avant l'expiration du délai de
péremption de l'action (ou après, dans la mesure où l'héritier institué a
renoncé à se prévaloir de la péremption), les réservataires exclus de la
succession ont conservé la qualité d'héritiers. Ils sont cohéritiers au
sens de l'art. 619 CC. Il en découle qu'en l'espèce les parties pouvaient
librement régler à leur guise la dévolution de la succession: les actes
des 6/8 mai 1968 constituent l'exercice régulier d'un droit que la loi
leur reconnaît. Notamment, elles pouvaient convenir d'une participation
des filles au gain, en vertu de l'art. 619 CC. Dans cette optique, l'acte
dit de "part au gain" est inattaquable, si bien que l'annotation du droit
est régulière et doit être maintenue.

    Peut demeurer indécise la question de la licéité des deux actes
attribuant à Charles L. la propriété des immeubles. Nul ne conteste que
les immeubles ne soient devenus la propriété de Charles L. Peu importe
aujourd'hui qu'il les ait acquis en qualité de seul héritier institué ou
par une attribution dans le partage. Le droit à une part au gain dépend en
effet de la seule qualité de cohéritier: il appartient donc également aux
cohéritiers lorsque l'immeuble, objet d'une donation antérieure au décès,
n'a jamais fait partie de la succession (ATF 94 II 250 ss consid. 10). Le
problème du transfert de la propriété des immeubles est ainsi indiffèrent
à la solution du litige.

    bb) Mais, comme le relèvent les recourants, les premiers juges
se sont ralliés à l'opinion de Piotet (La protection du réservataire
en droit successoral suisse, RDS 1972 I, p. 25 ss; Droit successoral,
P. 354 et 650), selon lequel le réservataire exclu de la succession n'a
pas la qualité d'héritier avant le jugement sur l'action en réduction:
sa vocation héréditaire n'est que virtuelle. Cette thèse est fondée sur le
fait que la doctrine dominante et la jurisprudence qualifient de jugement
formateur le jugement de réduction, qui modifie, avec effet rétroactif,
la situation juridique, en annulant les dispositions portant atteinte
à la réserve (ATF 86 II 344 consid. 5; cf. ATF 98 Ib 97 consid. 3,
selon lequel l'effet de l'action en réduction est de "reintegrare la
quota legittima". Pour la doctrine, voir les auteurs cités par Piotet,
RDS 1972 I, p. 26 n. 2).

    Dans ces conditions, si le réservataire a reçu le montant de sa
réserve sous forme de legs, les art. 619 ss CC ne lui donnent aucun droit
de participer au gain réalisé dans le délai légal: il n'est pas héritier
effectif (cf. PIOTET, Droit successoral, p. 903). Les palliatifs qu'on peut
envisager ne sont guère satisfaisants: une convention de participation
au gain ne pourra pas être annotée, puisque les bénéficiaires ne sont
pas des cohéritiers; une hypothèque garantissant cette dette éventuelle
sera difficilement acceptée par le propriétaire, qu'elle peut gêner,
et, le fût-elle, sa validité serait douteuse, vu l'existence de la sûreté
spécifique que constitue l'annotation (cf. ESCHER, 3e éd., n. 2 ad art. 619
CC). Il ne resterait donc plus au réservataire ainsi lésé qu'à ouvrir
action en réduction pour faire prononcer l'annulation d'une attribution
qui, inconditionnelle et exclusive de toute participation au gain, entame
sa réserve. Après quoi, dans le partage, l'attributaire pourra obtenir les
immeubles moyennant l'annotation d'une part au gain en faveur de celui qui,
par le jugement de réduction, aura recouvré sa qualité de cohéritier et,
partant, la vocation pour obtenir l'annotation de son droit. Mais cette
voie est longue et coûteuse. Etant donné que, selon l'art. 522 CC, le
réservataire qui a reçu le montant de sa réserve par avancement d'hoirie
ou par legs n'a pas l'action en réduction, il conviendrait de combler
ce qui paraît être une lacune de la loi et d'étendre, ou tout au moins
d'assouplir, l'exigence des art. 619/619 quinquies CC: bien que seulement
héritier virtuel, le réservataire exclu de la succession pourrait (le cas
d'exhérédation étant réservé) requérir l'annotation du droit à une part
au gain qui lui est reconnu par jugement ou par une convention passée
avec le propriétaire.

    cc) Mais la question n'a pas à être tranchée en l'espèce. En effet,
par les actes des 6/8 mai 1968, Charles L. a précisément reconnu à ses
soeurs la qualité d'héritiers réservataires, dont le testament les avait
privées; dames D. et G. étant ainsi cohéritières, les exigences des
art. 619/619 quinquies CC étaient réalisées: l'annotation en cause est
valide également dans l'hypothèse où, à l'instar de la cour cantonale,
on adopterait le point de vue de Piotet.