Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 104 II 249



104 II 249

41. Extrait de l'arrêt de la chambre de droit public du 27 septembre
1978 en la cause Dame X. et consorts contre Justice de paix du canton de
Genève Regeste

    Art. 4 BV; Art. 576 und Art. 580 ZGB; Wiederherstellung der Frist
für Begehren auf Erstellung eines öffentlichen Inventars.

    Ist die Weigerung einer analogen Anwendung der Fristverlängerung
und Wiederherstellung gemäss Art. 576 ZGB auf die Frist des Art. 580 ZGB
willkürlich? Frage offen gelassen, da die kant. Instanz im vorliegenden
Fall die Voraussetzungen der Anwendung von Art. 576 ZGB ohne Willkür als
nicht gegeben betrachten konnte.

Sachverhalt

    A.- X., banquier, est décédé à Genève en 1974. Il a laissé pour
héritières son épouse et ses filles. Un certificat d'hérédité a été délivré
aux héritières par la Justice de paix de Genève le 19 novembre 1974. La
succession consistait en divers avoirs bancaires, en un immeuble et des
avoirs mobiliers.

    Par requête du 19 août 1977, les héritières, en invoquant par analogie
l'art. 576 CC, ont invité la Justice de paix de Genève à leur accorder
un nouveau délai pour requérir le bénéfice d'inventaire. Elles ont exposé
que le défunt était associé indéfiniment responsable d'une société en nom
collectif exploitant une banque actuellement en liquidation et en sursis
concordataire, et qu'à l'époque du décès elles n'avaient aucune raison de
penser qu'elles pourraient ultérieurement encourir les conséquences d'une
éventuelle responsabilité du défunt pour les dettes de la banque, de sorte
qu'elles n'avaient pas jugé utile de requérir le bénéfice d'inventaire.
Etant donné la situation actuelle de la banque, les créanciers de celle-ci
pourraient les rechercher pour des dettes dont le défunt aurait pu être
rendu responsable, circonstance qu'elles ne pouvaient prévoir lors de
l'ouverture de la succession; elles seraient ainsi placées dans une
situation infiniment plus dure que les héritiers d'associés récemment
décédés qui ont pu solliciter un bénéfice d'inventaire en connaissance
de cause.

    Par ordonnance du 30 septembre 1977, le juge de paix a rejeté la
demande.

    Agissant par la voie du recours de droit public, les héritières
requièrent l'annulation de la décision de la Justice de paix et demandent
que cette autorité soit invitée à leur accorder un nouveau délai pour
requérir le bénéfice d'inventaire.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- Aux termes de l'art. 580 CC, l'héritier qui a la faculté de
répudier peut réclamer le bénéfice d'inventaire; il doit présenter sa
demande à l'autorité compétente dans le délai d'un mois, les formes à
observer étant celles de la répudiation. Cette disposition ne prévoit pas
la possibilité pour l'autorité compétente de prolonger le délai précité ni
de fixer à l'héritier un nouveau délai. En revanche, une fois l'inventaire
clos, l'autorité compétente peut, dans certains cas, proroger le délai d'un
mois imparti à chaque héritier pour prendre parti, si cette prorogation
est justifiée par les circonstances (art. 587 CC). Par ailleurs, si la
loi permet aux héritiers de répudier la succession dans un délai de trois
mois (art. 567 CC), l'autorité compétente peut, pour de justes motifs,
leur accorder une prolongation de délai ou leur fixer un nouveau délai
pour déclarer leur répudiation (art. 576 CC).

    a) Se fondant sur l'art. 576 CC, les recourantes ont demandé au
juge de paix de leur fixer un nouveau délai pour requérir le bénéfice
d'inventaire. Tout en étant conscientes du fait que le législateur,
à l'art. 580 CC, n'a pas expressément prévu la faculté pour l'autorité
compétente de prolonger le délai d'un mois ni, le cas échéant, de
fixer un nouveau délai, elles ont soutenu, en invoquant à l'appui de
leur thèse diverses opinions de doctrine et décisions de jurisprudence,
que la faculté prévue par l'art. 576 valait aussi pour l'application de
l'art. 580 CC, la première des dispositions citées devant être appliquée
par analogie, ou, tout au moins, la règle prévue par cette disposition
devant trouver application en matière de demande de bénéfice d'inventaire
par le comblement d'une lacune de la loi.

    Le juge de paix a écarté la requête en se fondant sur le texte
clair de la loi, qui ne prévoit ni prolongation ni restitution du délai,
au contraire des art. 576 et 587 CC. Il a admis que ce problème était
controversé, mais a relevé que la Justice de paix de Genève, dans une
pratique constante, s'est toujours refusée à accorder une prolongation
ou une restitution du délai; or le Tribunal fédéral n'a pas considéré
cette pratique comme étant arbitraire.

    b) Les recourantes soutiennent qu'en refusant de faire droit à leur
requête, le juge de paix a violé l'art. 4 Cst.; se fondant uniquement sur
la lettre de l'art. 580 CC, cette autorité en aurait méconnu l'esprit et
n'aurait pas tenu compte des conséquences choquantes auxquelles aboutit,
en l'espèce, l'application pure et simple du texte légal.

    Il est bien exact que, comme le relèvent les recourantes, l'opinion
dominante admet actuellement qu'il convient d'appliquer par analogie au
délai de l'art. 580 la faculté de prorogation et de restitution prévue
à l'art. 576 CC en matière de répudiation. Telle est notamment l'opinion
de TUOR et de PICENONI (Erbrecht, ad art. 580, 1re et 2e éd., n. 11),
de SCHNYDER (TUOR/SCHNYDER, Das schweizerische Zivilgesetzbuch, 9e éd.,
p. 414), de BECK (FJS no 780, p. 1) et de PAUL GYSIN (Die Rechtswohltat
des öffentlichen Inventars im schweizerischen Zivilgesetzbuch, thèse
Zurich 1911, p. 28/29). Certains tribunaux cantonaux se sont prononcés
dans le même sens (Obwald, arrêt du 27 décembre 1932, RSJ 36/1939-40,
p. 48; Thurgovie, 3 mai 1943, RSJ 41/1945, p. 27; Zurich, 30 août 1967,
RSJ 64/1968, p. 10). Sont en revanche d'un avis opposé Arnold ESCHER
(Erbrecht, 3e éd., ad art. 580, n. 8; voir déjà A. ESCHER, 2e éd., ad
art. 580, n. 5) et PIOTET (Droit successoral, p. 717). Le problème a déjà
été examiné par le Tribunal fédéral dans l'arrêt du 16 mai 1973 en la
cause Moreillon c. juge de paix de Genève, où il était certes question
non d'une restitution du délai, mais d'une prolongation du délai pour
requérir le bénéfice d'inventaire. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral
a relevé que le fait que l'opinion dominante admet l'application par
analogie au délai de l'art. 580 CC de la disposition de l'art. 576
CC ne suffit pas pour que la solution contraire soit considérée comme
arbitraire. Saisi d'un recours de droit public pour violation de l'art. 4
Cst, le Tribunal fédéral n'a pas à rechercher quelle est la meilleure
interprétation possible, mais à s'assurer que l'interprétation admise
dans la décision attaquée peut s'appuyer sur des motifs objectifs. Pour
qu'une décision soit annulée, il ne suffit pas qu'elle soit erronée; il
faut encore qu'elle soit insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou qu'elle contredise
d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.

    Il est vrai que, dans l'arrêt Moreillon, le Tribunal fédéral, n'ayant à
se prononcer que sur une demande de prolongation de délai, a pu dire que le
rejet d'une telle requête ne pouvait entraîner que quelques inconvénients
pratiques que le demandeur était parfaitement à même de supporter. C'est
aussi pour le même motif que l'un des auteurs précités considère qu'il n'y
a pas lieu d'admettre, en présence du fait que l'art. 580 CC ne se prononce
pas sur une prolongation du délai, l'existence d'une lacune de la loi, car
la prolongation du délai ne paraît jamais nécessaire (PIOTET, loc. cit.).

    En l'espèce, le délai de l'art. 580 CC est déjà échu, et les héritières
n'ont donc pas la faculté, sauf restitution de ce délai, de demander le
bénéfice d'inventaire. Il n'est cependant pas nécessaire d'examiner s'il
conviendrait de revoir la position prise par le Tribunal fédéral dans
l'arrêt Moreillon, compte tenu des circonstances du présent cas. Dans
l'ordonnance attaquée, le juge de paix a en effet déclaré qu'il renonçait
à procéder à un nouvel examen de ce problème, les conditions d'application
de l'art. 576 n'étant de toute manière pas réalisées in casu. Il s'est
fondé sur ce motif pour refuser la restitution du délai, laissant ainsi
partiellement ouverte en principe la question de l'application par analogie
de l'art. 576 CC.

Erwägung 4

    4.- a) Le juge de paix rappelle en premier lieu que, selon l'art. 576
CC, la restitution du délai ne peut être accordée qu'en présence de
"justes motifs". Il considère que ces justes motifs ne peuvent être
constitués que par des faits qui ont empêché l'héritier de se déterminer
dans le délai légal, et non pas par des circonstances qui, à posteriori,
permettraient de conclure que les héritiers se sont trompés dans leurs
espérances: notamment, une simple négligence de la part des héritiers ne
peut pas être corrigée par une restitution de délai. Il convient également
de prendre en considération l'intérêt des créanciers, qui doivent être
renseignés suffisamment rapidement sur le sort de la succession. Le juge
de paix en conclut que l'admission d'une restitution de délai 4 ans après
l'échéance du délai primitif irait à l'encontre de la sécurité juridique
et des intérêts des créanciers.

    L'autorité cantonale relève en outre que les requérantes ont pendant
près de 4 ans joui et disposé des biens de la succession comme des leurs
propres et qu'une partie en tout cas des avoirs bancaires a été soumise à
partage, de sorte qu'elles ont été déchues de leur droit de se prévaloir de
l'art. 576 CC, ayant accepté la succession au sens de l'art. 571 al. 2 CC.

    b) Les recourantes soutiennent que les considérations ainsi exposées
par le premier juge sont absolument insoutenables, car en acceptant
tacitement la succession en 1974, les héritières de X. se sont déterminées
sur la base d'une appréciation objective, à l'époque, de l'état de la
succession, de sorte que leur acceptation est viciée par suite d'erreur
essentielle (art. 24 ch. 4 CO) et est nulle au sens de l'art. 23 CO.

    c) Il faut accorder aux recourantes que c'est à tort que le juge
cantonal leur a reproché d'avoir fait preuve de négligence en ne
demandant pas, dans le délai légal, le bénéfice d'inventaire. Il n'est
pas contesté que lors du décès de X., rien ne permettait de penser que
l'établissement bancaire dont il était l'un des associés se trouvait
dans une situation obérée. TUOR/PICENONI, cité par le juge de paix,
admet notamment comme juste motif la découverte ultérieure d'un délit
entraînant la responsabilité du défunt (ad art. 576, n. 3; voir aussi
les arrêts de la Cour d'appel de Bâle-Ville, BJM 1955, p. 114, 1957, p.
39). On doit admettre que la situation dans laquelle se sont trouvées
les recourantes lors de la découverte des faits qui ont donné lieu à
l'ouverture du sursis concordataire devait, en principe, pouvoir être
invoquée par elles comme un "juste motif" au sens de l'art. 576 CC.

    d) Mais il faut encore, pour que le juste motif puisse être pris
en considération, que l'autorité compétente tienne compte des intérêts
des créanciers (TUOR/PICENONI, ad art. 576, n. 4; ESCHER, ad art. 576,
n. 4). Or les recourantes n'ont pas contesté la valeur des considérants
du juge cantonal dans la mesure où celui-ci a précisément fait état de
la protection nécessaire de ces intérêts. C'est sans arbitraire que le
juge de paix, devant peser les intérêts respectifs des deux parties,
a pu considérer que l'impératif de la sécurité juridique des créanciers
l'empêchait, quatre ans après le décès de X., d'accorder un nouveau délai
à ses héritières. De toute façon, l'autorité compétente a en la matière
un large pouvoir d'appréciation, décrit par l'art. 4 CC (cf. ESCHER,
loc. cit., n. 5), et les recourantes ne tentent même pas de prouver que
l'autorité cantonale a abusé de ce pouvoir.

Erwägung 5

    5.- Le motif tiré par le premier juge de la déchéance du droit de
répudier résultant de l'acceptation de la succession par les recourantes
ne saurait être considéré comme arbitraire. Les recourantes admettent
expressément avoir accepté tacitement la succession et ne contestent pas
avoir procédé en tout cas partiellement à son partage. Le juge de paix
pouvait donc considérer qu'elles se sont immiscées dans les affaires de la
succession au sens de l'art. 571 al. 2 CC. Les recourantes ne contestent
pas que cette disposition soit en principe applicable; il n'y a donc pas
lieu d'examiner ce problème. Mais elles opposent à l'argumentation du
juge le fait que l'acceptation tacite de la succession serait viciée par
suite d'erreur essentielle et par conséquent nulle au sens de l'art. 23 CO.

    Il n'est toutefois pas nécessaire de rechercher si c'est à bon droit
que les recourantes pourraient se prévaloir d'une erreur essentielle et de
la nullité de leur acceptation, car il s'agit là d'un moyen qu'elles n'ont
pas invoqué devant l'autorité cantonale et qu'elles n'ont fait valoir que
dans leur recours de droit public. Or, dans les recours de droit public
fondés sur l'art. 4 Cst., il ne peut être fait état de moyens nouveaux,
même si la juridiction attaquée jouissait d'un plein pouvoir de cognition
et devait appliquer le droit d'office (ATF 102 Ia 9).

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours en tant qu'il est recevable.