Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 104 IB 141



104 Ib 141

25. Arrêt du 12 juillet 1978 dans la cause Division fédérale de la justice
contre X. S.A. et consorts et Conseil d'Etat du canton du Valais. Regeste

    Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland.  Berechtigtes
Interesse. Art. 2 lit. e, Art. 6 Abs. 2 lit. a Ziff. 3, Art. 6 Abs. 3 BewB.

    1. Der Bewilligungspflicht unterliegt ein langfristiger Mietvertrag,
durch den einer ausländischen Gesellschaft praktisch die wirtschaftliche
Verfügungsmacht über ein Grundstück übertragen wird (E. 1).

    2. Nur das auf Dauer gerichtete Interesse des Bewerbers zum eigenen
Betrieb eines Gewerbes (hier: Hotellerie) rechtfertigt eine Bewilligung zum
Liegenschaftserwerb; einer ausländischen Gesellschaft ist die Bewilligung
zu verweigern, ein solches Recht auf wirtschaftliche Nutzung an Dritte
zu übertragen (E. 3).

    3. Bewilligung, erteilt an Personen im Ausland, zum Erwerb von
Zweitwohnungen, die in erster Linie dem persönlichen Aufenthalt dienen
sollen; der Gebrauch solcher Wohnungen kann nicht im Rahmen eines
langfristigen Mietvertrages auf Jahre hinaus einer ausländischen
Gesellschaft überlassen werden. Vermögensanlage (E. 4).

Sachverhalt

    A.- Le 15 novembre 1976, la société X. S.A. a signé deux contrats
lui conférant l'usage et l'exploitation d'un grand complexe immobilier
situé dans la station touristique de N. Le premier contrat porte sur
l'ensemble des logements et studios, y compris tous les équipements
matériels, meubles et objets mobiliers qui les garnissent; il a été passé
avec la société A. S.A., qui groupe les copropriétaires - étrangers -
des appartements et des studios. Le second contrat, qui porte sur les
locaux généraux et le complexe parahôtelier, a été passé avec la société
B. S.A., qui en est propriétaire et qui a son siège en Suisse, mais qui
est considérée comme dominée par des personnes domiciliées à l'étranger;
les autorisations d'acquérir accordées à cette dernière société en 1970
et 1972 avaient été grevées d'une interdiction d'aliéner pendant dix ans
et d'un contrôle des loyers.

    Les deux contrats conféraient à X. S.A. le droit exclusif à l'usage
et l'exploitation, d'une part, des appartements et studios (sauf quatre
semaines par année si les propriétaires privés le demandaient), d'autre
part des locaux généraux et du complexe parahôtelier. Ils étaient conclus
pour une durée minimum de 15 ans, avec tacite reconduction de 5 ans en 5
ans; ils prévoyaient un loyer annuel minimum de 300'000 francs pour les
appartements et studios, de 100'000 francs pour les locaux généraux et
le complexe parahôtelier, montants qui augmenteraient dès la 4e année.

    Considérant l'acquisition des droits découlant des deux contrats
comme assujettie au régime de l'autorisation en vertu de l'art. 2 let. e
de l'arrêté fédéral sur l'acquisition d'immeubles par des personnes
domiciliées à l'étranger (AFAIE), le Service juridique du registre
foncier du canton du Valais a refusé l'autorisation en vertu de l'art. 6
al. 1 AFAIE.

    Le Conseil d'Etat du canton du Valais ayant accordé l'autorisation à
la suite de recours des trois Sociétés intéressées, la Division fédérale
de la justice a formé contre la décision du Conseil d'Etat un recours de
droit administratif. Le Tribunal fédéral a admis ce recours et refusé
définitivement l'autorisation.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Dans son recours au Conseil d'Etat, X. S.A. avait conclu
principalement à ce que les deux contrats ne soient pas assujettis au
régime de l'autorisation et subsidiairement à ce que l'autorisation soit
accordée. Ayant obtenu gain de cause sur sa conclusion subsidiaire,
elle n'avait pas de raison de recourir contre la décision du Conseil
d'Etat. Mais comme la Division fédérale de justice conteste la légalité de
l'autorisation accordée par le Conseil d'Etat, X. S.A. peut soulever, en sa
qualité d'intimée, la question préalable du principe de l'assujettissement;
le fait qu'elle n'ait pas elle-même recouru ne saurait être interprété
comme une renonciation à contester ledit principe.

    Quoi qu'il en soit, le Tribunal fédéral doit examiner d'office si les
actes en cause sont assujettis au régime de l'autorisation; en effet, il
n'est pas lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 OJ).

    a) L'art. 2 let. e AFAIE assimile à l'acquisition de la propriété sur
des immeubles - soumise à autorisation - l'acquisition de droits résultant
notamment d'actes fiduciaires, de baux à loyer ou à ferme, d'opérations
de crédit qui, par leur contenu ou leur étendue, permettent d'atteindre
un but économique analogue à celui d'une acquisition d'immeubles ou de
droits sur des immeubles au sens des lettres a à d.

    Dans son message du 25 octobre 1972, le Conseil fédéral a dit
que cette lettre e - laquelle prévoyait, selon le projet soumis aux
chambres, de tenir compte des baux d'une durée supérieure à cinq ans -
"est une disposition générale qui s'inspire de l'article 226 m alinéas
1 et 2 CO en matière de vente par acomptes; elle s'en écarte en tablant
moins sur la volonté des parties que sur les faits eux-mêmes... Un
bail à loyer ou à ferme peut ainsi vider de sa substance le droit de
propriété lorsqu'il porte sur une durée de plus de cinq ans - avec ou
sans annotation au registre foncier au sens des articles 260 et 282 CO
et de l'article 959 CC - ou qu'il prévoit le paiement anticipé du loyer
pour la durée du contrat" (FF 1972 II p. 1251 et 1252). Les Chambres
fédérales ont admis le bien-fondé de ces considérations. Devant le
Conseil des Etats, le rapporteur de la Commission a précisé à ce sujet
que l'énumération des divers genres de contrats n'est pas exhaustive:
ce qui compte, ce n'est pas le genre de contrat, mais l'étendue et le
contenu des droits que le contrat confère. En outre, la durée du bail
n'est pas en soi décisive. Dans ce sens, le professeur Jeanprêtre avait
dit devant la Commission: "Pour que ce soit un "Umgehungsgeschäft",
il faut que le droit obtenu permette d'atteindre un but économique
analogue à une acquisition d'immeubles. Autrement dit, un bail de
vingt ans n'est pas nécessairement une opération destinée à éluder la
loi." C'est pourquoi, sur proposition de sa Commission, le Conseil des
Etats a décidé de supprimer, dans le texte de l'art. 2 let. e AFAIE,
la mention d'une durée du contrat de bail. Cependant, contrairement à
l'opinion exprimée par M. Bolla, le rapporteur de la Commission a donné la
précision suivante: "Um diesbezüglich keine Missverständnisse aufkommen
zu lassen, beantragt die Kommission, die Vertragsdauer von mehr als
fünf Jahren zu streichen. Die Bewilligungspflicht soll damit nicht etwa
abgeschwächt werden. Es wird vielmehr der Charakter von Buchstabe e als
Generalklausel gegen Umgehungsgeschäfte betont" (BO CE 1973 p. 16). Par
ailleurs, il convient encore de relever que le Conseil National a rejeté,
de manière très nette, une proposition qui tendait à introduire dans cette
clause générale l'élément subjectif de l'intention (d'éluder la loi). Le
législateur a ainsi clairement et expressément confirmé l'avis du Conseil
fédéral selon lequel il ne faut pas tabler sur la volonté des parties,
mais sur les faits eux-mêmes. Il s'agit donc de savoir si, par le contenu
et l'étendue des droits qu'il confère au preneur, le bail est de nature à
permettre d'atteindre un but économique analogue à celui d'une acquisition
d'immeubles (voir BO CN 1972 p. 2218 ss, notamment 2221).

    b) En l'espèce, le fait que les contrats de bail ont été conclus le 15
novembre 1976 pour une durée minimum de 15 ans (renouvelable de 5 ans en
5 ans dès le 1er décembre 1991) n'est pas en soi suffisant pour justifier
l'application de l'art. 2 let. e AFAIE. Il n'en reste pas moins que cette
longue durée joue un certain rôle dans l'appréciation de la situation.

    Dès le 1er décembre 1976 et pour au moins 15 ans, X. S.A. s'est
vu conférer "le droit exclusif à l'usage et à l'exploitation, en son
nom et sous sa responsabilité", de tout le complexe touristique de N.,
sans aucune restriction ni réserve. "Elle pourra notamment faire occuper
les unités d'hébergement par ses clients et/ou par les clients de sa
ou de ses filiales, recruter et diriger le personnel et, d'une manière
générale, assurer toutes les activités directes ou connexes nécessaires
à l'exploitation, sous la seule réserve de se conformer aux lois et
règlements de police en vigueur ainsi qu'au règlement de copropriété de
l'immeuble" (art. 2 al. 2 des deux contrats). De plus, X. S.A. a obtenu
"le droit d'effectuer à sa charge et en prenant toutes mesures pour
qu'il ne puisse être fait aucune réclamation au bailleur, tous travaux
d'agrandissement et d'amélioration qu'elle jugerait nécessaires au bon
usage de l'installation et/ou à l'exploitation de son activité". Il
est vrai que le preneur "sera tenu d'en avertir le bailleur", mais en
cas de refus de ce dernier, "il pourra passer outre; il devra alors en
fin de bail remettre les lieux en état" (art. 13 al. 2, 3 et 4 des deux
contrats). Enfin, selon l'art. 15, X. S.A. "aura la faculté de sous-louer
tout ou partie de l'installation" (al. 1) et "dans les mêmes conditions,
elle aura le droit de sous-louer, sous réserve de la législation existante,
sans l'autorisation du bailleur, des emplacements de terrain ou des
constructions à titre précaire, à des commerçants pouvant faciliter
l'exploitation de l'installation; le produit de ces sous-locations sera
acquis à X. S.A.

    c) Si l'on tient compte de la puissance économique de X. S.A. - qui est
évidente face aux sociétés A. S.A. et B. S.A. -, il faut bien admettre
que les deux contrats de bail conclus le 15 novembre 1976 confèrent
à cette organisation de séjours de vacances des droits qui, par leur
contenu et leur étendue, lui permettent de se comporter pratiquement
comme le propriétaire (économique) de l'ensemble du complexe hôtelier
et parahôtelier de N. A cet égard, la brochure publicitaire éditée au
nom de la société Y. - une filiale de X. S.A. - est particulièrement
significative. C'est en vain que, dans ses observations, X. S.A. prétend
vouloir se comporter en locataire et non comme le propriétaire économique;
d'ailleurs, sur le plan juridique, l'intention ne compte pas dans
l'application de l'art. 2 let. e AFAIE. Ce qui compte, c'est qu'en
fait les droits de copropriété sur les "hébergements" et sur les locaux
généraux sont pratiquement vidés de leur substance. Non seulement les
copropriétaires d'appartements ou de studios n'ont plus la possibilité
de faire usage de leur résidence secondaire (sauf pendant 4 semaines
par année, étant alors traités comme les autres clients), mais encore
ils se trouvent privés de leur droit de disposition, car on ne voit pas
comment ils pourraient faire usage de leur droit de dénoncer le bail -
contrat auquel ils ne sont pas partie - selon l'art. 259 al. 2 CO.

    d) C'est donc à bon droit que les autorités cantonales ont déclaré
applicable la disposition de l'art. 2 let. e AFAIE. En soumettant les
droits découlant des deux contrats conclus le 15 novembre 1976 au régime
de l'autorisation, elles n'ont violé aucune disposition de droit fédéral;
elle n'ont pas non plus commis un abus ou un excès de leur pouvoir
d'appréciation. La conclusion principale des intimées doit donc être
rejetée.

Erwägung 2

    2.- La recourante soutient que le Conseil d'Etat a violé des
dispositions du droit fédéral en accordant à X. S.A. l'autorisation
d'acquérir les droits découlant des deux contrats de bail conclus le 15
novembre 1976 avec les sociétés A. S.A. et B. S.A. C'est là une question
juridique que le Tribunal fédéral examine librement, sans être lié par
les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ).

    Selon l'art. 6 al. 1 AFAIE, l'autorisation doit être accordée si
l'acquéreur prouve un intérêt légitime à l'acquisition. Tel est notamment
le cas, aux termes de l'art. 6 al. 2 let. b AFAIE, "lorsque l'immeuble
en cause servira à l'acquéreur entièrement ou pour une part importante
à abriter l'établissement stable d'une entreprise faisant le commerce,
exploitant une fabrique ou exerçant quelque autre industrie en la forme
commerciale, sans que des locaux d'habitation soient détournés de leur
affectation".

    En l'espèce, ces conditions générales doivent être considérées comme
réalisées. Il est clair que X. S.A. et sa filiale, la société de gestion
immobilière Y., sont des entreprises qui exercent une activité commerciale,
au sens des art. 52 ss ORC. On doit aussi constater qu'elles ont la faculté
d'obtenir l'autorisation d'exercer cette activité dans le complexe hôtelier
et parahôtelier de N.: selon une communication verbale émanant du Service
des concessions et patentes de l'Etat du Valais, la concession accordée
pour cette exploitation pourrait être transférée à X. S.A. (voir décision
du 24 décembre 1976, p. 6). Il est vrai qu'on ignore si cette dernière
ou sa filiale fait l'objet d'une inscription au registre du commerce en
Suisse; mais cela n'est pas décisif, car il serait facile de satisfaire
à cette condition - que semble poser l'art. 13 al. 1 de l'ordonnance du
Conseil fédéral du 21 décembre 1973 sur l'acquisition d'immeubles par
des personnes domiciliées à l'étranger (OAIE) - en faisant inscrire une
succursale. Par ailleurs, il convient de relever que, si le fait pour une
personne physique de mettre le logement qu'elle a acquis à la disposition
d'une organisation exploitant une entreprise d'hébergement ne constitue
pas un établissement stable (art. 13 al. 4 let. c OAIE), l'acquisition de
droits sur des immeubles par une organisation qui exploite une entreprise
d'hébergement - ce qui est manifestement le cas en l'espèce - doit être
considérée comme servant à l'exploitation d'un établissement stable (art.
13 al. 5 OAIE). Enfin, on ne peut pas dire qu'en mettant les appartements
et les studios à la disposition de ses clients pour leurs séjours de
vacances, X. S.A. détourne des locaux d'habitation de leur affectation:
faisant partie d'un complexe touristique situé loin de toute agglomération,
ces appartements et studios ne peuvent, de toute façon, être utilisés
que comme résidences secondaires, pour des séjours de vacances.

    Il en résulte logiquement qu'en vertu de l'art. 6 al. 2 let. b AFAIE,
X. S.A. peut se prévaloir - en ce qui la concerne, tout au moins - d'un
intérêt légitime à l'acquisition de droits sur le complexe touristique
de N. qu'elle entend exploiter. Dans sa décision du 24 décembre 1976,
le Chef du Service juridique du registre foncier l'avait déjà admis. Cela
ne signifie cependant pas que l'autorisation de conclure les contrats de
bail doive être accordée. Il s'agit en effet d'examiner encore si les
propriétaires actuels - personnes domiciliées à l'étranger - peuvent
valablement conférer à X. S.A., tout en respectant l'intérêt légitime
pour lequel l'autorisation d'acquérir leur avait été accordée, le droit
exclusif d'exploiter leurs locaux.

Erwägung 3

    3.- Il n'est pas contesté que la société B. S.A. - société anonyme
ayant son siège en Suisse - a le statut d'une personne domiciliée à
l'étranger au sens de l'art. 1er AFAIE, étant financièrement dominée par
des personnes qui ont leur domicile ou leur siège à l'étranger (art. 3
let. c AFAIE). C'est d'ailleurs à ce titre qu'elle a sollicité et obtenu,
en 1970 et 1972, l'autorisation d'acquérir les parts de copropriété sur
les locaux généraux -ou commerciaux - qui forment le complexe hôtelier
ou parahôtelier de N. L'autorisation lui a donc été accordée, en vertu
de l'art. 6 al. 2 let. b AFAIE, en vue d'exploiter ce complexe hôtelier
et parahôtelier; elle a été grevée non seulement d'une interdiction
d'aliéner pendant 10 ans, mais encore d'une charge relative au contrôle
des locations.

    a) Par le contrat de bail signé le 15 novembre 1976, B. S.A. n'a pas
transféré ses droits de copropriété, mais a conféré à X. S.A. le droit
exclusif à l'usage et à l'exploitation de tous les locaux commerciaux;
X. S.A. entend exploiter ces locaux commerciaux en son nom et sous sa
responsabilité. B. S.A. n'a donc pas transgressé l'interdiction d'aliéner;
il ne semble pas non plus qu'elle ait violé la charge du contrôle des
locations, car l'autorité compétente ne lui a pas interdit toute location,
mais seulement soumis à un certain contrôle les locations de magasins
(dont la société B. ne peut évidemment pas assurer elle-même la gestion).

    b) Mais la question essentielle qui se pose en l'espèce est de savoir
si une personne domiciliée à l'étranger - ou considérée comme telle, ce qui
est le cas de B. S.A. - peut valablement céder à autrui le droit d'exercer
dans ses locaux l'activité commerciale pour laquelle elle avait obtenu
l'autorisation de les acquérir, en vertu de l'art. 6 al. 2 let. b AFAIE.

    Dans le système de l'arrêté fédéral, l'autorisation d'acquérir
n'est accordée que si elle est justifiée par un intérêt légitime. Mais
cet intérêt doit être durable, et non seulement exister au moment de la
demande et de l'octroi. C'est ce que le Tribunal fédéral a déjà relevé
dans l'arrêt Sofindex du 11 octobre 1974 (ATF 100 Ib 462) et c'est pour
assurer le caractère sérieux et durable de cet intérêt que l'arrêté fédéral
prévoit des charges, à mentionner au registre foncier (cf. art. 6 al. 4
AF 1961, art. 6ter AF 1970 et art. 8 AF 1973, ainsi qu'art. 17 OAIE),
avec les conséquences pénales qu'entraîne l'inobservation de ces charges
(art. 25 AF 1973).

    c) Il est vrai qu'à l'époque aucune charge n'a été inscrite pour
assurer l'affectation des locaux acquis par B. au but indiqué par
l'acquéreur. Mais cela ne veut pas dire qu'en l'absence de charges
mentionnées au registre foncier, l'acquéreur soit libre d'affecter
son immeuble à d'autres fins que celle qui a justifié l'octroi de
l'autorisation. Dans ce sens, la Commission fédérale de recours avait déjà
dit, sous l'empire de l'ancien texte, que l'art. 6 al. 3 let. b AF 1961
(devenu dès 1970 l'art. 6 al. 2 let. b) suppose que l'acquéreur exploitera
lui-même l'entreprise à quoi doit servir l'immeuble à acquérir (décision
du 11 novembre 1964, RNRF 1965 p. 233 consid. 2; cf. aussi ATF 102 Ib 136
consid. 2b); cette jurisprudence a été consacrée par le législateur dès la
révision de 1970, qui précise que l'immeuble doit servir "à l'acquéreur"
(cf. FF 1969 II p. 1400). Il s'agit là d'une condition essentielle, qui non
seulement doit être remplie au moment de l'octroi de l'autorisation, mais
que l'acquéreur doit respecter de manière durable. Il est significatif
à cet égard que l'ordonnance du 21 décembre 1973 précise qu'en règle
générale, les charges visant à assurer l'affectation de l'immeuble au but
indiqué par l'acquéreur sont pour le moins, dans le cas visé à l'art. 6
al. 2 let. b AFAIE, non seulement l'interdiction d'aliéner l'immeuble
pendant 10 ans, mais en outre l'obligation - non limitée dans le temps -
d'utiliser l'immeuble essentiellement pour abriter l'établissement stable
d'une entreprise exploitée par l'acquéreur (art. 17 al. 2 let. b ch. 1
et 2 OAIE). Certes, cette disposition n'est pas directement applicable
au cas présent puisque c'est en 1970 et 1972 que les autorisations ont
été accordées à la société B. S.A., mais on peut tout de même voir dans ce
texte réglementaire édicté en 1973 la confirmation d'une règle fondamentale
de l'AFAIE, selon laquelle l'acquéreur étranger doit exploiter lui-même
l'entreprise à l'exploitation de laquelle sert l'immeuble en cause. Par
ailleurs, le fait pour l'acquéreur de ne plus exploiter lui-même son
entreprise revient pratiquement à faire de l'acquisition - autorisée
à l'époque - un placement de capitaux, qui ne peut pas être considéré
comme un intérêt légitime apte à justifier une telle acquisition (art. 6
al. 3 AFAIE).

    d) Il est vrai que les charges mentionnées au registre foncier
peuvent être révoquées si l'exécution en paraît impossible en raison
d'une modification des circonstances ou se trouve être d'une rigueur
excessive (art. 17 al. 4 OFAIE); il doit en aller de même d'une obligation
d'exploiter qui n'a pas fait l'objet d'une charge expresse et mentionnée au
registre foncier. Mais, en l'espèce, B. S.A. n'a pas demandé formellement
d'être libérée d'une telle obligation ni surtout tenté de démontrer
que l'exécution de cette obligation serait devenue impossible ou d'une
rigueur extrême pour elle. Les quelques allusions faites aux difficultés
économiques rencontrées dans l'exploitation de ses locaux commerciaux
sont trop vagues pour justifier une dérogation.

    e) En conclusion, il n'est donc pas possible d'accorder à B. S.A.
l'autorisation - qu'elle sollicite elle-même - de céder à X. S.A. le droit
d'exploiter à sa place les locaux qu'elle a pu acquérir dans le complexe
touristique de N.

Erwägung 4

    4.- En ce qui concerne les hébergements (appartements et studios)
qui font l'objet du contrat de bail signé par A. S.A., le dossier ne
contient pas d'indication relative aux dates où les autorisations ont
été accordées. Mais la décision du 24 décembre 1976 précise - et cette
précision n'a été contredite par personne - que "les propriétaires
étrangers d'appartements et de studios ont été autorisés sur la base de
l'art. 6 al. 2 let. a ch. 3 de l'AF du 23 mars 1961". Or la forme de cette
disposition est celle que lui a donnée la novelle du 24 juin 1970. Il
faut en conclure que les autorisations ont été accordées postérieurement
à l'entrée en vigueur de cette novelle au 1er janvier 1971 (l'arrêt
pénal publié aux ATF 102 IV 53 parle d'ailleurs de ventes qui ont eu lieu
"notamment en 1971 et 1972"). Il en résulte que ces appartements et studios
n'ont pu être acquis par des étrangers comme résidence secondaire que pour
servir, en premier lieu, au séjour personnel de l'acquéreur ou à celui
des membres de sa famille. Pour l'autorité compétente, il ne pouvait donc
être question d'accorder l'autorisation à des étrangers qui entendaient se
réserver la possibilité de céder à une organisation d'hébergement, contre
paiement d'un loyer, le droit d'utiliser en permanence leurs résidences
secondaires. Une telle location pour une longue durée correspond à un
placement de capitaux, lequel ne peut constituer un intérêt légitime,
même s'il n'y a pas spéculation ni recherche d'une source sûre de revenus
(ATF 102 Ib 28 consid. 2). Or le Tribunal fédéral a jugé que, sous réserve
d'exceptions non admises dans les cas visés à l'art. 6 al. 2 let. a et b
AFAIE, l'autorisation doit être refusée, en vertu de l'art. 6 al. 3, aux
acquisitions qui servent à placer des capitaux (ATF 102 IV 55 consid. Ib).

    Certes, il n'est pas possible d'interdire toute location (cf. arrêt
non publié du 2 mars 1977, Bignami c. Commission vaudoise de recours en
matière foncière). D'ailleurs, le législateur ne l'exige pas puisque,
aux termes de l'art. 6 al. 2 let. a AFAIE, l'immeuble doit servir "en
premier lieu" - et non pas exclusivement - au séjour de l'acquéreur ou de
sa famille. Mais la location, par un étranger, de sa résidence secondaire
doit tout de même demeurer dans des limites raisonnables; on peut notamment
l'admettre, par exemple, dans la mesure où le loyer encaissé ne fait que
couvrir les charges financières et les frais d'entretien de l'immeuble.

    Ces limites raisonnables sont largement dépassées en l'espèce, où
les propriétaires étrangers renoncent pratiquement pendant 15 ans au
moins à utiliser leur appartement comme résidence secondaire personnelle
(sous réserve de la possibilité de l'occuper quatre semaines par année),
et tirent de cette location un profit non négligeable. A cela ne change
rien le fait que la pratique admette que la condition générale de l'art. 6
al. 2 let. a (utilisation, au premier chef, pour le séjour de l'acquéreur
ou de sa famille) est réalisée dans la mesure où les intéressés occupent
leur résidence secondaire au moins trois semaines par an, comme le relève
la décision du 24 décembre 1976; en effet, même si une telle pratique est
admise, elle n'implique pas l'autorisation de louer une telle résidence
en permanence pendant tout le reste de l'année.

    Il est vrai que les propriétaires étrangers pourraient revendre leurs
appartements, puisque aucune interdiction d'aliéner ne leur a été imposée,
semble-t-il. On pourrait en déduire qu'ils peuvent aussi les louer, en
vertu du principe "qui peut le plus peut le moins". Mais la location aux
conditions prévues par le contrat passé par A. S.A. le 15 novembre 1976
revient à faire, des acquisitions autorisées à l'époque, des placements
de capitaux, ce qui ne saurait être admis en vertu de l'art. 6 al. 3 AFAIE.

    Ainsi le contrat de bail du 15 novembre 1976 signé par A. S.A. et
X. S.A. ne peut pas non plus être autorisé.

Erwägung 5

    5.- Comme ni A. S.A. ni B. S.A. ne peuvent être autorisées à céder
les droits prévus par les deux contrats du 15 novembre 1976, c'est à
tort que le Conseil d'Etat a accordé l'autorisation requise, de sorte
que sa décision du 20 juillet 1977 doit être annulée et que la demande
d'autorisation doit être rejetée.