Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 104 IA 480



104 Ia 480

71. Extrait de l'arrêt du 8 février 1978 dans la cause Meylan contre
Neuchâtel, Cour de cassation pénale Regeste

    Persönliche Freiheit, Beschränkungen. Bekämpfung der Tuberkulose,
Röntgenuntersuchung.

    1. Zulässigkeit der staatsrechtlichen Beschwerde gegen eine
Vollzugsverfügung, wenn der Beschwerdeführer eine Verletzung des
unverjährbaren und unverzichtbaren verfassungsmässigen Rechts der
persönlichen Freiheit rügt (E. 3a).

    2. Die Genehmigung einer kantonalen Ausführungsbestimmung zu
Bundesrecht durch den Bundesrat schliesst die Anfechtbarkeit derselben vor
Bundesgericht durch einen Privaten wegen Verfassungswidrigkeit nicht aus
(E. 3c).

    3. Begriff und Inhalt der körperlichen Freiheit (E. 4a).

    4. Beschränkungen der persönlichen Freiheit halten nur dann vor der
Verfassung stand, wenn sie auf einer gesetzlichen Grundlage beruhen,
durch das öffentlichen Interesse geboten sind und das Prinzip der
Verhältnismässigkeit beachten (E. 4b).

Sachverhalt

    A.- Invité par le Service cantonal de la santé publique à faire passer
à ses deux filles l'examen radiophotographique prévu par la législation
sur la lutte contre la tuberculose, Meylan a refusé de le faire, estimant
que la santé de ses enfants pourrait être menacée. Il a été renvoyé pour
ce fait devant le Tribunal de Boudry, qui l'a condamné à une amende de 150
fr., en application de l'art. 17 de la loi fédérale sur la lutte contre
la tuberculose et de l'art. 26 du règlement d'exécution cantonal. La Cour
de cassation pénale cantonale a rejeté un recours formé par Meylan contre
cette décision.

    Agissant par la voie du recours de droit public, Meylan requiert
le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de cassation pénale
cantonale. Il soutient que la disposition cantonale ordonnant l'examen
radiophotographique obligatoire des enfants viole le principe de la
liberté personnelle, règle non écrite du droit constitutionnel fédéral,
qui est au surplus garantie par l'art. 7 de la Constitution neuchâteloise
(Cst. cant.).

    Meylan a formé d'autre part contre le même arrêt un pourvoi en nullité
auprès de la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral, qui a décidé
d'attendre l'arrêt de la Chambre de droit public avant de traiter le
pourvoi en nullité.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Extrait des motifs:

Erwägung 2

    2.- La loi fédérale du 13 juin 1928 sur la lutte contre la tuberculose
(RS 818.102) dispose à son art. 6 que les cantons pourvoient à ce que,
dans les écoles, établissements d'éducation, etc., les enfants et
les élèves "soient l'objet d'une surveillance médicale" (al. 1). Les
enfants qui présentent des manifestations suspectes de tuberculose
doivent être mis en observation, et ceux qui seront reconnus atteints
de tuberculose dangereuse pour autrui doivent être écartés de l'école ou
de l'établissement (al. 2). L'art. 10 prévoit que "suivant les besoins
et dans la mesure où ils le jugeront indiqué, les cantons veilleront
à la création:... b) de dispensaires et de services de consultations
destinés à dépister les tuberculeux...". Selon l'art. 14 al. 1 lettre c,
la Confédération alloue des subventions pour les campagnes de dépistage
de la tuberculose. L'art. 17 prévoit notamment que celui qui contrevient
à l'art. 6 ou aux prescriptions édictées ou mesures ordonnées par les
autorités fédérales ou cantonales en exécution de cette disposition est
passible d'une amende. Les cantons doivent, conformément à l'art. 19,
édicter les dispositions nécessaires à l'exécution de la loi sur leur
territoire, lesquelles seront soumises à l'approbation du Conseil fédéral.

    L'ordonnance d'exécution de la loi fédérale sur la lutte contre
la tuberculose, du 20 juin 1930 (RS 818.102.1), impose aux cantons,
par son art. 27, l'obligation de pourvoir "à ce que dans les écoles,
établissements d'éducation... les enfants et les élèves... soient soumis
à une surveillance du point de vue de la tuberculose. Cette surveillance
sera confiée à un médecin désigné à cet effet..."

    L'art. 31 al. 1 de l'ordonnance dispose que "le médecin chargé de
la surveillance est tenu d'examiner les enfants et les élèves, au point
de vue de la tuberculose, au moment de leur entrée à l'école ou dans
l'établissement. Cet examen se renouvellera périodiquement".

    Les art. 32 et 33 règlent les mesures à prendre à l'égard des élèves
reconnus suspects de tuberculose, respectivement atteints de tuberculose
et reconnus dangereux pour autrui. L'art. 48 déclare que les cantons
édictent les dispositions - soumises à l'approbation du Conseil fédéral -
nécessaires à l'exécution de cette ordonnance.

    b) Se fondant sur la loi fédérale du 13 juin 1928 et sur l'ordonnance
d'exécution du 20 juin 1930, le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel
a édicté, le 20 décembre 1946, un règlement concernant l'exécution des
prescriptions fédérales sur la lutte contre la tuberculose (en abrégé: RC),
actuellement en vigueur, et qui abrogeait par son art. 37 un règlement
précédent du 13 janvier 1931. L'art. 25 RC dispose que la surveillance
médicale des écoles et des établissements et institutions destinés à
l'enfance et à la jeunesse est confiée à un médecin L'art 26 RC tel qu'il
a été modifié le 9 février 1973, a la teneur suivante:

    "L'examen médical des enfants et des élèves, au point de vue de
   la tuberculose, est fuit par le médecin au moment de leur entrée à
   l'école ou dans l'établissement d'enseignement. Cet examen comprend,
   entre autres, obligatoirement, la radiophotographie des poumons.

    L'examen radiophotographique doit être répété:

    tous les trois ans aux élèves de l'école primaire;

    tous les deux ans aux élèves des écoles secondaires inférieures;

    chaque année aux élèves des écoles normales, des gymnases et
   des écoles professionnelles, ainsi qu'aux apprentis.

    Dans toutes les écoles mentionnées ci-dessus, une cutiréaction reconnue
   valable, y compris celle de Mantoux à partir de l'âge de douze
   ans, doit être pratiquée une fois au moins dans l'intervalle des
   radiophotographies. Elle précédera immédiatement la prise de la
   radiophotographie.

    Les parents et les représentants légaux ont l'obligation de soumettre
   leurs enfants ou pupilles aux examens prescrits par le présent article.
   ..."

    Aux termes de l'art. 35 RC, les décisions prises par les organes
d'exécution désignés à l'art. 1er (ligue cantonale contre la tuberculose,
secrétariat antituberculeux cantonal, Conseils communaux et commissions
locales de salubrité publique) peuvent être déférées au Département de
l'intérieur et les décisions de ce département peuvent faire l'objet d'un
recours au Conseil d'Etat. Enfin, selon l'art. 36, les contraventions
aux prescriptions dudit règlement sont punies conformément à l'art. 17
de la loi fédérale.

    Le règlement cantonal de 1946 (comme celui de 1931) ainsi que ses
modifications ultérieures ont été approuvés par le Conseil fédéral.

Erwägung 3

    3.- Le recourant soutient que la décision attaquée doit être annulée
parce que l'art. 26 RC, en tant qu'il ordonne un examen radiophotographique
obligatoire et nonobstant son approbation par le Conseil fédéral, porte
atteinte à la liberté personnelle, reconnue tant par le droit fédéral que
par l'art. 7 Cst. cant. Il fait en outre observer - subsidiairement en
quelque sorte - qu'une restriction de la liberté individuelle devrait en
tout cas émaner de l'organe législatif, alors que le règlement critiqué
a été édicté non pas par le Grand Conseil, mais par le Conseil d'Etat.

    a) La décision du Service de la santé publique ordonnant au recourant
de soumettre ses filles à l'examen radiophotographique aurait pu faire
l'objet d'un recours à l'autorité cantonale compétente au sens de l'art. 35
RC et la décision de dernière instance cantonale être attaquée par la
voie du recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art. 97 et
98 lettre g OJ).

    Cela n'empêche cependant pas le recourant de former, contre la décision
pénale rendue en dernière instance cantonale, un recours de droit public
pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1
lettre a OJ et art. 269 al. 2 PPF), du moment que la liberté personnelle
dont il allègue la violation est un droit imprescriptible et inaliénable
(cf. ATF 97 I 916).

    b) L'art. 26 RC émane du Conseil d'Etat neuchâtelois, mais il a été
approuvé par le Conseil fédéral.

    C'est à juste titre que le recourant conteste qu'on puisse lui
opposer cette approbation donnée par le Conseil fédéral dans le cadre
de l'art. 102 ch. 13 Cst. Il ne s'agit en effet là que d'un contrôle
provisoire de la règle cantonale, duquel on ne peut pas déduire que
cette règle est juridiquement inattaquable, mais qui laisse au contraire
subsister (qu'on donne à cette approbation un caractère déclaratoire ou
constitutif) le droit pour le citoyen d'exiger que sa conformité avec
le droit fédéral soit examinée tant sous l'angle du contrôle abstrait de
la norme qu'à l'occasion de son application au cas concret (cf. ATF 103
Ia 133 consid. 3a et b). Il ne pourrait en aller différemment que si, la
norme cantonale ayant été édictée en vertu d'une délégation exprimée dans
une ordonnance du Conseil fédéral, il s'agissait de vérifier sa conformité
avec ladite ordonnance (arrêt précité, p. 134 consid. 3c). Cette hypothèse
n'est pas réalisée en l'espèce, puisque Meylan, qui ne conteste ni les
dispositions de la loi fédérale sur la lutte contre la tuberculose ni
celles de l'ordonnance fédérale d'exécution, se fonde sur une prétendue
violation, par l'art. 26 RC, d'une règle de droit supérieure, à savoir
d'un principe de la Constitution fédérale (et cantonale).

    Il ressort clairement des cas jugés par le Tribunal fédéral
(cf. consid. 4b ci-dessous) qu'une atteinte à un droit constitutionnel
n'est pas inadmissible par le seul fait que la règle sur laquelle elle
se fonde émane d'un organe exécutif. Selon la loi fédérale du 13 juin
1928, les cantons sont tenus de soumettre les élèves d'établissements
d'éducation à une surveillance spécifique dans la perspective de la
tuberculose; cette législation les oblige, suivant les besoins et dans
la mesure où ils le jugent indiqué, à prendre des mesures en vue de
dépister la tuberculose. L'ordonnance d'exécution du Conseil fédéral -
qui n'est pas contestée par le recourant - contraint l'autorité médicale
de surveillance cantonale, dans cette perspective, à examiner l'enfant
ou l'élève au moment où il entre dans l'établissement, et à renouveler
périodiquement cet examen.

    Dès lors que la loi fédérale oblige les cantons à prendre les mesures
nécessaires et adéquates - selon leur appréciation - pour dépister
la tuberculose dans les écoles et établissements d'éducation, elle
contient une délégation législative valable. Si la restriction de police
découlant d'une modalité d'application a son fondement immédiat dans le
règlement cantonal, son origine première se trouve dans une loi formelle
(cf. AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. II p. 638),
et cela est suffisant (cf. ATF 83 I 113; A. GRISEL, Droit administratif
suisse, p. 164).

    c) Taxant d'inconstitutionnelle l'une des prescriptions contenues
dans l'art. 26 RC, le recourant aurait pu attaquer directement cette
disposition dans le délai de trente jours dès sa promulgation. Mais il
peut encore soulever ce grief dans un recours formé contre une décision
d'application dans la mesure où cette décision est de nature à le toucher
dans le droit constitutionnel dont il se prévaut (ATF 102 Ia 326, 100
Ia 173 et les arrêts cités). Cette dernière condition est manifestement
réalisée en l'espèce.

    d) Le recourant se prévaut de la liberté personnelle, garantie par le
droit constitutionnel tant fédéral que cantonal. Il ne prétend toutefois
pas que l'art. 7 Cst. cant. ("La liberté individuelle et l'inviolabilité
du domicile sont garanties...") accorderait une garantie plus étendue que
le droit fédéral. Cette disposition constitutionnelle cantonale n'a donc
pas de portée indépendante et c'est uniquement au regard du droit fédéral
qu'il convient d'examiner le présent recours (ATF 103 Ia 171, 101 Ia 49,
99 Ia 266).

    La seule question à trancher par le Tribunal fédéral est donc celle
de savoir si l'obligation de soumettre les enfants et les élèves à une
radiophotographie répétée des poumons, formulée à l'art. 26 al. 2 et 3
RC, porte atteinte à la liberté personnelle découlant de la constitution
fédérale, question que la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral
n'a pas eu à trancher dans l'arrêt publié aux ATF 102 IV 134.

Erwägung 4

    4.- a) Selon la jurisprudence, la liberté personnelle constitue un
droit constitutionnel fédéral non écrit, qui garantit en premier lieu la
liberté physique, à savoir le droit de disposer librement de son corps,
d'où découlent le droit d'aller et venir et le droit à l'intégrité
corporelle (ATF 103 Ia 171 consid. 2, 100 Ia 193, 90 I 34 et 38). Il
peut y avoir atteinte à cette intégrité corporelle même si aucune lésion
dommageable n'a été provoquée. Ainsi en est-il d'une simple prise de
sang, qui généralement ne produit guère de douleur et ne compromet pas
la santé de celui qui en est l'objet (ATF 99 Ia 412 consid. 4, 91 I 34,
90 I 35 et 110). Tel est également le cas de la vaccination des enfants
contre la diphtérie et contre la variole (ATF 99 Ia 749; 50 I 334: dans ce
dernier arrêt, la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral a jugé que
cette intervention était conforme à la législation sur la lutte contre les
épidémies, sans examiner toutefois si elle était compatible avec un droit
constitutionnel fédéral ou cantonal). Dans l'arrêt publié aux ATF 90 I 29
ss., le Tribunal fédéral a jugé qu'une hospitalisation de quelques jours
en vue d'une expertise constitue une atteinte à la liberté physique. En
revanche, il a estimé qu'une expertise anthropobiologique n'implique
pas une atteinte à cette liberté car il ne s'agit que d'être examiné et
photographié par un expert, ce qui ne va pas essentiellement plus loin
que la comparution personnelle obligatoire d'une partie ou d'un témoin
aux fins d'audition (ATF 89 I 163, 84 I 220); dans les arrêts publiés
aux ATF 99 Ia 413 et 90 I 110/111, il a laissé ouvert ce problème en
ajoutant qu'une expertise anthropobiologique ne pourrait de toute façon
être considérée que comme une atteinte minime à la liberté personnelle.

    b) La liberté personnelle est un droit constitutionnel inaliénable et
imprescriptible, destiné à garantir la dignité de l'homme (ATF 100 Ia 193,
99 Ia 749 et les arrêts cités; cf. CH. LEUENBERGER, Die unverzichtbaren
und unverjährbaren Grundrechte in der Rechtsprechung des Schweizerischen
Bundesgerichtes, Berne 1976, p. 17 ss.). Elle n'est toutefois pas absolue,
pas plus que les autres libertés constitutionnelles, et des limitations
peuvent être apportées aux modalités de son exercice, à condition que ces
restrictions reposent sur une base légale, qu'elles soient dictées par
l'intérêt public, qu'elles respectent le principe de la proportionnalité
et n'aillent pas jusqu'à supprimer ce droit ou à le vider de sa substance
en tant qu'institution fondamentale de notre ordre public (ATF 102 Ia 283,
101 Ia 50, 99 Ia 267 et 749 et les arrêts cités).

    c) Pour juger si une mesure prise par l'Etat est compatible avec la
liberté personnelle de l'individu, le Tribunal fédéral tient compte aussi,
à côté des principes qui sont à la base de la jurisprudence susmentionnée,
des circonstances du cas d'espèce et de l'évolution des idées et des
conditions sociales (ATF 97 I 50).