Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 104 IA 144



104 Ia 144

24. Extrait de l'arrêt du 25 janvier 1978 dans la cause Navitrans
S.A. contre Compagnie La Concorde S.A. et Genève, Cour de justice Regeste

    Vollstreckung ausländischer Zivilurteile. Stillschweigend prorogierter
Gerichtsstand.

    Art. 3 des französisch-schweizerischen Vertrages über den Gerichtsstand
und die Vollziehung von Zivilurteilen vom 15. Juni 1869.

    Die in Art. 3 des Staatsvertrages vorgesehene Domizilwahl kann nicht
nur durch eine förmliche Einigung zwischen den Vertragsparteien erfolgen
sondern auch dadurch, dass der Beklagte vor dem angerufenen Richter
zu den Begehren materiell Stellung genommen hat, ohne die Einrede der
Unzuständigkeit zu erheben.

Sachverhalt

    A.- En décembre 1972, deux connaissements ont été établis à Paris
selon formules imprimées à l'en-tête de "Navigation Transocéanique S.A.,
Geneva (Switzerland)", société inscrite au registre du commerce de Genève
et devenue par la suite "Navitrans S.A.". L'un de ces connaissements
porte la signature de la société "SAPET à Neuilly-sur-Seine (France),
agent général de Navigation Transocéanique S.A.". Selon une clause insérée
sur ces deux documents, le fret, payable à Neuilly, a été réglé d'avance.

    La marchandise étant arrivée avariée à Bangkok, la Compagnie
d'assurances La Concorde à Paris a réglé les indemnités d'assurance et
obtenu en sa faveur la cession des droits des lésés contre la société
Navigation Transocéanique S.A. Par exploit du 7 mars 1974 qui lui a
été signifié chez ses agents généraux à Neuilly, la société Navigation
Transocéanique S.A. a été assignée devant le Tribunal de commerce de
Paris. Comparant par avocats, elle a fait valoir, au cours des débats,
que les pertes en poids des deux cargaisons ne représentaient que des
manques de l'ordre de 0,5%, soit un risque normal couramment admis pour
les transports maritimes au long cours; formellement, ses avocats n'ont
pas pris de conclusions. Par jugement du 18 février 1975, constatant que
les arguments de la défenderesse n'étaient pas fondés, le Tribunal de
commerce de Paris a condamné la société Navigation Transocéanique S.A. à
payer à la Compagnie La Concorde la contre-valeur en francs de 20872.12
dollars USA avec intérêts de droit, ainsi qu'aux dépens. Ce jugement a été
signifié par huissier à la Société Navigation Transocéanique S.A. chez ses
agents généraux, SAPET à Neuilly. Il est devenu définitif, la défenderesse
n'ayant formé aucun appel.

    Le 14 juin 1976, la Compagnie La Concorde a fait notifier à la
société Navitrans S.A. à Châtelaine (Genève) un commandement de payer
diverses sommes (soit notamment 53641 fr. 35 contre-valeur de 20872.12
dollars USA) dues selon le jugement du Tribunal de commerce de Paris du
18 février 1975. Ce commandement de payer a été frappé d'opposition.

    Par jugement du 12 janvier 1977, le Tribunal de première instance
de Genève a rejeté la requête en mainlevée définitive d'opposition que
la Compagnie La Concorde avait formée. Statuant par voie de procédure
sommaire sur un appel formé par la Compagnie La Concorde, la Cour de
justice de Genève a annule le jugement de première instance le 4 avril
1977 et prononcé la mainlevée définitive de l'opposition.

    Saisi d'un recours de droit public de Navitrans S.A., le Tribunal
fédéral l'a rejeté.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- C'est à tort que la société Navitrans S.A. reproche à la Cour
de justice principalement d'avoir admis l'existence d'une prorogation
tacite de for en faveur du Tribunal de commerce de Paris. Ce moyen,
tiré d'une prétendue violation des art. 1er, 3 et 11 de la Convention,
n'est pas fondé.

    a) La question de la renonciation au for ordinaire doit être
résolue uniquement sur la base de l'art. 3 de la Convention. Cependant,
cette disposition ne fixe pas la manière dont le for prorogé doit être
choisi. Dans son message du 28 juin 1869, le Conseil fédéral a précisé
que, d'après l'art. 3, l'entente sur l'élection du domicile est comprise
dans le sens ordinaire, de sorte qu'il n'est pas nécessaire qu'elle soit
indiquée formellement, mais qu'elle peut aussi être tacite (FF 1869 II
p. 505 et 506). Cet avis a été partagé par le Tribunal fédéral (ATF 48 I
93 et les arrêts cités) et, en France, la jurisprudence et la doctrine
admettent le même point de vue (voir H. BATTIFOL, Traité élémentaire
du droit international privé, 3e éd., Paris 1959 p. 792 no 710 A/2;
J.-P. NIBOYET, Traité de droit international privé français t. VI, Paris
1949 no 1866).

    b) Déjà dans le message du 28 juin 1869, le Conseil fédéral a
posé en principe que l'élection de domicile prévue à l'art. 3 de la
Convention peut résulter non seulement d'une entente formelle entre les
parties, mais aussi du simple fait que le défendeur a discuté au fond
devant le juge saisi du litige sans soulever l'exception d'incompétence
(FF 1869 II, p. 505/506). Ce principe, admis par la doctrine unanime,
a été appliqué en jurisprudence constante par le Tribunal fédéral, qui a
jugé que l'art. 11 de la Convention oblige simplement le juge à examiner
sa compétence malgré le défaut du défendeur, mais n'exclut nullement la
validité d'une prorogation de for dérivant de l'accord tacite des parties;
tel est notamment le cas lorsque le défendeur procède au fond sans soulever
le déclinatoire (ATF 49 I 204 et les arrêts cités, 49 I 552 consid. 3,
23 I 105 consid. 1; voir aussi MAX PETITPIERRE, La reconnaissance
et l'exécution des jugements civils étrangers en Suisse, Paris 1925,
p. 99; CHRISTIAN FISCHER, Les Conventions de prorogation de for inter-
et intracantonales en droit fédéral et en procédure civile vaudoise,
thèse de Lausanne 1969, p. 33 et 161 ss.).

    c) En l'espèce, la recourante a été assignée à comparaître devant le
Tribunal de commerce de Paris par une citation qui lui a été notifiée à
Neuilly-sur-Seine, chez ses agents généraux, la société SAPET. Devant le
Tribunal de commerce, elle a été représentée par deux avocats parisiens
qui n'ont pas soulevé l'exception de nullité - ou d'irrégularité - de
l'assignation, ni contesté la compétence des juges français. Ils ont au
contraire agi au fond, faisant valoir un moyen de défense que le Tribunal
a rejeté: ils ont, en effet, soutenu que la marchandise transportée à
Bangkok n'avait subi qu'une perte normale de 0,5% alors qu'il ressortait
clairement du certificat d'avarie que cette perte était en réalité de 5%
environ. Par la suite, la recourante n'a pas protesté contre le fait que le
jugement du Tribunal de commerce de Paris lui avait été notifié chez ses
agents généraux à Neuilly-sur-Seine; elle n'a pas interjeté appel contre
ce jugement. C'est donc à bon droit que la Cour de justice de Genève
a considéré que la recourante avait tacitement accepté la compétence
des juges parisiens, ayant procédé au fond par une participation active
au procès.

    La jurisprudence citée par la recourante dans son mémoire n'est
pas applicable en l'espèce, car les conditions requises par le Tribunal
fédéral pour admettre l'existence d'une prorogation de for et, partant, une
dérogation au principe du for naturel du défendeur sont plus rigoureuses
dans le cadre de l'art. 59 Cst. que dans celui de l'art. 3 de la Convention
franco-suisse. Il importe donc peu que les avocats de la défenderesse aient
- ou n'aient pas - déposé de conclusions formelles devant le Tribunal
de commerce de Paris. Ce qui est décisif au regard de la jurisprudence
relative à la Convention franco-suisse, c'est bien plutôt le fait que
la Société Navitrans, avant de comparaître devant ses juges parisiens,
pendant la procédure et même après avoir reçu notification du jugement,
n'a jamais mis en doute la régularité de l'assignation et n'a jamais
soulevé le déclinatoire. Elle ne prétend même pas avoir exprimé des
réserves à ce sujet.

    Il est vrai que, devant les juges genevois, la recourante a dit que
"l'avocat qui l'a représentée n'a pas été choisi par elle-même mais par
ses agents généraux". Toutefois, ce fait, que la recourante se borne
à alléguer sans même chercher à l'établir, est en soi insuffisant. La
recourante n'a jamais prétendu avoir ignoré l'existence du procès intenté
contre elle devant le Tribunal de commerce de Paris.

    d) Dans ces conditions, le moyen principal du recours, tiré d'une
prétendue violation des art. 1er (al. 1), 3 et 11 de la Convention n'est
pas fondé. Il doit être rejeté.