Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 102 V 193



102 V 193

47. Arrêt du 11 octobre 1976 dans la cause Société vaudoise et romande
de secours mutuels contre B. et Cour de justice civile du canton de
Genève Regeste

    Art. 5 Abs. 3 KUVG. Wiederherstellung der gesetzlichen Ordnung nach
Verschweigen von Gesundheitsschäden:

    - Anbringen eines nachträglichen Vorbehalts, auch wenn das Verschweigen
anlässlich einer Gesundheitsschädigung entdeckt wurde, auf die der
Vorbehalt nicht zutrifft.

    - Herabsetzung der versicherten Leistungen auf das gesetzliche Minimum
oder auf den Stand vor der gewährten Erhöhung (Erw. 2)?

    Art. 3 Abs. 3 KUVG. Sanktionen und ihre Verhältnismässigkeit.

Sachverhalt

    A.- B. né en 1913, a été membre de la caisse-maladie de la Société
suisse des employés de commerce (SSEC) du 1er avril 1966 au 31 mai 1972. A
sa sortie de cette caisse d'association, il s'est adressé à la Société
vaudoise et romande de secours mutuels (SVRSM), qui l'a admis dès le 1er
juin 1972 au bénéfice d'un droit de libre passage.

    Lors de ce passage, les prestations assurées ont été fortement
augmentées, par une assurance des frais médicaux étendus avec complément
d'hospitalisation de 8'000 fr. et par une indemnité journalière
différée de 50 fr. au lieu de 2 fr. précédemment. La SVRSM n'a formulé
aucune réserve. Dans le questionnaire détaillé rempli à cette occasion,
l'intéressé avait en effet donné des réponses négatives pour toutes les
maladies énumérées et déclaré être actuellement et depuis toujours en
parfaite santé et en état de travailler.

    L'intéressé a subi en août 1972 une opération de la vésicule, que la
SVRSM a prise en charge selon les nouvelles conditions d'assurance. Puis il
a été en traitement depuis le 25 juin 1974 chez le Dr E., qui l'a déclaré
frappé d'incapacité totale de travail à partir du 1er octobre 1974. Cette
incapacité se prolongeant, la SVRSM s'est inquiétée dès avril 1975 de
la situation. En mai, elle apprenait ainsi, d'une part, que l'assuré
était en traitement pour état dépressif grave et, d'autre part, que le
Dr E. le suivait régulièrement depuis 1970 pour une "sténose aortique,
fibrillation auriculaire, insuffisance cardiaque latente".

    Considérant que, en taisant l'affection cardiaque, l'assuré avait
commis une réticence et que, si elle avait eu connaissance de cette
atteinte à la santé, elle n'aurait pas accepté une augmentation de la
couverture d'assurance, la SVRSM a pris le 11 juin 1975 la décision qui
est l'objet du litige. Cette décision ramène dès le 1er juin 1972 la
couverture d'assurance à ce qu'elle était en vertu du libre passage -
soit au niveau des prestations précédemment assurées auprès de la SSEC -
et, recalculant sur cette base toutes les primes et prestations, réclame
à l'assuré restitution d'un montant de 6'063 fr. 55 indûment touché.

    B.- L'assuré a recouru, contestant toute réticence et relevant au
surplus que tant l'affection de la vésicule que la dépression nerveuse
n'avaient aucun rapport avec un état cardiaque.

    La Cour de justice civile de Genève a admis le recours et annulé la
décision attaquée, par jugement du 16 janvier 1976. Elle a considéré en
bref que, la fixation de réserves constituant l'unique mesure de sélection
médicale et l'état dépressif étant sans lien de causalité avec l'affection
cardiaque, la réticence à propos de cette dernière ne pouvait entraîner
des conséquences pour la couverture de l'état dépressif.

    C.- La SVRSM interjette recours de droit administratif. Elle fait
valoir que, s'il n'y avait pas eu réticence, elle aurait eu connaissance
de l'affection cardiaque; qu'elle aurait alors soit formulé une réserve,
soit refusé d'assurer l'intéressé pour des prestations supérieures à
celles garanties par la caisse précédente; que cette dernière hypothèse
est hautement vraisemblable. Aussi demande-t-elle le rétablissement de
sa décision du 11 juin 1975.

    Tandis que l'intimé conclut à la confirmation du jugement cantonal,
l'Office fédéral des assurances sociales - tout en relevant combien la
mesure est lourde de conséquences pour l'assuré - propose l'admission
du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La question qui se pose en l'occurrence est de savoir si une
caisse peut, en cas de réticence, prendre valablement la décision de
ramener l'assurance à ce qu'elle aurait été si l'assuré avait rempli le
questionnaire d'admission de manière exacte et véridique, alors même que
la réticence portait sur une affection qui n'a pas récidivé mais a été
révélée à l'occasion d'une autre maladie.

    Il y a lieu de tenir pour constant que, lors de son passage de la
SSEC à la SVRSM et de sa demande d'augmentation des prestations assurées
le 1er juin 1972, l'intéressé était atteint d'une affection cardiaque et
qu'il connaissait ou à tout le moins devait connaître ce fait, que par
conséquent il a commis une réticence. La réalité de cette prémisse sera
vérifiée plus loin, lorsqu'il s'agira d'apprécier la gravité de la faute
en vue d'éventuelles sanctions (consid. 4 ci-dessous). Il est également
permis de poser en fait - la caisse ne le contestant pas - que toutes les
prestations versées par la SVRSM entre le 1er juin 1972 et la survenance
du litige l'ont été pour des affections étrangères à l'affection cardiaque
objet de la réticence.

Erwägung 2

    2.- Le juge cantonal appuie sa thèse essentiellement sur une récente
analyse systématique de la doctrine et de la jurisprudence (voir Prof.
BERNARD VIRET: La réticence dans l'assurance-maladie privée et sociale,
Revue suisse d'assurances, 1975, p. 33 ss).

    L'intérêt de la communauté des assurés exige que l'assurance-maladie
puisse opérer une certaine sélection des risques. Dans l'assurance privée,
les compagnies peuvent refuser d'assurer un postulant qui leur semble
présenter des risques exagérés; le principe de la liberté contractuelle
leur permet naturellement d'aller moins loin et par exemple d'exclure de
la couverture certaines affections, d'imposer un délai d'attente, d'exiger
une surprime. Dans l'assurance sociale, la liberté des caisses est limitée
par l'art. 5 al. 3 LAMA, qui interdit de refuser l'admission pour raison
de santé; leur seule faculté est d'excepter de l'assurance des maladies
existantes lors de l'admission et des maladies antérieures sujettes à
récidive, en en faisant l'objet d'une réserve, qui devient caduque après
cinq ans au plus. Ces deux situations fondamentalement différentes lors de
la conclusion de l'assurance ont pour corollaires logiques des solutions
elles aussi différentes en cas de découverte ultérieure d'une réticence. Au
principe de la liberté contractuelle de l'assureur privé correspond, en
pareil cas, la possibilité pour lui de résoudre le contrat (art. 6 LCA);
à la faculté de la caisse-maladie de formuler une réserve correspond
pour elle la possibilité d'apporter rétroactivement la réserve qu'elle
eût formulée (v. p.ex. ATF 96 V 7). Ainsi sera rétabli l'"ordre légal".

    Mais la réserve rétroactive suffit-elle, dans l'assurance-maladie
sociale, à rétablir l'ordre légal ou, pour reprendre les termes de la
jurisprudence, à normaliser une situation irrégulière (arrêt Ulrich du
18 juin 1974, RJAM 1974, p. 89)? En est-elle le seul moyen? La SVRSM fait
valoir que, s'il n'y avait pas eu réticence, elle aurait eu la possibilité
de refuser d'assurer l'intéressé pour des prestations supérieures à
celles que garantissait le droit de libre passage et qu'elle en aurait
très vraisemblablement fait usage. Elle soutient donc en substance que
rétablir la situation signifie ramener la couverture d'assurance à ce
qu'elle était avant l'augmentation accordée.

    Cette thèse est attrayante, et l'on pourrait en trouver l'embryon
dans l'arrêt Ulrich précité (les perspectives ouvertes par cet arrêt sont
esquissées dans l'article du Prof. VIRET, op.cit., p. 44/45 note 28). Mais
elle présente le défaut de scinder les prestations minima découlant de
la loi et celles dépassant ces minima; on aurait pour ces dernières -
rompant l'unité du rapport d'assurance - une possibilité équivalente à
la résolution du contrat par l'assureur privé. Or la jurisprudence du
Tribunal fédéral des assurances tend à soumettre le rapport d'assurance
en son entier aux règles de la LAMA, sans distinction aucune entre les
prestations minima imposées par la loi et les prestations supérieures à
ces minima octroyées en vertu des statuts (voir p.ex. ATF 98 V 65). Sans
doute cette jurisprudence a-t-elle été critiquée par certains, au nom de la
liberté statutaire des caisses; sans doute aussi n'est-elle pas pleinement
satisfaisante du point de vue social, car elle incite les caisses-maladie
à pratiquer la forme de sélection la plus rigoureuse, soit le refus pur
et simple d'assurer des prestations supplémentaires à qui n'est pas en
parfaite santé. Il ne se justifie néanmoins pas de la remettre en cause
et de reconnaître au rapport d'assurance un caractère hybride.

    Dès lors, la portée de cette jurisprudence doit être étendue
aux conséquences de la réticence. En cas de réticence, l'introduction
rétroactive de la réserve qui eût été formulée lors de l'admission dans
l'assurance ou lors d'une augmentation des prestations assurées, si
le postulant n'avait pas tu fautivement une affection, rétablit donc la
situation de droit et représente en principe le seul moyen de la rétablir,
tant pour les prestations minima que pour les prestations supplémentaires.

    Il faut toutefois réserver les cas dans lesquels il serait manifeste
que, à défaut de réticence, la caisse-maladie n'aurait pas assuré de
prestations supérieures aux minima légaux, en raison par exemple d'un état
de santé gravement déficient à maints égards. Par analogie avec le principe
reconnaissant à l'administration la faculté de revenir sur une décision
sans nul doute erronée et dont la modification revêt une importance
considérable (cf. p.ex. ATF 99 V 103, 98 V 52 et 100, RJAM 1975, p. 24), la
caisse-maladie pourrait revenir sur une couverture accordée manifestement
à tort et par la faute de l'intéressé. Mais pareille situation n'est pas
donnée en l'espèce, où il est certes possible mais non pas certain que
la caisse eût refusé l'augmentation de la couverture d'assurance.

Erwägung 3

    3.- Si l'introduction rétroactive de la réserve rétablit la situation
de droit et constitue le correctif usuel de la réticence, celle-ci
peut entraîner en sus des sanctions. Mais les sanctions doivent être
proportionnées à la gravité de la faute et au but visé par la caisse
(v. p.ex. ATF 96 V 1).

    Les statuts de la SVRSM prévoient, en plus de la réserve rétroactive
(art. 18 ch. 1), la possibilité de l'exclusion en cas de faute grave ou
"d'autres sanctions" (art. 34). Les conditions générales prévoient,
outre le déclassement rétroactif et la répétition de l'indu (art. 4
ch. 1a, art. 13 ch. 4), la suspension du droit aux prestations ou la
réduction des prestations proportionnée à la transgression des statuts et
conditions d'assurance (art. 6 lit. e). Le questionnaire médical que doit
signer l'assuré relève expressément que "le fait de remplir d'une manière
inexacte ou incomplète la présente déclaration aurait pour conséquence mon
exclusion de la caisse ou le refus des prestations". En l'espèce, la SVRSM
a considéré que le déclassement rétroactif constituait le rétablissement
d'une situation irrégulière - à tort, si l'on adopte la thèse développée au
consid. 2 ci-dessus - et non pas une sanction. Selon les termes de l'arrêt
Cortellini du 29 novembre 1974 (RJAM 1975, p. 8, et notamment p. 13),
il semblerait que le juge ne peut substituer une motivation à l'autre;
mais cette interprétation est trop absolue et d'ailleurs en contradiction
avec l'arrêt Ulrich déjà cité (RJAM 1974, p. 89), dont la solution sur ce
point mérite d'être confirmée. Il s'agit donc d'examiner si la réduction
de la couverture d'assurance, rejetée au titre du rétablissement de la
situation de droit, peut être maintenue au titre de sanction.

Erwägung 4

    4.- Lors de son passage à la SVRSM et de sa demande d'augmentation
des prestations assurées, à fin mai 1972, B. a signé un questionnaire
médical détaillé, qui donnait des réponses négatives pour toutes les
maladies énumérées et indiquait une santé parfaite depuis toujours. Or il
se trouvait depuis 1970 en traitement auprès du Dr E. pour une affection
cardiaque (sténose aortique). Sans doute le traitement n'était-il pas
intensif, se bornant à trois contrôles par an et à la prescription de
digitaline; mais le médecin a fait néanmoins trois électrocardiogrammes
en cinq ans, et l'intéressé ne pouvait considérer - en faisant preuve
d'un minimum d'attention et même s'il tenait son mal pour un trouble
de moindre importance dû à l'âge - être en parfaite santé. Sans doute
aussi n'a-t-il pas rempli lui-même le questionnaire (la comparaison des
écritures en fait foi); mais il l'a signé, attestant par 1à la véracité
des indications. Sans doute enfin est-il possible - rien n'autorise à
suspecter son honnêteté - qu'il ait mentionné ses troubles cardiaques à
l'inspecteur de la caisse, qui en a minimisé la portée; mais cela ne le
dispensait pas du devoir absolu de vérité. La réticence est donc établie,
et il importe peu qu'elle ait été découverte à l'occasion d'une autre
atteinte et non d'une rechute ou récidive de l'affection cardiaque; car
l'existence d'un rapport de causalité entre les déclarations incomplètes
ou inexactes et le sinistre révélant ce fait ne constitue par une condition
d'admissibilité de la réticence (voir BERNARD VIRET, op.cit., p. 40).

    Le correctif de la réticence étant l'introduction rétroactive d'une
réserve, il faut reconnaître à la SVRSM la faculté de l'apporter. Il est
inexact de dire, comme le fait l'Office fédéral des assurances sociales,
que la caisse y aurait renoncé: la caisse admettant l'assuré au bénéfice
d'un droit de libre passage, la question de la réserve ne se posait que
pour les prestations augmentées; et la caisse ayant décidé de supprimer
cette couverture élargie, une réserve aurait perdu toute signification.

    La question de l'introduction rétroactive d'une réserve ne se posera
toutefois en pratique que si la suppression de la couverture élargie n'est
pas confirmée au titre de sanction. Il faut donc examiner maintenant si
une telle sanction serait proportionnée à la gravité de la faute et au but
visé par la caisse. Or tel n'est pas le cas. Reprenant les éléments qui
font admettre la réticence, on doit constater en effet que l'intéressé
pouvait tenir son affection cardiaque pour minime et espérer qu'elle
n'exigerait pas de plus amples traitements; il n'a d'ailleurs apparemment
jamais demandé de prestations pour les contrôles subis, et l'affection
n'a pas récidivé. L'attitude prétendue de l'inspecteur de la caisse -
qui entre à tout le moins dans l'ordre des possibilités - est propre
aussi à atténuer la gravité de la faute de l'assuré. En bref, il n'est
pas établi que l'intéressé aurait voulu sciemment tromper la caisse et
faire courir à la communauté des assurés des risques extraordinaires.

    Entre la faute commise et une sanction qui consisterait à supprimer
rétroactivement l'extension accordée de la couverture d'assurance -
avec pour corollaire l'obligation de restituer les prestations obtenues
pour des maladies sans rapport avec l'affection objet de la réticence - la
disproportion apparaît évidente. On se trouve en effet en présence d'un cas
infiniment moins grave que dans l'arrêt Ulrich, où l'affection tue pouvait
être l'indice d'une constitution morbide laissant attendre de nombreuses
maladies de tous genres. Il faut donc rejeter une pareille sanction, la
caisse ayant toutefois la faculté de prononcer une sanction moins sévère,
dont le juge ne saurait fixer l'ampleur dans la présente procédure;
car ce serait pour lui s'aventurer sur un domaine tout autre que celui
sur lequel se plaçait la décision attaquée et dont ni la caisse ni les
premiers juges n'ont examiné les modalités (cf. p.ex. ATFA 1968, p. 222,
1965, p. 5, 1962 p. 80; RCC 1971, p. 480; GYGI, "Verwaltungsrechtspflege
und Verwaltungsverfahren im Bund"; Berne 1974, pp. 95 ss).

Erwägung 5

    5.- En conclusion, le recours de la SVRSM doit être rejeté, avec
pour conséquence le maintien de la couverture d'assurance accordée dès
le 1er juin 1972 et la suppression de l'ordre de restitution. Mais la
caisse pourra:
   a) introduire une réserve rétroactive pour l'affection objet de la
   réticence; b) prononcer une sanction proportionnée à la gravité de
   la faute;

    c) vérifier si et dans quelle mesure l'état dépressif justifie à lui
seul - ou en concurrence avec une affection autre que celle ainsi sous
réserve - l'octroi des prestations.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce

    Le recours de droit administratif est rejeté, dans le sens du
considérant 5.