Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 102 IB 151



102 Ib 151

26. Extrait de l'arrêt du 13 février 1976 en la cause Administration
genevoise de l'impôt pour la défense nationale contre Commission
genevoise de recours en matière d'impôt pour la défense nationale et
Société immobilière C. S.A. Regeste

    Wehrsteuer: Besteuerung der "unterkapitalisierten"
Immobiliengesellschaften.

    1. Rechtliche Form und wirtschaftliche Betrachtungsweise.
Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts. Steuerhinterziehung, -umgehung
und -einsparung (Erw. 3).

    2. Die Immobiliengesellschaft, die ein unter ihren wirklichen
Bedürfnissen gehaltenes Kapital und ein Darlehen der Aktionäre kombiniert,
umgeht die Steuer (Erw. 4). Bei der Prüfung, ob eine solche Gesellschaft
die Steuern auf dem Kapital und dem Reinertrag zu umgehen versuche, und
ob insbesondere ihre wirklichen Schulden ihrer Fähigkeit zur Aufnahme von
Darlehen entsprechen, muss die Veranlagungsbehörde auf den Verkehrswert
der Grundstücke zu Beginn der Veranlagungsperiode und nicht auf ihren
Buchwert abstellen (Erw. 5 und 6).

Sachverhalt

    A.- La société anonyme immobilière C., dont le siège est à Genève,
a un capital-actions de 300'000 fr.; elle est propriétaire d'un immeuble
locatif dont la valeur comptable, au 30 septembre 1970, était de 3'355'791
fr. 55, et la valeur vénale de 5'325'000 fr.

    Le 16 juillet 1973, l'Administration genevoise de l'impôt pour la
défense nationale a notifié à la société le bordereau de l'impôt pour la
défense nationale 16e période (1971/1972), qui fixait le capital imposable
à 621'000 fr., le capital proportionnel à 636600 fr. et le bénéfice net
imposable à 89'200 fr. L'autorité de taxation a considéré une part des
dettes effectives de la société comme des fonds propres, ce qui a entraîné
la rectification tant du capital que du bénéfice imposables déclarés par
la société.

    La société a formé contre cette décision une réclamation puis, après le
rejet de celle-ci, un recours auprès de la Commission de recours du canton
de Genève en matière d'impôt pour la défense nationale (CCR). Elle faisait
valoir que l'endettement maximum de la société devait être déterminé sur
la base de la valeur vénale de ses immeubles, et non pas en fonction de
leur valeur comptable, comme le prétendait l'autorité de taxation.

    Par décision du 30 janvier 1975, la CCR a admis le recours et rectifié
la décision entreprise, en fixant le bénéfice imposable à 80'400 fr.,
le capital proportionnel à 466'400 fr. et le capital imposable à 508'000
fr. Prenant en considération la valeur vénale de l'immeuble, la CCR n'a
constaté aucune sous-capitalisation et n'a pas retenu en l'espèce qu'il
y ait un financement insolite.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif,
l'Administration genevoise de l'impôt pour la défense nationale requiert
le Tribunal fédéral d'annuler la décision rendue par la CCR le 30 janvier
1975, en tant qu'elle prend pour base de ses calculs la valeur vénale de
l'immeuble, de déclarer que pour la détermination de la sous-capitalisation
seule la valeur comptable de l'immeuble doit être prise en considération,
et de fixer ainsi le bénéfice net imposable à 89'200 fr., le capital
proportionnel à 636'600 fr. et le capital imposable à 621'000 fr.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- L'impôt pour la défense nationale dû par les sociétés anonymes
comprend, selon l'art. 48 de l'arrêté du Conseil fédéral concernant
la perception d'un impôt pour la défense nationale, du 9 décembre 1940
(AIN), un impôt sur le rendement net ainsi qu'un impôt complémentaire sur
le capital. Entrent en considération, pour le calcul du rendement net,
le solde du compte de pertes et profits, y compris le solde reporté
de l'année précédente, tous les prélèvements opérés avant le calcul
du compte de pertes et profits qui ne servent pas à couvrir des frais
généraux autorisés par l'usage commercial, ainsi que les amortissements
et les réserves d'amortissement non autorisés par l'usage commercial
(art. 49 AIN).

    L'impôt complémentaire sur le capital frappe le capital social versé
et les réserves entrant en considération pour le calcul de l'impôt sur le
rendement net (art. 60 AIN). Est déterminant pour le calcul de cet impôt
l'état du capital-actions ou du capital social et des réserves au moment où
a commencé l'assujettissement, soit, en principe, au début de la période
de taxation. Selon l'art. 57 al. 3 AIN, les réserves constituées après le
31 décembre 1948 au moyen de rendements non imposés ne doivent pas être
comprises dans le montant du capital et des réserves. Ainsi, jusqu'à la
5e période de taxation de l'impôt pour la défense nationale, les réserves
latentes sur les valeurs immobilisées pouvaient être comprises dans le
capital proportionnel et dans le capital imposable, même si la différence
entre la valeur comptable et la valeur pécuniaire n'avait pas été imposée
comme bénéfice; depuis lors, les valeurs immobilisées ne doivent être
comptées en principe dans le capital proportionnel qu'à leur valeur
comptable ou à la valeur fixée par l'autorité fiscale en cas de reprise
d'amortissements non admis (cf. MASSHARDT ET GENDRE, Commentaire IDN, n. 3
ss ad art. 57 AIN; KÄNZIG, Wehrsteuer, n. 10 ad art. 57 al. 2 et 3 AIN).

    Ainsi que le relèvent MASSHARDT et GENDRE, la réglementation de
l'impôt pour la défense nationale ne contient aucune disposition sur le
rapport qui devrait exister, dans les sociétés anonymes, entre le capital
propre (capital social et réserves) et le capital étranger (op.cit.,
n. 9 a ad art. 48 al. 1 lettre b AIN). Dès lors, le capital propre qui
ressort du bilan de la société peut ne pas représenter le capital réel
de l'entreprise; tel est le cas notamment lorsqu'une société dispose
d'un capital qui apparaît formellement comme un capital étranger, soit
comme un engagement envers des tiers, alors qu'économiquement il fait
partie des fonds propres de l'entreprise (cf. rapport du 14 février
1955 de la Commission d'experts chargée de l'étude de la motion Piller
sur "Le problème de l'imposition égale et juste des entreprises", p.
114/115). Il s'agit dès lors de savoir si et dans quelle mesure les
autorités chargées de l'application de l'AIN peuvent s'écarter de la
situation telle qu'elle ressort du bilan pour procéder à une imposition
fondée sur la réalité économique.

Erwägung 3

    3.- a) La forme juridique des relations d'où provient la matière
imposable n'est pas nécessairement décisive du point de vue fiscal.
Sous certaines conditions, l'autorité fiscale peut se fonder au contraire
sur la réalité économique. Lorsqu'il statue avec plein pouvoir d'examen,
comme c'est le cas en matière d'impôt pour la défense nationale, le
Tribunal fédéral n'admet ce mode de faire que si la forme juridique
à laquelle le contribuable a recouru est insolite et n'a été choisie
qu'aux fins d'éluder l'impôt (ATF 98 Ib 323, 96 I 118, 93 I 691, 90 I
221). En revanche, s'il ne revoit la question que sous l'angle restreint
de l'arbitraire, le Tribunal fédéral exige seulement que des raisons
objectives et pertinentes justifient le procédé (ATF 96 I 118 consid. 1).

    L'autorité chargée d'appliquer l'AIN ne peut ainsi se fonder sur
la réalité économique que si les conditions de l'évasion fiscale sont
réunies. 11 appartient au législateur de prévoir les cas d'imposition
et le cercle des contribuables, de même que l'objet de l'impôt et son
montant maximum (ATF 101 Ib 75, 100 Ia 66, 139, 99 Ia 603, 97 I 347,
804). L'autorité fiscale ne peut s'écarter des faits tels qu'ils résultent
de la situation formelle en arguant que l'imposition, basée sur ces faits,
conduit à des résultats insatisfaisants. Elle ne saurait se fonder sur
la réalité économique dans le but de corriger la loi, un tel procédé étant
incompatible avec le principe de la légalité (ATF 73 I 75/76; Archives 33,
207; cf. MASSHARDT ET GENDRE, op.cit., n. 12 ad art. 1er AIN).

    b) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il y a évasion fiscale
lorsque les trois conditions suivantes sont réunies: a) la forme dont le
contribuable a revêtu une opération est insolite, inadéquate ou anormale
("ungewöhnlich, sachwidrig oder absonderlich"), en tout cas inadaptée
aux données économiques; b) le choix de cette forme est abusif et n'a
pour but que de faire l'économie d'impôts qui auraient été perçus si
l'on avait normalement réglé l'affaire; c) la voie choisie entraînerait
effectivement une notable économie d'impôts si le fisc l'admettait. Si
ces conditions sont remplies, l'autorité fiscale peut se fonder,
pour l'imposition, sur les actes qui auraient donné au but visé par
les intéressés sa forme adéquate (ATF 99 Ib 375 consid. 3, 98 Ib 323,
93 I 725). L'évasion fiscale doit être distinguée de la soustraction
fiscale, d'une part, et de l'épargne fiscale, d'autre part.

    Aux termes de l'art. 129 AIN, se soustrait totalement ou partiellement
à l'impôt pour la défense nationale celui qui élude les obligations
qui lui incombent en vertu de la loi dans la procédure de taxation, de
réclamation, de recours et d'inventaire, qui cèle des éléments essentiels
à la détermination de l'existence ou de l'étendue de l'obligation fiscale
ou qui donne, intentionnellement ou par négligence, des indications
inexactes. A la différence de l'évasion et de l'épargne fiscales, la
soustraction fiscale constitue une infraction (cf. HÖHN, Steuerrecht,
p. 333/334).

    La distinction entre évasion et épargne fiscales suscite quelques
difficultés (cf. à cet égard HÖHN, Steuereinsparung und Steuerumgehung, in
Revue fiscale 29/1974, p. 141 ss). Le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs
reprises que chacun peut en principe organiser son activité économique de
manière à payer le moins possible d'impôts, en particulier adopter, parmi
plusieurs structures juridiques envisageables, celle qui entraîne la charge
fiscale la plus faible. Mais celui qui fait usage d'un procédé insolite,
d'une construction de droit privé inadaptée aux données économiques,
commet un abus de droit sur le plan fiscal (ATF 98 Ib 323; Archives 43,
587, consid. 4b). Si les conditions de l'évasion fiscale ne sont pas
réunies, l'autorité chargée de l'application de l'AIN ne peut se fonder
sur la réalité économique pour mettre obstacle à l'épargne fiscale.

Erwägung 4

    4.- a) Dans plusieurs arrêts concernant l'impôt pour la défense
nationale, le Tribunal fédéral a relevé que, dans le régime normal de
la société anonyme, les actionnaires fournissent à la société les fonds
nécessaires à son activité, dans la mesure où ils ne peuvent être empruntés
auprès de tiers, en libérant le capital social fixé en fonction des besoins
et non en lui accordant eux-mêmes des prêts. Le procédé qui consiste à
combiner un capital maintenu au-dessous des besoins réels de la société
et un prêt des actionnaires est fréquemment utilisé, dans les sociétés
immobilières tout au moins. Quand bien même il ne peut de ce fait être
qualifié d'inhabituel, soit d'insolite au sens premier de ce terme, il
n'est pas objectivement fondé. En juger autrement encouragerait l'évasion
fiscale. Par ailleurs, ce procédé aboutirait à une notable économie
d'impôts s'il était admis par l'autorité fiscale et son choix ne peut
s'expliquer que par l'intention de réduire la charge fiscale normalement
due. Aussi le Tribunal fédéral a jugé que l'autorité fiscale était en
droit de s'écarter de la forme juridique, valable en droit commercial,
pour se fonder sur la réalité économique que cette forme recouvre, et de
considérer comme capital propre dissimulé la part des dettes de la société
qui jouent économiquement le rôle de fonds propres (Archives 41, p. 245;
ATF 98 Ib 472 99 Ib 373). Il n'est ainsi pas nécessaire de rechercher
l'intention subjective des organes de la personne morale. Il suffit de
constater que le procédé utilisé peut être présumé objectivement non fondé
du point de vue économique et qu'il ne s'explique que par l'intention de
faire l'économie d'impôts.

    b) Le 10 juillet 1968, la Division de l'impôt pour la défense nationale
de l'Administration fédérale des contributions (AFC), se fondant sur
l'arrêt du 8 juillet 1964 en la cause Z. S.A. (publié aux Archives 34,
163), émit une notice concernant les sociétés à base de capitaux et les
sociétés coopératives dont l'activité principale consiste à administrer,
exploiter ou construire des immeubles leur appartenant ou à faire le
commerce d'immeubles (sociétés immobilières, y compris celles de fonds
de placement) et dont les fonds propres (capital et réserves) sont
manifestement trop peu importants par rapport à leur actif (Archives
37, 202; MASSHARDT ET GENDRE, op.cit., n. 9 b ad art. 49 al. 1 lettre b
AIN). Sous le titre "Considérations juridiques de l'imposition du capital
propre dissimulé", cette notice précise ce qui suit:

    "Les sociétés immobilières font souvent figurer dans leur bilan,
sous la
   désignation de capital étranger, des fonds mis directement ou
   indirectement à leur disposition par les titulaires des droits de
   participation (ou par des personnes touchant de près ces titulaires
   ou la société), fonds qui toutefois remplissent économiquement la
   fonction de capital propre. Faute d'une autorisation légale expresse,
   ces fonds ne peuvent être comptés comme capital propre que si l'on
   est en présence d'une opération visant à éluder l'impôt, c'est-à-dire
   lorsque le "financement étranger", insolite, et ne correspondant pas
   à la situation économique, entraîne une notable économie d'impôt et
   qu'il ne peut s'expliquer par d'autres motifs."

    Pour déterminer le capital propre dissimulé de la société, il convient
de fixer le montant maximum des fonds étrangers que la société peut obtenir
par ses propres moyens. Ce montant équivaut en règle générale, selon
la notice citée, à 80% de la valeur vénale des immeubles et des autres
placements stables de la société. Le capital propre dissimulé est égal à
la part des dettes effectives qui excède le montant des fonds étrangers
que la société peut obtenir de tiers sans autres garanties que ses actifs.

    c) Insistant sur la distinction qu'il convient à son avis de faire
entre "fonds propres minima" et "endettement maximum", la CCR pense
pouvoir relever une divergence entre la jurisprudence du Tribunal fédéral
et son application par l'AFC, telle qu'elle résulte de la notice du 10
juillet 1968. Alors que le Tribunal fédéral déclare que "la société
immobilière devrait ainsi avoir à sa fondation un capital social d'un
montant équivalent à la différence entre la valeur vénale de ses immeubles
et de ses autres placements stables éventuels d'une part, et le montant
maximum des crédits qu'elle pourrait obtenir de tiers sans fournir d'autres
garanties que ces actifs d'autre part" (Archives 41, 248), l'AFC limite
le capital propre dissimulé à la différence entre le montant des dettes
effectives de la société et le 80% de la valeur vénale des immeubles et des
autres placements stables. L'autorité cantonale de recours déclare faire
sienne la théorie des "fonds propres minima", qui serait celle du Tribunal
fédéral. C'est ainsi qu'elle a constaté, dans la décision entreprise,
que les fonds propres (soit les fonds propres comptables et la réserve
latente sur les immeubles) étaient supérieurs aux fonds propres minima,
équivalant à 20% des investissements. La recourante prend acte de ce que la
CCR admet le critère des fonds propres minima et non celui de l'endettement
maximum; elle lui reproche toutefois de ne pas avoir appliqué de manière
cohérente cette théorie, qui exclut selon elle toute référence à la valeur
vénale des immeubles pour déterminer l'étendue de la sous-capitalisation.

    En réalité, la CCR et l'AFC n'ont pas adopté une position
fondamentalement différente. Leur manière de calculer le capital propre
dissimulé diffère certes, mais les résultats auxquels aboutissent l'une et
l'autre de ces autorités coïncident. Il revient en effet au même d'ajouter
aux fonds propres, tels qu'ils ressortent de la comptabilité de la société,
la part des dettes effectives qui dépasse 80% de la valeur vénale des
immeubles, ou de considérer que les fonds propres (soit les fonds propres
comptables et les fonds propres dissimulés) doivent équivaloir à 20% de
la valeur vénale des immeubles. Ainsi, tant l'AFC que la CCR admettent
que le montant des engagements envers des tiers considérés comme du
capital propre dissimulé peut varier si la valeur vénale des immeubles
se modifie. C'est précisément cette opinion que conteste la recourante. A
l'avis de celle-ci, une société qui, à sa fondation, est sous-capitalisée,
le restera quand bien même l'augmentation ultérieure de la valeur vénale
des actifs permettrait à la société d'obtenir de tiers des prêts d'un
montant égal, voire supérieur à celui de ses dettes effectives.

    La CCR et la recourante se fondent toutes deux sur la jurisprudence
du Tribunal fédéral. Il convient dès lors d'en dégager plus précisément
le sens. Si le Tribunal fédéral conclut que seule la valeur vénale des
immeubles doit être prise en considération pour la détermination du capital
propre dissimulé, la question de savoir si l'autorité doit tenir compte
des immeubles et des autres placements stables de la société, ainsi que
le soutient l'AFC, ou des seuls actifs immobiliers, comme l'affirme la
CCR dans les considérants de la décision entreprise, pourra ne pas être
abordée; en l'espèce, en effet, le montant des dettes effectives de la
société est largement inférieur à 80% de la valeur vénale de ses immeubles.

Erwägung 5

    5.- a) Le problème de la sous-capitalisation de sociétés a été examiné
à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral à l'occasion de recours de
droit administratif, formés contre des décisions de taxation au titre de
l'impôt pour la défense nationale (Archives 41, 245; ATF 98 Ib 472 et 99
Ib 373).

    Dans le premier des arrêts cités, le Tribunal fédéral a considéré
que la proportion entre le capital propre de la société anonyme
immobilière recourante (soit le capital social de 50'000 fr.) et les
fonds étrangers (un prêt de 1'130'000 fr. octroyé par l'actionnaire
unique) ne se justifiait pas objectivement du point de vue économique;
ce procédé de financement avait été choisi dans le seul but de réaliser
une économie d'impôts. Le Tribunal fédéral n'a pas eu à se prononcer sur
la détermination du capital propre dissimulé telle qu'elle avait été
effectuée par l'autorité cantonale en application des règles énoncées
par l'AFC dans sa notice du 10 juillet 1968. La société recourante
ne contestait en effet pas la méthode de calcul appliquée, fondée sur
la prise en considération de la valeur comptable des immeubles. Cette
dernière correspondait d'ailleurs à la valeur vénale, selon ce qu'avait
constaté la décision attaquée de manière à lier le Tribunal fédéral.

    Dans l'arrêt publié au recueil des ATF 98 Ib 472, le Tribunal
fédéral confirma que les conditions de l'évasion fiscale sont réunies
dans la mesure où le prêt de l'actionnaire excède ce que la société -
en l'espèce, une société anonyme immobilière appartenant à un fonds
de placement - peut obtenir de tiers sans d'autres garanties que ses
actifs. Examinant les objections formulées par la société recourante, le
Tribunal fédéral admit qu'au regard de la fonction qui lui est dévolue,
la société anonyme immobilière dominée par un actionnaire ou par un
groupe restreint d'actionnaires peut se contenter d'un capital propre
minime. Il était et restait néanmoins anormal qu'une société disposant
d'un faible capital soit propriétaire d'immeubles dont la valeur est cent,
voire mille fois supérieure aux fonds propres tels qu'ils apparaissent au
bilan; un tel procédé n'était évidemment possible que parce que la société
obtenait d'actionnaires, sous forme de prêts, des fonds présentant les
mêmes caractères que le capital social et remplissant le même rôle.

    Enfin, le Tribunal fédéral a déclaré applicables à une société
coopérative les principes dégagés dans la jurisprudence précitée (ATF
99 Ib 373). Après avoir rappelé les conditions auxquelles il admet
l'existence de l'évasion fiscale, il releva que la société recourante,
dont le capital n'était que de 100'000 fr., n'aurait pu obtenir de tiers
la totalité des fonds nécessaires à l'acquisition d'immeubles valant près
de quatre millions de francs. En empruntant ces fonds à ses membres,
la société avait éludé l'impôt. Dans un considérant non publié de cet
arrêt, le Tribunal fédéral admit que l'autorité cantonale n'avait pas
commis un abus ou un excès de son pouvoir d'appréciation en se fondant
sur le rapport normal entre fonds propres et fonds étrangers pour fixer
le montant du capital propre dissimulé. Cette méthode de calcul ne
correspondait certes pas à celle qu'exposait l'AFC dans sa notice du 10
juillet 1968. Toutefois, cette dernière autorité observait elle-même que
la manière de calculer adoptée par l'autorité cantonale se justifiait en
l'espèce, compte tenu de la nature de la société. Au surplus, le résultat
auquel arrivait l'autorité de taxation ne différait pas sensiblement de
celui que l'on eût obtenu en suivant les directives de la notice précitée.

    Dans le cadre de l'examen de la jurisprudence, il convient de citer
encore l'arrêt rendu le 18 mars 1970 par la Chambre de droit public du
Tribunal fédéral dans la cause Société immobilière X. S.A. Pour fixer le
capital propre dissimulé, l'autorité cantonale avait admis, selon les
données de l'expérience, que la société recourante aurait pu obtenir,
de tiers qui ne lui étaient pas liés, des crédits atteignant au maximum
70% de la valeur de l'immeuble. Elle avait donc considéré les prêts des
actionnaires comme des fonds propres de la société, dans la mesure où ils
excédaient le montant maximum des crédits. Le Tribunal fédéral déclara
que ce mode d'estimation n'était pas arbitraire (ATF 90 I 224/225),
relevant au surplus qu'il correspondait aux directives émises par l'AFC
dans sa notice du 10 juillet 1968. Il ajouta: "La recourante prétend
bien que la décision attaquée, comme la jurisprudence fédérale précitée,
conduit à des résultats absurdes. Mais son argumentation ne résiste pas à
l'examen. La décision attaquée et la jurisprudence ne prétendent pas fixer
toujours à 30% de la valeur vénale de l'immeuble le montant minimum du
capital social. Seuls les prêts des actionnaires doivent être considérés
comme capital social dans la mesure où les dettes de la société dépassent
ensemble 70% de la valeur vénale de ses actifs. Dans l'exemple numérique
imaginé par la recourante, où la valeur comptable de l'immeuble est de
500'000 fr. et sa valeur vénale de 5 millions de francs, l'ensemble des
dettes (440'000 fr.) n'atteint pas le 70% de la valeur vénale de l'immeuble
et il n'y a pas, ou il n'y a plus, de capital propre dissimulé. Dans la
mesure où la recourante soutiendrait que son propre immeuble a une valeur
vénale supérieure à sa valeur comptable, il s'agirait d'un moyen nouveau,
irrecevable dans un recours pour arbitraire."

    b) Il ressort clairement de cette jurisprudence que, s'agissant de
sociétés "sous-capitalisées", l'autorité de taxation de l'impôt pour
la défense nationale ne peut se fonder sur un point de vue économique
que si les conditions de l'évasion fiscale sont réunies; tel est le cas
lorsque les prêts accordés par les actionnaires à la société anonyme
immobilière excédent ce que cette dernière pourrait obtenir de tiers
sans d'autres garanties que ses actifs. En revanche, ces conditions
ne sont pas réalisées du simple fait que la société n'a pas, aux yeux
de l'autorité fiscale, un capital propre (capital social et réserves)
suffisant, correspondant à sa capacité économique réelle. Il convient
dès lors de distinguer deux questions: celle de l'imposition de la société
d'après sa capacité contributive, d'une part, et celle de la qualification,
du point de vue fiscal, des prêts accordés par les actionnaires ou par des
personnes liées à la société, d'autre part. A la fondation de la société,
ces deux questions n'en font en principe qu'une, et c'est la raison pour
laquelle le Tribunal fédéral a jugé qu'une société immobilière doit avoir
"à sa fondation" un capital social d'un montant équivalent à la différence
entre la valeur vénale de ses immeubles et de ses autres placements stables
éventuels, et le montant qu'elle pourrait obtenir de tiers sans fournir
d'autres garanties que ses actifs. Ces questions se posent en revanche
dans des termes différents lorsque la valeur de l'immeuble augmente et
qu'il se forme ainsi une réserve latente sur ce bien.

    Si l'on aborde le problème sous l'angle de l'imposition de la
société d'après sa capacité contributive, force est de constater que
l'augmentation de la valeur vénale de l'immeuble, qui n'apparaît pas au
bilan de la société, ne modifie pas la situation existante. La société
reste sous-capitalisée, malgré la formation de réserves latentes sur ses
actifs. L'autorité fiscale ne peut toutefois s'écarter de la situation
formelle en arguant que l'imposition qui la prendrait pour base ne serait
pas satisfaisante; ce serait enfreindre le principe de la légalité.

    L'autorité fiscale peut en revanche, dans la situation envisagée,
examiner si les conditions de l'évasion fiscale sont réunies. Elles ne
le seront, suivant la jurisprudence, que si des prêts des actionnaires
excédent ce que la société peut emprunter de tiers avec ses actifs pour
seule garantie. Or, à cet égard, c'est la valeur vénale de ces biens
qui est déterminante, et non leur valeur comptable. Ayant à juger si
une société tente d'éluder les impôts sur le capital et sur le rendement
net, l'autorité de taxation de l'impôt pour la défense nationale ne peut
prendre en considération que les éléments qui serviront de base au calcul
de l'impôt pour la période fiscale en cause, en particulier la valeur
de l'immeuble au début de la période de taxation. La question qu'elle
doit examiner est en effet celle de savoir si les dettes de la société
correspondent à sa capacité d'emprunt, ce qui ne peut être décidé qu'au
regard de la valeur actuelle de ses actifs, et non pas celle de savoir
si le capital propre de la société, tel qu'il apparaît au bilan, donne
une image satisfaisante de la capacité contributive de la personne morale.

Erwägung 6

    6.- L'Administration genevoise de l'impôt pour la défense nationale
fait valoir divers arguments qui justifient à son sens que l'on prenne
en considération non pas la valeur vénale des actifs de la société,
mais leur valeur comptable.

    a) La double imposition de la société et des actionnaires a été voulue
par le législateur. En admettant de calculer l'endettement maximum sur
la base de la valeur vénale des actifs de la société, on encourage un
procédé qui vise précisément à échapper à cette double imposition. Cet
argument n'est pas déterminant.

    La double charge imposée à la société et aux actionnaires
repose sur l'idée que les entreprises des personnes morales ont une
capacité contributive propre, indépendante de celle de leurs membres
et participants. Ainsi que le relèvent les experts chargés d'établir un
rapport sur "l'imposition égale et juste des entreprises" (rapport cité,
p. 30 ss, 39), le principe de cette double charge a été mis en doute, en
particulier lorsqu'il s'agit de sociétés réservées à certaines personnes,
catégorie dans laquelle il convient de ranger la majorité des sociétés
anonymes immobilières. Dès lors, l'argument que la recourante tire de la
double charge de la société et des actionnaires voulue par le législateur
paraît être discutable. Mais il doit de toute manière être rejeté,
parce qu'il repose sur l'idée inexacte que la jurisprudence du Tribunal
fédéral concernant l'évasion fiscale peut servir de base à un système
d'imposition du capital propre minimum des personnes morales en général,
et des sociétés anonymes immobilières en particulier.

    b) La recourante soutient que la comparaison entre des éléments
comptables (dettes effectives) et des éléments extra-comptables
(l'endettement théorique possible calculé sur la base de la valeur
vénale des actifs) serait contraire à toute réalité économique. Cette
"manipulation" porterait atteinte à la sincérité du bilan, le rapport
comptable et fiscal entre fonds propres et fonds étrangers ne subissant
aucune modification en raison de l'augmentation des réserves latentes. Si
l'on admettait que, pour chaque période fiscale, le capital propre
dissimulé soit adapté aux fluctuations de la valeur vénale des actifs,
cela équivaudrait à l'acceptation par l'autorité fiscale d'un capital
social variable, en contradiction manifeste avec le principe de la fixité
du capital qui domine le droit suisse des sociétés anonymes.

    Cette argumentation n'est pas fondée. Ainsi que l'a relevé le Tribunal
fédéral dans son arrêt non publié du 18 mars 1970 en la cause Société
immobilière X. S.A., la jurisprudence n'entend pas fixer à un pourcentage
déterminé de la valeur vénale des actifs le montant minimum du capital
social société. Celle-ci est et reste imposable, en vertu de la loi,
sur son capital social versé et sur certaines de ses réserves. Aux fonds
propres tels qu'ils apparaissent au bilan ne peut être ajoutée, le cas
échéant, que la part des prêts des actionnaires qui encourt les mêmes
risques que le capital. Le rapport entre fonds propres et fonds étrangers,
tel qu'il ressort du bilan, n'est pas modifié; seul varie le montant des
fonds étrangers que l'autorité fiscale peut qualifier de fonds propres
si les conditions de l'évasion fiscale sont réalisées.

    c) L'Administration genevoise de l'impôt pour la défense nationale
relève que la méthode prenant en considération la valeur vénale des
actifs présente des inconvénients d'ordre pratique d'autant plus grands
que le nombre des sociétés anonymes immobilières sous-capitalisées est
élevé. Pour déterminer le montant du capital propre dissimulé, l'autorité
devra, pour chaque période fiscale, procéder à l'estimation de la valeur
vénale des immeubles, ce qui ne manquera pas de susciter maints obstacles,
alors qu'elle pourrait prendre pour base la valeur comptable, élément
sûr et certain qui ressort directement des comptes de la société. Cet
argument n'est pas décisif.

    Il convient en premier lieu de relever que l'estimation d'un immeuble
faite en vue de déterminer sa valeur de garantie est fondée tant sur sa
valeur vénale que sur d'autres éléments. La règle jurisprudentielle en
vertu de laquelle il faut se baser sur la valeur vénale de l'immeuble
pour déterminer l'endettement maximum de la société comporte ainsi
un certain schématisme qui en facilite l'application par l'autorité
fiscale. Dans sa notice du 10 juillet 1968, l'AFC a d'ailleurs tenu
compte de ces considérations lorsqu'elle a fixé, en règle générale, à
80% de la valeur vénale des immeubles le montant maximum des fonds que
la société pourrait obtenir en prêt de tiers par ses propres moyens.
L'administration recourante et la société intimée ne contestent pas la
validité de cette règle.

    Par ailleurs, la détermination de la valeur vénale des immeubles peut
être faite par l'autorité sur la base de critères généraux (évolution
des prix des terrains, évolution de l'indice des prix de la construction)
et en tenant compte de données ressortant directement des comptes de la
société (rendement locatif, valeur comptable de l'immeuble, etc.). Si
cette dernière conteste l'estimation ainsi faite, il lui appartient de
donner à l'autorité fiscale les éléments nécessaires à une évaluation
plus précise de la valeur vénale de ses immeubles. Le cas échéant, il
conviendra de faire procéder à une expertise.

    d) La recourante soutient enfin que la méthode qu'elle défend assure
l'égalité de traitement entre les sociétés. Si l'on adopte au contraire la
méthode prenant en considération la valeur vénale des actifs, la société
correctement capitalisée à sa fondation paiera, en cas d'augmentation de
la valeur vénale de ses immeubles, un montant d'impôts toujours supérieur à
celui qu'acquittera la société sous-capitalisée à l'origine. Des inégalités
se produiront aussi entre sociétés également sous-capitalisées à leur
fondation, suivant l'évolution des réserves latentes sur leurs actifs;
ainsi, une société paiera d'autant moins d'impôts qu'elle devient plus
riche.

    Il convient de rappeler tout d'abord que l'AIN n'impose pas aux
sociétés l'obligation de maintenir un rapport déterminé entre fonds propres
et fonds étrangers. Ces contribuables disposent ainsi d'une liberté étendue
dans l'organisation de leur structure financière, et l'on ne saurait leur
faire grief d'en user dans le but d'épargner l'impôt. L'autorité fiscale ne
peut prétendre, par le biais de l'application d'une jurisprudence faisant
appel à la notion d'évasion fiscale, égaliser les charges fiscales de
sociétés dont la structure juridique et financière est différente, sans
être pour autant inadaptée aux données économiques.

    Ainsi qu'on l'a vu précédemment, c'est l'état du capital versé et
des réserves au moment où a commencé l'assujettissement (soit, en règle
générale, au début de la période de taxation) qui est déterminant pour
le calcul de l'impôt complémentaire (art. 60 al. I AIN). A l'exception de
celles qui furent constituées avant le 1er janvier 1949, les réserves ne
sont soumises à l'impôt que si elles ont été imposées comme bénéfice. A
cet égard, les sociétés jouissent d'un large pouvoir d'appréciation,
notamment en ce qui concerne le moment auquel il convient de comptabiliser
des plus-values existant sur leurs actifs (cf. MASSHARDT ET GENDRE,
op.cit., n. 91 ss ad art. 21 al. 1 lettre d'AIN). Il peut en résulter
des charges fiscales différentes entre sociétés disposant en réalité de
moyens identiques.

    e) Les arguments que fait valoir la recourante en faveur d'une méthode
de calcul prenant pour base la valeur comptable des actifs de la société
n'apparaissent ainsi pas déterminants. Ils ne sont dans tous les cas pas
de nature à justifier l'application d'une telle méthode là où l'autorité
fiscale ne peut faire appel qu'aux règles jurisprudentielles concernant
l'évasion fiscale. Le recours doit ainsi être rejeté.

Erwägung 7

    7.- La CCR a constaté en l'espèce que la société intimée, propriétaire
d'immeubles ayant une valeur supérieure à 5 millions de francs en 1970,
pourrait obtenir de tiers des crédits dont le montant excède largement
celui des dettes effectives. Elle a de ce fait modifié la décision
de taxation pour fixer le bénéfice imposable de la société à 80'400
fr., le capital imposable à 508'000 fr. et le capital proportionnel à
446'400 fr. La recourante ne conteste pas ces montants, qui correspondent
d'ailleurs aux conclusions prises par la société intimée dans son recours
auprès de la CCR.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.