Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 102 IA 92



102 Ia 92

17. Extrait de l'arrêt du 7 avril 1976 dans la cause Henchoz contre Frutig
et Neuchâtel, Conseil d'Etat. Regeste

    Kantonales Baurecht. Verfahren.

    1. Legitimation des Nachbarn zur staatsrechtlichen Beschwerde gegen
die Erteilung einer Baubewilligung (E. 1).

    2. Abfassung der Anträge in einer kantonalen Verwaltungsbeschwerde.
Überspitzter Formalismus (E. 2).

Sachverhalt

                       Résumé des faits:

    Propriétaire d'un terrain sis à Plancemont (commune de Couvet), Willy
Frutig a déposé une demande de permis pour la construction d'une maison du
type Haus und Herd. Après une première mise à l'enquête et une première
opposition de dlle Jeanne Henchoz, propriétaire des parcelles voisines,
Frutig a modifié quelque peu son projet, qui a fait l'objet d'une seconde
mise à l'enquête et d'une seconde opposition de dlle Henchoz. Le 2 juin
1975, le Conseil communal de Couvet a répondu à l'opposante qu'il écartait
son opposition et qu'il autoriserait Frutig à construire selon les nouveaux
plans déposés.

    Dans un mémoire adressé le 24 juin 1975 au Conseil d'Etat du canton
de Neuchâtel, dlle Henchoz a déclaré notamment:

    "Je fais recours contre la décision du Conseil communal du 2.6.75.

    Plaise au Conseil d'Etat, principalement:

    1. d'annuler la sanction donnée par le Conseil communal de Couvet à la
   construction projetée par M. W. Frutig sur parcelle no 2689 (lettre du

    2.6.75) comme étant sans objet en tant que le projet principal a été
   retiré et que seul un plan de façades modifiées a été mis à l'enquête;

    Subsidiairement:

    2. d'annuler le permis de construction délivré par le Conseil
communal de

    Couvet à M. W. Frutig sur la parcelle no 2689 comme n'étant pas
conforme
   aux règles applicables en matière de construction à Plancemont sur

    Couvet ..."

    Par décision du 12 août 1975, le Conseil d'Etat a déclaré irrecevable
le recours de dlle Henchoz, estimant qu'il était dirigé contre une
décision inexistante.

    Agissant par la voie du recours de droit public, dlle Henchoz demande
l'annulation de la décision du Conseil d'Etat; elle se plaint de formalisme
excessif et de violation de l'art. 4 Cst.

    Entre-temps, les nouveaux plans ont été approuvés par le Département
cantonal des travaux publics le 22 août 1975 et sanctionnés par le Conseil
communal le 25 août 1975. Contre cette décision, dlle Henchoz a formé
un nouveau recours au Conseil d'Etat, qui en a suspendu l'examen jusqu'à
droit connu sur le recours de droit public.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- En matière d'autorisation de bâtir, la jurisprudence du Tribunal
fédéral ne reconnaît au voisin la qualité pour former un recours de
droit public que s'il allègue la violation de dispositions qui, outre
la sauvegarde d'intérêts publics, servent aussi ou même principalement
à la protection des intérêts des voisins (ATF 101 Ia 543, 99 Ia 254
s. consid. 4); le fait qu'un voisin ait eu qualité de partie dans la
procédure cantonale n'est pas déterminant (ATF 99 Ia 255). En l'espèce, on
peut douter, au vu des griefs soulevés dans son recours au Conseil d'Etat,
que la recourante aurait qualité pour former un recours de droit public
contre une décision confirmant l'octroi du permis en dernière instance
cantonale; mais cette question peut rester indécise.

    En effet, bien qu'en principe celui qui n'a pas qualité pour recourir
sur le fond ne l'ait pas non plus pour alléguer des vices de procédure,
il a néanmoins cette qualité pour se plaindre de vices essentiels de
procédure équivalant à un déni de justice formel (ATF 99 Ia 321 consid. 3,
97 I 884, 94 I 555). En l'espèce, le Conseil d'Etat n'a pas statué sur
le recours au fond, mais il l'a déclaré irrecevable. Se plaignant d'un
formalisme excessif - qui, selon la jurisprudence, équivaut à un déni de
justice formel -, dlle Henchoz a donc qualité pour recourir.

Erwägung 2

    2.- Dans la décision attaquée, le Conseil d'Etat prétend que la
recourante a formulé, dans le recours qu'elle lui a adressé le 24 juin
1975, des conclusions tendant à faire annuler une décision d'octroi
de sanction et de permis de construire qui, à la date de ce recours,
n'avait pas encore été prise par le Conseil communal de Couvet, mais qu'en
revanche elle n'aurait pas recouru contre la décision effectivement prise
le 2 juin 1975 rejetant son opposition; aussi a-t-il déclaré le recours
irrecevable pour cette raison. La recourante soutient que cette décision
est entachée de formalisme excessif.

    Selon la jurisprudence, un formalisme qui n'est pas justifié par
la protection d'un intérêt digne de considération ou qui complique
inutilement l'application du droit matériel constitue un déni de justice
formel condamné par l'art. 4 Cst. (ATF 94 I 524, 92 I 11 et 16; GRISEL,
Droit administratif suisse, p. 178).

    Dans les conclusions de son recours au Conseil d'Etat du 24 juin
1975, la recourante - représentée par un architecte de Genève - a déclaré
expressément: "Je fais recours contre la décision du Conseil communal
du 2.6.75." Il est vrai qu'il n'y est pas question, expressis verbis,
de l'opposition faite par elle auprès du Conseil communal, mais que la
recourante demande formellement l'annulation de la sanction et du permis
de construire octroyés par le Conseil communal. Mais l'on ne saurait
exiger, en l'absence de dispositions légales, que les conclusions d'un
recours administratif soient formulées d'une façon expresse, surtout
lorsque le recours n'est pas rédigé par un homme de loi; il suffit que
ces conclusions puissent être dégagées de l'argumentation du recourant. Le
Tribunal fédéral a même admis que si la conclusion formulée ne concorde pas
avec celle que l'on peut déduire de l'argumentation juridique du recours,
il ne sera tenu compte que de cette dernière (ATF 52 I 224; FAVRE, Droit
constitutionnel suisse, 2e éd., p. 493). Bien que cette jurisprudence
concerne le recours de droit public, il sied de l'appliquer également
aux recours administratifs cantonaux.

    Or, en l'espèce, la recourante avait déclaré expressément recourir
contre la décision du Conseil communal du 2 juin 1975 et les motifs
développés dans son recours démontraient bien ses intentions: en s'élevant,
en qualité de voisine immédiate, contre une construction de série du
genre "clé en main", qu'elle estimait si peu adaptée au site environnant,
c'est en réalité son opposition que la recourante s'attache à justifier,
opposition dont l'admission aurait entraîné le refus du permis de
construire, alors que son rejet a normalement comme conséquence l'octroi
de ce permis. En fait, le recours du 24 juin 1975 était donc bien dirigé
en premier lieu contre le rejet de l'opposition formée par dlle Henchoz,
même si sa formulation laisse à désirer par son manque de précision et
de rigueur.

    En soutenant que la lettre du Conseil communal du 2 juin 1975
"n'intervient que comme prétexte au recours, car elle n'est pas
formellement attaquée" et en déclarant le recours irrecevable pour
ce motif, le Conseil d'Etat est tombé dans un formalisme excessif qui
équivaut à un déni de justice formel. Sa décision du 12 août 1975 doit
dès lors être annulée.

Erwägung 3

    3.- ...

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule la décision attaquée.