Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 II 346



101 II 346

58. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 16 septembre 1975 dans
la cause Assurance mutuelle vaudoise contre les accidents contre dame
U. et dame C. Regeste

    Automobilhaftpflicht.

    Art. 36 Abs. 4 SVG. Pflichten des Führers, der sein Fahrzeug in den
Verkehr einfügen will (Erw. 1c-d).

    Art. 45 Abs. 3 OR. Festsetzung des für die Berechnung der Entschädigung
massgebenden Verdienstes des Versorgers.

    Art. 47 OR. Bestimmung der Genugtuungssumme unter Berücksichtigung
des Mitverschuldens des Opfers.

    Art. 60 Abs. 1 und 2 SVG. Teilung der Haftung, Rückgriffsklage des
Verantwortlichen, der einen Dritten abgefunden hat. (Erw. 1e, 9).

Sachverhalt

    A.- Un accident de la circulation s'est produit le 11 février 1965 vers
20 h. 40 sur la route de Frontenex à Genève. X., âgé de 18 ans et demi,
qui circulait sur cette artère en direction de la ville, au volant de la
voiture de sa mère, à une vitesse de 80 à 100 km/h, a violemment heurté
l'arrière gauche de la voiture conduite par U. Celui-ci venait de quitter
le bord droit de la route de Frontenex, où il stationnait à l'intersection
de cette route avec la rue des Vollandes, et achevait d'engager son
véhicule dans la circulation, en direction de la ville. Grièvement blessé,
U. est décédé le 17 février 1965. Son épouse, passagère du véhicule,
a été sérieusement blessée.

    Les époux U., tous deux nés en 1923, avaient deux enfants, nés en
1951 et 1956.

    B.- En 1967, dame U., agissant pour elle-même et ses enfants mineurs,
a ouvert action contre l'Assurance mutuelle vaudoise contre les accidents,
qui assurait la responsabilité civile du détenteur de la voiture X., en
paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour préjudice
matériel, perte de soutien et tort moral. Elle a formé en 1968 une deuxième
demande pour son propre dommage, issu des lésions corporelles consécutives
à l'accident. Les deux causes ont été jointes. En 1971, Mlle U., devenue
majeure et mariée, a agi personnellement sous le nom de dame C.

    La défenderesse a conclu à ce qu'il lui fût donné acte des versements
déjà opérés en faveur des demandeurs, au déboutement de ceux-ci de toutes
autres conclusions et, à titre récursoire, à la condamnation de l'hoirie
U. "à relever et garantir la Mutuelle vaudoise à concurrence de 50% de
l'indemnité que celle-ci pourrait encore être condamnée à payer à dame
U. pour son préjudice personnel".

    Par jugement du 23 novembre 1971, le Tribunal de première instance
de Genève a alloué diverses indemnités à dame U., pour elle-même et son
fils P. ainsi que pour son dommage personnel, et à dame C. Il a en outre
condamné l'hoirie U. "à relever et garantir la défenderesse à concurrence
de 20% de l'indemnité" allouée à dame U. pour son préjudice personnel,
soit à payer à la défenderesse 4'755 fr. 70 avec intérêt, ce montant étant
imputable sur les sommes dues aux demandeurs. Le tribunal a considéré que
la responsabilité de l'accident incombait pour 80% au conducteur X. et
pour 20% à l'automobiliste U. et a dès lors admis dans cette proportion
l'action récursoire de la défenderesse, selon l'art. 60 al. 2 LCR.

    Par arrêt du 20 décembre 1974, la Cour de justice du canton de
Genève a réformé ce jugement, considérant que l'éventuelle erreur
d'appréciation commise par U. n'était pas de nature à justifier un partage
des responsabilités, et que partant la défenderesse répondait entièrement
du dommage.

    C.- La défenderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral en reprenant
ses conclusions libératoires, acte lui étant donné de ses versements et
de ce qu'elle a "remboursé le recours de la Caisse nationale, à raison
de la capitalisation des rentes de perte de soutien versées par cette
institution aux ayants droit de feu U., soit 111'185 fr. 40". Au cas où
elle devrait payer une indemnité pour le préjudice personnel de dame U.,
la défenderesse demande que l'hoirie U. soit condamnée "à la relever et
garantir à concurrence d'une part équivalente à celle qui sera retenue
à charge de feu U., en raison de sa faute concomitante, pour le partage
des responsabilités", les montants ainsi arrêtés étant imputés sur les
indemnités encore dues aux intimés. Subsidiairement, elle propose le
renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement dans le
sens des considérants.

    Les intimés concluent au rejet du recours.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- A l'appui de son opinion selon laquelle l'erreur d'appréciation
"éventuelle" commise par U. ne serait pas fautive, la Cour de justice
considère que ce conducteur ne pouvait apercevoir la voiture de X.
qu'après avoir accompli une bonne part de sa manoeuvre; se trouvant sur
une artère urbaine où la vitesse est limitée à 60 km/h, il n'avait pas
à présumer que le véhicule qu'il voyait arriver ne respectait pas cette
limitation et roulait beaucoup trop vite, d'autant plus que la nuit
rendait l'appréciation de la vitesse difficile.

    La recourante conteste ce point de vue et estime que les fautes
commises par le conducteur U. justifient une répartition par moitié
des responsabilités. Cet automobiliste n'aurait en effet pas pris les
précautions nécessaires pour quitter un stationnement irrégulier, aurait
engagé son véhicule dans la circulation sans s'arrêter au moment où son
champ visuel embrassait l'artère prioritaire et aurait coupé la route
à la voiture X., dont il aurait mal apprécié la vitesse et la proximité
alors que l'obscurité lui commandait une prudence particulière.

    a) Les fautes de l'automobiliste X. sont incontestées. Il a tout
d'abord, selon les termes de l'arrêt déféré, roulé "beaucoup trop vite", eu
égard à la limitation de 60 km/h valable s'agissant d'une artère urbaine,
ainsi qu'aux conditions de la route et du moment. Il ressort du jugement de
première instance, dont l'autorité cantonale déclare faire sien en principe
l'état de fait, que "X. devait circuler à une vitesse de 80 à 100 km/h",
le premier juge reprenant cette estimation dans ses considérants. La
vitesse de X. n'a donc pas pu être établie avec précision, mais elle se
situe, selon une constatation souveraine des juridictions cantonales,
entre un minimum de 80 km/h et un maximum de 100 km/h. Dans la mesure où
les parties remettent en cause cette appréciation, leurs allégations sont
irrecevables en instance de réforme (art. 55 al. 1 litt. c, 63 al. 2 OJ).

    X. a en outre détourné son attention de la route, ayant aperçu sur sa
droite la voiture d'une connaissance; c'est ce moment d'inattention qui
l'a empêché de réagir plus tôt pour tenter d'éviter la collision avec la
voiture U.; l'exclamation de son passager: "fais attention" prouve que
celui-ci a vu l'obstacle avant le conducteur.

    Ces fautes, objectivement et subjectivement graves, sont manifestement
en rapport de causalité avec l'accident et ses conséquences.

    c) Aux termes de l'art. 36 al. 4 LCR, le conducteur qui veut
engager son véhicule dans la circulation ne doit pas entraver - plus
exactement: gêner (cf. le terme allemand "behindern"; art. 14 al. 1
OCR; BUSSY/RUSCONI, Code suisse de la circulation routière, n. 4.1 ad
art. 36 LCR) - les autres usagers de la route, qui bénéficient de la
priorité. Réintroduire dans le flot de la circulation un véhicule en
stationnement nécessite certaines précautions élémentaires, eu égard à la
priorité des autres usagers et à la fluidité du trafic. La loi de 1958 a
entériné sur ce point les principes que la jurisprudence avait dégagés
de l'art. 25 LA et qui restent valables. Le conducteur qui entreprend
une telle manoeuvre doit s'assurer consciencieusement que la chaussée
est libre; il est partant tenu de regarder la route derrière lui, avec
toute l'attention commandée par les circonstances, non seulement avant de
démarrer, mais encore durant toute la manoeuvre; si la vue est masquée ou
insuffisante, il lui incombe d'avancer prudemment jusqu'à ce qu'il soit
certain que la voie est libre, de façon à pouvoir s'arrêter immédiatement
pour respecter la priorité d'un usager qui surgirait alors (RO 83 IV 33
s., 84 IV 109, 89 IV 142 s.). Ces précautions s'imposent d'autant plus
de nuit, l'appréciation des distances et des vitesses étant beaucoup
plus difficile que de jour. Celui qui veut engager son véhicule dans
la circulation doit tenir compte de la vitesse effective des véhicules
prioritaires, et non de celle que leurs conducteurs devraient observer; il
doit en outre considérer qu'il ignore de combien de temps il dispose et a
besoin pour sa manoeuvre (RO 79 II 214 s., 82 II 538, 83 IV 35, 95 II 341).

    d) Selon les constatations du premier juge, adoptées par l'arrêt
déféré, la voiture d'U. a parcouru jusqu'au point de choc environ 13 mètres
en 5 secondes, en décrivant un S à cause de la présence d'une voiture en
stationnement; s'il roulait à 80 km/h, X. devait se trouver à 110 mètres
lorsque la voiture d'U. a démarré; il ne pouvait la voir que durant les
trois dernières secondes de la manoeuvre; quant à U., pendant ce même
laps de temps, soit alors qu'il engageait effectivement sa voiture sur la
route de Frontenex, il "devait et pouvait constater s'il y avait ou non un
véhicule qui arrivait de Frontenex". Il ressort de ces constatations que
la victime n'a pas observé les mesures de précaution qu'exige l'art. 36
al. 4 LCR, avant d'engager son véhicule dans la circulation. La difficulté
d'estimer, de nuit, la vitesse du véhicule prioritaire et le temps qu'il
mettrait à atteindre l'endroit d'où partait le conducteur U. devait
inciter ce dernier à une prudence accrue. Il devait tenir compte de la
vitesse effective de la voiture de X. et non de celle que son conducteur
aurait dû observer. S'il l'a vue arriver, il lui incombait d'interrompre
sa manoeuvre et de lui céder le passage. S'il ne l'avait pas aperçue,
il répondrait alors d'une inattention manifeste. Dans l'une et l'autre
hypothèse, la faute de la victime revêt un certain degré de gravité. Elle
est en relation de causalité adéquate avec l'accident.

    e) Quant à la répartition des responsabilités, il y a lieu de
considérer que la vitesse nettement excessive et l'inattention de
l'automobiliste X. sont les causes prépondérantes de l'accident et
de la gravité de ses conséquences. Mais le premier juge a quelque peu
sous-estimé la faute de la victime en admettant qu'elle relevait "avant
tout d'une erreur d'appréciation". Cette faute justifie un partage des
responsabilités à raison de trois quarts à la charge du détenteur de la
voiture X. et d'un quart pour celui du véhicule U.

Erwägung 3

    3.- La Cour de justice a arrêté à 54'000 fr. le gain annuel moyen
que la victime aurait probablement obtenu durant les 20 ans à venir, en
se fondant sur le salaire de 53'600 fr. de son successeur, 7 ans après
le décès. Elle a retenu ce montant pour calculer la perte de soutien de
dame U., puis elle a fixé les sommes déterminantes pour les indemnités
dues aux enfants à 35'000 fr. pour dame C. et à 40'000 fr. pour P. U.,
en considérant qu'il s'agissait de déterminer le gain probable du
soutien entre la date de l'accident et celle de la majorité de ces deux
demandeurs. La recourante propose de réduire ces chiffres à 27'000 fr. pour
la veuve et à 25'000 fr. pour les enfants, eu égard au salaire de 21'600
fr. du défunt au moment de l'accident.

    a) Selon les constatations du jugement de première instance - reprises
par l'autorité cantonale -, la victime travaillait depuis dix ans environ
dans l'entreprise Z. (fabrique de cadrans). Elle occupait depuis 1961 le
poste de chef de fabrication et gagnait 1'800 fr. par mois au moment de son
décès; elle aurait gagné 2'200 fr. jusqu'à fin 1965 et 2'500 fr. dès 1966,
en qualité de chef de fabrication unique après le départ d'un sieur S. en
juillet 1965. Pour remplacer U., l'entreprise a engagé sieur D., avec un
salaire mensuel de 2'110 fr. Ce dernier a obtenu un traitement annuel de
base de 36'000 fr. en 1969 et de 38'400 fr. en 1970, gratifications non
comprises. Considérant d'une part la stagnation de la conjoncture, qui
touche notamment toute l'industrie rattachée à l'horlogerie, d'autre part
les qualités professionnelles et de caractère du défunt, le premier juge a
arrêté un gain annuel moyen de 45'000 fr. pour la veuve et respectivement
de 34'500 fr. et de 38'250 fr. pour les enfants.

    b) Le Tribunal fédéral admet que le dommage issu de la perte de
soutien doit être calculé au jour du décès, et que le juge doit faire
preuve de retenue dans la prise en considération de faits postérieurs
(RO 97 II 131 et les arrêts cités, 99 II 211). Il a jugé à propos de
l'estimation du gain futur du soutien qu'on ne peut se fonder sans autre
sur les salaires moyens au jour du jugement rendu en dernière instance
cantonale (supérieurs à ceux de l'époque du décès), ni sur les revenus qui
ne sont alors que prévisibles pour l'avenir; les salaires peuvent aussi
diminuer; les circonstances existantes au moment du jugement ne sauraient
être appréciées de façon unilatérale, dans l'intérêt d'une seule partie
(RO 97 II 131 in fine).

    c) Bien que la Cour de justice relève qu'"il convient de faire preuve
de retenue dans l'estimation d'augmentations futures éventuelles de
salaire", son appréciation est contraire à la jurisprudence précitée. En
se fondant sur le salaire du successeur du défunt, sept ans après le
décès de celui-ci, l'autorité cantonale a méconnu plusieurs éléments, qui
commandaient de corriger cette base de calcul. Elle n'a pas suffisamment
tenu compte du traitement de la victime au moment de l'accident, soit
21'600 fr. Son successeur a d'emblée gagné 300 fr. par mois de plus. Si
l'on considère la lente progression du salaire du défunt avant l'accident,
ainsi que l'évolution de la situation économique dans l'horlogerie, les
prévisions de la Cour de justice tablant sur un salaire moyen supérieur
de 150%, pour la veuve, à celui de l'époque du décès, sont nettement
trop favorables à la demanderesse, même compte tenu de l'avancement
professionnel probable du soutien.

    La recourante fait en outre valoir, avec raison, que l'appréciation
des juridictions cantonales revient à lui faire supporter trois facteurs
cumulés de renchérissement: d'une part on capitalise au 11 février 1965
un salaire deux fois ou deux fois et demie plus élevé que le salaire
effectif à cette date; d'autre part cette capitalisation se fait au
taux de 3,5% des tables de Stauffer/Schaetzle; enfin la débitrice
doit encore payer, sur le capital ainsi obtenu, un intérêt de 5% du 11
février 1965 à la date du jugement. Le taux de capitalisation de 3 1/2%
par an constitue à l'heure actuelle, pour le bénéficiaire du capital, une
compensation du renchérissement de près de 4% par an (STAUFFER/SCHAETZLE,
Die Berücksichtigung der Teuerung bei der Bestimmung von Invaliditäts-
und Versorgungsschäden, in RSJ 1975 p. 120; cf. aussi RO 96 II 447). La
capitalisation au jour du décès de la rente pour perte de soutien entraîne
en outre, en faveur du lésé, le paiement de l'intérêt légal dès ce jour
(STAUFFER/SCHAETZLE, loc.cit.). Compte tenu de ces facteurs, les montants
retenus par les juridictions cantonales comme salaires futurs probables
du soutien déterminants pour les indemnités dues à la veuve et aux enfants
sont excessifs au regard du revenu de 21'600 fr. au moment du décès.

    Un montant annuel moyen de 37'500 fr., correspondant à une majoration
de 73%, tient équitablement compte de toutes les circonstances, y compris
les perspectives d'avancement de la victime.

    Pour les enfants nés en 1951 et 1956, âgés de 14 et 9 ans lors de
l'accident, la perte de soutien à indemniser a pris fin ou prendra fin à
leur majorité, ce qui est incontesté. La durée des rentes temporaires à
capitaliser est ainsi de 6 et 11 ans. Si l'on prend comme base de calcul
le gain de 21'600 fr. en 1965, qui aurait passé à 30'000 fr. dès 1966,
et que l'on tient compte d'une part de l'augmentation moyenne de l'indice
des prix à la consommation jusqu'à l'échéance des rentes, d'autre part
de la compensation du renchérissement dérivant du taux de capitalisation
de 3 1/2%, on peut arrêter les gains annuels moyens déterminants à 30'000
fr. pour dame C. (1965 à 1971) et, pour P. U., à 33'500 fr. de 1972 à 1976.

Erwägung 4

    4.- Quant à la part du revenu du défunt que celui-ci aurait normalement
consacrée aux membres de sa famille, la Cour de justice déclare admettre
"celle qui a été retenue par le Tribunal, soit 30% pour dame U. et 15% pour
chacun de ses enfants mineurs, puis, dès la majorité de la fille aînée,
35% pour l'épouse et 20% pour le fils mineur, et, après la majorité de
ce dernier, 40% pour l'épouse"; elle adopte cependant pour la veuve un
taux moyen de 30%. La recourante fait valoir que la part du revenu que
le soutien consacrait à son épouse et à ses enfants doit être déterminée
non pas sur son revenu brut, mais sur son revenu net, c'est-à-dire compte
tenu des impôts, et cela plus particulièrement dès l'instant où les enfants
devenus majeurs ne constituent plus pour la veuve des "charges de famille"
au sens fiscal. Elle ne conteste toutefois les taux de répartition adoptés
par l'autorité cantonale que dans l'hypothèse d'un revenu élevé du soutien
tel que celui de 45'000 fr. ou de 54'000 fr. retenu par les juridictions
cantonales.

    Cette hypothèse n'est pas réalisée, vu le revenu de 37'500 fr. pris
comme base de calcul de la perte de soutien. On peut ainsi considérer
les taux de répartition du revenu arrêtés par l'autorité cantonale
comme n'étant plus litigieux en instance de réforme. Ils sont d'ailleurs
conformes à la jurisprudence du Tribunal fédéral et ne peuvent qu'être
confirmés. Cela étant, l'argument tiré de la part du revenu revenant
au fisc est sans objet. On peut relever que le mode de calcul proposé
par la recourante serait une source de complications et d'incertitudes
supplémentaires, les personnes soutenues assurant par ailleurs, après le
décès, les charges fiscales afférentes à leur revenu.

Erwägung 6

    6.- La recourante a remboursé à la Caisse nationale, conformément à
l'art. 100 LAMA, la valeur capitalisée, selon les tables de mortalité, des
rentes de veuve et d'orphelin versées par cet établissement aux intimés,
soit 110'663 fr. (83'943 fr. pour la veuve, 8'871 fr. pour dame C. et
17'849 fr. pour P. U., plus 500 fr. à titre de participation aux frais
funéraires et 22 fr. 40, frais de rapports et de transport). Considérant
que, suivant la nouvelle jurisprudence (RO 95 II 585 ss), les rentes
versées par la Caisse nationale doivent être capitalisées selon les
tables d'activité et non plus selon les tables de mortalité, le Tribunal
de première instance a réduit de 110'663 fr. à 99'225 fr. les prestations
imputables à ce titre. La Cour de justice a retenu le même montant en se
référant aux motifs du premier juge.

    La recourante conteste cette réduction; elle fait valoir que le calcul
abstrait de la perte de soutien se fait au jour du décès et qu'il convient
d'imputer les prestations effectivement payées par elle, selon les normes
alors applicables.

    Cette argumentation est fondée. La défenderesse a remboursé la
somme de 110'663 fr. à la Caisse nationale conformément à un décompte
de cet établissement du 14 avril 1965, établi en application des tables
de mortalité de Stauffer/Schaetzle. Ce faisant, elle se conformait à
la jurisprudence alors en vigueur, selon laquelle il fallait imputer
sur les dommages-intérêts dus au lésé la valeur actuelle de la rente
viagère versée par la Caisse nationale, capitalisée à l'aide des tables de
mortalité (R0 81 II 46 ss consid. 3, 86 II 154 s.). Ce n'est qu'en 1969
que le Tribunal fédéral a modifié cette jurisprudence et prononcé que
la subrogation de l'art. 100 LAMA, qui a pour objet les droits du lésé
contre le tiers civilement responsable de l'accident, ne pouvait viser
que la rente servie par la Caisse nationale durant la période d'activité
professionnelle probable et que cette rente devait en conséquence être
capitalisée selon les tables d'activité de Stauffer/Schaetzle (RO 95 II
588 ss consid. 5). Dans leurs premières conclusions, du 16 mai 1967, les
demandeurs admettaient eux-mêmes l'imputation du "montant de 111'185 fr. 40
pour lequel la Caisse nationale a exercé son recours". La défenderesse
ayant effectivement et conformément à la jurisprudence alors en vigueur
versé à la Caisse nationale 110'663 fr., il serait inéquitable d'imputer
sur ce qu'elle doit aux demandeurs une somme inférieure, eu égard à une
jurisprudence postérieure. Le montant déductible doit donc être porté à
111'163 fr. (110'663 fr. + 500 fr.), la somme de 22 fr. 40 relative à
des frais administratifs n'entrant pas en considération.

Erwägung 8

    8.- L'arrêt déféré a alloué aux demandeurs des indemnités pour tort
moral, en raison du décès de leur mari et père, de 15'000 fr. pour dame
U. et de 10'000 fr. pour chacun des enfants. Il a en outre accordé à dame
U. une indemnité de 5'000 fr. pour le tort moral issu de son préjudice
personnel. Invoquant la faute concurrente de la victime, la recourante
demande la réduction des indemnités consécutives au décès à 7'500 fr. pour
la veuve et à 3'500 fr. pour chacun des enfants. Elle ne remet en revanche
pas en question la somme de 5'000 fr. relative au préjudice personnel de
dame U.

    Les indemnités allouées en raison du décès de U. atteindraient la
limite supérieure, encore admissible eu égard au pouvoir appréciateur de
l'autorité cantonale, si aucune faute n'était imputable à la victime. Or
on a vu (consid. 1d à e) que celle-ci répondait d'une faute revêtant un
certain degré de gravité, et justifiant un partage des responsabilités
à raison d'un quart/trois quarts. Compte tenu de cette faute, les sommes
octroyées aux demandeurs pour le tort moral consécutif au décès de leur
mari et père sont excessives. Il convient de les ramener à 11'000 fr. pour
la veuve et à 6'000 fr. pour chaque enfant.

Erwägung 9

    9.- La recourante reprend ses conclusions récursoires contre l'hoirie
U., à concurrence de la part de responsabilité dérivant de la faute
concurrente du défunt, et cela pour les dommages-intérêts destinés
à réparer le préjudice personnel du tiers qu'est dame U., au sens de
l'art. 60 al. 1 LCR. Dans ses conclusions, elle demande à être "autorisée
à imputer sur les indemnités qu'elle serait condamnée à verser encore
aux intimées" les montants correspondant à ladite part de responsabilité.

    a) Selon l'art. 60 al. 1 et 2 LCR (teneur antérieure au 1er août
1975), les détenteurs de véhicules automobiles solidairement responsables
du dommage subi par un tiers le supportent à parts égales, à moins que
des circonstances spéciales, notamment la faute de l'un ou de l'autre,
ne justifient un autre mode de répartition.

    En l'espèce, la part de responsabilité afférente à la faute du
conducteur U. a été arrêtée à 25% (consid. 1e). La recourante jouit donc
d'une action récursoire contre les ayants cause de l'automobiliste défunt,
à concurrence du quart des dommages-intérêts qu'elle doit à dame U. pour
son préjudice personnel.

    b) Les juridictions cantonales n'indiquent pas quels sont les héritiers
de U., ni si la succession a été acceptée. Les demandeurs, héritiers
légaux du défunt (art. 457 et 462 CC), se sont toutefois présentés comme
ses ayants cause en procédure. Rien ne permet d'admettre que le défunt
aurait été notoirement insolvable, ce qui entraînerait une présomption de
répudiation de la succession (art. 566 al. 2 CC). En concluant au rejet
des prétentions récursoires de la défenderesse, les demandeurs n'ont pas
allégué avoir répudié la succession. La veuve serait d'ailleurs déchue
de la faculté de répudier en vertu de l'art. 571 al. 2 CC, pour s'être
immiscée dans les affaires de la succession, en réclamant notamment en
justice la réparation du dommage matériel du de cujus et le remboursement
des frais funéraires et en acceptant les dommages-intérêts y relatifs. Il y
a dès lors lieu d'admettre que les demandeurs sont les héritiers de U. et
que, comme tels, ils répondent solidairement envers la défenderesse des
dettes de la succession issues de l'accident (art. 603, 639 CC).

    c) Les prétentions récursoires de la recourante sont dirigées
contre "les deux intimées", soit dame U, agissant pour elle-même et
son fils mineur P., et dame C. En demandant à être "autorisée à imputer
lesdits montants sur les indemnités qu'elle serait condamnée à verser
encore aux intimées", la recourante manifeste sa volonté de compenser
la créance alléguée avec sa dette éventuelle envers les intimées. Il
y a lieu de faire droit à cette demande et de l'autoriser à déduire
des dommages-intérêts dont elle est débitrice envers les demandeurs le
quart des indemnités allouées à dame U. pour son préjudice personnel,
y compris le tort moral. Ces indemnités s'élèvent à 2'671 fr. 55, 4'432
fr. et 6'000 fr. (frais médicaux et incapacité de travail temporaire,
consid. 7 in initio), 11'675 fr. (invalidité permanente, consid. 7c)
et 5'000 fr. (tort moral, consid. 8, soit en tout 29'778 fr. 55, dont
le quart représente 7'444 fr. 60. Cette somme porte intérêt à 5% dès une
date moyenne, fixée au 1er janvier 1972.