Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 II 266



101 II 266

44. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 21 mai 1975 dans la cause
Migros et consorts contre commune de Neuchâtel. Regeste

    Culpa in contrahendo, Verjährung.

    Die auf culpa in contrahendo gestützte Klage verjährt gemäss Art. 60
OR.

Sachverhalt

                       Résumé des faits:

    A.- La commune de Neuchâtel a comblé le lac dans une région située
entre le port de Neuchâtel et La Pierre-à-Mazel. L'aménagement des
nouveaux terrains, propriété de l'Etat de Neuchâtel, a fait l'objet de
nombreuses études. En septembre 1967, la commune a adressé une lettre
circulaire aux commerçants, hôteliers et restaurateurs de Neuchâtel en
leur signalant que ces terrains, à vocation touristique durant quelques
années, seraient mis à leur disposition à des conditions favorables,
mais qu'il ne s'agirait pas d'installations définitives. Une première
assemblée a réuni le 23 novembre 1967 le conseiller communal directeur
des travaux publics et plusieurs commerçants, parmi lesquels figuraient
notamment des représentants sentants des sociétés Migros et COOP.

    Le 8 janvier 1968, le Conseil général a voté trois crédits demandés par
le Conseil communal dans un rapport relatif à l'aménagement des nouvelles
rives. A la suite de ce vote, le conseiller communal directeur des travaux
publics a convoqué les commerçants intéressés à une deuxième réunion qui
a eu lieu le 18 janvier 1968. Les commerçants ont choisi un président
et constitué un comité provisoire. Ils ont ensuite examiné le projet
de bail qui avait été envoyé aux participants avec la convocation. Ils
se sont mis d'accord sur la place qui serait accordée à chacun d'eux
dans le futur centre commercial. Ils ont décidé d'aller de l'avant et
ont chargé le comité provisoire de procéder aux commandes nécessaires,
de signer les requêtes permettant la mise à l'enquête des plans et de
poursuivre la préparation des contrats. Le comité provisoire s'est réuni
par la suite à de nombreuses reprises pour accomplir ses tâches.

    Les plans ayant dû être remaniés à la demande de l'Etat de
Neuchâtel, le Conseil général a adopté par arrêté du 18 avril 1968
"le plan remanié de l'aménagement des rives... ainsi que le plan de
circulation y relatif". Mais le référendum a été demandé, et l'arrêté
rejeté en votation populaire des 22 et 23 juin 1968.

    Le président du comité provisoire des commerçants qui s'étaient
intéressés à l'aménagement des nouvelles rives a communiqué au Conseil
communal de la ville de Neuchâtel, par lettre du 9 janvier 1969, que
les dépenses engagées par le groupement s'élevaient à 170'831 fr. 65 et
les frais de ses membres à 115'714 fr. 55. Il a demandé à la commune
le remboursement de ces sommes. Il a joint à sa lettre une liste
des commerçants et trois tableaux de frais; deux étaient datés du 30
septembre 1968 et le troisième du 19 décembre 1968. La commune a rejeté
ces prétentions.

    B.- Par demande du 29 juin 1973, la Société coopérative Migros, la
Société coopérative de consommation COOP, Jean Armand, Etienne Bidal,
Louis Carrard, André Desaules, Georges Gloor, Marcel Jeanneret, Jutzeler
S.A., Roger Martinet, Nicole Pezzutti, Arthur Rohrer, Roger Ruprecht,
Uli Schmutz, la section neuchâteloise du Touring Club Suisse et Hans
Walder ont ouvert action contre la commune en paiement, avec intérêt,
de 183'760 fr. 05 aux demandeurs, solidairement, et de diverses sommes
à verser à chacun des demandeurs individuellement.

    La défenderesse a conclu au rejet de la demande, en invoquant notamment
la prescription.

    A la requête des parties, une instruction et un jugement séparés sur
le principe de la responsabilité de la défenderesse ont été ordonnés,
comprenant l'examen du moyen tiré de la prescription.

    Le Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté la demande par jugement du
16 décembre 1974. Il considère que la conclusion d'un contrat de bail entre
les parties n'est pas établie et que les prétentions des demandeurs sont
prescrites dans la mesure où elles reposent sur une culpa in contrahendo,
l'action se prescrivant selon l'art. 60 CO.

    C.- Les demandeurs recourent en réforme au Tribunal fédéral en
concluant au renvoi de la cause au Tribunal cantonal neuchâtelois pour
qu'il statue sur le principe de la responsabilité de l'intimée.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours et confirmé le jugement
attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Le Tribunal cantonal constate que "le seul acte interruptif de
prescription établi par le dossier est la demande en justice (art. 135
ch. 2 CO) du 29 juin 1973 et consignée à la poste le même jour", et estime
dès lors avec raison que la prescription est acquise, en tant que l'art.
60 al. 1 CO est applicable, si elle a commencé à courir avant le 29 juin
1972. Or les premiers juges tiennent pour établi que tous les éléments
du dommage invoqués par les demandeurs leur étaient connus avant cette
date, à l'exception d'une note d'honoraires - non produite - relative
à un avis de droit reçu des demandeurs avant le 26 mai 1971 et dont on
peut supposer qu'elle a été reçue et payée avant juin 1972.

    Les recourants ne contestent pas que leurs prétentions sont
prescrites, dans la mesure où elles sont soumises au délai d'une année
fixé par l'art. 60 al. 1 CO. Invoquant notamment l'arrêt RO 90 II 458,
ils soutiennent que la responsabilité dérivant de la culpa in contrahendo
est de nature contractuelle et qu'elle se prescrit par dix ans selon
l'art. 127 CO.

Erwägung 4

    4.- a) La cour cantonale relève justement que la question de la nature
juridique de la responsabilité fondée sur la culpa in contrahendo est
controversée. Parmi les auteurs, elle cite pour la thèse de la nature
contractuelle: VON TUHR/PETER, 3e éd., par. 24 p. 192; BECKER, n. 1 ad
art. 26 CO; ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, p. 504; pour
la thèse de la nature délictuelle: GUHL/MERZ/KUMMER, 6e éd., p. 112;
MERZ, n. 491, 497 ad art. 2 CC, RJB 1968/104, p. 491; PIOTET, Culpa in
contrahendo, p. 24 ss.

    Dans l'arrêt précité RO 90 II 458 et les arrêts qui y sont indiqués RO
77 II 137, 68 II 303, le Tribunal fédéral considère que la responsabilité
dérivant de la culpa in contrahendo est de nature contractuelle. Mais dans
deux arrêts postérieurs publiés au RO 92 II 333 s. consid. 3b et 98 II 28
s., il ne dit rien sur la nature juridique de cette responsabilité. Dans
les arrêts non publiés Vallotton c. Gonin, du 11 juin 1968, consid. 5,
Spaar c. Boden-, Bau- und Finanz A.G., du 5 décembre 1972, consid. 2,
et Scherz c. Zani A.G., du 27 mars 1973, consid. 3, il ne se prononce
pas non plus sur cette question.

    b) JÄGGI (n. 592 ad art. 1er CO) tient la question pour mal posée. Pour
lui, il n'est pas nécessaire de trancher le problème de la nature juridique
de la responsabilité issue de la culpa in contrahendo. En effet, dit-il,
dans les cas où l'obligation de réparer le dommage (ainsi celle qui dérive
de la culpa in contrahendo) naît indépendamment de la volonté de l'obligé,
il n'y a pas lieu de distinguer entre obligations contractuelles et
extra-contractuelles; JÄGGI renvoie à cet égard à son étude "Zum Begriff
der vertraglichen Schadenersatzforderung" (Mélanges en l'honneur de
Wilhelm Schönenberger, 1968, p. 181 ss). La question à résoudre n'est pas
celle de la nature juridique de la responsabilité; il s'agit seulement de
déterminer de quelles modalités, quant à ses conditions et à son contenu,
dépend la créance en dommages-intérêts née d'un rapport de pourparlers. Ce
problème doit être tranché séparément pour chaque modalité, de manière
à ce qu'une solution appropriée au cas particulier soit trouvée.

    c) En l'espèce, la question de la nature juridique de la responsabilité
issue de la culpa in contrahendo peut rester ouverte. Le seul point
litigieux est celui du délai de prescription de l'action des demandeurs
fondée sur la culpa in contrahendo dont répond selon eux la défenderesse.

    Cette action se prescrit selon l'art. 60 CO (JÄGGI, n. 595 ad
art. 1er CO). Lorsqu'une partie à des pourparlers engagés en vue de la
conclusion d'un contrat commet une culpa in contrahendo, il ne serait pas
compatible avec les exigences de la sécurité du droit que la prétention
du lésé en réparation du dommage soit soumise à la prescription décennale
de l'art. 127 CO et que le responsable soit exposé pendant une si longue
période à une action en dommages-intérêts (cf. BECKER, n. 1 ad art. 26
CO; PIOTET, op.cit., p. 63). La situation née de la culpa in contrahendo
doit être réglée dans un délai convenable. L'application de l'art. 60 CO
sauvegarde de façon appropriée les intérêts tant du lésé que de l'auteur
du préjudice. Le premier dispose en effet d'un an dès la connaissance
du dommage et de la personne qui en répond pour actionner celle-ci ou
pour interrompre la prescription d'une autre manière, notamment par des
poursuites; ce délai est suffisant. Quant au responsable, une fois le
préjudice connu du lésé, il n'est pas exposé à être actionné ou poursuivi
durant une période exagérément longue.

    En l'espèce, la prescription est acquise au regard de l'art. 60
CO. C'est dès lors avec raison que les premiers juges ont rejeté la
demande.